Isis se réveille en sursaut à l'entente d'un klaxon en provenance de la rue, ses muscles sont tendus et son corps est crispé dans son entièreté. Il lui faut quelques minutes pour comprendre qu'elle se trouve au milieu des draps de son lit. Un bras entoure sa taille dénudée et elle tourne la tête pour observer le visage de Pierre, endormi à ses côtés.

Sa respiration est paisible, ses traits sont détendus. Pierre dort étrangement sur le ventre, un bras est glissé sous son oreiller et sa tête repose légèrement de profil sur ce dernier. Il semble plongé dans une béatitude qu'Isis souhaite acquérir ou du moins retrouver, sans devoir prendre des dizaines de cachets.

Elle l'observe quelques minutes, elle en vient à regretter leurs actes de la nuit passée en pensant à Alexis. Elle a peur de détruire l'amitié qui s'est formée entre les deux hommes. Elle craint de lui enlever ce qu'il a mis du temps à retrouver depuis ces dernières années.

Un autre cercle d'amis détruit et Isis déglutit.

La jeune femme se dégage de cette étreinte sans attendre, elle prend toutefois garde à ne pas le réveiller. Elle ne souhaite pas le confronter dès son réveil, elle ne pourra pas regarder ses yeux bleutés sans cacher son mal-être intérieur.

Lorsqu'elle rejoint le salon, elle s'habille rapidement. Elle s'empresse de ramasser ses vêtements éparpillés sur le sol. Elle ne se sent pas très bien et elle souhaite juste partir au plus vite. Pour la première fois, Isis se surprend à avoir envie de quitter son appartement. C'est ce qu'elle fait dans la précipitation et paradoxalement, elle déteste se retrouver dans les rues parisiennes bondées de monde.

Ses pas la conduisent devant la collocation de Jade. Elle frappe à la porte, ayant toujours cette pointe d'inquiétude que son amie n'ouvre pas et qu'elle tombe sur sa colocataire qu'elle n'apprécie pas particulièrement. Elle est soulagée de tomber sur Jade, et non pas sur ce regard plein de jugement.

La plus âgée fronce les sourcils face à Isis, il n'est pas difficile pour elle d'observer ses cernes, conséquences de ses dernières nuits raccourcies, non pas seulement par ses ébats de la veille et mais aussi par ses cauchemars persistants.

- Je ne me sens pas très bien, avoue-t-elle d'une voix pâteuse. Je suis fatiguée, je...

Sa voix s'arrête, elle tire sur le fil de son collant tout en relevant son regard larmoyant vers la libraire. Elle est fatiguée, elle épuisée autant physiquement que mentalement et Isis sait qu'il ne s'agit que de phases d'extrême fatigue où elle se laisse submerger par un cercle vicieux d'insomnies dévastatrices.

- Il n'y a pas que ça, n'est-ce pas ?

Isis opine de la tête, elle se balance nerveusement sur ses pieds avant que son amie ne se décide à la faire rentrer dans son appartement. Isis ne se sent pas très bien, elle se précipite immédiatement dans la chambre de son amie, elle ferme le volet d'un coup sec se plongeant dans le noir total malgré le soleil persistant en ce dimanche d'automne.

Elle finit par se laisser tomber sur le bord du lit tandis que Jade s'avance dans la pièce pour se laisse tomber à ses côtés. Leurs corps s'allongent, leurs épaules se frôlent et Isis se sent mieux dans ce silence. Elle se sent bien dans cette chambre avec Jade à ses côtés, elle se sent un peu plus apaisée.

- J'ai... j'ai rencontré un ami d'Alexis à une soirée jeudi soir. Ce n'était pas vraiment une soirée, nous étions six au restaurant. Je l'ai revu hier, nous sommes rentrés ensemble et voilà...

Isis s'arrête en reniflant péniblement, elle déteste ce sentiment de culpabilité qui écrase sa poitrine. Sa respiration s'entrecoupe plusieurs fois avant qu'elle ne lâche avec regrets :

- Alexis s'est enfin retrouvé des amis et je vais tout gâcher encore une fois.

- Il n'y avait pas que toi, lui-aussi était intéressé. Tu n'es pas l'unique responsable et ça ne veut pas dire que ça empiètera sur Alex, rassure Jade.

