1. Une Colombe dans le ciel
Un homme quitta la grande rue pavée déserte pour franchir le pas d'une boutique à la lumière tamisée, contrastant nettement avec l'ambiance sombre de l'aube qui régnait dehors. Un chat noir qui somnolait plus tôt sur une commode s'enfuit en un miaulement rogue et fila au fond du magasin, disparaissant dans l'ombre au-delà des deux rideaux pourpres qui encadraient l'entrée de l'arrière-boutique. Sans s'attarder sur les innombrables objets hétéroclites qui jonchaient tables et étagères dans un désordre abondant, le client se dirigea directement vers le comptoir, en enlevant le capuchon qui couvrait son visage, où une femme rousse clamait :
— Jeux anciens, souvenirs Spreziens, livres de cuisine et de sorts, amulettes en tous genres, trouvez dans le bazar de Klervis votre bonheur ul-...
— Je veux un carnet.
— Ouh, un monsieur pressé que voici, n'oubliez pas d'être poli, répondit la vendeuse, brusquée. Carnet de voyage ou peut-être de mage...
— Non, je veux un carnet vierge. Un carnet pour écrire dedans.
Devant le ton sec de son interlocuteur, la rousse haussa les sourcils avant de se rendre dans la remise d'un pas las en faisant onduler sa fine robe rouge, avant de revenir avec un livre vierge à la reliure de cuir qu'elle ouvrit afin de faire défiler ses pages jaunies devant le potentiel acheteur.
— Pour que ce carnet t'appartienne, il faudra...
— Si tu fais encore une rime je te tranche la gorge, la menaça l'homme en mettant sa main à la ceinture, empoignant une petite dague.
— Pas drôle le touriste... Ça sera cent Klerr, mon chou, pour le carnet.
— Mais c'est du vol ! Tout ça pour du vieux papier et une reliure à moitié déchirée ? s'exclama-t-il en pointant le dos du livre du doigt.
— À Klervis le papier se fait rare. Cent Klerr ou tu te barres.
À bout de nerfs, l'homme sortit sa dague pour la pointer sur la gorge de la vendeuse, qui ne cilla pas.
— Je te l'achète pour quarante, pas plus.
D'un geste désintéressé, la rousse reprit le carnet et fit demi-tour pour le remettre dans l'arrière-boutique. L'homme l'empoigna alors par les cheveux, avant de retirer sa main avec un gémissement de douleur. Lorsqu'il la mit à la hauteur de ses yeux, il y remarqua une pince à cheveux rouillée en formes d'ailes enfoncée dans sa paume. Il l'arracha en un grognement et la jeta à terre, avant de s'exclamer :
— Sale inconsciente, tu vas me le payer ! Tu sais pas qui je suis !
Sa lame fonça contre la vendeuse, avant de s'arrêter brusquement, retenue par un épais bâton apparu dans les mains de son adversaire.
— Qui tu es ? Dague rouillée, vêtements de voyage, un nez plat, tu viens sûrement de Verkaj, et tu n'y es sûrement pas haut placé.
L'homme s'irrita davantage et brandit à nouveau sa dague, tentant des attaques toutes retenues par la propriétaire du magasin. Agacé par les réflexes de la vendeuse, et aussi effrayé par l'éventualité qu'elle se batte aussi bien qu'elle se défendait, il bloqua son arme contre celle de la rousse et poussa de toutes ses forces. Il observa les bras fins de cette dernière trembler et s'exclama avec satisfaction :
— Bientôt ton sang viendra souiller la dague du grand Plenic-...
D'un geste inattendu, la vendeuse retira son bâton de la dague et esquiva de justesse l'arme qui fonçait sur elle. Elle se retourna vivement et attrapa une épée dissimulée contre un mur de la boutique. Elle fit siffler la lame dans les airs, qui s'enflamma, laissant un filet verdoyant sur son passage.
