Chapitre 41
Daëri
Sur le champ de bataille, je m'approche des soldats creusant le sable et prends une pelle sur le tas. J'appuie sur le bouton pour la déplier et sous leurs regards insistants, je me place à côté d'un trou pour en commencer un nouveau en continuant la ligne. Parmi leurs paroles à voix basse, je distingue près de moi:
-Elle essaie vraiment de n...
Irritée, je coupe l'homme sali de sang et de sable:
-Me pousse pas à te donner un coup de pelle avec tes paroles.
Il y a des rires et il semble sourire avant de dire:
-J'allais seulement dire que c'était bizarre. Je suis aussi surpris que tu te sois battu avec nous encore une fois, dans le bon sens.
Je réponds un peu honteuse:
-Désolé.
Je devais les aider, je dois vider ma colère et ma tête ou au moins essayer. Ils ne savent pas encore ce que j'ai causé. J'aide à soulever les morts, ils sont encore chauds. Je ne sais pas si c'est le soleil ou un témoignage de la vie qui les animait, qui n'a pas encore refroidi. La femme que j'aide ferme les yeux d'un autre homme et à côté de moi, j'entends des reniflements d'un soldat qui répète:
-Putain Fiz...
J'ai maintenant une boule dans la gorge, mais inspire pour la ramollir. L'odeur de sang à laquelle je ne me suis pas complètement habituée me griffe un peu l'odorat. Comme les autres, je m'assieds pour faire une pause. La femme à côté de moi me passe une bouteille. Je lui dis:
-Merci beaucoup.
Je bois comme si mon corps était fait de sable, ce qui les fait rire. Je ne peux pas m'empêcher d'étirer mes lèvres. Mon inquiétude remonte en me demandant où sont Aelia et Zyron. Mon cœur s'emballe et j'ai l'impression que je vais trembler, contrairement à avec Atmos où mon cerveau ne pouvait juste pas concevoir qu'il ne reviendrait pas. Je regarde vers le campement médical où il doit se trouver. Je sais qu'enlever une balle sans anesthésie peut nous faire souhaiter d'avoir crevé en la recevant. J'espère vraiment qu'ils en ont. Je devrais être avec lui, mais Moya a refusé que je prenne de l'espace aux blessés juste pour ça.
On arrive au point d'où l'on est censé être évacué à la Cité par petits groupes discrets avec le camouflage miroir des véhicules et leurs brouilleurs d'empreintes. Je me demande si tout ça est encore nécessaire, maintenant qu'ils savent où l'on se trouve. Ce n'est qu'une question de temps. Je pense qu'ils le savent, car ils s'activent rapidement. Je me dépêche de descendre du véhicule et cherche celui où se trouvent les blessés du regard. À la place, mes yeux s'arrêtent sur Zy, en train de parler à une fille. Avant que je ne puisse m'en rendre compte, je cours et l'attrape, ignorant la fille. La fille s'éloigne ennuyée tandis que Zy me dit en riant:
-Wow, putain Daëri tu vas me faire croire que c'est un clone qui vient de m'attraper là.
Je repense un peu à ce que j'ai causé et ne sais pas quoi lui répondre. Je ne comprends pas non plus comment je réussis à le toucher et encore moins le tenir, comme avec Blade puis Atmos et Aelia. Je change, mais c'est trop tard. Je me contente de respirer les restes de son odeur de vanille épicée ayant survécu, malgré les notes de sang et de terre. Il me serre aussi et continue plus bas:
-Je savais que tu les effraierais avec ton regard.
Je le pousse et il rigole en plissant ses yeux noirs et brillants, avant de m'apprendre en souriant:
-Aelia est...
Mais cette dernière le devance, en arrivant à une vitesse folle et en criant:
-Daëri!
Elle m'attrape, et au bout d'un moment à me serrer, il me dit:
-J'étais tellement inquiète après que ces foutues oreillettes ne remarchaient pas. On pouvait joindre personne. Tu vas bien?
Je hoche la tête et réponds:
-Toujours entière, comme toi hein?
Aelia étire ses lèvres avant de répondre:
-Indestructible.
Zy sur le côté émet un:
-Pff.
