32. Tout va bien
— Et voilà, bon appétit.
Lay déposa un bol fumant de lentilles devant Colombe. L'odeur réconfortante du bouillon dans lequel elles trempaient ne tarda pas à atteindre ses narines et faire crier son ventre.
— Merci, Lay, pour le repas.
— Avec plaisir.
Aelia, quant à elle, n'avait pas l'air d'être ravie par la mixture brune dans son assiette. Comparée aux festins que préparait madame Ulzo, la soupe ne donnait pas envie.
— Mange, Aelia, ça va être froid.
La petite ronchonna, avant de voir Colombe se jeter sur son plat et décida de faire de même.
— Vous avez fait quoi, demanda Aelia la bouche pleine.
— Aelia, c'est comme ça que tu manges chez madame Ulzo ?
— Oui, dit-elle après avoir avalé.
— Ses méthodes ont bien changé, soupira le sorcier.
— Vous avez retrouvé Zéas alors ? demanda la petite blonde.
Le sorcier lâcha sa cuillère qui retomba en un tintement dans son assiette et son reste de bouillon s'écrasa sur sa chemise blanche. Il râla, puis se releva et Colombe détourna le regard tandis qu'il retirait son haut, découvrant son dos musclé.
— Où as-tu entendu le nom de Zéas ? demanda Lay en disparaissant de la cuisine.
— Madame Ulzo m'a expliqué.
Un grognement retentit dans le couloir et le sorcier réapparut, vêtu d'une nouvelle chemise, identique à la précédente. Colombe se demanda un instant s'il avait changé de chemise ou si, comme Zade le jour de son arrivée, il avait la capacité de magiquement nettoyer ses vêtements. Mais elle avait une question plus importante qui lui tournait dans la tête.
— Mais, elle ne connaissait pas Zéas ? Je croyais que vous vous connaissiez bien avant, vous et lui.
Lay s'assit à sa place, les lèvres pincées.
— Non, je l'ai jamais vu ! répondit l'enfant à sa place. Je connaissais personne avant.
Son père fixait le sol, les yeux tristes, avant de se reprendre à l'intention de sa fille :
— Et qu'est-ce qu'elle t'a dit, madame Ulzo ?
Aelia prit son bol et le porta à ses lèvres, puis but son contenu d'un trait avant de répondre :
— Tout !
— Tout ? répéta le sorcier en serrant les dents.
— Mh mh. Toute l'histoire.
Colombe regardait la scène, gênée, elle avait l'impression d'être de trop, de déranger. Ne sachant pas quoi faire, elle se leva pour débarrasser son assiette, vide depuis quelque temps.
— Laisse, Colombe, je vais faire.
Lay se leva à son tour et prit les assiettes pour les laver manuellement dans l'évier.
— Allez vous coucher, les filles, c'était une longue journée, dit-il sans se retourner.
Aelia haussa les épaules et se leva de sa chaise, elle n'avait pas fait grand-chose chez la vieille sorcière, elle serait bien restée debout encore un peu, mais elle ne voulait pas contrarier son père.
Les deux amies montèrent et Aelia montra à Colombe la chambre d'amis. Elles se dirent bonne nuit et disparurent dans leurs chambres.
La chambre d'invité était très sobre, comme le reste de la maison. Un grand lit aux draps sans un pli, un papier peint bleu ciel et une table de chevet surmontée d'une lampe, tout était fait dans la simplicité. Colombe remarqua sur le lit un t-shirt et un short en tissu. Lay avait dû les mettre ici pour elle. Elle enfila le pyjama, qui lui allait un peu grand, mais qui avait l'avantage d'être confortable. Elle prit une grande inspiration, les narines rafraichies par la douce odeur des draps propres, alla éteindre la lumière et retourna s'allonger sous sa couverture.
Bien au chaud, elle prenait de grandes inspirations, les mains tremblantes. Tout va bien, essayait-elle de se convaincre. Après-demain, je serai chez moi, avec mes parents, mon frère, ma sœur. Dans la noirceur sous ses paupières, elle avait l'impression d'apercevoir au loin le fugilin la tenir prisonnière. La grosse tache d'encre s'élargissait, prit toute la place dans ses pensées, elle la sentait même sur son bras, remonter jusqu'à sa gorge pour l'étouffer. Le liquide visqueux noir l'empêchait de respirer, elle était inconsciente, mais elle sentait tout. Une froideur amère remontait dans ses narines, remplissait sa bouche pour l'étrangler plus fort que ne le faisait la peur. Elle aurait crié, mais le souffle lui manquait, l'air ne passait plus à travers l'immense barrière noire qui l'entourait. Soudain, des doigts transpercèrent ses liens magiques et la chaleur d'une paume se répandit sur son bras. Quelqu'un la secouait.
— Colie...
Colombe sortit de son cauchemar et s'empressa d'inspirer une grande bouffée d'air le temps de reprendre ses esprits.
— Aelia ? demanda-t-elle après quelques instants. Tu dors pas ?
Elle alluma la lampe de chevet et la lumière tamisée révéla le visage coupable de la fillette.
— Je suis pas fatiguée.
L'humaine se décala pour faire une place à l'enfant, qui l'accepta avec plaisir et vint se blottir à ses côtés.
— Faut pas faire trop de bruit, papa est en bas, dit-elle en chuchotant, un doigt sur les lèvres.
Colombe acquiesça, elle reprenait son souffle. Ce n'était qu'un cauchemar. Elle était hors de danger.
— Alors, vous l'avez trouvé ?
La respiration de Colombe se coupa.
— Qui ?
— Le chat.
— Oh, Zéas...
Pendant un instant, elle avait cru qu'elle parlait d'Awan, et la vision du garçon lui glaça le dos.
— Au fait, qu'est-ce qu'elle t'a dit madame Ulzo ?
— Ben, je lui ai demandé où vous étiez et elle m'a dit que vous cherchiez un drôle de chat. C'est le frère de la fille morte que j'ai vu hier.
— Oui, c'est à peu près ça, dit Colombe en souriant. On l'a trouvé, il est rentré chez lui maintenant.
— Et Zade, elle va bien ? demanda Aelia en bâillant.
— Oui.
Aelia fermait peu à peu les yeux et s'affaissait dans les bras de Colombe.
— Alors tout va bien ?
— Tout va bien, répéta Colombe.
La petite s'était endormie et les membres de Colombe commençaient à s'enfoncer dans le matelas moelleux. Aelia lui avait ouvert les yeux. Elle avait raison, désormais, tout allait bien.
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