soixante-et-un
Isis tient cette tasse brûlante de chocolat chaud, son regard est fixé sur le feu de la cheminée qui crépite. Elle est emmitouflée dans un pull portant l'odeur de Pierre, son ventre est rempli par le festin du réveillon de Noël et par cette bûche chocalatée que Rachel fait chaque année et qui est toujours aussi délicieuse que les fois précédentes.
- Je pense que je vais bientôt m'endormir, soupire la brune en étant dans un fauteuil particulièrement confortable.
- Il n'est même pas minuit, soulève Rachel.
- De toute manière, on ouvre les cadeaux demain ?
Julien, le mari de sa marraine, confirme que la tradition se poursuit comme lors de chaque Noël passé dans cette petite ville de Dordogne. La brune se sent parfaitement bien depuis qu'elle est arrivée trois jours plus tôt, elle n'a pas vu ses cousins depuis cet été, depuis qu'elle est venue ici avec Pierre.
- Avant il venait au moins pour Noël, soupire Isis.
- Je sais, répond la mère de famille avec petit sourire triste.
- C'est de ma faute, j'ai dit que je ne voulais plus lui parler.
Sa voix tremble légèrement, elle crispe un peu plus ses doigts sur sa tasse. Isis tente de contenir ses larmes mais il faut dire que l'absence de son père lui fait du mal. Elle ne pensait pas que la rupture de leur relation serait aussi radicale et c'est dans ces moments qu'elle ressent son absence. Elle aurait aimé qu'il soit présent, comme un vrai parent.
- Ce n'est pas de ta faute, rassure Rachel. Il est allé trop loin, il le sait et quelque part, c'est un mal pour bien que tu te sois éloignée de lui. Il t'aime, je n'ai aucun doute là-dessus. Il faut juste que ton père le réalise... et ça peut prendre du temps. Comme avec ta mère, rajoute-t-elle en souriant. Il a mis tellement de temps à se rendre compte de ça que j'ai cru qu'elle allait lui passer sous le nez !
Cette phrase parvient à faire sourire Isis. Elle essuie ses larmes en reniflant péniblement et il n'en faut pas plus pour que Rachel se lève pour l'enlacer tendrement dans ses bras. Elle n'oublie pas de poser sa tasse de chocolat sur la table basse avant, pour ne pas renverser cette dernière dans leur étreinte.
- Je crois que les garçons t'attendent pour faire un jeu de société, ajoute-t-elle après quelques secondes.
Isis opine de la tête, elle avait promis à ses cousins de faire une partie de carte avant d'aller se coucher. Elle s'empresse de se lever du fauteuil, sans oublier de souhaiter bonne nuit à Rachel et Julien qui ne tardent pas à aller se coucher. Isis rejoint sa chambre mansardée avec la golden retriever et elle n'est pas surprise d'y trouver ses cousins, assis sur le parquet en vieux chêne.
- Nous avons failli t'attendre, lâche l'un.
- Je confirme, surenchérit le deuxième.
- J'ai l'impression d'être face à Dupond et Dupont.
- Heureusement que nous ne sommes pas des jumeaux, ça aurait fait beaucoup trop de jumeaux dans cette famille. Nous, on est authentique, madame.
Isis sourit, elle est contente qu'ils parviennent à lui remonter le moral sans pour autant la questionner quant à ses yeux rougies par les larmes. Elle s'installe face à eux en tailleur et les parties de UNO s'enchaînent durant une heure.
- J'ai jamais gagné une seule partie, maugrée Isis en voyant l'un de ses cousins poser sa dernière carte.
- Mais je t'avais dit de ne pas me demander de bleu, c'était sûr qu'il avait une carte bleue !
Elle grimace en murmurant qu'elle n'avait pas d'autre choix dans sa main. La brune se résigne à mélanger une nouvelle fois le paquet de cartes en rajoutant :
- C'est la dernière partie.
- T'en as marre de perdre ?
- Je suis surtout fatiguée de vous supporter tous les deux.
Isis distribue les cartes sur le parquet de sa chambre et la partie peut commencer. Cette dernière dure de longues minutes et comme à son habitude, la brune perd face à ses cousins qui hurlent, pris par l'euphorie.
