22-Les départs ne comptent pas, seuls les retours meritent une larme...
Abygaïl
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Lorsque je me suis réveillée à l'aube, seule sur le sofa, je n'étais recouverte que d'une douce et chaude couverture. Je détecte immédiatement l'odeur du café qui passait de la cuisine au salon. Après un moment de délibération avec moi-même, je réussis à quitter le sofa. L'air est assez frisquet, malheureusement, je suis incapable de retrouver tous les vêtements de la veille. Le sweat de Harry et mes sous-vêtements ne réussiront pas à me garder au chaud, mais c'est déjà mieux que rien.
— Jolie vue matinale, dit-il en souriant lorsque je passe le pas de la porte menant à la cuisine.
— Assez pour mériter un café et un petit déjeuné ?
— Les petits-déjeuners, c'est ma spécialité, dit-il en sortant deux tasses de l'armoire.
Je suis surprise par son attitude, j'aurais pensé qu'un certain malaise aurai pu s'installer entre nous. Cependant, il y a quelque chose de réservé dans son ton de voix. Je suis consciente que sa déclaration faite hier était importante pour lui, voire même difficile. Et je suis doublement touchée lorsqu'une personne que j'aime me fait suffisamment confiance pour s'ouvrir à moi.
Quelqu'un que j'aime.
Je suis frappée de plein fouet par les mots que je viens de laisser rouler dans ma tête. D'une manière ou d'une autre, je suis attachée à cet homme. Un homme bien différent de la personne que je suis, vivant une vie perpendiculaire à la mienne, mais avec qui je connecte totalement.
— Aby ?
— Hum oui !
— Et puis combien ?
— Combien... quoi ?
— De sucre ! Aby, tu te sens bien ? s'inquiète-t-il, avant de me faire face.
Il y a une explication au fait que mon cœur semble plus léger depuis un moment. Il y a aussi une raison pour laquelle je préfère retarder le moment où je dois m'endormir quand je suis à ses côtés. Il brise les promesses que je me suis faites, en comblant le vide à l'intérieur de moi. Ma vie a repris des couleurs depuis qu'il est entré en scène et parfois lorsque je déprime, j'ose à peine imaginer ma vie lorsque nous serons loin l'un de l'autre. En revanche, je dois aller au bout de mes rêves, je refuse de mourir avec des regrets.
— Tu sais... je t'aime beaucoup aussi, dis-je simplement, en observant mon état de choc refléter dans son regard, mais je ne suis pas rendue là dans ma vie. Tu comprends?
Je ne sais pas comment l'expliquer, la seule chose que je sais, c'est que je viens de lâcher l'une des plus grandes révélations de ma vie. Sans que j'aie eu le temps de les rattraper, les mots avaient sorti de ma bouche et ce n'est qu'après que j'ai réalisé l'ampleur qu'ils avaient.
— C'est correct Aby, détend toi, dit-il d'une voix légère, tu es toute crispée, ajoute-t-il en caressant ma joue.
— Je sais que les gens ont des tas d'attentes différentes avec ce sentiment. Certains croient que les femmes l'utilisent pour piéger les hommes dans leur filet et que les hommes l'utilisent pour piéger les femmes dans leur lit et que...
— Sauf que tu dois comprendre une chose, Aby, je n'essaie pas de te piéger, je t'ai déjà eu dans mon lit, rigole-t-il.
— Et moi, je ne veux pas me marier, donc aucune chance que j'essaye de te piéger, blaguai-je à mon tour.
Je veux qu'il comprenne que peu importe où tout ça nous mènera, je l'aime bien. Je ne veux juste pas qu'il se fasse d'idées pour le moment et je n'aime surtout pas l'idée qu'un jour je puisse lui briser le cœur. Après tout, il est où le mal d'aimer sans engagement, sans complication et sans promesse.
Harry entoure mon cou de ses bras, me regarde un bref instant et scelle ses lèvres aux miennes. Un baiser sans doute plus solennel que les précédents, mais tout de même rempli de plaisir et de passion.