Aelia pousse son front, puis, en rangeant les mèches blondes s'échappant de sa queue de cheval, elle demande inquiète:
-Où est Atmos?
Zy lui répond:
-Après t'avoir vu, je l'ai retrouvé en aidant Moya. Il doit être quelque part en train de pleurer à cause de sa première blessure par balle. Il a eu de la chance, il restait juste un peu d'anesthésie pour enlever la balle, mais ça ne durera pas assez longtemps. Il va serrer des dents.
Je plisse les yeux ennuyée et demande:
-On t'a déjà tiré dessus pour que tu parles autant?
Zy montre ses fossettes et dit:
-On m'a tiré dessus deux fois, quand on s'est fait repérer par des drones. Bras et épaules. C'est la première fois qu'on s'est fait repérer en des années et pour une fois c'était pas ma faute. L'épaule a pissé le sang.
Je grimace et il ajoute:
-Hey je suis vivant non?
Je souris et il pince ma joue. Je lui dis:
-Stop.
On rigole. J'en profite tant que je peux. Ça se finira bientôt et j'ai pas le courage de leur annoncer.
Quand c'est à mon peloton de partir pour la Cité, je me tiens en retrait, mais Havo me crie:
-Daëri, on n'est pas là pour compter les grains de sable!
Je fronce les sourcils et le regarde confus. Je le rejoins et lui rappelle:
-Je peux pas y aller ils ont trouvé un moyen de me suivre.
-Tu vas poser ton cul dans le camion et rentrer ok?!
J'hésite, mais Yoa à côté de nous dit avec un calme inhabituel:
-À ce point-là, ça ne changera rien, Daëri. On verra tout ça plus tard.
Exxio ajoute:
-Et tu pourras nous servir de bouclier.
Je contracte ma mâchoire et obéis.
Dans l'ascenseur il règne un silence de mort et c'est le cas de le dire. On s'est bien battu, mais on a quand même perdu des gens, ce n'est pas facile. J'ai à peine quitté l'obscurité du tunnel où s'arrête l'ascenseur que Moya m'ordonne:
-Suis-nous
Je lui obéis, mais constate que derrière moi les autres aussi. Même Atmos, qui s'est battu pour continuer en béquilles antigravité. Elles le soutiennent pour ménager sa blessure au flanc. Je l'ai menacé, tout le monde l'a fait, mais il n'écoute pas. On ne sait pas où je vais finir tous les deux, mais il veut me suivre. L'équipe médicale dissimulée à la surface de la cité lui a appliqué du gel, mais il n'aura pas soigné sa blessure avant encore plus d'une journée. J'ai peur qu'il devienne fiévreux, même si ça serait absurde avec les médicaments qu'on lui a donnés, mais je ne sais pas. J'ai juste peur. Je ralentis au niveau d'Atmos, qui me dit énervé:
-Commence pas, j'ai déjà dit que j'irais nulle part.
-Tu pourrais prendre un skate ou un de vos tapis bizarres pour t'allonger.
-La dernière chose que je veux, c'est être allongé. Ces béquilles sont bonnes, je marche presque tout seul avec. Je ne ralentis personne.
Zy demande en rejoignant Moya:
-Qu'est-ce qu'il se passe?
Elle me regarde au lieu de répondre, donc il me demande:
-Daëri qu'est-ce qu'il se passe?
Incapable de lui répondre, je me contente de secouer la tête. Moya marmonne assez fort pour qu'on puisse l'entendre:
-Putain de groupe.
Elle doit être assez contrariée là, parce que je sais qu'elle ne le pense pas. Dans la salle du conseil on ferme la porte derrière nous et mon estomac se retourne, et s'ils se débarrassaient de moi? Là maintenant? La porte se rouvre sur Ena suivie de Yoa. Putain. Riye arrive avec ses cheveux rouges en une queue de cheval basse cette fois, il annonce:
-On a fini par trouver comment ils l'ont retrouvé
Havo ajoute:
-On est vraiment cons.
Je demande doucement:
-Comment?
