trente-cinq
Isis est retenue par le jeune homme lorsqu'elle tente de quitter son lit en toute discrétion. Il s'agit d'un échec face à ses mains qui agrippent fermement ses hanches pour la garder contre son torse. Son souffle brûlant s'échouant dans son cou lorsqu'il questionne d'une voix endormie :
- Où est-ce que tu vas...
- En bas, chuchote-t-elle.
- Reste encore un peu, supplie Pierre en embrassant sa joue. Je suis fatigué et je veux dormir avec toi.
Isis se pince les lèvres. Évidemment qu'il est fatiguée, elle l'a réveillé en pleine nuit. Elle soupire pour tenter de dénouer son bas-ventre, elle voulait que Pierre se repose mais cela semble rater. Elle veut également descendre la première pour éviter de croiser tous les membres de sa famille après les événements de la nuit, elle veut déjeuner rapidement puis s'éclipser pour promener Joyce.
- Je vais promener le fauve, souffle-t-elle en posant ses mains sur les siennes.
Il grogne pour montrer son mécontentement, mais il desserre l'emprise de ses doigts pour libérer la brune. Elle dépose un baiser sur sa joue tout en glissant sa main le long de sa colonne vertébrale avant de se lever. La voix de Pierre l'interrompt tandis qu'elle ramasse son sweat-shirt pour se couvrir :
- Et j'ai pas le droit à un vrai bisous...
- Quand tu auras laver tes cheveux et brosser tes dents, dit-elle amusée.
Un nouveau râle s'échappe des lèvres du pilote lorsqu'il enfonce un peu plus sa tête dans son oreiller. Il se rendort aussitôt tandis que Isis quitte la chambre avec Joyce sur ses talons. Elle prend grand soin de fermer la porte sans faire de bruits, elle marche sur la pointe des pieds pour traverser le couloir et descendre les escaliers.
L'entièreté de la maison est encore endormie et Isis est soulagée de ne croiser personne. Elle se sert dans le frigidaire, elle observe attentivement les différents jus de fruits et elle ne tarde pas à trouver celui que Pierre boit. Il a même acheté une bouteille dans son appartement parisien, un truc immonde au jus de raisins.
Isis attrape du jus de pomme avant de refermer la porte. Elle sursaute en apercevant la mère de Pierre, cachée derrière la porte, elle s'exclame en observant la mère de famille :
- Mon dieu, vous m'avez fait peur.
Pascale s'excuse en questionnant Isis sur ce qu'elle souhaite prendre pour le petit déjeuner. La brune se pince les lèvres en étant affreusement gênée, encore plus en constatant que le père de Pierre fait à son tour son entrée dans la cuisine semi-ouverte.
Elle pensait être seule et la voici avec les deux personnes qu'elle voulait le plus éviter.
Isis s'empresse d'attraper un fruit dans la corbeille disposée sur la table avant de s'éclipser. Elle n'a qu'un endroit où aller ; dehors. Elle se dirige vers la porte d'entrée avec une détermination qui ne lui ressemble guère. Elle doit promener la golden. Il s'agit de son excuse pour fuir la situation qui la plonge dans l'angoisse. Elle n'est pas sûre qu'une balade en plein extérieur soit la meilleure des solutions pourtant c'est ce qu'elle compte faire.
- Isis, est-ce que tout va bien ?
Elle s'arrête de chausser ses Dr. Martens, elle relève le regard vers Pascale. Elle l'observe d'un regard suspicieux et Isis constate que les larmes roulent sur ses joues. Elle est tellement déboussolée et fatiguée qu'elle ne s'est même pas rendue compte qu'elle pleurait.
- Est-ce que c'est à propos de cette nuit ?
La jeune femme acquiesce tout doucement en se relevant et une chose étrange se produit. La cinquantenaire l'attire dans une étreinte et Isis se retrouve compressée contre sa poitrine tandis qu'elle glisse une caresse affectueuse dans son dos.
- Ce n'est pas de ta faute, souffle la plus agée. Personne ne t'en tiendra rigueur, ici.
Isis acquiesce une nouvelle fois, elle est incapable de prononcer le moindre mot, encore plus lorsque Pascale essuie ses larmes d'un geste du pouce, comme l'a fait de nombreuses fois son fils. Son cœur flanche dans sa poitrine lorsqu'elle l'attire vers l'intérieur de la cuisine, Isis balbutie :
- Je dois enlever mes chaussures et...
- Ce n'est pas bien important. Est-ce que Joyce peut faire un tour dans le jardin pour faire ses besoins ? Nous irons la promener une fois que tu auras manger un petit déjeuner digne de ce nom.
Isis n'a guère le choix en s'asseyant sur une chaise, elle observe Jean-Jacques ouvrir la baie vitrée donnant un libre accès au jardin à la golden retriever. Elle ne cesse de les remercier lorsqu'ils disposent un verre de jus de pomme sous ses yeux, puis elle bredouille doucement :
- Désolée pour cette nuit, je...
- Ça ne fait rien pour nous, murmure le père de Pierre. Nous étions surtout inquiets pour toi.
