soixante-quinze

En arrivant sur le circuit d'Albert Park, Pierre est heureux de retrouver ses parents qu'il salue d'une étreinte affectueuse. Celle-ci dure de longues secondes entre lui et sa mère, ce geste fait sourire Isis qui devine la nature des mots que chuchote sa mère au creux de son oreille.

A son tour, la plus jeune s'approche de Jean-Jacques qu'elle salue d'une bise avant de se glisser dans les bras ouverts de Pascale qui l'accueille sans attendre. Ses bras se referment sur son corps et Isis sourit doucement en se laissant faire, elle lit des félicitations sur les lèvres de Pascale qui rajoute tout bas :

- Je ne dirai rien.

- Merci beaucoup, glisse Isis avec soulagement.

Hier soir, le couple a pris la décision d'attendre la première échographie avant de prévenir leurs proches. Tous les deux préfèrent s'assurer que tout aille pour le mieux, ce que semble comprendre la mère de famille puisqu'elle ne pose pas d'autres questions à la jeune femme.

- C'était incroyable, explique Pierre lorsque ses parents le questionnent sur leur petit séjour en Australie. L'hôtel était super, c'était super reposant et en même temps, on a visité Melbourne de fond en comble...

- Surtout moi, toi tu étais déjà venu, souffle Isis.

- C'est vrai mais c'était encore mieux que la dernière fois que je suis venu.

Il accompagne son propos en lançant un clin d'œil à la brune qui ne manque pas de rougir. Ses joues s'empourprent et elle s'empresse de baisser la tête sur ses Dr Martens qu'elle trouve soudainement bien plus intéressante que la conversation.

Pierre remarque bien qu'elle est gênée d'évoquer leur lune de miel devant ses parents et le pilote la rassure en passant un bras autour de ses épaules. Sur ce point, Isis lui fait parfaitement confiance. Elle n'a jamais vu le jeune homme faire des sous-entendus sur leur sexualité devant leurs proches, famille et amis compris.

Ça lui arrive de faire des blagues salaces mais il les garde toujours dans le cadre de leur intimité lorsqu'ils ne sont rien qu'à deux. Les quelques blagues que Pierre a pu faire en public n'ont jamais concerné Isis, mais le pilote et son égo démesuré.

- Je vous abandonne, on se retrouve après la première séance d'essais libres, déclare Pierre après quelques minutes de discussion.

Il dépose un chaste baiser sur la tempe de la brune avant de se détacher d'elle. Isis effectue une petit moue en le voyant s'éloigner derrière Ben, son physio, pour aller se préparer pour sa séance. Il s'agit de la première fois depuis douze jours qu'elle se retrouve séparée de lui et elle doit bien avouer que cela lui est étrange.

Elle continue de discuter avec les parents de Pierre avant de les accompagner jusqu'au garage de l'écurie Alpine. Elle récupère un casque antibruit tout en s'appuyant contre le rebord tout pour observer l'agitation présente dans le garage. Son regard croise celui de Pierre, il baisse sa visière et il ne tarde pas à monter dans sa monoplace pour se lancer sur la piste.

À l'issue de cette séance, Pierre se classe en bas du tableau avec le dix-septième temps. Les deux Alpines n'ont pas réalisé des miracles mais n'ont pas terminé en dernière position, chose que s'empresse de souligner le père de Pierre pour se rassurer.

Le pilote quitte sa monoplace, il se débarrasse immédiatement de son casque et du système Hans protégeant sa nuque et ses cervicales. Il s'approche de la zone réservée aux invités pour discuter quelques secondes, le temps d'attendre ses ingénieurs pour le débriefing.

- Ça va ? questionne Pierre à voix basse en croisant le regard de la brune.

Isis rassure du regard que tout va bien. Même s'il n'y a pas la golden retriever à ses côtés, elle est plutôt à l'aise d'être dans le garage de l'écurie française. Elle sait que la driver room de Pierre n'est pas loin si jamais la panique commence à s'installer à cause du monde présent autour d'elle.

- T'as eu le temps de manger un peu...

- Je t'attendais, chuchote-t-elle d'une petite voix tout à fait adorable.

- J'ai un débriefing d'au moins trente minutes, t'es pas obligée de m'attendre. Je préfère que tu ailles manger, d'accord ?

- Je ne vais pas tomber dans les pommes en mangeant après quatorze heures, rétorque la brune.

- Tu n'es plus toute seule dans ton enveloppe charnelle, je te rappelle.