Moya revient d'une autre pièce et jette quelque chose de plié dans du plastique transparent épais en disant:
-Ta putain de combinaison. Elle avait une puce avancée. Avec la distance d'ici à la cité et nos brouilleurs, le signal a mis du temps à arriver, mais il a fini par le faire dans les 15 jours après qu'on t'ait capturé.
Écrasée sous le poids de ma réalisation, je conclus:
-Donc tout ce temps il n'est jamais venu alors que...
Exxio me dit en s'énervant:
-À quoi tu t'attendais putain Daëri? T'es humaine, t'es pas comme ce truc.
Moya ajoute:
-Nyx ne peut pas aimer. Tu faisais sûrement partie d'un plan...mais lequel? Nous retrouver?
Ils ont sûrement raison, j'aimerais que ça ne soit pas le cas. Pourquoi il n'est jamais venu me chercher, pourquoi? Pourquoi il a envoyé ces mutants pour nous tuer? Il ne pouvait pas savoir que j'étais là. Mais il voulait Ena et Atmos, pas moi. Il m'a seulement dit qu'il savait où j'étais. Il ne nous a pas attaqués, pas encore. Est-ce qu'il sait que je les ai rejoints? Que je l'ai trahi? Je ne sais pas ce qu'il se passe. Atmos m'observe inquiet et je dis:
-Je ne sais pas si c'est une menace ou un message...
Moya ricane et Aelia ajoute:
-Cette chose ne mérite pas tous ces sentiments.
Je ferme les yeux et cache mes larmes en tournant la tête. J'entends les béquilles d'Atmos tomber et il me tient solidement dans ses bras. J'essaie de m'éloigner en lui disant:
-Tu es blessé.
-Toi aussi
Moya soupire bruyamment et dit:
-Et c'est parti.
La voix d'Ena ajoute:
-Comme si c'était elle qui allait devoir déplacer sa vie ailleurs.
Je me calme et me détache d'Atmos, qui me laisse partir. Je lui rends ses béquilles et dis à Moya:
-Je suis désolé.
Je regarde Havo et continue:
-Même si ça ne vaut sûrement rien pour vous. De toutes les façons, vous n'aurez plus à vous soucier de moi.
Havo fronce les sourcils et Zy dit:
-Quoi?!
Aelia s'approche et demande son regard bleu préoccupé:
-Qu'est-ce que tu veux dire?
Ena lance:
-Enfin, j'espère que tu nous annonces que tu vas te tuer.
On la regarde choqués. Je pensais qu'elle me détestait moins, après s'être excusée l'autre jour. Elle ajoute:
-Ça serait à peine une rétribution.
Elle s'en va et je détourne enfin le regard de la porte, quand j'entends Atmos poser ses béquilles contre la table. Il prend ma main pour me demander préoccupé:
-Qu'est-ce que tu veux dire Daëri?
Je lui explique avec les larmes montant:
-Je ne peux pas vous suivre, on va encore vous trouver à cause de moi.
Aelia demande:
-Comment?
Atmos continue:
-Oui, t'as pas d'autre combinaison et on t'avait tout pris
Je lui réponds:
-Je sais pas, il trouvera un moyen.
Moya me dit durement:
-Arrête tes bêtises un moment, on ne peut pas te laisser partir. Tu sais trop de choses sur nous.
Havo approuve:
-Elle a raison.
Je me fige, ils vont se débarrasser de moi. Atmos et les autres semblent avoir lu mes pensées parce qu'ils se rapprochent de moi. Yoa se met à rire et Moya lève les yeux au ciel. Gifer s'approche, mais s'arrête à bonne distance. Son regard vert clair contrastant avec sa chevelure sombre m'enveloppe calmement. Elle me dit:
-Tu restes avec nous ou tu meurs, simple.
Je me remets un peu à respirer normalement tandis qu'Aelia dit:
-Eh bien c'est mignon.
Je dis dans un souffle:
-Vous mentez, vous allez me tuer. C'est l'option la plus sûre.
Exxio répond:
-Il n'y a pas d'option la plus sûre. Te tuer pourrait très bien nous ramener ton père au cul encore plus vite.
Il ajoute avec un léger sourire:
-Tu tiens vraiment à nous semer on dirait.
