26-C'est ça la vie : faire de son mieux...
Abygaïl
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— Réveille-toi ! me murmure une voix à l'oreille.
Tandis que la camionnette poursuit sa route en direction du premier endroit où je suis attendu, la fille qui prend place à mes côtés me chuchote un truc encore une fois :
— C'est la première fois que tu viens faire de l'humanitaire?
— Oui, c'est la première fois, répondis-je avec enthousiasme, heureuse d'avoir peut-être rencontré une personne avec qui partager mes moments.
— T'as déjà vu un mort ? s'empresse-t-elle à me demander.
D'abord saisi par la question, mon visage grimace et ensuite je me surprends à y réfléchir. Des cadavres, mis à part à des funérailles, pas dans mes souvenirs. Tu parles d'une drôle de question.
— Vu... qu'est que tu veux dire ? finis-je par demander incertaine de comprendre le sens de sa question, dans un funérarium ou un mort couché par terre sur la route ou... dans un lit d'hôpital.
Je déteste ce genre de question... des questions qui veulent tout dire si l'on regarde le contexte. Elle me fait une mise en garde ou bien quoi.
— Ben ouais, comme ça par terre, pas un papi dans son cercueil, rigole la fille.
Devant son rire « je me fous de ta gueule » je n'ai qu'une envie, lui filer un coup de quelque chose par la tête. Mais question de rester sage, je mordille ma lèvre pour plus de contrôle et je tourne simplement ma tête afin d'observer le paysage.
La vieille camionnette continue sa route qui semble être sans fin. Je n'ai jamais aimé les longs trajets en voiture et même lorsque c'est moi qui conduis. Quand j'ai obtenu le permis, je vivais encore en Californie et la première fois que j'ai pris la route, seule, au beau milieu du trafic, je me suis dit qu'il fallait être fou pour apprécier cela. J'ai déjà lu quelque part que la majorité des gens de la côte ouest américaine passait carrément la moitié de leur vie derrière le volant. Il y a de quoi devenu dingue. Il suffit juste d'observer l'homme derrière le volant, le front plissé et sa mine déconfite en dit long. Il doit sûrement être assis depuis des heures à conduire, privé de sommeil et gavé d'amphétamines.
— six.
Je tourne ma tête en direction de l'étrange fille que j'ai presque réussi à oublier.
— Quoi ?
— J'ai vu six cadavres.
Mais où veut-elle en venir avec ses confidences morbides. Elle veut quoi la médaille de la fille qui a vu le plus de morts.
— Il était tout mort, les cinq enfants et la nounou.
— Et t'as vue les corps ?
— Évidemment, ils étaient au sol et d'autres sur le canapé quand nous sommes arrivés à l'orphelinat. Ils ont été empoissonnés par des Rebels.
Bizarrement une excitation mêlée de peur remue mon cœur. L'idée de partager mon temps à un peuple avec autant de besoins me fait sentir drôlement bien.
C'est le bruit d'une branche d'arbre qui a semblé écorcher le pare-brise qui me sort de mes songes. Nous avons peut-être frappé quelqu'un pensé-je. Non, bien sûr que non, le chauffeur se serait arrêté. Et sur ce, j'ai le souvenir d'un accident de la route qui le vient en tête. Bien sûr que j'ai déjà vu un mort.
— J'ai déjà vu un accident de la route une fois, il y a eu quatre victimes.
— Tu les as vues ? me demande-t-elle.
— J'ai vu l'accident se produire sous mes yeux, lui expliqué-je.
— Et les morts tu les as vus ?
— Non, je n'ai pas eu à arrêté, il y avait déjà beaucoup de monde, mais j'ai entendu aux infos plus tard qu'ils étaient tous décédés. Et peu importe que je les aie vues ou pas.
— Mais...
— Il n'y a pas de mais, la coupé-je, tes questions sur les morts me mettent vraiment mal à l'aise et j'apprécierais que tu me laisses tranquille.
La jeune femme se tortille un peu sur son siège pour ensuite me tourner le dos, mais avant elle y ajoute :
— Souviens-toi qu'il n'y a pas que la mort qui s'imprègne ici, dit-elle en glissant un doigt le long de ma tempe.
[...]