— Merci Harry ! Je suis contente que tu sois si compréhensif.
Il me sourit, mais une petite part de moi se demande s'il comprend réellement, qu'il n'y a pas vraiment d'espoir d'un avenir à deux pour le moment.
[...]
Droit comme piquet, les mains enfoncées dans ses poches, Harry me regarde errer dans le mini-ravins menant à une petite rivière. Plus ou moins sûr, il me laisse escalader les roches. Il semble même inquiet.
— Aby, fait attention, me crie-t-il, je n'ai pas envie d'être obligé de venir à ta rescousse.
— Ne t'en fais pas pour moi, dis-je en souriant, je suis faite pour l'aventure.
Il me sourit en retour. Un sourire à couper le souffle. Un peu comme le soleil qui fait son apparition après l'orage.
— Viens me rejoindre !
Harry est beaucoup trop raisonnable pour venir "voltiger" sur un tas de pierres à moins d'y être forcé. Peu importe. Il n'y a aucune règle écrite qui dit, que, deux personnes soient obligées d'être semblable, d'avoir les mêmes passions ou les mêmes goûts. La preuve, mon cœur bat à la chamade depuis la veille.
L'amour.
Des mots prononcés qui m'ont foudroyée comme la foudre. Il m'a donné les mots à mettre sur une émotion qui m'était alors inconnue. Ce serait mentir de dire que je n'y ai jamais pensée, par contre je n'ai pas le souvenir d'y avoir cru. L'amour, elle représente pour chaque personne une chose différente. Pour certain, il s'agit d'une rivière vive et rapide. Étincelante. Qui risque des déborder à tout moment. Pour d'autres, la stabilité. Une maison, des enfants, un joli jardin et de belles fleurs.
L'amour...
Je suis une nomade prédestinée. La vie stable et bien rangée... je pourrais essayer, mais ce serait comme mettre en cage un oiseau sauvage. Mon cœur serait malheureux.
— C'est si beau Harry, certaines pierres datent de plusieurs centaines d'année.
— Tu ne vivras pas aussi longtemps qu'elles si tu trébuches, m'avertit Harry. Sois prudente.
— Je vais être prudente, je veux juste respirer le grand air de la liberté un instant, lui ai-je souris, malgré sa remarque qui ressemble à celle d'un vieux grincheux.
En essayant de remonter la petite pente, je perds subitement pied, rien d'énorme, mais suffisamment pour faire flipper monsieur stressé. Il attrape ma main sans perdre une seule seconde et me tire contre lui.
— Tu vas bien ? me demande-t-il.
— Oui, pas une seule égratignure, rigolai-je.
Il pousse un rire avant d'ajouter :
— Les filles un peu trop, hum comment dire sans te vexer, inconsciente, mérite une bonne leçon, me gronde-t-il.
Quand mon corps heurte finalement le sol, toute en douceur, Harry glisse ses yeux dans les miens. Un regard aussi profond et sombre qu'une tache d'encre.
— Une leçon ? demandai-je.
Il sourit et se couche par-dessus moi. Nos corps se mêlent à l'herbe jauni par l'arrivée de l'automne, les feuille sèches craquent sous notre poids et l'air frais nous pince la peau.
— Toute qu'une leçon, marmonne-t-il contre mes lèvres.
[...]
— ... et tu pars... comme ça... avec comme seul filet de protection un billet de retour. C'est insensé Abygaïl.
— Je n'ai pas besoin de plus Harry.
— C'est quoi ton plan ? Survivre le plus longtemps possible avec rien et juste revenir avant d'atteindre le bas-fond... ridicule.
Mes yeux clignent à plusieurs reprises, saisis par le ton qu'il a utilisé pour me parler.
— Je me demande bien de quel droit tu me parle de cette façon. Pour qui te prend tu ?
— Je suis cent fois plus en mesure, que n'importe qui d'autre de ton entourage pour te donner des conseils. Et mon conseil, c'est que tu devrais t'organiser un beau voyage de deux semaines, une réservation dans un hôtel avec minimum trois étoiles, une date de départ et surtout de retour. Et seigneur, pas dans un village perdu en Afrique. Il y a des super Club Med au Mexique.
