Chapitre 36

Daëri

Ça fait seulement deux jours et je peux à nouveau marcher, grâce à leur gel qui a soigné, mes tissus endommagés. Il ne me reste que cette impression bizarre. Atmos appelle ça "une croute ou cicatrice fantôme". C'est miraculeux pour moi. Nyx me tenait tellement loin du danger, que le pire que j'ai eu, c'était des bleus guéris par la lampe de secours. En sortant de chez nous à la recherche d'Atmos, je vois une foule pas loin, vers un des appartements. Quand je la rejoins, au premier rang j'entends Aelia hurler:
-Espèce de déchet! Je vais te tuer après avoir fini! Et cette pétasse aussi!

Elle est en train de balancer des affaires dehors, les casser plutôt, et c'est pas chez elle. Je sursaute en sentant quelqu'un toucher ma main. Mais mon agitation se calme, quand j'aperçois Atmos qui se rapproche. Je serre sa main et lui souris, au milieu du chaos créé par Aelia. Je tourne la tête en entendant Jev, son copain, crier:
-Eh non! Non! Non!

Dans la foule amusée, il y a des bruits d'incrédulité, qui confirment ce que l'odeur m'indique. Elle a mis le feu. Pendant que des gens approchent, Jev plus rapide, traine Aelia dehors en criant:
-Qu'est-ce qui va pas chez toi?!

Je calme mon sourire et m'en vais en tirant Atmos. Plus loin, je réponds à son regard par:
-Je suis pas fan de la fumée.

Amusé, il plisse ses yeux verts avant de me dire:
-Elle a vraiment foutu le feu à ses affaires.

-Je la comprends.

Atmos me regarde comme s'il avait mal entendu. Je lui dis sérieusement:
-Je ferais pire.

-T'es folle.

-Je pensais que c'était établi, sachant qui m'a élevé.

Il plisse les yeux en disant:
-Arrête tes conneries.

Je ris et lui réponds:
-Je suis trop sexy pour être une fille sage de toutes les façons. C'est sur mon visage.

Atmos esquisse un sourire en coin avant de me dire:
-C'est vrai que t'as cet air. T'as le regard d'une fouteuse de merde, mais une sexy ouais. Dans le désert avec ton escadron, même sans mes pouvoirs et ta tenue, on t'aurait repéré. On aurait deviné que t'étais celle qui était venue, nous amener le chaos, avant même que tu l'ouvres.

On rigole et je traverse à nouveau la foule, pour voir Aelia se déchainer contre les autres, essayant de l'empêcher de s'attaquer à Jev. Atmos derrière moi m'enlace. Il me fait sourire en embrassant mon cou. Je lui dis:
-On aurait peut-être dû la stopper.

Atmos répond plus bas, ce qui rend sa voix encore plus attirante:
-Tu veux qu'elle nous fasse cramer aussi?

Je ris avec lui et toujours sur ce ton frustrant, parce qu'on est en public, avec des vêtements, il ajoute sur Aelia:
-C'est le diable quand elle est énervée.

Je rigole en me souvenant de notre combat il y a des mois, et réponds:
-Je l'avais senti ça.

Il rit et, n'y tenant plus, je me tourne et l'embrasse longuement. Je continue malgré les bruits d'encouragement amusés, autour de nous. Quand je le lâche enfin, Atmos me dit les joues empourprées:
-Je l'ai senti ça aussi.

Je me mets à rire avec lui, et quelques personnes l'ayant entendu.
Aelia a été arrêté pour incendie criminel, mais Jev n'a pas porté plainte, donc on l'a laissé partir. Elle a de la chance. Dans l'ancien monde, l'État aurait pu la poursuivre quand même. Logiquement, entre eux c'est fini...enfin logiquement. Les gens peuvent avoir la mauvaise habitude de s'accrocher. J'espère que je ne deviendrais pas comme ça, qu'Atmos ne me mettra pas dans une situation de ce genre.