Isis ne peut pas le contredire, un doux sourire étire même ses lèvres en voyant que Pierre est aussi attentionné avec elle. Il veille à beaucoup de choses, il s'assure qu'elle mange bien, qu'elle dort suffisamment, qu'elle ne fasse pas trop d'efforts physiques.

- T'es très mignon quand t'es comme ça, remarque-t-elle.

- Tu esquives le sujet, maugrée Pierre en retirant le haut de sa combinaison.

Il met de longues secondes à se dépatouiller de ses manches avant de rabaisser sa combinaison sur ses hanches. Il ne reste que son t-shirt ignifugé noir et Isis s'empresse de passer une bouteille d'eau au jeune homme tandis que son physio dépose un gilet rafraîchissant sur ses épaules.

- D'accord, je vais aller manger avec tes parents, concède la brune.

- Merci, chat, dit-il entre deux gorgées d'eau. Je vous rejoins toute à l'heure.

Il s'essuie la bouche d'un revers de main, pour chasser les quelques gouttes qui parsement sa barbe, sous les yeux observateurs de Isis qui ne rate pas une miette de ce spectacle. Pierre la remercie une nouvelle fois en lui rendant sa bouteille d'eau, leurs doigts se frôlent en une décharge électrique et la brune est obligée de se pincer les lèvres.

Elle a soudainement bien trop chaud, ça serait à elle de porter ce gilet rafraîchissant en observant Pierre s'éloigner. Il lui lance un clin d'œil aguicheur et si Isis ne se trouvait pas sur son lieu de travail, elle se serait jeter sur ses lèvres sans aucune hésitation.

A la place de répondre à ses pulsions, la brune se tourne vers les parents de Pierre qui l'attendent pour se diriger vers l'hospitalité de l'écurie. Ils s'installent tous les trois pour manger un peu avant d'être rejoint par Pierre qui s'installe à leurs côtés. Il ne s'est pas encore changé, elle l'observe grignoter une barre de céréales protéinée tout en l'écoutant discuter avec ses parents et Guillaume qui les a rejoint.

- Vivement la fin du week-end, soupire son manager.

- Vivement la fin de saison, corrige Pierre avec un sourire crispé.

Le samedi, Pierre n'obtient que la dix-septième place lors des qualifications. Il ne gagne que quatre petites place lors de la course, le laissant hors des points, tout comme son coéquipier qui finit derrière lui.

Le trajet retour en avion est épuisant. Les vingt quatre heures de  vol sont interminables et Isis est soulagée de pouvoir enfin se lever, bien que ses pieds gonflés par l'altitude aient du mal à rentrer dans ses chaussures. Elle est obligée de desserrer les lacets de ses Dr. Martens sous le rire moqueur de Pierre :

- On dirait une petite vieille.

- Je t'emmerde.

- Et moi, je t'encule.

Isis se tourne vers le pilote qui vient de se saisir de leurs deux sacs. Il hausse les épaules face à son regard faussement choqué et il rétorque :

- C'est de ta faute, tu me tends des perches.

La brune lève les yeux au ciel en avançant, elle ne tarde pas à quitter l'avion aux côtés de Pierre. Une fois leurs bagages récupérés, le couple se rend à l'appartement de Alexis qui gardait Joyce depuis plus d'une semaine. Isis est ravie de retrouver la golden retriever qui lui fait la fête pendant de longues minutes.

La journée n'est pas terminée puisqu'en début d'après-midi, le couple se retrouve dans la salle d'attente d'un cabinet de gynécologie. Isis baille de fatigue en posant sa tête sur l'épaule de Pierre qui patiente en parcourant les réseaux sociaux sur son téléphone.

- T'as un beau écran d'accueil, souligne-t-elle lorsqu'il quitte l'application Instagram.

- Et t'as même pas vu mon écran de verrouillage, lance Pierre en montrant ce dernier.

- Elle est jolie cette fille dis-donc.

- Je sais, je l'ai épousée.

Isis sourit en venant lier ses doigts aux siens. Elle pensait être stressée par le rendez-vous qui va suivre pourtant elle est agréablement détendue aux côtés de Pierre. Il ne parle pas beaucoup mais sa présence est rassurante.

- Pierre, tu crois que...

- Monsieur et Madame Gasly, c'est à vous !

Isis n'a pas le temps de continuer, elle relève la tête vers la gynécologue et obstétricienne qui se tient non loin d'eux. Le couple se lève main dans la main pour la suivre jusqu'à son cabinet. Isis prend place sur une chaise aux côtés de Pierre qui lui offre un sourire rassurant.