- Ça va, rassure Isis en baissant les yeux. Je sais que c'est effrayant quand je fais des terreurs nocturnes, mais je m'en souviens pas à mon réveil. Je préfère ça que des cauchemars.
- Ça arrive... souvent ?
- Je ne sais pas, je m'en souviens pas, répète-t-elle. Il faudrait demander à...
- Une fois par semaine à peu près, complète une voix.
Isis sursaute en entendant la voix du jeune homme, elle se tourne lorsqu'il rentre dans la cuisine. Il est habillé, ses cheveux humides retombent sur son front signe qu'il a pris sa douche. Il s'approche et pour une fois, Isis ne le repousse pas. Il s'agit de ses parents, pas d'un de leurs amis. Il dépose un baiser sur sa joue en déposant ses mains sur ses épaules.
- Il faut aller promener le fauve, souffle Pierre.
Isis acquiesce en comprenant qu'il s'agit de sa manière à lui de parler avec elle, dans une discussion plus privée que devant ses parents. Elle reste encore quelques instants sur sa chaise le temps de finir son jus, les mains du pilote toujours disposées sur ses épaules lui assurent qu'ils se tient à ses côtés quand la cuisine se remplit de ses demi-frères.
Après avoir effectué quelques mètres dehors, Pierre passe un bras autour des épaules de la brune et sans attendre, ses lèvres capturent les siennes dans un doux baiser qu'elle approfondit en venant mordiller sa lèvre inférieure. Elle voit bien que quelque chose cloche, encore plus quand Pierre souffle :
- Je... j'ai une sortie ce soir mais...
- Vas-y.
- C'est des amis d'enfance, explique-t-il comme pour se justifier.
Isis lie ses doigts à ceux du français comme pour le rassurer. Il s'agit de la première fois qu'il émet l'idée de sortir et il semble terriblement gêné à l'idée de le faire. La brune l'encourage en murmurant :
- Je t'accompagne si tu veux bien de moi.
- Je veux toujours de toi, puis ça sera l'occasion de les rencontrer.
- Heureusement qu'on a dit qu'on ne se précipitait pas, se moque-t-elle. On fait tout le contraire.
Pierre rit en la remerciant pourtant en rentrant de la soirée des heures plus tard. Il se doute qu'il a merdé. Isis ne dit pas un mot au normand. Elle part directement vers la salle de bain pour se changer et Pierre la suit juste avant qu'elle ne referme la porte pour ne pas être surprise par l'un des membres de la famille Gasly.
- Joyce, souffle-t-elle exaspérée. Nous sommes suffisamment à l'étroit ici, évite de rester dans nos pattes.
Et ce qui devait arriver, arriva. La golden retriever couine puisque Pierre vient d'écraser sa patte antérieure. Il est terriblement désolé tandis que Isis lui lance un regard foudroyant pour le réprimander, pour ça et pour la soirée qu'elle vient de passer, littéralement seule.
Elle abandonne ses vêtements sur le sol sans prendre le temps de les ranger, elle le fera plus tard quand elle sera plus reposée. Elle est épuisée. Son corps est courbaturé pourtant elle n'a rien fait de spécial, elle n'a pas fait d'activités sportives pouvant la mettre dans un tel état de fatigue.
- Mon chat...
Il prend grand soin de rester à distance pour ne pas que Isis ait l'impression d'être dérangée et d'être brusquée. Il attend la réaction de Isis, elle se tourne légèrement vers lui pour montrer qu'elle l'écoute pourtant son visage est fermé.
Elle n'esquisse aucun sourire dans sa direction, elle se contente de continuer de se démaquiller la peau en soupirant. Elle est agacée par le temps que prend Pierre pour se lancer, elle voudrait se dépêcher. Elle ne souhaite que s'effondrer dans leur lit pour dormir.
- Est-ce que tu me fais la tête ?
Ses sourcils se froncent, elle est obligée de reposer son coton sur le bord de l'évier. Elle se tourne vers Pierre qui l'observe les lèvres pincées, il paraît vraiment embêté par la situation puisqu'il joue avec ses chevalières avec nervosité.
- Pierre, j'ai vingt-cinq ans et tu crois que je peux faire la tête ?
Il hausse les épaules, il est dubitatif. Il n'a pas été très présent pour la brune durant cette soirée et il comprend parfaitement qu'elle lui en tienne rigueur. Il l'a pratiquement ignorée en passant tout son temps avec ses amis.
- Je ne sais pas, bredouille-t-il. T'as l'air soulée..
- Je suis juste fatiguée. Je n'ai rien contre toi, d'accord ?
Pierre acquiesce sans pour autant être convaincu par ses propos. Il reste les bras ballants à l'observer se démaquiller dans le miroir, elle applique différentes lotions sur sa peau avant de se tourner vers le pilote. Elle se pince les lèvres en constatant qu'il n'a pas bougé d'un poil et qu'il se contente de l'observer sans pour autant s'approcher.