Je lui explique:
-Les gens commençaient à peine à me supporter et maintenant à cause de moi tout le monde doit partir. Ils vont me détester à nouveau.
Après avoir mordillé sur sa lèvre, un de ses nombreux morceaux de métal brillant, Yoa me dit:
-Tu vas survivre comme tu l'as fait jusqu'à maintenant. Et puis ce n'est pas notre première migration. La Catastrophe nous a fait bouger aussi il y a des années. C'est...
Je la coupe:
-Je sais Bla...on m'a raconté.
Ma peur des réactions des habitants et le souvenir de Blade me tirent plus profondément. J'ai le regard sur le sol quand Atmos met une béquille sur une chaise et me tire en disant:
-Tu m'auras toujours.
Je lui souris et entends Zy demander:
-Et moi? Je suis une plante?
Je souris et prends sa main et Aelia prend mon autre main. Moya me fixe ennuyée et je lui dis:
-Ok, je vous laisserai pas m'abattre comme du bétail.
Ils se mettent à rire et je leur demande curieuse:
-C'est ce que vous essayiez de faire en me laissant me battre hein? Me tuer?
Riye me répond:
-On ne savait vraiment qu'au dernier moment que tu étais partie, mais oui on t'a laissé partir. On observait pour savoir s'ils allaient savoir que tu es là ou si tu allais les rejoindre.
Je leur rappelle:
-J'aurais pu repartir avec vos infos.
Yoa m'apprend avec un léger sourire:
-On a donné l'ordre de t'abattre si cela arrive.
Atmos s'exclame:
-Quoi?!
Havo explique:
-On a transmis l'ordre dans les oreillettes au dernier moment, sauf les vôtres.
Atmos pense tout haut:
-C'est pour ça qu'Ena me souriait à ce moment-là...
Havo dit plus enthousiaste:
-Mais tu te tiens ici debout à faire de notre vie un enfer, donc tout va bien.
Exxio marmonne:
-Et elle nous fait tout un mélodrame pour une phrase.
Je réplique:
-Une phrase qui signifie qu'il se fiche de ce qu'il peut m'arriver, il ne s'en est jamais soucié. Je pense même que c'est une menace en fin de compte.
Havo ajoute:
-Oui, on le pense.
En sortant de la salle, Atmos me prend, à part comme il peut, et me dit dans le couloir:
-Je devrais attendre pour te le dire, mais je crois que j'en aurais plus le courage.
L'estomac se tordant d'inquiétude je le fixe et il hésite avant de me dire:
-Ton père, Dia, une des mutantes qu'il a envoyée voulait savoir où tu étais. Elle pensait aussi que tu étais toujours enfermée et contre nous. Il te cherchait Daëri et il ne pense pas que tu l'as trahi.
Réalisant pourquoi il hésitait à me le dire, je garde le silence. Je pourrais partir. Retourner chez moi et même les laisser trouver un nouveau refuge sans moi pour leur mettre une cible sur le dos. Atmos partage sûrement mes pensées d'après son regard attentif. Je détache mes lèvres pour dire:
-Je reste. Je reste avec vous.
Il sourit et ris puis grimace de douleur et je lui dis:
-Tu dois te reposer maintenant.
-D'accord, d'accord.
Papa ne pense pas que je ne vaux rien, mais, moi, j'ai choisi de le trahir. J'ai choisi. Ce n'est plus mon père, c'est Nyx. En sortant, on retrouve les autres et je tapote l'épaule de Zy et lui fais signe de me suivre. Il demande amusé:
-Que puis-je faire pour toi?
Je catapulte presque mes mots pour réussir à le dire:
-Je veux voir Blade
Face à son regard confus, j'ajoute avec ma voix se noyant dans la tristesse:
-Là où il est enterré, avant de partir...j'ai le droit? Je voulais pas blesser Atmos en demandant.
Zy hoche la tête et dit :
-On devrait leur dire vu comment ils nous observent.
Je regarde dans la direction d'Atmos et Aelia, qui font aussitôt semblant de parler. Je souris et on les rejoint. Zy leur dit:
-Elle veut voir Blade.
Je guette la réaction d'Atmos. Il demande calmement:
-Pourquoi tu m'as pas demandé?