***

Je rentre de ma réunion avec le conseil, en pensant à ces foutues affiches, quand la voix d'Aelia me lance:
-Pourquoi tu boudes la survivante?

Je la regarde, elle tient un bébé. Je m'approche et regarde cette petite personne joufflue, aux grands yeux noirs. Sa petite bouche rose laisse échapper des babillements. Elle secoue aussi ses bras potelés d'excitation face au sourire d'Aelia. Je demande fascinée:
-C'est un bébé? Un vrai...

Aelia rit et me dit:
-Ben oui, c'est Hina. Elle ressemble à un bébé pourtant. T'as jamais eu de poupée ou quoi?

Je secoue la tête quand soudain je suis poussée violemment. En me relevant, je vois une femme. Elle le même regard fin et le teint hâlé que le bébé. Elle le reprend à Aelia en criant:
-Ça va pas Aelia?! Qu'est-ce que tu fous?! Est-ce que ce truc lui a fait du mal?!

C'est moi le "truc". Pendant que la femme calme Hina, qu'elle a elle-même effrayé, j'essuie mes propres larmes, venues de nulle part. Son bébé à peine calmé, la femme continue:
-Cette chose peut pleurer?

Aelia répond sur un ton irrité:
-Elle est humaine...et t'es censée avoir de l'empathie non? Vu que t'es une mère.

La femme réplique:
-Si elle n'a pas été faite dans un labo, ses vrais parents devaient être des pourritures, pour avoir donné naissance à ce monstre.

Elle a raison, je ne dois pas être mieux que ce monstre m'ayant donné naissance, je dis doucement:
-Les chiens ne font pas des chats.

Je m'en vais rapidement en ignorant les appels d'Aelia, qui commence ensuite à se disputer avec l'autre femme.
Le soir, je finis par parler de ce qu'il s'est passé avec le bébé à Atmos. Il me dit à nouveau avec cet air dur:
-Arrête ça, t'es pas ta mère.

Je soupire, puis lui dis:
-J'ai tué. J'ai laissé Nyx transformer des innocents en monstres, bombardé des prisonniers, et il y a sûrement d'autres choses que je pourrais passer la nuit à te raconter.

Atmos me fixe et me dit en caressant ma joue:
-Tu pouvais pas savoir à quel point c'était horrible, avec ces enfants. Et tu ne leur as rien fait. T'as pas fait ce que ta mère a fait à un enfant. Tu viens juste de voir un bébé pour la première fois, justement. Ces mutants tu ne les avais pas vus. Quand ça a été le cas...t'étais pas bien. Nyx ça ne lui faisait rien. Cette chose savait ce qu'elle faisait tout ce temps. Chaque chose que tu mentionnes, il savait comment ça allait te faire te sentir, et il s'en servait.

Je laisse mes yeux dériver de son regard émeraude, pour survoler les plis du drap. Je lui dis:
-Tu veux dire que je suis un bordel confus?

Je lève à nouveau les yeux vers lui. Il sourit lentement, avant de répondre:
-Parfois.

Je l'imite et il ajoute:
-Mais t'es mon bordel.

Il s'approche et unit ses lèvres aux miennes. J'observe son beau sourire, illuminant ses yeux, et étendant les étoiles brunes sur son visage. Je lui dis:
-Si tu me laisses rester avec toi, je partirais jamais.

Il sourit à nouveau puis quand son sourire meurt il me dit:
-Tu sais, tu pourrais avoir n'importe quel homme. Et même plus Daëri, t'es pas coincée avec moi.

Je fronce les sourcils, puis secoue la tête et lui rappelle:
-Non. Je suis un monstre, donc ça m'étonnerait et...

Il me coupe en disant plus doucement que je l'aurais cru:
-Non, t'en es pas un. En fait t'es quelqu'un de bien. Ils le verront, ils commencent à le voir.

Je le regarde confus. Il me dit avec un sourire amusé:
-Ils posent des questions.