Un silence suivit l'attaque et la tête de l'homme roula sur le sol, tachant le tapis beige, suivie du corps qui y tomba lourdement. La jeune femme rangea l'épée contre le mur à sa place originelle, où elle se débarrassa elle-même du sang qui la souillait, puis s'approcha du cadavre pour y récupérer de potentiels articles qu'elle pourrait vendre dans son magasin. Elle y collecta également quelques cheveux, du sang, quelques dents et autres ingrédients pour ses potions.
— Tu as tué un homme ? Encore !
Une exclamation scandalisée était parvenue de l'arrière-boutique, mais la jeune femme n'y prêta pas grande attention.
— Il m'a sauté dessus, je me suis simplement défendue.
Elle récupéra sa pince au sol, qu'elle remit dans ses cheveux sans en essuyer le sang, puis retourna au comptoir, où elle caressa négligemment le chat qui regardait le corps au sol.
— Non mais sérieux, Zade. Il faudrait vraiment que tu arrêtes de tuer tes clients, c'est pour ça que la boutique ne décolle pas. Retire ce corps du tapis, il était déjà assez sale comme ça.
Ce conseil donné, le chat sauta de la table et se faufila jusque dans la réserve où il disparut parmi les marchandises.
À la demande de son colocataire, la jeune femme entreprit de rassembler le corps dans un sac, puis le traîna dans une trappe dissimulée dans le parquet de l'arrière-magasin, aidée d'un peu de sa magie pour soulever le gaillard. En descendant les escaliers, elle rumina sa décision, avant de conclure que dans ce cas-ci, l'issue du combat n'aurait pu être différente. Une fois en bas des marches, elle lança nonchalamment le corps sur la dizaine de sacs amassés dans un coin, accompagné d'un sort pour masquer l'odeur des corps en putréfaction.
— Plus que deux...
La rousse se dirigea vers une table où se trouvait une plume et un grimoire. Elle prit la plume et cocha une date dans son calendrier après avoir fait un bref calcul, et laissa son regard s'attarder sur la petite photo collée au mur. Elle remonta ensuite à la boutique et observa le tapis souillé pendant quelques secondes, avant d'aller chercher une nouvelle étiquette. Elle jeta l'ancienne nommée "tapis blanc" sur un côté et "tapis beige" de l'autre et écrit sur la nouvelle "tapis à motif". L'air satisfait, elle regarda son travail, un sourire sur les lèvres.
— Tu es irrécupérable, Zade, lança le chat qui faisait sa toilette sur une commode.
La porte s'ouvrit en un fracas et une jeune femme fit son apparition sur le seuil, brisant le calme qui venait à peine de s'installer.
— Vite ! Cachez-moi ! s'écria-t-elle en bloquant la porte avec son corps frêle.
Ses yeux violets jetaient des regards effrayés par la vitrine donnant sur la rue principale, une large allée beige bordée d'habitations, vide en ce début de matinée. D'abord surprise par cette entrée, la vendeuse s'approcha de la jeune femme pour la détailler. Faisant abstraction de son collier doré et de sa chevelure d'un noir profond rassemblée chaotiquement avec un bout de tissu, elle jeta un coup d'œil à sa taille fine et à la courbe de ses hanches. Pas d'armes.
— Qu'est-ce que j'ai en échange ? demanda-t-elle, voyant en cette entrée inattendue une source possible de revenu.
— Tout ce que vous voulez, mais vite ! Aidez-moi je vous en supplie...
Des voix aiguës retentissaient dans la rue et, intriguée par les yeux d'améthyste pleins de larmes de la jeune femme, Zade finit par la traîner dans l'arrière-boutique. Elle la souleva pour la mettre dans un grand coffre puis attrapa son couvercle pour le refermer.
— Je reviendrai te chercher plus tard...
Le coffre se referma, laissant la visiteuse dans la pénombre. Un cliquetis se fit entendre, sûrement celui de la serrure d'un cadenas.
— ... ou peut-être pas...
