soixante-dix
- J'ai envie de pleurer, lâche Isis en rejoignant leur chambre d'hôtel.
Elle s'effondre sur le matelas dans un geste mélodramatique. Pierre se retient de rire, il ne veut surtout pas d'attirer les foudres de Isis. Bien qu'elle exagère, il sait que la situation l'atteint réellement.
- Ta valise n'est pas perdue, rassure Pierre. Elle n'est juste pas encore arrivée.
- Tu veux dire qu'elle n'est même pas partie, corrige la brune.
- Au moins, on sait que la compagnie l'a oubliée à l'aéroport de Milan. Ils ne l'ont pas perdue dans les airs.
- Encore heureux.. si elle l'avait été, j'aurais pas envie de pleurer mais de crever, gémit Isis en enfouissant sa tête contre l'un des oreillers.
Pierre s'assoit à côté de son corps sur le matelas, l'une de ses mains frotte doucement le dos de la brune pour la rassurer que ce n'est pas bien grave. Il propose doucement :
- Tu veux qu'on aille te racheter des fringues cet après-midi ?
- J'ai pas envie... je suis pas comme toutes les filles, tu ne vas pas me mettre dans ta poche avec une sortie shopping.
Heureusement pour Pierre, Isis ne peut pas voir le rictus amusé qui étire ses lèvres. Il est évident qu'elle n'aime pas sortir et il est encore plus évident qu'elle n'achète pratiquement aucun vêtement. La jeune femme fait tout elle-même.
- Au pire tu ne t'habilles pas.
- Et je me pointe sur le paddock nue comme un vers ?
- Même pas en rêves, personne ne voit ce que je touche.
Elle se tourne sur le dos afin d'observer le pilote, il a réussi à la faire sourire, chose qui était impossible depuis leur arrivée à l'aéroport de Bahreïn. Il glisse sa main jusqu'à sa joue qu'il pince affectueusement en avouant :
- Si je pouvais avoir un seul pouvoir magique, ça serait la téléportation.
- Comme ça, tu ramènerais ma valise ? questionne-t-elle d'une voix purement enfantine.
- Ouais, puis à chaque week-end de course, entre chaque essais libres je me téléporterais pour te voir. Comme ça, la semaine prochaine je pourrais être avec toi au lieu d'être à Jeddah.
- C'est mignon mais t'as toujours pas de pouvoirs magiques, gémit Isis en venant nicher son nez contre son sweat-shirt. Imagine que quelqu'un ouvre ma valise et me vole mes vêtements, mes bébés...
Elle s'agrippe au corps de Pierre en reniflant péniblement, il glisse simplement ses doigts dans ses cheveux pour la réconforter tandis que son bras entoure son corps pour la maintenir contre lui.
- Tu me prêteras tes vêtements, hein ? s'enquiert Isis d'une petite voix.
- Pour me piquer mes fringues y a quelqu'un mais pour s'acheter des fringues, y a plus personne, souligne le pilote.
- Ce n'est pas pareil, j'aime bien tes vêtements.
- Tu m'étonnes que tu les aimes bien vu que t'as personnalisé la moitié d'entre eux.
- Ste plaît doudou, supplie la plus jeune. Tu pourras m'en prêter ?
- Si tu veux, chat.
Son pouce se pose sur ses yeux sombres afin d'y essuyer les quelques larmes, Pierre se questionne sur l'état de la brune. Il constate qu'elle est plus fatiguée ces derniers jours, elle est à cran sans qu'il n'en comprenne les raisons, sûrement des cauchemars.
- Allez au dodo, souffle-t-il en embrassant son front.
- Tu me prêtes un t-shirt pour dormir ?
Pierre sort un vêtement de sa valise qu'il envoie à la brune, il la laisse pour lui laisser un peu d'intimité. Il se dirige vers la salle de bain. Il est suivi par la golden retriever avec laquelle il s'amuse tout en se brossant les dents.
- Comment je vais faire pour me coiffer et pour me laver les dents et...
Elle s'arrête en posant ses yeux sur la brosse à dent que tient le jeune homme, une idée germe dans son esprit et Pierre l'interrompt immédiatement :
- N'y pense même pas, c'est ma brosse à dent.
- J'ai rien dit.
- T'allais le dire, s'exclame Pierre la bouche pleine de dentifrice. Tu fais comme tout le monde dans ces cas-là, tu te brosses les dents avec ton doigt.
Pierre se rince la bouche avant de disparaître de la salle de bain, emportant sa brosse à dent avec lui et Isis lâche en le suivant :
- Mais qu'est-ce que tu fais...