Son pouce trace des gestes circulaires sur la paume de sa main tout en écoutant la gynécologue qui se présente, avant de commencer à parler sur le déroulement de ce premier rendez-vous prénatal. Elle commence par poser diverses questions à la brune pour connaître son historique de santé.

- Quelle a été la date des dernières menstruations ?

- Mi-décembre, balbutie Isis d'une voix basse.

Elle voit bien les sourcils la professionnelle de santé se froncer et Isis s'empresse d'ajouter d'une petite voix :

- C'est un peu la honte, je m'en suis rendue compte la semaine dernière... enfin... c'est Pierre qui s'en est rendu compte.

Elle se pince les lèvres suite à ces révélations mais la gynécologue ne semble pas déstabilisée puis qu'elle continue de poser diverses questions, notamment sur comment se sent Isis depuis qu'elle est enceinte.

- Ça n'a pas vraiment changé quelque chose, avoue la brune. Je n'ai vu aucune différence, je n'ai pas eu de nausées, je n'ai pas été fatiguée... rien.

- Il y a juste les seins, lâche Pierre en faisant un geste de la main. Ils sont plus gros.

Immédiatement, Isis lui lance un regard noir. Elle n'apprécie pas son geste plus qu'explicite qui fait rire la gynécologue assise face à eux.

- Est-ce que vous avez des problèmes de santé particuliers qui nécessitent un traitement médicamenteux ?

- Je prends des anxiolytiques et des antidépresseurs, murmure Isis en baissant les yeux sur ses doigts entremêlés à ceux de Pierre. Je... j'ai un ESTP ou un SSTP, ça dépend des appellations...

- Depuis combien de temps ?

- Huit ans, articule-t-elle difficilement.

Son regard devient fuyant, Pierre accentue la pression dans sa main pour montrer sa présence. Il tente de la rassurer comme il le peut bien que la situation soit extrêmement délicate, ce que remarque bien la gynécologue.

Elle demande par la suite quelles sont les noms et les dosages de chaque médicament, Isis est incapable de répondre. Premièrement parce qu'elle n'a aucune idée des noms inscrites sur ses boîtes et même s'il savait, elle serait incapable de dire un seul mot, bien trop secouée. Pierre répond à sa place sans problème, il sait tout.

- Des interventions chirurgicales avec anesthésies générales ?

- Retrait des dents de sagesse et d'éclats de... d'une balle au niveau de la tête de l'humérus de l'épaule gauche, reprend Isis. J'ai jamais eu de problème avec les anesthésies.

- C'est votre première grossesse ?

- Oui.

- Et vous, Pierre ?

Il acquiesce tandis que la gynécologue note soigneusement leur réponse sur une feuille.

- Des grossesses multiples dans votre famille ?

- Moi, répond Isis alors que le pilote secoue négativement la tête. Ma mère est née d'une grossesse gémellaire et moi aussi.

- Comment ça s'est passé ?

La grimace d'Isis n'échappe à personne, elle se pince les lèvres avec force alors que son cœur tambourine fortement dans sa poitrine lorsqu'elle avoue :

- Mal... ma sœur s'est asphyxiée avec le cordon... et ma mère est partie d'une éclampsie.

Elle soupire profondément pour tenter de se détendre. Elle se tourne quelques instants pour essuyer ses yeux larmoyants, elle ne comprend pas vraiment les raisons de ces larmes alors qu'elle n'a jamais connu sa sœur et sa mère. La gynécologue la rassure, il ne s'agit que d'antécédents familiaux et Isis essuie ses larmes en lui demandant de continuer sa série de questions.

Elle les questionne sur leur bagage héréditaire, c'est à dire les maladies retrouvées dans leur famille respective. Elle interroge snesuite Isis sur ses habitudes de vie, notamment sur son alimentation et sa consommation en tabac, alcool.

- Je ne bois pas, rassure Isis. Et je pense que j'ai fumé que deux clopes lors des trois derniers mois.

La gynécologue acquiesce, elle n'a plus de questions. Elle observe avec attention un calendrier avant de déclarer avec engouement :

- Et bien avant de passer au bilan physique, je vous confirme qu'il s'agit d'un nouveau baby boom du nouvel an !

- Un... quoi ? balbutie Pierre.

