I- Inconnue


La salle était vaste, entièrement blanche. Du sol au plafond, en passant par les meubles, tout était blanc. Même son occupante arborait un teint très pâle, presque diaphane. Elle ouvrit les yeux. La forte luminosité de la pièce l'aveugla quelques instants. Elle se cacha les yeux de sa fine main, et après quelques larmes, elle réussit à entrevoir le décor planté autour d'elle. Tout comme n'importe qui entrant dans cette pièce, la dominance du blanc dans la chambre la frappa, et ne la rassura pas sur ce qui allait lui arriver. 

Elle se leva de son lit, blanc comme neige lui aussi, et posa un pied au sol. Il était froid. Lorsqu'elle tenta de se tenir sur ses jambes, elles croulèrent sous le poids de son corps, et elle se retrouva allongée au sol. Elle ne sentait plus ses muscles, ses os, ni presque l'intégralité de son corps. Elle se réinstalla donc sur son lit. Que faire ? Qui appeler ? Elle prit le temps de regarder autour d'elle. Sans se déplacer. Sans pouvoir poser un pied au sol. Elle se trouvait dans une chambre d'hôpital, du moins c'est ce qu'elle imaginait. Un lit, une table, un fauteuil et une sorte d'ordinateur, c'est tout ce qu'elle contenait. Le vide quasi complet et l'atmosphère sans trace de présence humaine animèrent en elle un grand sentiment d'angoisse, surtout quand elle se rendit compte que la pièce ne comportait pas de porte ni de fenêtre. N'ayant fait attention qu'à ce qui l'entourait, elle ne s'était pas préoccupée de ce qu'elle était. Aucun souvenir de vie antérieure ne lui revenait, elle avait presque oublié qui elle était, son nom, son âge, et elle ne savait pas la raison de sa présence en ce lieu. Elle était habillée d'une robe d'hôpital - blanche également-, et ses pieds étaient nus.

A maintes reprises elle tenta de se lever, et ses efforts ne se révélèrent fructueux qu'après une longue heure d'essais. Elle parcourut la pièce, à la recherche d'une porte, d'une ouverture, ou de quoi que ce soit qui pourrait lui servir à sortir de sa prison. En tâtonnant les murs de la pièce, une porte s'ouvrit au contact de ses doigts dans le mur blanc. Elle était si bien dissimulée que seule une personne avertie pouvait la trouver du premier coup. L'inconnue sortit de la pièce d'un pas hasardeux, et avança lentement, accédant au long couloir sur lequel l'issue débouchait. Il était tellement long que son chemin semblait presque infini, et dans sa perspective on ne pouvait apercevoir que le vide, un vide blanc et vitreux, éclairé par des lumières fortes et éblouissantes, comme dans la chambre de la captive. Dans ce si grand couloir, ce long tunnel sans fin, elle se sentait perdue. 

Elle continua son avancée d'un pas lent et hésitant, qui au fil de son trajet s'accélérait de plus en plus. Des courbes, des croisements, des escaliers, dans tout ce dédale de passages elle se sentait perdue, et sa peur augmentait. Où était-elle ? Pourquoi était-elle là ? Pourquoi cette chambre et cette robe d'hôpital ? Une multitude de questions fusaient dans son esprit et à aucune d'entre elles, elle ne trouvait de réponse. Son périple s'arrêta lorsqu'elle atteint une fenêtre, une toute petite ouverture qu'il n'était même pas possible d'ouvrir. La trop forte luminosité du dehors, même comparée à l'intérieur, l'obligea à froncer les yeux pour observer le paysage de l'autre côté de la vitre ; ce qu'elle vit alors l'horrifia, et fit naître en elle une angoisse sans égale.

« Devant cette vision d'horreur, le choc que je ressentis me fit perdre pied. » dit la voix de Jay, retentissant entre les murs du laboratoire, animée par cette dernière, qui parlait à la manière d'un robot, tout en gardant sa manière de parler et sa syntaxe habituelle.

« -Qu'avez-vous vu à ce moment-là ? »

La voix du docteur, froide, lui donnait des instructions, et, bien trop docile, elle répondait machinalement à ses questions sans hésiter. Le poison qui coulait dans ses veines lui faisait débiter le récit des évènements des derniers mois sans qu'elle puisse s'empêcher de parler et de tout raconter jusqu'au moindre détail.

« Autour du bâtiment où je me trouvais et à des kilomètres à la ronde, des champs de ruines s'étendaient, sans que je puisse voir leur fin. Des immeubles, des usines et même des tours aussi hautes que des grattes ciels tombaient en morceaux. Durant un instant, je crus reconnaître la ville de New York, d'après la configuration, les gratte ciels, et devinant presque les contours de Manhattan, mais j'écartais bien vite cette possibilité, refusant de croire en ce scénario apocalyptique. Étais-je seule dans cette ville ? Les autres étaient-ils morts ? Je ne comprenais rien à tout ça, je voulais des explications, je voulais qu'on me dise pourquoi j'étais là, et surtout qui j'étais ! Une main se posa sur mon épaule, et me fit sortir de ma rêverie. Une grande main blanche et poilue, une main d'homme. C'était un médecin. Il m'invita à le suivre, ce que je fis sans poser de questions, sans même penser au danger que pouvait représenter cet inconnu.

Nous nous assîmes dans une salle, semblable à celle que j'avais connue, et - je l'imaginais - à toutes les autres. Il m'expliqua durant une heure la raison de ma présence ici, et l'endroit où je me trouvais. J'avais - d'après lui - été atteinte d'une maladie, qui nécessitait que je vienne dans cet hôpital un peu spécial, construit dans une ville détruite par la guerre pour être soignée et suivre des séances de rééducation. Ma famille était également venue s'installer ici, et je devais d'ici deux heures, pouvoir les revoir. Son discours me sembla bien formalisé, mais je justifiai son ton si officiel par le fait de sa profession, qui devait l'obliger à parler en termes si clairs et dogmatiques. J'étais quelque peu rassurée par ses explications, mais je ne lui avouai pas que je n'avais aucune idée de qui était ma famille, je n'en avais aucun souvenir. Je préférai ne pas m'affoler, et je m'efforçai de me calmer en me disant que tout ça n'était que le fruit de mon traitement, et que bien vite je retrouverais la mémoire.

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