Elle s'éloigna de sa prisonnière en riant, ignorant les coups donnés contre le bois.
Alors que Zade revenait à son comptoir, la porte s'ouvrit pour la troisième fois de la journée, venant briser le silence qui venait de s'installer dans la boutique.
— Elle est où ?
Deux petits hommes entrèrent, dépassant à peine le comptoir de leur court nez retroussé. Deux oreilles pointues dépassaient de leur béret aux insignes de la garde de Klervis. Des elfes. Tenant dans leurs mains une petite baguette sombre avec lesquelles ils menaçaient la vendeuse. Le premier, blond et plus grand que son compagnon, avait un regard vif et une attitude agressive et avait lancé cette question comme un ordre.
— Je suis là ! répondit la rousse d'un ton théâtral en faisant un signe de la main. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
— La fille. Celle qui vient d'entrer, lança le premier, approuvé d'un léger signe de tête de l'autre.
— Personne n'est entré, mon dernier client date de la matinée, annonca-t-elle en considérant distraitement le tapis taché.
Le deuxième garde eut l'air convaincu de son affirmation et prit le chemin de la sortie, tout en jetant des coups d'œil dédaigneux vers les articles sur les tables.
— Y a quoi derrière toi, la sorcière ?
La voix aiguë appartenait à son compagnon, qui ne semblait pas tout à fait convaincu.
— L'arrière-boutique, réservée au personnel.
Le petit homme approcha sa baguette de fer et sentant la menace, elle ajouta :
— Mais venez voir, je vous fais même une petite visite guidée.
Elle les invita à contourner le comptoir, écarta les rideaux pourpres qui séparaient le magasin en deux parties et pénétra dans la sombre pièce en désordre. L'un des hommes commença à soulever certains objets et à examiner sous les tables, bientôt suivi par le second, qui inspecta à son tour la remise.
— Faites très attention, la plupart de ces objets coûtent une fortune ! cria presque la vendeuse en voyant un homme toucher à une boule de cristal.
Vint le moment le plus redouté par Zade. Les deux elfes s'intéressèrent au coffre et tentèrent de l'ouvrir, mais le cadenas les empêcha d'accéder à son contenu.
— Ouvre ça, ordonna l'un d'eux.
Même si le silence régnait dans la pièce, la rousse devinait la respiration saccadée pleine d'angoisse de sa visiteuse.
— C'est le coffre d'Awan, improvisa-t-elle.
— Ouvre ce coffre ! Je m'en fiche d'où il provient.
— Mais... tout l'intérêt du coffre d'Awan est qu'il est impossible à ouvrir, et que son contenu est inconnu de tous. S'il vous intéresse, il coûte mille Klerr.
Le plus petit des deux hommes sembla convaincu et s'apprêtait à partir, mais l'autre dégaina son épée de sa garde et l'immobilisa au-dessus du coffre.
— On va voir si l'humaine est aussi incassable que le coffre ! s'exclama-t-il, une lueur meurtrière dans les yeux.
L'épée siffla et s'encastra dans le dossier d'une chaise, dont Zade s'était munie pour intercepter le coup, regagnant l'attention du second elfe.
— Brûle la sorcière ! ordonna l'homme alors qu'il enlevait son épée des débris de chaise.
Penchée au-dessus du coffre dans une position qui menaçait son équilibre, Zade fut déstabilisée par le blond qui venait de retirer son arme de la sienne et se retrouva ventre contre le coffre. En tombant, la chaise qu'elle tenait encore – ou du moins ce qui en restait – avait percuté le garde qui bascula à son tour. Profitant de ce chahut, l'autre garde s'était approché par derrière, brandissant sa baguette. D'un coup de pied, la sorcière réussit à la dévier et se remit bientôt debout, dépassant ses adversaires d'une cinquantaine de centimètres. Les deux elfes étant désarmés, l'issue du combat semblait évidente pour tous. Gêné, le second homme recula, puis se retourna pour fuir. Malheureusement pour lui, la rousse s'était emparée d'une hache, qu'elle brandit au-dessus de sa tête, et avant que le garde n'ait pu s'en apercevoir, sa tête roula sur le plancher. De son côté, l'autre avait tenté de prendre ses jambes à son cou, mais elle fut plus rapide, et une deuxième tête vint rejoindre celle qui gisait déjà au sol.
