29. Une nuit étoilée
Le chemin jusqu'à la maisonnette de madame Ulzo s'était fait en silence. Lay ouvrait la marche, une main sur la bandoulière de son sac, l'autre dans sa poche. Il ne se retournait pas, se contentait d'avancer. Colombe le suivait machinalement, le regard fixé sur les chaussures vernies du sorcier. Les bras croisés, elle essayait de ne plus penser à Awan, ni à la peur qui ne la lâchait pas depuis. Elle tentait de voir le positif, même si des idées noires ne cessaient de reprendre le dessus. Ils étaient sortis. Tout le monde était sain et sauf. Ils avaient retrouvé Zéas. Mais elle avait mis ses amis en danger. Par sa faute, ceux qui s'étaient dévoués pour l'aider auraient pu y rester.
— Colombe ? Tu veux entrer ? Si tu veux, tu peux nous attendre dehors, on n'en aura pas pour longtemps.
Colombe releva la tête, ils étaient déjà sur le petit chemin de terre qui menait à la cabane de la vieille sorcière.
— Je vais attendre ici, répondit-elle d'une petite voix.
— Je reviens tout de suite.
Lay s'élança sur le chemin et atteignit la maisonnette à grands pas. Madame Ulzo ouvrit, les deux sorciers discutèrent, leurs voix tues par la distance. Lay lança un bref regard à Colombe et la porte se referma sur eux.
L'humaine s'assit sur un rocher qui bordait le chemin et plongea la tête dans ses mains. Elle massa ses tempes, comme si elle pouvait laver de sa mémoire les dernières heures qu'elle avait vécues. Elle appuyait si fort qu'elle en entendit un son cristallin, comme un scintillement.
— Colombe chérie, je suis désolée que ton séjour ici ne se passe pas comme prévu.
Colombe sursauta et regarda par-dessus son épaule, sur laquelle une vieille main s'était posée.
— Ce n'est pas votre faute, soupira-t-elle à madame Ulzo.
— Ce n'est la faute de personne... La date de ton départ approche, tu seras très bientôt chez toi. Ce sera bientôt fini. Tente de te détendre et de profiter. Promets-moi de ne pas trop te faire de soucis, hein ?
Au bout du chemin, la porte de la maisonnette s'ouvrit en un grincement et Lay sortit, sa fille à la main. Ils s'approchèrent en silence et Colombe se leva.
— C'est promis, lui répondit-elle.
— Et voilà, dit Lay qui était arrivé à leur hauteur. Merci beaucoup d'avoir gardé la petite et d'avoir fait quelque chose pour ses... crises. Dis au revoir, Aelia.
— Au revoir ! s'exclama-t-elle en balançant sa petite main de gauche à droite. Et merci !
La vieille femme attira Colombe vers elle pour la serrer dans ses bras.
— On ne se reverra sûrement pas, Colombe. Mais je te souhaite tout de bon et surtout, n'oublie pas le petit sort que je t'ai appris.
Tout en chuchotant ces paroles, elle glissa une petite plume blanche dans sa poche, puis elles se séparèrent.
Le petit groupe s'éloigna de la maisonnette, observé par sa vieille habitante. Une petite main s'agrippa à celle de Colombe et une joue se colla sur son bras.
— Tu m'as manqué Colie !
Lay tira légèrement sur la main de sa fille pour lui intimer de laisser l'humaine tranquille, mais Colombe lui fit comprendre d'un signe de la tête que ça ne la dérangeait pas. Le grand sourire de l'enfant et sa tendresse avaient réussi à alléger un peu son cœur.
— Tu sais papa, madame Ulzo m'a appris un sort, à Colombe aussi d'ailleurs.
— Ah oui ?
— Oui et même qu'elle m'a fait des super repas !
Le sorcier haussa les sourcils, tout en continuant de regarder droit devant lui.
— Ce sera soupe de lentilles ce soir.
La petite eut une moue de dégout à peine caché et secoua la tête, ce qui fit rire Colombe.
Ils arrivèrent bientôt devant les grandes portes dorées et Lay sortit de sa sacoche l'autorisation qu'il avait obtenue la veille. Un garde à l'entrée l'observa puis plissa les yeux pour toiser les trois voyageurs.
— Ma... femme devait venir, expliqua Lay. Mais finalement, elle a décidé de rester chez... une amie.
Aelia, qui n'avait pas été mise au courant de cette autorisation, tourna la tête vers son père en fronçant les sourcils, un air d'incompréhension sur le visage. Elle allait poser une question, mais Colombe appliqua une pression sur sa main pour attirer son attention et appliqua un doigt sur ses lèvres pour lui faire signe de se taire pendant que le garde observait toujours l'autorisation.
— Puisqu'il y a le tampon officiel de la garde de Nebuli...