- Vous êtes à douze semaines de grossesse c'est à dire quatorze semaines d'aménorrhée si je compte à partir de vos dernières règles qui se situent juste ici, explique-t-elle en montrant une case du calendrier avec la pointe de son stylo. La date de conception se situe au niveau de l'ovulation, c'est à dire quatorze jours après le premier jour des dernières règles... en faisant ça, je tombe sur le nouvel an !

- Putain, c'est une dinguerie.

C'est tout ce que Pierre parvient à dire alors que Isis est bouchée bée. Elle ne fait que fixer la case du premier janvier, elle se souvient de cette soirée et de s'être réveillée en pleine nuit pour recracher tout le contenu de son estomac dans la cuvette des toilettes.

Elle est tellement sous le choc qu'elle suit machinalement la gynécologue jusque dans la pièce voisine pour procéder à son examen. Le médecin prend sa tension artérielle. Isis est pesée, auscultée. Des examens complètement aires seront à réalisés avec notamment une prise de sang à effectuer en laboratoire pour s'assurer l'absence de certaines maladies.

- Nous allons passer à l'échographie, déclare la gynécologue en venant chercher Pierre.

- Déjà ? Je pensais que ça serait après, souligne Pierre en prenant place sur une chaise.

- L'échographie de datation devait se faire entre la troisième et la septième semaine de grossesse, explique la femme. Et la première échographie entre la dixième et la onzième semaine, vous êtes déjà à la douzième semaine. Il est largement temps de la faire.

- Douze semaines, répète Pierre sous le choc. Ça fait déjà trois mois... je... je suis pas prêt pour ça. Maman m'a dit que j'avais neuf mois pour me préparer mais il m'en reste que six...

Il s'arrête de parler en sentant le regard de la brune se poser sur lui, il comprend qu'il doit se taire. Il reporte son regard bleuté sur le gel qui est disposé sur le ventre de Isis, le contact semble particulièrement froid puisqu'elle grimace légèrement. Elle tend sa main dans la direction du jeune homme qui la saisit en comprenant qu'elle a besoin de sa présence.

Il observe la gynécologue poser la sonde sur le ventre de la brune, elle observe l'écran avec attention durant de longues minutes tout en déplaçant la sonde. Le jeune couple ne peut pas voir l'écran qui leur est caché et cela ne fait qu'accroître leur anxiété. Les doigts de Isis broient ceux du pilote, elle ne manque pas de se pincer les lèvres tant l'attente semble interminable.

- Tout va bien, déclare finalement la gynécologue. Vous voulez écouter les battements du cœur ?

Un soupir de soulagement mutuel s'échappe de leurs lèvres, un poids immense semble quitter leurs épaules. Pierre s'empresse d'acquiescer et les battements d'un petit cœur ne tarde pas à raisonner dans la pièce. Le temps semble suspendu, Isis a les larmes aux yeux en se tournant vers le pilote qui vient embrasser sa main en souriant. Il est heureux, elle n'a aucun doute là-dessus.

- Et maintenant, je vous fais entendre les battements du deuxième !

La mâchoire de Isis se décroche, elle n'est pas sûre d'avoir bien entendu. Elle voit bien la même stupéfaction sur le visage de Pierre signe qu'elle a compris la bonne chose. Un petit hoquet de surprise s'échappe de ses lèvres lorsqu'elle murmure d'une voix émue :

- C'est vrai ?

- Plus que vrai, les deux bébés sont juste ici !

- Purée, on fait pas les choses à moitié, lâche Pierre avec spontanéité.

La gynécologue tourne l'écran dans leur direction. Les images ne sont pas colorées mais la brune distingue bien deux fœtus, elle ne s'était jamais imaginé son futur bébé mais tout semble plus concret désormais.

La praticienne montre la tête, les membres et le torse des deux fœtus, elle explique que tout semble bien en prenant différentes mesures sur l'écran. Isis ne peut retenir ses larmes en se tournant vers Pierre qui est dans le même état. Il ne s'arrête pas de sourire, il se penche pour embrasser le coin des lèvres de la brune.

- Merci pour ça, chuchote-t-il lorsqu'elle caresse sa joue. Je t'aime.

Elle acquiesce, elle est incapable de répondre à cause de l'émotion et Pierre l'a très bien compris. Elle se contente de caresser sa joue barbue en essuyant ses larmes, elle renifle péniblement en bredouillant de faibles excuses quand la gynécologue lui tend un mouchoir, tout en ajoutant :

- Vous souhaitez connaître les sexes ?

j'ouvre les pronostics, alors ?

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