-Je voulais pas te faire de peine.
Il sourit et caresse ma joue.
Zy râle puis dit:
-Je vais te chercher un skate, une moto ou quelque chose, parce qu'on va pas faire tout le chemin en t'attendant avec tes béquilles mon gars.
On lui sourit et Aelia le suit en disant:
-Nous aussi on va se trouver un truc.
Des minutes après, on arrive enfin en bas, tout en bas de la cité. Il y a une arche donnant sur un jardin fleuri. Tout est coloré et sent surtout les roses ici. Sous chaque arbuste, il y a une plaque. Avec un arrosoir, Aelia s'arrête devant l'une d'elles. Elle fait face à un arbuste entouré de roses bleues claires plus loin. Je dis tout haut:
-Je pensais que ça n'existait pas...
Zy me répond:
-Ici, il y a beaucoup de choses mieux que chez toi majesté.
Je ris, mais mon sourire disparait pendant que je m'approche, je ressens des frissons et mon cœur s'emballe. Blade. Je rejoins Aelia en train d'arroser des pousses sur le côté de la plaque. Elle m'explique:
-C'est des tulipes jaunes. Ses fleurs préférées, avec les roses bleues, même s'il voulait faire l'idiot qui n'aimait pas les fleurs.
Je souris et lui demande:
-Elles vont pousser quand même? Seules? Sans nous...
Aelia me dit:
-Oui, j'aime juste arroser, mais le système est autonome. Même quand on sera partis, il y aura du soleil, de la pluie et tout le reste ici. Tant que le soleil de la surface se lèvera.
Je touche sa plaque qu'elle vient, d'essuyer, il y a simplement écrit "Blade". Je ne lui avais même pas demandé son âge ou sa date d'anniversaire. Je l'ai volé à tout le monde alors qu'il avait à peine 24 ans. J'essuie mes larmes, baisse la tête et fais quelque chose que je n'avais pas fait depuis que j'implorais que ces hommes ne reviennent pas me terroriser. Je prie pour lui. Pour que ces fleurs ne disparaissent pas. Pour que là où il est il y en ait des milliers et des milliers de filles stupides pour se jeter à ses pieds. Aussi des milliers d'albums de musique classique comme ceux qu'il cachait. Des milliers...même s'il se fait des milliers de nouveaux amis, ce ne sera jamais Zy, Aelia, Atmos ou même Ena. Je renifle. J'espère qu'il croisera Omaro, peut-être qu'ils s'entendraient.
Entre personnes que j'ai envoyées là-bas, oui. Non, je dois arrêter de m'apitoyer sur mon sort. J'espère juste que Blade va bien, il le mérite, il ne méritait pas ce que j'ai fait. J'espère qu'il pourra me pardonner et qu'il ne sera pas mort en vain, que ma survie aura servi à quelque chose. J'ouvre les yeux sur un filtre flou que je sèche et sens une main chaude tenir mon épaule. Je croise les grands yeux de Zy, j'essaie de dire quelque chose, mais il n'y a que des larmes qui remontent. Il me prend dans ses bras à la senteur douce épicée et je me calme. Je me lève et cherche Atmos des yeux. Il s'est appuyé contre une moto grimaçant. Je le rejoins et lui dis:
-On y va.
-T'es sûre? T'as fini?
Je regarde le lieu de repos de Blade et réponds:
-Je ne pourrais jamais rester assez pour me sentir mieux, mais j'aurais dû venir plus tôt. J'espère revenir un jour...mais en attendant tu dois te reposer Atmos. S'il te plaît?
Il hoche la tête et Aelia dit:
-Je vais chercher une plateforme antigravité, vaut mieux l'allonger sur l'une d'elles plutôt qu'il remonte sur la moto.
Je hoche la tête et sors les béquilles d'Atmos, qui refuse que je le soutienne debout. Je commente:
-Tête de mule
Il me sourit et n'a aucun mal à m'embrasser.
Après un tout dernier passage chez Blade où Atmos est resté au moins une heure, je suis partie avec le dernier convoi. C'était le temps d'avoir les résultats de mon examen. J'ai dû subir un ultime avec Moya. Celui-ci était beaucoup plus invasif et parfois douloureux pour vérifier certains endroits et récupérer des échantillons. Mais cette fois, Moya s'est aussi montrée beaucoup plus douce. Ils ont tout revérifié en se basant sur les mises à jour sur la technologie de Nyx.