Isis n'en est pas convaincue. Elle a l'impression constante de porter malheur à quiconque l'approchant de trop près. Elle est devenue très superstitieuse au fil des années, son anxiété s'est développée et tous les gestes du quotidien sont analysés avec attention.

Et le détail qui la perturbe le plus aujourd'hui est la couleur des yeux du jeune homme avec qui elle vient de partager sa nuit. Elle déglutit une nouvelle fois en repensant à son regard bleuté dont la couleur est similaire à l'océan et sa tranquillité.

- Mathieu avait les mêmes yeux, avoue-t-elle tout bas.

Isis essuie immédiatement la larme venue rouler sur sa joue à l'évocation du jeune homme. L'absence de réponse de Jade lui confirme que cette derrière est désemparée par ses aveux, seule sa main s'entremêle à celle de son amie.

- Je suis fatiguée, répète-t-elle.

- Je sais.

La main de Jade glisse dans les cheveux bruns de son amie dont le corps se détend aussitôt suite à ce contact. Un soupir s'échappe de ses lèvres, elle est exténuée et il n'en faut pas plus pour qu'elle ferme les yeux. Isis comprend que Jade va rester à ses côtés le temps qu'elle s'endorme dans cet endroit qu'elle n'appréhende pas.

Pierre, au contraire, se réveille dans un lit froid et dans un appartement vide. Il ne saurait dire s'il est déçu ou non. Dans les deux cas, il s'attendait à cette disparition. Il s'attendait au départ précipité de cette jeune femme pragmatique. Elle l'intrigue et dire qu'Isis lui plaît serait un euphémisme.

Le normand est subjugué par son air détaché qu'elle prend et son désintérêt constant. Pourtant, il a bien remarqué qu'elle observe tout ce qui l'entoure avec précaution, dans n'importe quelle situation.

Pierre s'extirpe du drap en soupirant tandis que ses yeux parcourent la pièce qu'il vient d'éclairer avec la lampe de chevet. Il ne se souvenait pas que cette chambre était si grande la veille au soir, il faut surtout dire qu'il n'a pas pris le temps de l'observer, bien trop occupé avec la brune.

Il retire rapidement les draps du lit avant de partir à la recherche de la machine à laver dans cet appartement presque aussi grand que le sien à Milan. Il finit par la trouver dans une salle de bain, il engouffre ces derniers dans le tambour et lance la machine, c'est la moindre des choses selon lui.

Ses yeux dérivent sur le rebord de la douche à l'italienne où une vingtaine de shampooing et de produits capillaires sont alignés parfaitement. Tous de la même marque et Pierre ne peut s'empêcher de trouver la situation hilarante, il est collectionneur de casque, elle collectionne les shampooing.

Il récupère ses vêtements dans le salon, il ne se souvient pas les avoir pliés en les retirant la veille et il comprend rapidement que la brune est passée avant lui. Son appartement est d'un froid glacial, il n'y a aucune couleur vives. Seules des couleurs ternes se trouvent sur chaque mur, dépourvu de photographies.

Il n'avait jamais vu un appartement autant à l'image de sa propriétaire. Il récupère une paire de chaussure appartenant à la jeune femme et il les place juste au niveau de la porte d'entrée dans un coin. Il ferme la porte l'appartement et glisse simplement le trousseau de clés au fond d'une chaussure en soupirant.

Il espère qu'elle les trouvera, et Pierre envoie tout de même un message pour s'en assurer. Dans un autre arrondissement, Isis sursaute lorsque son téléphone vibre. Elle se réveille en sursaut, encore une fois.

Elle est anxieuse en sortant le téléphone de son petit sac à main, ses mains se mettent à trembler en ayant peur que ses parents soient à l'origine de ce dernier. Pourtant un numéro inconnu s'affiche et Isis ne sait comment en réagir en lisant les mots suivants :

tes clés sont dans les chaussures devant ta porte et si tu as besoin, n'hésite pas à me contacter – Pierre

j'espère que ce chapitre vous plaît !

qui est Mathieu alors ? 👀

il y a pas mal d'indices sur Iris et ses parents également ...