- Mais baissez d'un ton, les parents dorment.
- Ça se voit que tu habites pas ici à l'année, ils entendent rien. Ils ronflent !
- Et tous les deux, rajoute le second.
Isis n'a pas le temps de rétorquer que les deux jeunes hommes se lèvent simultanément. A tour de rôle, ils s'approchent pour l'embrasser sur la joue, signe qu'ils vont s'éclipser pour la laisser.
- Allez bonne nuit, cousine.
Elle les salue d'un sourire en les observant disparaître de sa chambre mansardée. Peu après leur départ, Isis se laisse tomber sur son lit où se trouve déjà la golden retriever. Elle caresse son flanc en soupirant, la brune ne se souvient pas avoir autant mangé que lors de ce réveillon de Noël. Il reste les cadeaux à ouvrir avec ses cousins, Rachel et Julien.
Elle a hâte pourtant elle ne peut s'empêcher d'avoir un étrange pincement au cœur, elle ne se sent pas complète. Il manque un bout d'elle même, elle est sûre que cela est due à l'absence de son père et au fait qu'elle n'a pas vu Pierre depuis plusieurs jours.
Elle n'y tient plus, elle ne peut s'empêcher de se saisir de son téléphone pour l'appeler, brisant leurs promesses pendant cette période de fêtes. Elle s'attendait à ce que Pierre ne décroche pas pourtant c'est tout le contraire, il a immédiatement répondu à son appel.
- Je sais qu'on avait promis de ne pas s'appeler pendant les moments en famille et de profiter à fond mais tu me manques beaucoup, avoue-t-elle d'une traite.
- Respire, chat.
- Désolée de te déranger, je sais qu'il faut que tu profites à fond de ta famille, c'est juste que...
- Ça fait vingt minutes que je suis dans mon lit et ça fait vingt minutes que je regarde le plafond en hésitant à t'appeler.
- Pourquoi tu ne l'as pas fait ?
- Parce que je n'avais pas envie de te déranger, souffle-t-il comme une évidence.
Un petit rire s'échappe des lèvres de la brune en constatant qu'ils se ressemblent sur ce point. Tout comme elle, Pierre ne souhaitait pas la déranger alors qu'elle se trouve en Dordogne et que ce dernier est à Rouen avec sa famille.
- Tu ne me déranges jamais, répond Isis d'une voix plus posée. Qu'est-ce que tu voulais me dire ?
- J'allais te dire la même chose, tu me manques beaucoup.
Isis sent ses joues devenir cramoisies, elle se pince les lèvres avec force en sentant son cœur s'emballer dans sa poitrine. Elle n'est pas insensible aux mots de Pierre mais elle n'a pas conscience qu'elle produit le même effet sur lui. Un grand sourire étire ses lèvres rosées depuis qu'il a vu le prénom de la brune s'afficher sur l'écran de son téléphone.
- J'ai craqué la première en appelant, rit-elle.
- Faut croire que oui.
Isis est sûre et certaine qu'il sourit, elle image ses lèvres rosées s'étirer en un sourire solaire. Elle se retrouve à imaginer la tenue qu'il porte, sûrement l'une de ses éternelles chemises blanches ou un polo vert. Elle aimerait savoir mais elle trouve que c'est stupide de poser une telle question. A la place, elle constate tout bas :
- Il est minuit, Pierre.
- T'as ouvert mes cadeaux ?
- Inconsciemment, j'attendais que tu m'appelles pour le faire.
- Moi aussi.
- Attends moi, je les récupère dans ma valise !
Il ne répond rien, Isis devine qu'il a acquiescé. Elle commence à le connaître sur le bout des doigts, elle s'empresse de s'extirper du lit pour récupérer les cadeaux de Pierre qu'il a volontairement mis dans sa valise lors de son départ.
Elle se réinstalle sur le matelas en tailleurs tout en observant l'enveloppe et la petite boîte qui semble être du carton. Pierre a pris le soin de mettre un papier cadeau vert pastel avec des fleurs, il s'agit sans aucun doute d'une des couleurs préférées de Isis avec le bleu.