- Je garde ma brosse à dents pour m'assurer que tu ne l'utilises pas.
- T'es sérieux ?
- Totalement, dit-il en posant cette dernière sur sa table de chevet.
Isis lâche un cri de frustration, elle termine de se préparer pour la nuit en se nouant les cheveux en une natte. Elle se lave les dents avec son index et elle trouve la situation extrêmement ridicule, elle finit par regagner la chambre. Elle se glisse dans le lit aux côtés de Pierre, ce dernier s'approche d'elle pour l'enlacer mais elle l'arrête.
- Je sais ce que tu essayes de faire et c'est non, dit-elle en repoussant sa main venue se glisser sous son t-shirt. Pas de bisous, pas de câlins, nada.
- Tu me boudes à cause d'une brosse à dent ?
Elle ne répond rien, elle entend le souffle de Pierre s'échouer dans son cou lorsqu'il soupire. Il ne s'éloigne pas d'elle, il laisse ses soins glisser le long de sa hanche en continuant :
- J'vais juste te poser une dernière question, est-ce que toi, tu m'aurais laissé utiliser ta brosse à dent ?
- Bien sûr que non, rétorque Isis.
- Dans ce cas, je te souhaite une bonne nuit.
Il s'éloigne pour lui tourner le dos, ses doigts quittent sa hanche. Isis se sent vide lorsque la chaleur de sa peau quitte la sienne, elle se pince les lèvres en se tournant pour étreindre Pierre à son tour. L'un de ses bras s'enroule autour de son bassin et elle chuchote d'une petite voix :
- Mais Pierre...
- Pas de bisous, pas de câlins, répète-t-il comme la brune vient de le faire.
- D'accord je suis désolée, concède la brune.
- Je préfère ça.
Et il ne tarde pas à étreindre Isis, ses lèvres se déposent sur sa joie lorsqu'il lui souhaite de passer une bonne nuit.
●●●
A la fin de la dernière séance d'essais libres, Pierre rejoint le garage. Il s'extirpe de sa monoplace avec l'aide d'un mécanicien et il remercie les membres de son équipes avant de s'arrêter sur un écran renvoyant des données télémétriques. Ses lèvres se pincent tandis qu'il relève la visière de son casque.
Un ingénieur passe derrière lui et lui assène une tape dans le dos comme pour le rassurer que les résultats désastreux ne sont pas de son fait. Pierre donne tout pour tirer le maximum du potentiel de cette monoplace capricieuse. Il soupire en retirant son casque qu'il dépose sur une table, il passe une main dans ses cheveux bruns pour les recoiffer tout en se dirigeant vers l'arrière du garage.
Il s'arrête en entendant un aboiement, une voix ne tarde pas à s'élever pour réprimander la golden retriever. Pierre se tourne pour apercevoir Isis aux côtés de Joyce, un sourire apparaît sur son visage lorsqu'il s'approche d'elles.
Il embrasse son front tendrement, il ne tarde pas à s'éloigner pour ne pas gêner la brune qui n'est pas une adepte des gestes d'affection en public. Son regard croise celui de Isis, elle contourne la séparation entre le garage et la partie réservée aux invités pour le rejoindre, Pierre passe un bras autour de ses épaules pour l'amener vers sa driver room.
- T'as un joli sweat-shirt, souligne Pierre en désignant son hoodie beige.
- Merci, j'aurais préféré que tu l'aies porter une fois avant mais...
Elle n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'elle reçoit un vêtement en pleine tête. Elle a tout juste le temps de l'intercepter avant que celui-ci ne tombe par terre, un petit rire s'échappe de ses lèvres et Pierre hausse les épaules en rétorquant amusé :
- C'est ce que tu voulais, non ?
- Oui, sourit-elle. Je porte le sweat de mon copain et il y a son odeur dessus, j'ai tout ce que je veux.
- J'suis pas ton copain, maugrée Pierre.
- T'es quoi alors ?
- Et bien...
Il s'approche avec un sourire plus que suggestif sur ses intentions, ses mains se posent sur les joues de la jeune femme. Ses lèvres se rapprochent inexorablement des siennes mais Isis l'arrête en posant ses mains sur son torse.
- Je pensais que t'étais pas mon copain.
Il arque un sourcil dans sa direction, tout en venant croiser ses bras sur son torse. Il toise la brune du regard et Isis se délecte de la situation. Il est tellement susceptible et prévisible que cela en devient amusant. Il lâche un grognement de frustration en s'éloignant de Isis pour se défaire de sa combinaison.