Je croyais qu'il était un peu plus ouvert d'esprit, mais c'est dernier propos me font penser le contraire.
— Tu penses vraiment tout ce que tu viens de dire, aller, dis-moi que c'était une blague.
— Je le pense ! dit-il d'une voix grave.
— Je vais me débrouiller sans problème, j'ai quand même quitté la Californie...
— Je sais ce que tu t'apprêtes à me raconter, me coupe-t-il, mais sache que ce n'est pas parce que le vent a tourné en ta faveur cette fois, qu'il tiendra pour toujours. Tu risques de te retrouver dans une situation périlleuse et personne pour te sortir d'affaire.
— Alors, je me débrouillerai toute seule, dis-je fermement. Ça fait partie de l'aventure après tout.
Ce projet m'appartient. Je ne veux pas l'abandonner parce que les choses risquent d'être moins faciles par moment. Je ne veux pas renoncer parce que j'ai peur.
— C'est complètement fou, gronde-t-il. Et tes parents ils sont d'accord avec ça ?
— Ma mère, peu importe ce que je vais faire elle ne sera jamais contente et mon père... mon père il n'approuve pas, mais il désire que je sois heureuse.
— Désolé, mais je suis comme... perturbé. Tu es si jeune pour aller te perdre au fin fond de la savane, seule. Mes parents s'inquiétaient de me laisser partir au centre commercial, alors t'imagine en Afrique.
Quelque chose dans sa déclaration me fait direct trembler. Il n'a jamais vécu. Depuis qu'il est petit, il a une vie déjà toute tracée et il ne peut déroger.
— Je suis sincèrement désolée que tu n'aies jamais eu la chance de vivre ta propre vie, mais sache que...
— Et je suis désolé de ta manière complètement irresponsable de penser.
— Harry, je sais que t'es fâché, mais je vais revenir et tu sais... on peut s'écrire, peut-être même s'appeler.
— S'appeler ?
Mes épaules se haussent avec une nonchalance que je ne ressens pas vraiment.
— Tu pourrais te faire agresser ou même pire kidnapper. C'est complètement stupide Abygaïl.
— Donc, si je suis ta logique, je ne devrais prendre aucun risque, parce que peut-être que... Finalement, je devrais passer ma vie au travail et à la maison devant la télévision ? Juste au cas où, quelque chose devrait m'arriver. C'est possible de réduire les risques, certes, mais c'est impossible de l'assurer à cent pourcents.
Je commence à sentir que ma patience est à bout. Je ne peux pas me contenter d'une vie routinière quand le monde a tant à offrir. Il y a tant de gens et de choses merveilleuses à découvrir. C'est vrai que c'est un peu "brutal" et que j'ignore ce qui se passera là-bas, mais qui sait ce qui se passera demain dans sa petite vie tranquille. Personne.
— Tu veux voyager... Je t'amène où tu veux Abygaïl, mais ton projet de sauver le monde seule, dans un pays où la guerre civile fait plus de morts en une journée que toute une année entière en Amérique, c'est de la folie.
Je plonge mon regard dans le vert de ses yeux avant de lui tourner le dos.
Putain, je n'ai jamais rien promis.
— Va-t'en Abygaïl. C'est ce que tu veux entendre depuis le début de toute façon.
Le silence est pesant, seule le bruit de sa respiration, forte et rapide est perceptible.
J'avance d'un pas lourd jusqu'à la porte et pendant un instant, j'ai cru qu'il me retiendrait. Non. Il reste figé sur place.
— Je t'appelle à mon retour.
— Au revoir Abygaïl.
Sans me retourner, je franchis le seuil de la porte, en retenant ma respiration et ma peine, jusqu'à ce que j'entendre la porte se refermer derrière moi. Et enfin j'ai pu laisser tomber la barrière qui retenait mes larmes.
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