Je souffle tout et en faisant des formes sur le bras d'Atmos avec mon doigt, je réponds:
-Des questions salaces hein?

Il rit et me dit:
-Non, ils sont juste curieux. Sur pourquoi moi et Aelia on te hait pas. Il y a même des gens qui pensent aussi, que ce qu'Ena, Zy et les autres ont fait était tordu.

Je lui demande en souriant:
-Tu fais ma pub?

Il rit et avec un regard plus sérieux me volant mon souffle, il ajoute:
-Et t'es magnifique, ça aide.

Je me mets à sourire au point de fatiguer mes joues, puis lui dis:
-Et t'es une merveille, t'es gentil et t'es tellement...tu me réchauffes et tu m'éclaires et j'en veux pas un autre, juste toi.

Il altère son sourire géant pour me dire:
-Si tu veux que je reste alors on sera toujours ensemble.

Je répète:
-Toujours.

***

Ce matin, après ma question, je demande à Havo qui a gardé le silence pensif:
-Alors? C'est bon? Je pourrais y aller aussi?

Il esquisse un sourire éclairant son regard ciel. Il hoche la tête avant de me dire:
-On allait sûrement t'envoyer de toute façon, mais je ne devrais pas être surpris que tu veuilles y aller. Par contre, rappelle-toi que l'ordre sera donné à tout le monde. Si tu déconnes, on va t'abattre.

Je soupire et réponds:
-Je suis pas surprise.

En sortant je tombe presque littéralement sur Atmos, qui me demande amusé:
-Qu'est-ce qu'il se passe? T'as dessiné un dragon qui brûle la cité sur ta dernière affiche?

J'hésite, mais lui dis sans pouvoir m'empêcher de sourire:
-Je pars avec vous, me battre en ville.

Son sourire s'évanouit et son visage est fermé quand il me contourne, pour rentrer dans le bureau d'Havo. Au bout d'un moment, je m'arrête de regarder dans cette direction et m'y rends. J'arrive pile quand la porte s'ouvre sur Atmos énervé, accompagné de la voix d'Havo criant:
-Je te rappelle que c'est moi qui suis en charge des soldats Atmos! Pas toi!

Ce dernier me carbonise des yeux et j'ouvre la bouche, mais je ne sais pas quoi prononcer. Il s'éloigne et je le suis en disant:
-Atmos attends, je...

Il me mitraille du regard en disant:
-Tu quoi? T'essaies de mourir en fait? D'abord ta jambe et maintenant ça?

Je lui rends son regard et il soupire avant de continuer:
-Pardon. Je comprends pas, t'es pas obligée d'aller te battre. Si tu le dis à Havo, on peut négocier facilement, avec ce qu'il s'est passé dernièrement.

Je fronce les sourcils irritée, par sa volonté de me faire passer pour inapte. Il soupire et me fait remarquer:
-T'aimes même pas les gens, et tu veux te balader en ville sous pression? Tu vas sûrement tomber sur des gens, peut-être même littéralement.

-C'est pas pareil.

Il soupire et prend ma main en disant:
-Ok, viens.

Je l'arrête et en tremblant en y pensant, je lui dis:
-Je dois passer par le conditionnement.

Il marmonne:
-Putain...

Il continue:
-Tu peux encore laisser tomber Daëri, ça, c'est pas un jeu. C'est censé t'empêcher de parler si on te torture. Ça va te faire mal.

Je hoche la tête et lui dis:
-Je vais le faire.

-Il y a des gens qui s'en remettent mal.

-Je sais que je peux le faire.

Après avoir quitté Atmos pour cette nouvelle épreuve, je suis sortie du dispositif de conditionnement, avec une aversion pour le jazz, et des fourmillements douloureux aux jambes. Heureusement ils se sont atténués. Mon cerveau a aussi pratiquement effacé mes souvenirs, pleins d'adrénaline et de douleur, mais je sais quand même qu'ils étaient là. Assise sur mon lit, je fixe encore le sol, quand Atmos m'appelle sur mon bipper.
Inquiet, il demande:
-Daëri, tu vas bien? Je suis allé te chercher, mais je t'ai raté.