Il a encore le temps avant d'attendre les qualifications, il glisse la fermeture et baisse le haut de sa combinaison sur ses hanches. Il retire de son t-shirt ignifugé sous les yeux de la brune qui se délecte de la vue de son dos musclée.
- Bizarre de matter quelqu'un qui n'est pas son copain, soulève-t-il sans lui jeter un coup d'œil.
- Comment tu sais que je te...
- T'es prévisible, ma vieille.
Elle lève les yeux au ciel en s'approchant à son tour de Pierre, il se tient toujours dos à elle. Ses yeux sont rivés sur une feuille accrochée sur le mur, il s'agit d'un schéma du circuit et elle se doute qu'il visualise ce dernier avant les qualifications.
Isis laisse ses doigts courir sur son dos, ils remontent le long de sa colonne vertébrale jusqu'à terminer leur chemin sur sa nuque. Elle taquine cette dernière de ses ongles, faisant soupirer le pilote.
Elle sent ses muscles se détendre sous ce geste et elle s'empresse de coller son corps contre son dos. Ses bras viennent entourer le brun, elle l'étreint avec force en venant presser un baiser sur son épaule. Elle vient poser ses mains sur le torse de Pierre qui soupire une nouvelle fois.
- J'avoue que je te matte et j'aime bien te tâter aussi...
- En même temps comment résister devant mon corps d'apollon.
- Je devrais arrêter, j'ai un fiancé et c'est vrai qu'il est très beau, souffle-t-elle au creux de son oreille. C'est même le plus beau des fiancés.
- T'es mignonne, dit-il en se tournant vers elle.
- Toi aussi, mais tu le serais encore plus si tu pouvais éviter de m'appeler ma vieille, je préfère mon autre surnom surtout que c'est toi le plus vieux d'entre nous, souligne Isis en croisant son regard bleuté.
- D'accord, chat.
Elle sourit avant de l'enlacer tendrement, elle sait que Pierre en a besoin avant les qualifications. Les deux monoplaces de l'écurie français ne brillent pas du tout durant ces dernières. Pierre prend la dernière place de la grille et durant la course, il ne gagne que deux petites positions.
La semaine suivante, Isis regarde les qualifications depuis sa chambre mansardée en Dordogne. Elle éteint bien rapidement la télévision après l'élimination de Pierre, elle caresse la tête de la golden retriever et elle murmure :
- La saison va être très longue...
Joyce couine comme si elle comprenait sa propriétaire et la brune s'enfonce un peu plus dans son lit. Elle reprend son carnet de croquis tout en soupirant, elle se pince les lèvres en pensant à l'état dans lequel doit être Pierre. Elle n'ose même pas imaginer sa déception.
Elle sursaute lorsque son téléphone vivre, elle part à la recherche de ce dernier sous la couverture. Elle tâte le matelas durant de longues secondes avant de réussir à mettre la main sur son téléphone, elle lit le message de Pierre sur son écran et un petit sourire étire ses lèvres.
Tu dors ?
Sa réponse s'est à peine envoyée qu'elle reçoit un appel entrant de la part de Pierre. Elle décroche immédiatement, son cœur se serre dans sa poitrine en entendant sa voix suave marquée par la déception :
- Salut, chat.
- Est-ce que...
- Pas de question, supplie Pierre d'une voix basse. Je suis dans un déni profond pour demain.
- Au moins, j'ai regardé que la première partie des qualifications...
- Et moi, j'ai pu rentrer plus tôt à l'hôtel. Est-ce que tu veux regarder un Disney avec moi ?
Sa demande est si adorable que Isis ne peut refuser, le couple se retrouve à lancer les Aristochats en même temps afin de pouvoir partager leurs commentaires. Isis ne voit pas le temps passer, elle est déçue d'arriver au générique.
- Tu me manques, avoue-t-elle à son compagnon. J'ai hâte que tu sois avec moi.
- Moi aussi, souffle Pierre dans le combiné. Mardi, c'est le grand jour.
- J'ai terminé ma robe.
- Et tu ne me l'as pas envoyée ?
- Non, tu auras la surprise quand j'arriverais a l'hôtel, dit-elle en souriant.
- J'ai hâte, assure Pierre.
Un silence s'installe durant lequel ils pensent au jour qu'ils attendent avec une grande impatience. Isis s'occupe des préparatifs depuis vendredi, avec l'aide de Rachel et de la mère de Pierre qui est venue en Dordogne plutôt que prévu pour les épaules dans cette tâche.
- Pierre, tu restes jusqu'à ce que je m'endorme ?
- Bien sûr, chat.
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