Elle finit par comprendre et elle s'avance vers lui pour se glisser dans ses bras. Le pilote donne une étreinte à Isis, sa tête se pose sur son torse tandis qu'elle noue ses bras dans son dos pour se coller entièrement à lui. Elle soupire de bien-être dans ses bras et Pierre ne peut s'empêcher d'être soulagé de savoir qu'elle n'est pas fâchée.
- Désolé d'avoir passé toute la soirée avec eux, et pas avec toi.
- Ce n'est rien, je ne t'en veux pas.
- Je n'ai même pas vu que..., commence-t-il hésitant. Tu aurais pu avoir besoin de moi et je n'étais pas présent. Cette soirée a dû être horrible pour toi, tout ça à cause de moi.
- Pierre, dit-elle en déposant un baiser sur sa mâchoire. Ce n'est rien, vraiment. J'ai su gérer, ça m'a épuisée mais ça montre que je suis capable de le faire. Tu ne peux pas toujours être à mes côtés.
Il soupire en embrassant son front, il se sent si mal en constatant que sa voix est basse. Il n'imagine pas la fatigue psychologique qu'elle doit ressentir à cet instant précis, il rajoute :
- Mais ce n'est pas une raison pour que tu gères seule. Ce n'est pas normal que tu te trouves dans cet état, ça veut dire que tu n'étais pas à l'aise.
- Pierre, répète-t-elle tout bas. J'ai juste mes batteries sociales à zéro, mais elles vont se recharger, d'accord ? J'ai juste besoin d'un câlin, de bisous, de papouilles et de dormir avec toi.
Il acquiesce.
- Tu as aussi le droit de passer du temps avec tes amis, continue-t-elle. Toi aussi, il faut que tu recharges tes batteries. Il faut prendre du temps pour toi, il faut que tu penses à toi.
Isis caresse tendrement sa joue en disant ses mots. Elle ne veut pas qu'il ressasse les événements surtout pas à cause de son épuisement mental lié à son anxiété. Cette dernière se développe principalement dans les endroits bondés lorsqu'elle se retrouve seule.
- Il ne faut pas que t'oublies dans notre relation et à aucun moment tu n'es le problème quant à mon état, conclut Isis.
- Et tu n'es pas non plus le problème, rajoute Pierre en glissant l'une de ses mèches derrière son oreille.
Isis sourit timidement en le remerciant de trouver les mots justes pour la rassurer. Elle se dirige vers la chambre de Pierre en traversant le couloir. Elle se glisse dans le lit et Isis n'a pas la force de repousser la golden retriever venue s'installer contre elle, en ayant sentie son mal-être.
Isis entoure la bête de ses bras, sa tête vient se nicher dans son poil tout doux grâce au shampooing que Pierre lui a fait deux plus tôt, dans son appartement à Paris. La parisienne ne peut retenir ses larmes à cause de sa fatigue inégalable, un sanglot ne tarde pas à s'échapper de ses lèvres quand toute la pression accumulée quitte son corps.
A travers ses yeux brouillés par les larmes, elle aperçoit Pierre rentrer dans la chambre. Il prend le temps de retirer son pantalon et sa chemise avant de se glisser dans le lit à ses côtés. Il vient se blottir contre Isis, entourant son corps de ses bras. Ses doigts se perdent dans le poil fauve clair de Joyce, tout comme ceux de Isis dans cette étreinte à trois.
- Désolée, on avait dit pas de chien dans ton lit, murmure-t-elle d'une voix étouffée.
- Arrête de t'excuser mon chat, c'est le rôle de Joyce d'être à tes côtés comme elle le fait. Je ne vais pas m'opposer à ça surtout que c'est un peu ton lit, souligne Pierre.
- Ta maison, tes parents, ton lit.
- Pas quand tu es avec moi.
Il réussit à lui faire esquisser un petit sourire, ses doigts frôlent les siens et ils ne tardent pas à se lier entre eux sur les poils de Joyce. Pierre questionne tout bas :
- Pas de médicaments ?
- J'ai bu deux verres.
- Je n'ai même pas vu, murmure-t-il en culpabilisant.
Isis tourne légèrement la tête pour déposer un baiser sur sa joue. Elle le rassure que ce n'est pas bien important. Il ne lui a pas prêté attention mais elle ne veut pas lui en tenir rigueur, elle était heureuse de le voir s'amuser avec ses amis. Le normand attire son visage face au sien, elle se perd dans son regard bleuté qui n'est qu'à quelques centimètres du sien.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- J'ai mes batteries pleines, laisse-moi recharger les tiennes.
Isis esquisse un sourire quand Pierre dépose ses mains sur ses joues. Ses lèvres embrassent immédiatement chaque parcelle de son visage et Isis ne tarde pas à rigoler en comprenant qu'il respecte à la lettre ce qu'elle a dit plus tôt.
Il finit par l'enlacer, ses jambes s'entremêlent aux siennes et ses bras l'entourent avec force. Isis dépose sa tête non loin de la sienne pour sentir son souffle s'échouer sur sa peau et elle murmure au creux de son oreille :
- Bonne nuit.
- Bonne nuit mon chat, tu me réveilles si...
- Merci d'être toi.
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