63) Magie verbale
Sora
- Rappelle moi qui a dit que tout irait bien ?
-Oh ça va, n'en rajoute pas.
- Non, je veux te l'entendre dire. Qui a dit "ne t'inquiète pas petit frère, je gère, ça va passer crème, personne ne dira rien" ? J'attends !
- Ferme la, Sora, tu me donne la migraine. Les gens pensent trop fort ici, et le français c'est insupportable !
- Eh bien il fallait y réfléchir avant, Janis ! Je ne sais pas comment tu as obtenu ce pouvoir, mais je t'assure que je suis bien content de te voir galérer. Bien fait. Et j'espère qu'il n'y a pas d'Elfes dans le coin, parce que tu peux dire adieu à ta liberté.
-Tu me prends pour un débutant ? Du moment qu'on est pas remarqués...
- Oh, tu crois qu'on n'est pas remarqués ? Tu t'es fait chopé à la douane de l'aéroport avec ta lame magique Féerique à la main ! Non mais tu pensais à quoi ?
- Sora tais-toi. Mes poings sont largement suffisants pour te faire taire.
-Tu vas voir qui va se taire...
- Moins fort, vous deux !
Celui qui nous gardait parlait français. J'avais appris cette langue quand j'étais petit, c'était celle de mon père. Il voulait faire de Janis et moi ses subordonnés, alors je parlais couramment anglais, français, japonais, et un peu de coréen. Nous étions coincés à l'aéroport de Lyon, depuis plus de quatre heures. Après les quinze heures de vol, mes nerfs en avaient un peu marre. Enfin, Janis se redressa en disant :
-Elle est là.
Notre gardien nous fit signe de le suivre, et nous fit entrer dans un bureau, dans lequel se trouvaient un officier, ma mère et un greffier. Ayame était calme et souriante, plaisanta même avec l'officier. Janis me jeta un regard et je compris qu'il avait ressenti le même frisson le long de l'échine. À la seconde où nous aurions quitté cet endroit, ma mère ne répondrait plus de rien. Je ne me souvenais plus à quel point Janis tenait d'elle, et à quel point même lui la craignait. Je n'avais rien fait de mal, mais pour ma génitrice, les frères doivent tout partager. Y compris les punitions.
- Je vous laisse, madame. Au revoir.
- C'est ça, au revoir monsieur. Au plaisir.
Sa voix était agréable, elle nous fit sortir avant elle. Elle nous montra sa voiture, et conduisit sans rien dire jusqu'à chez elle, une maison de village dans un hameau à une heure de route de l'aéroport. Nous sommes descendus, avons posé nos valises dans le hall. Il était 18 heures passées, j'étais mort de fatigue, et mon demi-frère aussi. Nous sommes néanmoins restés debout, dans le salon, et attendu. Attendu. Attendu. Elle nous scrutait, les bras croisés.
Elle avait les cheveux lisses comme moi, réunis en une couette basse, un haut simple un peu ample kaki, un jean bleu et avait gardé ses chaussures ouvertes à talons compensés. Ses traits étaient un peu tirés, sa peau était mate mais claire comparée à la mienne. Ses yeux était dorés, seul point avec les cheveux qui nous réunissait. Ses lèvres fines dénuées de maquillage se plissèrent.
- Bon, les gars vous m'expliquez ?
Elle avait parlé en langage elfique. Mauvais signe. Son ton était calme. Très mauvais signe. Janis haussa négligemment les épaules, et dit d'un ton traînant :
- Ce petit ingrat ne voulais pas venir avec moi, j'ai du user de persuasion. Malheureusement, il y a eu des témoins.
- Ta version, Sora ?
- Il m'a menacé avec une arme Elfique qui, si elle avait été découverte, aurait pu compromettre la tranquillité des Trois Pays.
-Janis est donc déclaré coupable. Viens là.
Sans autre forme de procès elle lui plaça sous le nez une petite plaque grise rigide, sur laquelle quelques mots étaient écrits, dans une forme ancienne d'EFN, la langue officielle des Trois Pays.