- C'est bon, déclare-t-elle. Et toi ?
- J'ai mes deux cadeaux et je pense savoir ce que contient le plus gros, révèle Pierre. Il n'y a pas dix milles boîtes comme ça, je suis sûr que c'est des...
- T'as pas le droit de tâter, c'est de la triche.
- D'accord, j'arrête. Est-ce que tu veux bien activer ta caméra ?
- Juste pour tes beaux yeux, dit-elle en s'effectuant immédiatement.
Le visage de Pierre apparaît sur son écran de téléphone, tout comme le sien. Elle ne peut s'empêcher de sourire lorsqu'il la salue d'un geste de la main tout à fait adorable. Elle rougit en tirant sur le cordon du sweat-shirt appartenant à Pierre. Inconsciemment, elle vient enfouir son nez dans le col de ce dernier pour y respirer son odeur, ce que remarque le pilote.
- T'as un joli pull, chat.
- Normal, c'est le tien.
- Je commence ou tu commences ?
- Commence par la boîte, indique Isis.
Pierre ne se fait pas prier. Il se saisit de la boîte emballée dans du papier qu'il déchire, révélant une boîte de chaussures de marque. Il s'en doutait, il relève la tête vers l'écran de son téléphone en disant d'une voix euphorique :
- Je le savais !
- Je te devais une paire, elles te plaisent ?
- J'adore, s'exclame-t-il en ouvrant la boîte pour découvrir la paire de sneakers. Elles sont très belles, t'as de bons goûts.
Il observe durant quelques secondes les motifs floraux présents sur le cuir et le daim de ses chaussures Louis Vuitton avant de les ranger précieusement dans leur boîte. C'est désormais autour de la brune de se saisir du premier cadeau que lui indique Pierre.
Elle ouvre l'emballage pour découvrir plusieurs paires de collants sous les yeux attentifs du pilote qui s'inquiète de ne pas voir les motifs sur la dentelle de ces derniers.
- Je pensais qu'il y avait des motifs, souligne-t-il déçu.
- Il y en a seulement quand ils sont étirés, rassure Isis.
Elle s'empresse de glisser l'un de ses bras dans un collant pour dévoiler les motifs floraux sous les exclamations de Pierre qui ne savait pas. Isis observe les motifs des trois paires en souriant, il s'agit de tout ce qu'elle aime.
- Ils sont trop beaux, merci beaucoup. À toi, maintenant !
Il obtempère en ouvrant son dernier cadeau, il est surpris de tomber sur une boîte qu'il ouvre précautionneusement. Ses yeux s'écarquillent sous l'effet de la surprise, il ne s'attendait pas à recevoir un tel cadeau. Il retire la montre de son socle pour l'observer avec précaution.
- C'est une Cosmograph Daytona, j'en reviens pas ! Ça a du te coûter un rein, souligne-t-il.
- Ça ne te regarde pas, c'est un cadeau. J'ai vu qu'il te restait de la place dans le coffret où tu as toutes tes montres alors...
- Il y a plein d'options sur ce modèle, il y a une échelle tachymétrique. Ça veut dire qu'on peut mesurer une vitesse moyenne jusqu’à 400 kilomètres par heure... ils ont utilisé ce modèle pour les 24h du Mans.
- Je sais, c'est bien pour ça que je te l'ai acheté. C'est une montre de pilote.
Pierre rit, il observe le cadran bleu glacier avec ses compteurs azurés et à la vue de son sourire, Isis sait que cette montre en platine lui plaît. Elle est très fière de son choix et elle ne peut s'empêcher d'être soulagée. Elle s'était mise la pression pour trouver les cadeaux du jeune homme.
- À ton tour, chat.
- C'est l'enveloppe ?
- Oui, confirme-t-il en se pinçant les lèvres.
- J'ai l'impression que t'es stressé, Pierre.
- Je pense que ça va te plaire, j'ai juste un truc à te préciser après qui te plaira moins.
