9-La déception n'est que le reflet de nos regrets...

Abygaïl

Comme à l'habitude, je me retrouve assise dans un coin du salon. Autrefois chaleureuse, cette pièce est devenue froide et hostile.

Je réponds encore et toujours aux mêmes questions et reproches répétitifs de ma mère. Abygaïl, la pauvre fille sans amour et sans enfant. Ma mère m'a toujours considéré comme une retardée émotionnelle.

La journée avait plutôt bien débuté pourtant. Cependant, une légère tension s'est installée quand elle m'a demandé la raison de ma présence sur la côte ouest.

J'aurais dû lui faire croire que j'avais gagné un voyage à la radio.

— ...je n'ai pas besoin et encore moins envie que quelqu'un prenne soin de moi maman, je veux vivre ma vie, je veux voyager et découvrir le monde, tu comprends ?
— Mais rien ne t'empêche de voyager, Aby, m'assure-t-elle.
— Ah oui ? Quand je serai retraité, quand les enfants seront à l'école, ou non, encore mieux, pendant les vacances d'été, soupiré-je, je ne veux pas de cette vie, maman.
— Gregory ! Parle à ta fille, fais-lui comprendre le bon sens, cri ma mère.
— Luisa laisse la tranquille, veux-tu, se contente-t-il de répondre.
— Non ! Tu ne comprends pas, notre fille gâche sa vie, elle refuse de ce marié, d'avoir des enfants, Aby, tu as arrêté tes études, tu dois trouver un homme pour prendre soin de toi.
— Non, mais tu t'entends ? Il n'y a pas un homme qui va m'entretenir, t'as bien compris, crié-je.
— Tu trouves que j'ai fait de ma vie un vrai gâchis, c'est ce que tu penses ? me demande-t-elle en pleurnichant.
— Arrête de tous déformer, maman, ta vie te convient à toi et c'est correct, mais pour moi c'est non, je conclus.

Une des raisons pourquoi j'ai quitté la maison, c'est celle-ci, ma mère et ses reproches. Je n'ai pas envie de vivre cette vie, sa vie, celle d'une femme mariée, une mère dévouée qui s'est oubliée aux files des années.

— Papa, j'aimerais que tu me conduises à la gare, demandé-je.
— Pas à cette heure, ma chérie, tu vas rester sagement, ici, et ta mère va cesser immédiatement, n'est-ce pas Luisa ?

Devant les yeux colériques de mon père, ma mère se lève subitement pour s'enfermer à clé dans sa chambre.

— Il ne faut pas lui en vouloir, Abygaïl, ta mère est juste inquiète, elle t'aime, tu sais ?
— Ouais et bien elle a une drôle de manière de le montrer.
— Elle est fatiguée, demain ça ira mieux.
— Non, papa, il n'y a pas de demain...je veux que tu me conduises ce soir à la gare, répliqué-je.
— Tu as vu l'heure Aby, me questionne mon père.
— Je pars papa !

Je revois la même scène qui s'est déroulée, il y a un peu moins de deux ans.

[...]

À cette heure matinale, le Pacifique est d'une tristesse. Il est à peine cinq heures du matin et le ciel est toujours couvert du même gris que l'océan. La seule touche de gaieté, ce sont les vagues qui déferlent sur le sable et qui laissent une traînée blanchâtre ressemblant à de la dentelle.

Ma nuit blanche ne m'a pas porté conseil, au contraire. Malgré, que je sois envahi de remords envers mon père, qui lui aurait tellement voulu que je reste, j'ai énormément de rage contre ma mère. Ma mère que j'aime tellement, mais qui tente de s'accaparer de ma vie, depuis toujours.

Je glisse ma main dans ma poche de veste pour en extirper mon téléphone.

Je n'ai même pas son putain de numéro, rigolé-je, seule avec moi-même.

— Bonjour madame, j'aimerais avoir la chambre de Harry... heu...Harry, eh merde je ne connais même pas son nom de famille.
— J'ai besoin de son nom en entier madame, m'informe la réceptionniste.

Évidemment !

— Je ne sais pas moi...il a loué deux planches et combinaisons hier, vous avez juste à regarder.

La dame pianote sur son clavier et le bruit me donne envie de commettre...

— Styles, je m'en souviens maintenant, dis-je.
— Un instant, je vous transfère, passé une belle journée.

Aucune chance !