Lorsque le silence revint dans la pièce, il fut rapidement brisé par la fugitive, qui, comprenant que la bataille était gagnée, espérait pouvoir être libérée de sa prison. Des paroles sortaient de ses lèvres, mais seulement des sons étouffés émanaient des planches épaisses du coffre.
— Calme-toi ma jolie, tu vas sortir d'ici. C'était une blague tout à l'heure.
Elle reprit la clé qu'elle avait glissée dans un pot verdâtre et déverrouilla le cadenas. Alors qu'elle soulevait lentement le couvercle, il s'échappa de ses mains et la jeune prisonnière surgit, les sourcils froncés par la colère.
— Espèce de sorcière, j'ai eu tellement peur !
Elle croisa les bras sur sa poitrine et détourna le regard.
— Alors, l'humaine, tu t'appelles comment ? demanda Zade avec curiosité en observant sa visiteuse.
À cette question, la jeune femme plissa les yeux pour observer la rousse, se demandant si elle était bien digne de confiance. Les yeux verts de cette dernière firent de même, ce qui agaça l'humaine, qui répondit en soupirant :
— Je m'appelle Colombe.
— Et comment Colombe s'est retrouvée à Klervis ?
L'humaine sortit docilement du coffre, faisant dos à la vendeuse et annonça d'une voix peu sûre.
— J'en sais rien. Je me suis réveillée ce matin dans la forêt, et j'ai même pas compris où je suis exactement. Est-ce que c'est un genre de monde parallèle ou quelque chose comme ça ? Pourquoi tout le monde sait que je suis humaine et moi je sais pas qui ils sont ? Et pourquoi ce chat me regarde comme ça !
Elle s'était retournée et sa voix s'était élevée dans l'arrière-boutique plus fort qu'elle ne l'aurait voulu. Le chat, légèrement déstabilisé par la dernière remarque, sentit qu'il était plus sûr de s'éloigner sans prononcer un mot, risquant de déboussoler encore plus la jeune femme. De son côté, Zade observait Colombe avec un air exaspéré. Est-ce qu'elle devait vraiment répondre à toutes ces questions ?
— Bon, Colombe, c'était chouette cette petite bataille avec les gardes de Klervis, mais maintenant il est temps que j'aie ma récompense pour t'avoir sauvé la vie, et après tu repartiras par derrière la boutique, personne te verra.
— Mais je vais me faire tuer !
Zade haussa les épaules, observant les deux gardes à terre.
— Rien à faire, c'est pas mon problème.
La vendeuse se plaça devant Colombe, qui lui tournait le dos, afin qu'elle n'aperçoive pas les deux cadavres au sol.
— Très bien, répondit la jeune femme. Merci de m'avoir cachée, vous voulez quoi comme récompense ?
— Trois ou quatre dents humaines, ça me suffira.
L'humaine attendit, puis, voyant qu'il ne s'agissait pas d'une blague, son visage se décomposa et elle recula résolument ; mais une main la retint.
— Allez, ouvre la bouche, tu sentiras rien.
— Mais ça va pas ? Où est-ce que je suis tombée ! répliqua l'humaine, une main sur la bouche.
— J'en ai plus besoin que toi, c'est si rare d'en trouver par ici, et j'en avais justement besoin de quatre pour ma recette. De toute façon, t'en as vingt-huit autres.
— Vingt-quatre ! la corrigea Colombe.
— C'est suffisant.
Voyant que la jeune femme n'obtempérerait pas de son plein gré et tenant à sa récompense, elle la mit face aux deux gardes qui gisaient au sol, entourés d'une mare de sang. Colombe pâlit à leur vue et s'écroula, évanouie.