C'est en début d'après-midi que la camionnette s'arrête enfin. Je commençais presque à désespérer de voir un jour la fin du trajet. Quand enfin, je peux sortir de ce véhicule, je sens mon corps ankyloser se décrisper d'un coup.
Au loin, trois jeunes filles vêtues de vêtements traditionnels, sont assises sur un grand perron fait de ciment effrité. Elles discutent et rigolent entre elles. Animé par la jeunesse et l'insouciance, elles rêvent probablement du jour où la vie leur sourira.
Mon regard abandonne les adolescentes pour s'arrêter sur l'environnement qui m'entoure. D'un côté des champs ou rien ne poussent ; soit à cause de la sécheresse ou bien encore par la saison des pluies, de l'autre côté, des habitations de fortunes, composées principalement de vieilles planches de bois et des morceaux de tissu. Des cordes sont raboutées un peu partout et des dizaines de morceaux de linge troué y sont accrochées. Les femmes font de la lessive ou encore elles lavent de la vaisselle dans des bacs d'eau clairement souillé.
Un petit garçon attire mon attention, il me salue, il est complètement nu et s'amuse à lancer de l'eau un peu partout. Et c'est à cet instant que je suis littéralement tombé sous le charme de ces gens... des gens si simples mais ô combien extraordinaires. De quelle façon on attribue la chance. Pourquoi eux et pourquoi pas moi. La vie est si injuste.
Une dame âgée d'environ un cinquantaine d'années s'approche de notre groupe, le sourire aux lèvres, elle se présente comme étant la responsable et s'empresse de nous assigner à diverses tâches .
Mon séjour ici sera d'une durée de trente jours et sera divisé comme suit : une semaine réservée pour les déplacements, une autre se déroulera dans un centre qui a pour but de recevoir des enfants issus de familles très défavorisées qui n'ont pas les moyens ou la possibilité de fournir l'éducation à leurs enfants. Les deux suivants consistent à donner de l'aide dans un hôpital éloigné de tout.
C'est donc en cette journée affreusement chaude, que j'ai débuté mon expérience. L'expérience d'une vie.
[...]
La semaine s'est relativement bien déroulée, les enfants sont adorables, bien que la communication verbale reste le principal problème, nous réussirons quand même à nous comprendre. Tout se passe sous forme de jeu ou presque et le défi est de réussir à planifier des activités capables de plaire à différents groupes d'âge, puisque les enfants sont regroupés en fonction de leur niveau acquis et non par âge. Certain ont cinq ans et d'autres dix, ils sont pour la plupart analphabètes, puisqu'ils ont passé une bonne partie de leur vie à subvenir aux besoins de la famille plutôt que de fréquenter un milieu scolaire et ceux qui savent lire ne comprennent pas du tout le sens de ce qu'ils lisent.
Bien souvent ces établissements manquent de ressources et le personnel est surchargé de travail et on peine à apporter toute l'attention, dont ces enfants ont besoin. Notre rôle est donc de soutenir le personnel dans ses tâches du quotidien. Il est très important d'accorder du temps à chaque enfant pour répondre à leurs besoins affectifs et les aider dans leurs développements sociaux et ainsi leur donner la confiance nécessaire à la réussite.
Ces enfants ont soif d'apprendre, il suffit d'organiser des activités pour stimuler leur intelligence et capturer leurs intérêts. Avec l'aide d'une autre bénévole américaine, nous avons mis en place de multiples projets et ce fut un réel succès.
Les enfants sont tous très heureux de nous voir débarquer chaque matin. Ils vont beaucoup me manquer, malgré les petits problèmes de discipline, ils sont extrêmement attachants.
J'ai eu un pincement au cœur quand est venu le temps de faire mes adieux à ma famille d'accueil. Le couple qui m'a accueilli ont trois enfants, trois garçons infatigables, mais tellement charmants.
Après cette enrichissante semaine, nous nous sommes déplacés un peu plus au nord pour rejoindre un petit village, où l'on retrouve un petit hôpital de fortune. Hôpital est un bien grand mot.
À mon arrivée, j'ai d'abord fait la visite de l'endroit où je serais hébergé, cette fois-ci ce n'est pas dans une famille, mais plutôt dans un campement adjacent à la clinique. Un peu moins chaleureux, mais la présence des autres bénévoles réchauffe un peu mon cœur qui est en proie à une solitude extrême lorsque vient le temps de rentrer au bercail le soir.