Le garde rendit l'autorisation au sorcier et poussa le grand battant doré pour faire passer le petit groupe.
Quelques mètres plus loin, la petite chuchota, indignée :
— Papa ? Tu es marié ?!
Le sorcier écarquilla les yeux, il venait de se rendre compte qu'il n'avait pas parlé de leur plan à sa fille.
— Hum... Non, non, bien sûr. C'était juste un stratagème pour pouvoir passer les portes.
— Un mensonge ?
Le sorcier marqua une pause.
— Une petite histoire, finit-il par répondre.
Colombe sourit. Elle trouvait la relation du père et de la fille touchante à sa façon et en oubliait presque l'aventure éprouvante qu'elle venait de vivre. Dans les rues de Nouve, la nuit tombait, imprégnait la cité d'une ambiance sombre et douce qui accentua le sentiment de sérénité de la jeune femme. Le chemin se poursuivit en silence et elle observa les architectures complexes des bâtiments, plus élaborés que ceux de Klervis. Ornés de colonnes, de moulures et grimpant sur plusieurs étages, ils donnaient à la nation un certain charme et Colombe ne détachait plus les yeux de ces structures aux couleurs sobres.
— Regarde, Colie, on est arrivés !
Cette dernière leva les yeux vers un grand immeuble gris aux fenêtres en formes de losanges. Lay déverrouilla la porte d'entrée bordeaux et Colombe put lire à sa gauche : Lay Erne, médecin, 1er étage, sur une plaque dorée. Elle s'engouffra dans l'immeuble à la suite du père et de la fille et leur emboita le pas dans les escaliers de marbre. L'appartement de Lay et Aelia se trouvait en face des escaliers et Colombe voyait déjà scintiller sur la porte le même écriteau luisant que sur la devanture de l'immeuble. Le trousseau dans les mains du sorcier tinta à nouveau et en un tour de main, la porte en ébène laissa place à un petit hall accueillant.
— Bienvenu chez nous, Colombe, j'espère que tu t'y plairas pendant ton court séjour.
Colombe entra puis déposa ses bottes à l'entrée comme ses hôtes.
— Aelia, fait une petite visite à Colombe pendant que je prépare à manger, elle peut s'installer dans la chambre d'amis.
La petite hocha la tête, ravie de sa mission, et attrapa l'invitée par la main.
— N'entrez pas dans ma chambre, lança Lay depuis la cuisine. Ni dans mon cabinet et encore moins dans la salle d'entraînement !
— Oui, oui ! répondit Aelia en entraînant son amie dans les escaliers.
Elles montèrent les marches noires et dans le long couloir, Aelia tourna à gauche et ouvrit une porte.
— Ça, c'est ma chambre !
Colombe observa la pièce aux décors simples entourés de murs clairs. Tout y était organisé à la perfection, avec très peu de jeux pour une chambre d'enfant, pensa Colombe. Un petit lit rose pâle, une maison de poupée en bois, une lampe au plafond en forme de nuage, le minimalisme de la pièce étonna l'humaine. En tournant la tête, elle aperçut sur une armoire un miroir ovale, avec une grande aile blanche peinte à sa droite. Le cœur de l'humaine se pinça dans sa poitrine, et une main tira le bas de son pull.
— Regarde ce que papa m'a fait !
Un cliquetis retentit derrière l'humaine et la chambre fut plongée dans le noir complet. Après quelques secondes, des petites étoiles au-dessus de leurs têtes s'illuminèrent, tâchant le plafond de points colorés. En regardant plus attentivement, Colombe remarqua cachés entre les étoiles deux lunes ainsi que quelques planètes.
— J'adore le ciel, soupira Aelia en allumant la lumière. Mais je peux pas y aller.
Colombe ne put s'empêcher de jeter un œil sur le miroir ailé. Elle l'avait vue voleter la veille, chez madame Ulzo. Mais avec une aile en moins, il paraissait difficile qu'elle puisse dépasser quelques centimètres au-dessus du sol.
— À table ! lança la voix de Lay depuis la cuisine.
— On arrive ! répondit sa fille en éteignant la lumière à nouveau.
Elle quitta la chambre et dévala les escaliers pour se rendre à la salle à manger.
— Tu viens, Colie ? demanda-t-elle en bas des marches.
— Oui, je suis là dans une minute.
Colombe observa quelques secondes les étoiles phosphorescentes s'allumer. Elle regarda dans le couloir et écouta le père et la fille discuter en servant les assiettes. Elle pensa à Zade, Kaly et Zéas qui se retrouvaient enfin, à madame Ulzo dans sa maison. Même si la nuit semblait être tombée autour de Colombe, des étoiles l'avaient trouvée et n'avaient pas arrêté de briller pour elle.
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