Je souris en entendant sa voix réconfortante. Je réponds:
-Oui, je vais bien. On va au stand de tir comme t'avais dit.

Il rétorque:
-Mais t'es cinglée ou quoi? Tu dois te reposer.

-Je vais bien, c'était surtout secouant. Je dois me changer les idées. J'arrive.

Une fois au stand de tir, après m'avoir traité comme du cristal jusqu'à ce que je m'énerve, Atmos me ramène un de leurs fusils. Il commence à me montrer leur fonctionnement:
-Ok donc, rappelle-toi c'était le chargeur, et là c'est le niveau de batterie ça m...

Je le coupe amusée:
-Eh, je connais le fonctionnement basique d'une arme. Je t'ai laissé faire, parce que je voulais en voir plus sur les modifications, vu que je suppose que t'a participé à les faire.

Il me dit avec son sourire arrogant:
-Je les ai faites génie.

Je ne peux pas m'empêcher de rire et prends une munition, puis le fusil en main. Je le charge avec la balle que j'ai prise. Elle est plus grosse que celles de son mode automatique. Je vise, mais Atmos me dit:
-Rapproche-toi, la portée est plus courte.

Ah oui, logique. Je le fais puis tire. Ça fait un bruit conséquent, et même si la balle va moins loin, les dégâts, eux, sont bien là. Le trou dans la cible est assez grand. Je suppose que c'est plus pour faire sauter les boucliers et les drones mortellement près. Atmos laisse échapper un:
-Eh ben.

-Je t'avais dit que je savais utiliser une arme, pfff

Je mets la sécurité pendant qu'il rigole. Il me dit:
-Cette fonctionnalité tu l'utilises qu'en dernier recours, comme la baïonnette incandescente. J'ai eu son idée à cause de tes petits soldats.

Je souris en regardant le bout en métal rougir presque instantanément. C'est vraiment vraiment chaud. Atmos me dit:
-Elle refroidit en une seconde, avec le bouton bleu. Au cas où, pour les plus maladroits.

Il me lance un regard moqueur, n'ayant aucune raison d'être là. Je souffle puis rallume la baïonnette, Atmos se débrouille pas mal avec ces armes. Je l'éteint et lui demande:
-Maintenant, dis-moi, quand vous m'avez presque tuée, comment vous avez fait sauter nos boucliers?

Il esquisse son beau sourire espiègle, acérant son regard de panthère noire. Il m'explique:
-J'ai découvert une brèche quand je piratais tes robots et je l'ai exploitée. Ça a aussi grillé nos boucliers, mais bon.

Une brèche, comment c'est possible? Est-ce que Nyx m'a laissé partir, sachant ça? Tout était censé bien se passer...
Atmos me lance des étincelles, avec son regard qui me fait de nouveau sourire, il me dit:
-Viens, je vais te montrer les bombes électrostatiques, mais nous tue pas en y touchant.

Je lui donne un coup, mais ça le fait rire.
Après avoir foutu en l'air plusieurs appareils électroniques, avec les bombes électrostatiques, on est rentrés.
Je suis en train de me tresser, mais maintenant je me mets aussi à sourire, en regardant Atmos sortir de la salle de bain à son tour. Torse nu. Il me dit:
-Je viens juste de me laver Daëri. Y retourner cinquante fois, à force ça abime la peau, je crois.

-Qui a besoin de peau?

Il rit et je lui dis:
-T'as de la chance je suis occupée, et je suis sûre que tu le fais exprès en plus.

Il rigole et réplique:
-Non, j'aime juste pas m'habiller dans un sauna. Mais je devais au minimum mettre mon pantalon, parce qu'avec toi...