Oui ! répond-il avec une voix faible, mais rauque à la fois.
— Harry ! C'est Abygaïl, je...suis désolé de te déranger à cette heure-là.
— Tu ne me déranges pas Aby, t'es où, est-ce que tout va bien ? s'inquiète-t-il.
— Oui, je vais bien, je suis dehors sur la plage, je voulais savoir si tu avais envie de venir voir le lever du soleil avec moi.
— Tes déjà revenu ?
— Je t'expliquerai plus tard, tu viens ?
— Je descends, laisse-moi juste enfiler un truc, répond-il.

Je suis encore un peu chamboulé de ce qui s'est passé avec ma mère, mais l'arrivée d'Harry me débarrasse tranquillement du sentiment de frustration qui bouillonne en moi.

Voyons, que m'arrive-t-il ? Je joue à la victime maintenant. Non, une petite gifle intérieure... et voilà !

— T'as presque manqué le lever du soleil, dis-je lorsqu'il prend place à coté de moi.
— J'ai fait le plus rapide que j'ai pu, dit-il en baillant.
— Le ciel est d'une beauté incroyable le matin, tellement pure.

Harry laisse vagabonder son regard vers l'horizon.

— Tout semble terriblement calme, c'est spectaculaire, venant d'une ville si active, ajoute-t-il.

En effet, il n'y a aucune pollution auditive et visuelle, le calme plat. Je me laisse emporter par le silence agréable et je dépose ma tête sur son bras.

— Ça fait longtemps que je n'ai pas pris le temps d'admirer un lever de soleil, avoue Harry.
— Tu ne prends plus le temps d'apprécier les beaux cadeaux de la vie.
— Grâce à toi, les choses changent, lance-t-il.

Je tourne ma tête d'un intrigué.

— Ah bon ?
— Depuis que je t'ai rencontrée... dit-il en étouffant un rire rempli de nervosité, tu es une femme étonnante et ça me donne envie d'apprécier les coucher de soleil.
— Harry s'est très gentil ce que tu me dis, mais arrête, veux-tu, on dirait que tu vas me demander en mariage, blagué-je.

Harry éclate de rire.

— Je ne crois pas en être arrivé là, rigole-t-il, mais si tu insistes.

Harry se lève subitement pour s'agenouiller devant moi et glisse sa main dans sa poche.

— Arrête ça espèce de grand malade, dis-je en rigolant.

Il fait semblant d'avoir une bague entre son pouce et son index.

— Abygaïl, veux-tu m'épouser ?
— C'est presque aussi beau que dans les films.
— Pas mal quand même, ajoute-t-il en se rassoyant à mes côtés.

Je tourne mon regard humide vers le large pour cacher mes émotions. La petite scène, mignonne et drôle qui vient de se dérouler n'est pas la raison de l'émotion qui m'envahit. C'est seulement le rappel de la scène qui s'est joué chez mes parents un peu plus tôt.

— Que s'est-il passé chez tes parents ?
— Rien, je réponds simplement.
— Tu mens très mal belle Aby.
— Autant que ça ?
— Ouais, conclut Harry.
— Je suis juste très fatigué.
— Tu veux aller dormir un peu ? Nous avons encore quelques heures devant nous avant de prendre l'avion, m'informe-t-il.

J'approuve l'idée et j'attrape la main qu'il me tend.

[...]

Un peu avant 18 heures, nous avons rejoint les portes de l'aéroport. Harry me guide vers les escaliers, me laissant les montres devant lui.

— Pour admirer la vue, me dit-il, en dissimulant un sourire satisfait.

Je m'installe rapidement sur mon siège suivi par Harry.

— T'es contente de ton petit voyage, me demande-t-il.
— Très, contente, m'exclamé-je, ce fut très agréable, merci Harry.

Harry affiche un regard éclatant qui me réchauffe le cœur.

— Je peux savoir maintenant pourquoi t'as parcouru des kilomètres d'autobus en pleine nuit ?
— Je ne suis pas comme elle le voudrait, dis-je simplement, elle est déçue.

Harry ne s'acharne pas à savoir, il se contente de prendre ma main et l'avion décolle, nous éloignant de Los Angeles.

Je regarde par le hublot, la cité des anges disparaît tranquillement, pour ne devenir qu'une immense flaque d'encre. Et puis, plus rien. Les nuages nous ont englouti.

Quelques heures plus tard je me suis réveillé en sursaut. Les inconvénients de l'avion, impossible de savoir combien de temps nous avons dormi.

— Dix minutes avant d'atterrir, me chuchote Harry, les yeux encore fermés.

On y est ! Je retourne à ma vie, celle que j'ai choisie.

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