Ils ont pu les faire avec la puce de ma combinaison qui était trop avancée pour leurs anciens détecteurs et les appareils des ennemis tombés sur le champ de bataille. Je les soupçonne même d'avoir utilisé la puce. À mon plus grand soulagement, ils n'ont rien trouvé. On a brûlé tout ce qui m'appartenait avant de partir, tout ce avec quoi je suis venue. Même mes bottes, j'aimais beaucoup ces bottes.
L'appareil portable, simulant un ciel dans les galeries où l'on voyage, nous offre un lever de soleil lent. Je l'observe à travers le toit ouvert de ma tente. Ils refusent toujours de me laisser voir cette technologie que l'on avait, pas dans mon ancien foyer avec Nyx. Du moins pas aussi avancée. Je regarde Atmos, ses cheveux noirs ébouriffés, ses longs cils et ses jolies lèvres roses. Je distingue de plus en plus de ses taches de rousseur avec la lumière. Il est tellement mignon quand il dort. Je relève un peu la couverture et observe sa blessure. Elle a mis plus de temps que d'habitude, mais elle est presque complètement guérie. Il ne reste que la surface superficielle qui doit se refermer.
Ça fait des jours que l'on vit dans les tunnels d'évacuation afin d'atteindre la prochaine cité. Même avec les différents moyens de transport avancés que l'on a, on a beaucoup de choses pas faciles à transporter. En plus, ces tunnels sont immenses. J'arrive pas à croire qu'ils les aient creusés. Pourtant je soupçonne qu'il y en ait encore plein d'autres au cas où.
Au fur et à mesure qu'on avance, on les comble, ce qui nous éloigne vraiment de notre ancienne cité. Mais je sais que je pourrais de nouveau y avoir accès par la surface si j'arrive à la retrouver. C'est une autre histoire pour un autre jour. Atmos me tire sur lui en me chatouillant et je glousse en me plaignant:
-Arrête, tu vas les réveiller.
La voix de Zy dans notre grande tente s'élève:
-Trop tard, mais je vous suis vraiment reconnaissant de vous retenir de vous sauter dessus en notre présence.
Dans son sac de couchage, j'entends Aelia pouffer. Atmos répond:
-On n'est pas des animaux.
Aelia éclate de rire et je souffle. C'est plus drôle que ce que je pensais de vivre avec eux dans la tente, même si des fois notre ancien cocon me manque. Pas seulement sauter sur Atmos, mais aussi juste pour la familiarité de l'endroit. Je sais que les plans de la cité seront les mêmes, mais je ne sais pas encore comment ça sera. Je me demande même si on aura notre même pauvre voisin.
Pendant la pause déjeuner du convoi, je me décide enfin à rejoindre Havo pas loin sous le regard confus des autres. À ma surprise, sa femme Malora me sourit avec ses grands yeux couleur bronze. Je ne l'avais vue que de lois. Elle n'est pas remontée. Pourtant, elle doit bien connaître la situation? Enfin, les membres du conseil ne peuvent pas tout dire directement, donc je ne sais pas? Je dis doucement:
-Bonjour.
Malora répète de sa voix douce:
-Bonjour Daëri.
Havo répond confus:
-Bonjour?
Je regarde dans les yeux bleu ciel d'Havo et lui dit ce que je me demande depuis des jours:
-Je voulais vraiment savoir qui a construit les tunnels...
Je continue plus bas:
-Les amis d'Atmos?
Il rit doucement et me dit:
-Non, on n'a pas eu besoin d'aide. Le seul moyen de survivre, c'est d'être préparé. On a appris ça même avant La Catastrophe. Quand même, ton homme n'était pas né, quand on ne savait pas comment faire sauter les drones qui voulaient pénétrer notre terrain et que ton père nous cherchait dans tout le désert.
Je hoche la tête et regarde le sol. Ça doit être une vie tellement fatigante, et j'en fais à peine l'expérience.
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