Isis fronce les sourcils avec inquiétude, elle tente de faire abstraction de ce sentiment. Elle s'empresse de déchirer l'enveloppe pour dévoiler un papier qu'elle déplie soigneusement. Ses yeux parcourent l'écriture de ce billet d'avion qu'elle tient entre ses mains, pour en chercher la destination.
- Les Maldives ! s'exclame-t-elle euphorique. Est-ce qu'on va aller sur l'île Vaadhoo ? Est-ce que ça veut dire qu'on verra la mer d'étoiles ?
Pierre acquiesce à toutes les questions de la brune qui s'effondre dans son lit de joie. Elle s'empresse de caresser la tête de la golden retriever qui est venue s'assurer que tout va bien en entendant ses petits cris de joie. Ses yeux sont larmoyants et Pierre comprend qu'elle pleure de joie.
- Je pensais pas que ça te ferait aussi plaisir.
- Tu plaisantes ! C'est le meilleur cadeau que j'ai jamais eu...
- Isis, il y a juste un petit truc que tu dois savoir pour ces vacances, glisse Pierre embêté.
- Honnêtement, il n'y a rien qui pourra me freiner, je suis trop contente d'y aller. Dis-moi tout.
- Il y a des règles douanières très strictes, je me suis renseigné au près du Ministère des Affaires Étrangères... les chiens sont interdits, conclut Pierre.
Isis marque un temps d'arrêt, le temps d'assimiler cette information. Elle comprend que Joyce ne pourra pas venir, un petit sourire triste prend place sur ses lèvres et Pierre continue tout bas :
- Si tu veux, on peut aller ailleurs. C'est toi qui vois, je ne t'impose rien et je te suis sur n'importe quelle destination que tu choisis.
Elle hausse les épaules en caressant la tête de Joyce, elle ne s'attendait pas à ça si bien que ses yeux se remplissent de larmes contre son gré. Elle a l'impression d'avoir pris une douche froide.
- Mais elle va pas rester toute seule, souligne Isis d'une petite voix.
- Et toi, ça ira ?
- Je pense que oui, ce n'est pas pour moi que je m'inquiète.
- Tu es sûre ? Sinon on peut changer de destination, répète Pierre.
- Non, s'empresse de dire la brune. Je... ça va. Je trouverai quelqu'un pour la garder.
- Ça va bien se passer.
- Je sais, tu seras avec moi.
Isis essuie ses yeux avec la manche de son pull appartenant au pilote. Elle croise son regard bleuté par l'intermédiaire de son écran, elle meurt d'envie de le serrer dans ses bras pour le remercier mais elle doit se rendre à l'évidence, elle ne peut pas et elle gémit :
- Le prochain Noël, je veux le faire avec toi...
- Je te promets qu'on le fera ensemble, rassure Pierre.
Il sourit tendrement à la brune, il l'observe se glisser sous la couverture de son lit. Elle tient toujours son téléphone dans sa main. Sa tête repose désormais sur le côté, sa joue est appuyée sur son oreiller.
- Merci, je suis très heureuse, avoue-t-elle. Joyeux Noël.
- Joyeux Noël, chat. Je t'aime fort.
- Je t'aime encore plus fort.
- Je ne rentrerai pas dans ce jeu de surenchère, maugrée Pierre. Ça s'est bien passé avec tes cousins ?
- Oui c'est juste que... il n'y avait pas papa, dit-elle d'une voix étranglée. Il me manque.
- Rien ne t'oblige à maintenir cette distance entre vous, t'as le droit de le revoir tout en imposant tes limites. Je pense qu'il sera en mesure de les comprendre maintenant.
- Lui peut-être mais elle...
Pierre lève les yeux au ciel en comprenant tout à fait qu'elle parle de sa belle-mère. Il sent son cœur s'arrêter lorsque la brune murmure tout bas :
- J'aurais aimé connaître ma maman juste pour qu'elle te rencontre.
- Moi aussi, j'aurais aimé la rencontrer pour qu'elle constate quelle femme formidable tu es devenue.
- Ça, c'est très mignon.
- C'est parce que t'es mignonne, chat. Je te souhaite une bonne nuit.
Et Isis sourit.
Définitivement, eux 🥹🫶🏼
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top