Ensuite, sans perdre de temps, je me suis dirigé dans une portion de l'hôpital où il accueil des enfants et adultes handicapés ou aux besoins spéciaux. Immédiatement, j'ai compris que les bénévoles sont désespérément en demande et que notre présence est grandement appréciée. Ici, les bénéficiaires ont besoin de soins au quotidien et d'une assistance médicale en continue. Malheureusement, le personnel médical déjà débordé n'arrive pas à fournir le service.
Les consultations sont nombreuses à mon avis, mais Judith, une infirmière, m'a expliqué que nous sommes dans une période plutôt tranquille ici en raison de la saison des pluie qui empêche les gens de se rendre à nous.
Par moments, je m'arrête et observe ce qui m'entoure. La vue ressemble presque à un camp militaire installé après une invasion de zombie dans un film de Stephen King. Si tout le monde semble trouver ça normal moi, je suis sans mots. Que Dieu leur vienne en aide. Mais en fait où est-il celui-là... Ne voit-il pas ce qui se passe. Et c'est là que je me remémore ce que la fille étrange m'a demandé dans la camionnette il y a une semaine... non je n'ai pas vu de cadavre encore, mais je crois que ce que je vois est tout aussi pesant et dramatique. De la souffrance humaine à l'état pur, sans moyen de soulagement ou presque. Quand la seule manière d'être apaisé reste la mort...
La seule chose que les médecins peuvent faire est de prescrire systématiquement des antibiotiques pour n'importe quelle pathologie sans être certains de leurs nécessités. Mais le jour où ils développeront une résistance et qu'il n'y aura plus aucune solution pour les soigner, la mort sera le remède.
J'ai ensuite été assignée à la maternité. Un peu moins horrible, mais tout de même...
Les femmes parcourent parfois des kilomètres à pied en pleine contraction pour rejoindre le service et souvent elle arrive trop tard. Le sang dégouline d'entre leurs jambes et le nouveau-né enroulé dans un morceau de tissu souillé repose dans les bras de la mère toujours accroché au cordon ombilical. La route était trop longue.
Pour celle qui ont la chance d'arriver à temps, elles sont placés sur des lits que je qualifierais de table d'examen et ce jusqu'au moment de donner naissance. Elles sont ensuite déplacées dans une autre salle pour mettre au monde le bébé avec le nécessaire pour les suites de couches. Il ne reste plus qu'à espérer que tout se déroule bien puisque le matériel de soin est plus que limité.
Les mamans sont ensuite placées dans des dortoirs et elles y restent deux jours. Entre-temps le bébé reçoit des soins de base avant de retourner auprès de sa maman.
Il y a aussi la clinique de vaccination qui est gratuite afin que tous les enfants puissent y bénéficier. Les vendredis y sont entièrement consacrés et il y a beaucoup de monde au rendez-vous. Les bénévoles sont assignés à remplir les carnets de vaccination et à effectuer la peser.
C'est ainsi que ce termine mon périple. Bien que la vie soit extrêmement difficile pour la majorité des gens de ces régions, ils expriment une telle joie de vivre. Ils possèdent peu de choses et trouvent naturel de partager le peu qu'ils ont, je n'ai jamais vu et ne reverrais plus jamais des êtres humains aussi généreux. C'est si beau.
C'est avec un réel rituel de salutations et le cœur gros que j'ai repris le bus pour retourner au Cap. Je suis arrivé ici avec rien et je repars avec l'impression d'avoir offert la lune. Merci les blancs, c'est la dernière chose que j'ai entendue en entrant dans l'autobus. Merci les blancs...
🦋
Hey comment allez-vous?
De mon côté Ça va bien. Je suis dans une assez bonne période d'écriture pour cette fiction, je me suis beaucoup avancé pendant le week-end et je pense bien être capable de vous offrir plusieurs chapitres dans les prochaines semaines. J'ai hésité à faire concernant la manière de vous apporter le périple d'Aby en Afrique et j'ai choisi de faire un chapitre qui le résume. Le prochain sera encore une sorte de transition vers comment dire le début d'une nouvelle vie pour elle. Mais avant le bonheur et la conclusion ça prend un petit drame. Hey oui... je vais essayer de vous faire couler quelques larmes 🙈😂
Sur ce, je vous souhaite une excellente semaine.
Bisouxxx
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