— Les humains sont si faibles...
Elle mit alors les deux gardes dans un sac, qui la suivirent entourés de filets verts, mit Colombe sur son épaule et descendit pour la deuxième fois de la journée dans son laboratoire.
Alors que Colombe dormait paisiblement dans un coin du laboratoire, Zade empilait les deux nouveaux corps sur le tas déjà haut, si bien qu'elle dut presque lancer les sacs pour qu'ils se placent à côté de son client du matin. La sorcière lança un sort aux nouveaux cadavres afin de minimiser l'odeur des corps en putréfaction, puis elle s'avança vers son calendrier, cocha une dernière fois une case, et s'arrêta pour contempler la photo accrochée en dessous. Elle caressa tendrement les cheveux blonds de la femme qui s'y trouvait, prononçant en un murmure :
— Bientôt...
Le regard de la rousse s'attarda alors contre son gré sur l'image. Elle passa rapidement sur son propre visage, elle le voyait suffisamment devant le miroir chaque matin, la seule différence étant des cernes apparus après l'incident, un léger sourire sur ses lèvres, et un regard tendre sur la femme à ses côtés. Reproduisant l'air qu'elle avait sur le cliché, elle passa alors à la contemplation de celle-ci. Sur la photo, une jeune femme se trouvait à ses côtés, le bras tendu, tenant l'appareil, et souriait pleinement en direction de l'objectif, faisant apparaître ses canines pointues.
Elle aurait contemplé cette photo encore longtemps si elle n'avait pas senti que Colombe s'était réveillée.
— Je sais que t'es plus endormie, pas besoin de faire semblant.
Sans même se retourner vers l'humaine, elle devina qu'elle était fâchée que son plan n'ait pas fonctionné, voire peut-être apeurée par les pouvoirs de la sorcière. La jeune prisonnière s'agita quelque peu, avant de se relever brusquement.
— Mais en plus vous m'avez vraiment volé mes dents !
La voix s'était élevée, indignée. Elle avait sûrement passé sa langue sur sa dentition et senti qu'il lui en manquait quelques-unes. Jetant un regard sur une étagère pleine de pots remplis d'ingrédients pour ses potions, la sorcière observa plus particulièrement celui contenant des dents humaines, presque vide.
— Pas volé, échangé contre mes services. Et puis ça aurait pu être pire, au moins il t'en reste.
Trop effrayée pour faire quoi que ce soit, l'humaine se contenta de demander où se trouvait la sortie, comprenant qu'elle ne tirerait pas avantage à rester avec la sorcière. Cette dernière jeta un regard vers la photo qu'elle observait plus tôt, et céda, presque à regret :
— Bon, je veux bien te faire un petit débriefing, juste parce que je suis sympa.
Bien que doutant fortement de la dernière affirmation émise par la vendeuse, Colombe suivit tout de même la sorcière, qui remontait déjà à la boutique. Une fois en haut, elle demanda, méfiante :
— Gratuitement ?
Zade l'observa d'un air malicieux, avant de confirmer qu'elle n'attendait rien en retour, et qu'elle avait simplement pitié d'elle. Une fois sorties du laboratoire, les deux femmes s'asseyèrent sur une caisse de l'arrière-boutique.
— Tu es dans le ciel, Colombe, bienvenue à la cité céleste.
Malgré la voix peu enthousiaste de son oratrice, l'humaine eut un pincement au cœur.
— Est-ce que... Est-ce que je suis... morte ?
Le sérieux de la rousse disparut et elle éclata de rire. Comprenant qu'elle se moquait ouvertement de sa question, Colombe eut soudain honte de l'avoir posée et croisa ses bras sur sa poitrine, observant sa voisine d'un air vexé.
— Ouf, désolée, souffla Zade, qui tentait de se remettre de la question. Nan, t'es pas morte, ma petite, t'es maudite, c'est peut-être pire.