Je ferme mon pot de beurre de karité et le lui jette dessus, il le rattrape et me dit amusé:
-C'est bien de l'avoir fermé, faut pas gaspiller. C'est chiant à faire pousser.

-Ok la main verte.

Il rit et s'approche en demandant:
-Je peux t'aider?

Je recule et il me dit un peu ennuyé:
-Hey je sais le faire, Ena me l'a appris. Je la coiffais des fois.

Je ne peux pas m'empêcher de répliquer coupante:
-Super.

Il soupire et avec son regard pomme attendri, il me dit:
-Désolé, je sais. C'était juste pour dire que je sais faire ça.

Je soupire et lui fais signe de venir plus près, je lui indique:
-Mais serre bien.

Il me demande hésitant:
-Ça va pas te faire mal?

Je lève les yeux au ciel et dis:
-Je suis pas Ena. On n'a pas les mêmes cheveux, et justement c'est les siens qu'elle devrait serrer plus. Pas étonnant que ses tresses durent le temps d'un éternuement.

Il se met à rire et je ne peux pas m'empêcher de faire pareil.
Je vais devoir être prudente au combat, parce qu'ils ne pourront pas me remettre de gel, si je me blesse, du moins pas directement. On ne peut pas en utiliser trop dans une période courte. Je devrais être prudente de toutes les façons. Après sûrement plus d'une heure, je regarde le pied d'Atmos gigoter à nouveau, et lui demande moqueuse:
-Il a quoi ton pied?

Il soupire en me massant le crâne, tout en appliquant l'huile sur mes tresses. Je souris de plaisir, et il termine en déposant un baiser électrifiant sur mon épaule. Je l'aime beaucoup trop. Il me dit doucement:
-Mon pied il a que j'ai tellement peur que ça se passe mal, que je pense sérieusement à t'attacher à quelque chose.

Je ris et me tourne pour lui dire:
-J'ai toutes tes super armes et un bouclier, ça va.

L'air toujours sérieux, il me dit:
-Beaucoup de gens avaient ça et...

Je prends son visage dans mes mains et l'embrasse. Il me sourit puis ses sourcils s'inclinent. Face à mon regard confus, il me demande:
-Tu peux contrôler les drones?

J'avais oublié ça, je soupire et je lui dis:
-Pas comme ça. J'ai essayé une fois avant chez moi, c'était comme une sécurité enfant...désolé. Mais je pourrais réessayer.

Il secoue la tête et me dit:
-Non, prends pas le risque.

Je hoche la tête et il dépose un baiser sur mon front avant de me dire:
-Ça ira.

Plus tard, je suis à peine dehors, qu'un type m'approche et me demande, avec son air enjoué:
-Daëri? Ça vous intéresserait de répondre à des questions? J'aimerais écrire votre biographie.

Je hausse les sourcils. C'est une blague? J'inspire pour me calmer et réponds:
-Je suis sûre que ça serait intéressant hein? Vous allez faire des livres, et même des films peut-être, en manipulant la vérité qui est déjà bien tordue. Ça sera drôle, hein? Mais vous n'arriverez pas à avoir quoi que ce soit, avant que je crève demain. Désolé.

***

Aujourd'hui, je regarde Atmos dormir, j'ai envie de le toucher, mais j'hésite. Le matin, il se réveille plus facilement que quand je le touche la nuit. Il met fin à mon dilemme en se mettant à sourire, avant d'utiliser son pouvoir pour dire dans ma tête:
-Arrête de me fixer perverse.

À voix haute, je réponds doucement:
-T'aimes que je te regarde donc arrête.

Il rit puis ouvre les yeux. On se regarde un moment avant de rire. Je caresse sa peau douce et lui demande:
-Alors t'as rêvé?

De sa voix râpeuse matinale, me donnant envie de plonger sous la couette avec lui, il répond:
-Si j'avais vu quoi que ce soit, tu serais menottée au lit.