Janis n'eut pas d'autre choix que de lire à voix haute. Aussitôt, il se cambra, ses mains se crispèrent et il lâcha un râle. Ses pouvoirs étaient sortis de lui pour une durée indéfinie. La Magie verbale était la punition que ma mère préférait. Elle écrivait, le puni lisait, à haute et intelligible voix, sa sentence. Ce type de magie était infaillible. La voix suplantait le pouvoir intrinsèque au corps, était autrement plus puissante et destructrice. Peu importait qui prononçait la Sentencia, la suite d'ordre gravée sur la plaque, cette dernière s'appliquait, impartiale, suivant aveuglément la voix qui parlait. Cela venait de la nature du support, un papier magique extrait de certaines mines des Nains, souvent assimilé à du métal par les humains. Sauf que la plaque de Sentencia, du même nom que la famille de Nains qui avaient découvert ses propriétés, était d'une tout autre nature. La matière particulière de la Sentencia venait du métal fusionné à de la roche volcanique et des pousses de plantes spécifiques, porteuses de magie par nature.
Pour utiliser la Sentencia, il fallait lire l'EFN ancien, et le parler, dans une certaine mesure au moins. La magie verbale ne tenait pas compte de l'accent -mauvais- de la plupart des Nains. Et les Nains, même s'ils savent apprendre une langue très facilement, gardent un accent très prononcé, dû à leur façon de parler, très exagérément accentuée et outrancière. Mes cours d'Histoire elfénique me revenaient, ce que ma mère m'avait enseigné au moins.
Janis me pesta en EFN ancien, pour me faire comprendre qu'il m'appréciait tellement qu'il mourait d'envie de faire fusionner sa lame avec mon cou. Ce qui n'arriverait pas, étant donné qu'il n'avait plus de pouvoirs, et pour un certain temps, de ce que j'avais compris de la Sentencia. Ma mère ne faisait pas les choses à moitié. Quand elle punissait, elle le faisait vraiment. Je retombais en enfance, rien n'avait changé : mon père absent, mon demi-frère me persécutait, je me défendais, ma mère punissait. La routine. Et ça a duré trois jours, temps durant lesquels j'ai renoué avec ma mère, qui a utilisé sur moi la Sentencia pour atténuer ma douleur à la jambe. Janis restait dans son coin, sauf quand il cherchait quelqu'un sur qui crier, où sur qui tester ses compétences en corps à corps. Je le soupçonnais de ne plus le haïr, comme c'était le cas avant, mais de vouloir en quelque sorte redevenir un frère pour moi. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il était le seul à qui je ne tenais pas rigueur, le seul que je supportais qu'importe ces actions. Ma mère m'avait beaucoup répété que Janis n'était pas foncièrement mauvais, qu'il ne réfléchissait pas aux conséquences de ses actes. Elle savait qu'il devrait être en prison, mais une des lois Elféniques stipulait que ce qui se passait sur Terre était en dehors de la juridiction des Trois Pays, par conséquent ma mère pouvait héberger un criminel, tant qu'elle ne le faisait pas sur le sol des Trois Pays. Mais il ne fallait pas croire qu'elle ne lui disait rien. Elle était parfaitement consciente de l'attitude irresponsable de son aîné, et elle ne la tolérait pas. C'était pour cela que mon demi-frère se tenait à carreau quand il allait la voir. Et je pouvais enfin respirer.
Le troisième jour, je venais de me lever, Janis devait faire son jogging matinal (une petite quinzaine de kilomètres tous les matins), ma mère s'assit en face de moi sur la table de la cuisine, me tendit une tasse de café, prit la sienne à deux mains pour se les réchauffer et me dit, se calant sur ses coudes :
- Dis-moi tout, maintenant qu'on est face à face, dis-moi tout.
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Bonjour. Vous venez de lire le soixante - troisième chapitre de Emma. Qu'en avez vous pensé ?
La Sentencia donc est le nom de la magie, de la famille de Nains qui l'a découverte et le nom de l'ordre écrit sur la plaque, plaque dite de Sentencia. C'est pas très développé, mais c'est la crise, alors il n'y a qu'un seul terme pour trois notions. Mais je dirais parfois 'Magie Verbale' à la place de Sentencia pour parler du type de magie. Elle s'oppose donc à la notion de pouvoir, expliquée par Sora dans le chapitre.
Si vous avez lu entièrement ce qui est sus-dit, votre espace commentaire s'est transformé en plaque Sentencia. Vous êtes capable de magie verbale pour un commentaire. Cadeau de la maison.
Allez, bye !
Enjoy ! ♡
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