Colombe se raidit à cette phrase. Maudite ? Cette idée n'allait pas tout à fait avec ce qu'elle imaginais d'une cité céleste. Trop occupée à ruminer ses pensées, elle restait de marbre, tandis que la sorcière tentait de continuer son récit :
— Tous les dix ans, un humain est envoyé ici par un portail magique.
— Un portail... magique ? répéta Colombe, les sourcils haussés.
— Oui, autrefois un portail était ouvert entre nos deux mondes, mais a subitement été fermé. Le portail par lequel tu es passée est sûrement un vestige de l'ancien, même si on n'en connait pas exactement l'origine. Certains pensent qu'il s'ouvre de lui-même, sans qu'on puisse le contrôler, et d'autres pensent que c'est nos ancêtres qui l'ont créé par amusement de sacrifier un humain.
— Sacrifier ? s'écria l'humaine sortie de ses pensées, une main plaquée sur la bouche.
— Tu croyais que la garde elfique te traquait pour quoi ? Le premier à trouver l'humain, mort ou vivant, reçoit des vœux en échange du corps qu'achète le monarque de Nebuli, on ne sait pas vraiment pourquoi ; mais tous se prêtent au jeu.
— Et l'humain d'il y a dix ans...
La rousse détourna le regard et força un ton désintéressé.
— Elle est morte. Mais peu importe, toi, tu as eu de la chance, une éclipse de lunes est prévue dans quatre jours, seule opportunité de retourner sur Terre.
Un silence s'installa. Colombe avait trop de questions pour en poser une, et Zade était tourmentée par un dilemme. Devait-elle aider la jeune humaine à retourner chez elle ? Elle repensa à la femme sur la photo, à l'opportunité qui l'attendait ici.
— Je veux bien t'accompagner, grogna-t-elle en observant presque avec dédain la jeune humaine qui regardait dans le vide.
Les yeux violets tristes se remplirent alors d'espoir.
— C'est vrai ?
— Oui, mais avant ça, je dois régler quelque chose. Nous partirons dans deux jours.
Colombe ne savait pas comment réagir. Cette situation lui semblait trop étrange pour être réelle, elle la vivait comme un rêve, acceptant son sort sans trop y croire. Elle se leva et une voix masculine s'éleva derrière elle.
— Et qu'est-ce qui t'assure que Zade ne va pas te vendre au monarque ?
L'humaine se retourna, mais ne vit que le chat, qui avait une lueur espiègle dans le regard.
— C'est lui qui a parlé ? demanda-t-elle en le pointant du doigt. Et puis c'est vrai, peut-être que vous aussi vous voulez ma peau !
La rousse chassa d'un coup de pied le chat, qui alla se tapir plus loin dans l'ombre.
— N'écoute pas Zéas, si j'avais voulu te donner au monarque, je t'aurais laissée dans le coffre et tu serais déjà chez lui à l'heure qu'il est. Sans vouloir t'offenser, tu es beaucoup plus faible que moi, et te baratiner aurait été un moins bon plan que de te tuer et de t'amener à Nebuli. Alors, t'acceptes mon aide ?
Convaincue par le discours de la sorcière et n'ayant pas de meilleure option, l'humaine serra la main qu'elle lui tendait, espérant que ses deux jours au bazar passeraient rapidement.
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(Chapitre réécrit)
Bienvenue sur cette histoire, et merci d'avoir lu ce premier chapitre ! Tout commentaire sera le bienvenu et très apprécié, n'hésitez pas à me faire part d'opinion critique sur n'importe quel aspect de l'histoire ou simplement exprimer vos réactions ou théories en commentaire !
Ce premier chapitre est un peu plus long que les autres, les suivants seront de moins grande taille !
Je pense poster un, voir deux chapitres par semaine.
La couverture n'est pas de moi, elle a été réalisée par A-dreamy-writer, merci à elle !
En espérant vous voir nombreux, à la semaine prochaine pour la partie suivante !
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