Je ris et il me recouvre de la couette, avant de justement me noyer dans le matelas, même si je me débats, morte de rire.
Des heures plus tard, on y est enfin, après toute cette attente angoissante.
Apparemment, les drones se débrouillent toujours pour se battre au milieu des civils. Mais si on n'a pas le choix, on va bien devoir se cacher parmi eux. Si on croise des drones, en train de se diriger vers la zone, où les soldats qu'on a escortés jusqu'ici se trouvent, on doit les perturber, pour qu'ils abandonnent leur cible. Je ne dois pas quitter Aelia ni "jouer les héros". Avec moi, ça ne risque pas au moins. Aelia crie:
-Merde il nous a retrouvées, cours!

J'ai à peine le temps de la suivre, que j'entends le bruit des munitions se rapprochant. Trop pressée d'entrer, je suis presque collée à elle, quand elle fait sauter le verrou d'une porte. Je la referme et dans la maison vide, je cherche du regard un meuble à mettre devant. Aelia me crie:
-Ils peuvent pas les ouvrir! Viens!

Je m'exécute, en bougeant de façon à éviter d'être exposée à la fenêtre. Mais je manque de tomber, à cause de ma nervosité. Je ne me suis pas battue depuis qu'on m'a capturé, et ce n'était pas contre de vraies machines à tuer. Je me demande où sont mes hommes, les deux trois qu'il a dû rester. Je crois. Est-ce qu'il y en a vraiment d'autres "en stock"? Aelia me réveille en hurlant:
-Daëri la fenêtre putain!

Je plaque rapidement la pastille dessus et me recroqueville sur moi-même avant qu'elle n'explose. En se mettant en position, Aelia dit:
-Heureusement qu'on a que des drones à descendre.

Je lui demande confuse:
-Quoi? Pourquoi?

-Pas besoin de se battre, juste viser.

Elle tire rapidement en mode laser et abat un drone. Je passe mon arme au dernier mode, le snipper. Il est moins rapide, mais plus exact avec moins de bruit. Je concentre mon objectif sur la zone qui m'intéressait, et effectivement plusieurs drones arrivent dans notre trajectoire. Je crie:
-Y'en a trois!

On en descend deux, mais on rate le dernier. En bougeant, je crie à Aelia:
-Cours!

Je sens mon bouclier vibrer, à cause des balles qui l'ont effleuré. Je retiens ma respiration le cœur battant, priant pour que ma protection ne me lâche pas. Les boucliers de dos tiennent beaucoup plus longtemps que ceux des armes, mais quand même. En plus, j'ai choisi de laisser celui de mon arme pour ajouter le sniper, sans qu'Atmos l'apprenne. Pour échapper à la machine approchant, on essaie de sortir par une autre fenêtre, mais elle est coincée. En entendant le drone se rapprocher, je crie:
-Putain!

Je plaque une pastille sur un mur, et l'obstacle à peine explosé, on passe par l'ouverture. Je m'efforce de me débarrasser des débris poudreux, tout en courant au milieu de la rue, en escaliers sableux. Je quitte les marches aux formes molles des yeux, pour reporter mon regard sur le drone. Aelia me dit:
-Je le distrais, tu le descends! Bouge!

Je m'éloigne et Aelia se met à crier:
-Hey saloperie! Oui toi!

Le drone l'approche en faisant feu, mais elle se met à l'abri, j'en profite pour tirer. Au bout de quelques balles, le drone tombe. Mais il émet encore des bruits, donc je ne m'arrête pas de tirer, en m'approchant plus près. Je me rends compte que je suis en train de sourire, tout en trouant la carcasse rendant l'âme. Aelia crie:
-Arrête tes gamineries Daëri!

J'entends soudainement, le bruit distinctif d'une bombe statique derrière moi. Je sursaute en voyant Zy apparaître. Il a l'air brièvement surpris aussi, avant de me dire moqueur:
-Je pense pas que tu vas survivre.

Il s'en va avec son foutu sourire, en laissant une carcasse de drone derrière lui. Il vient de me sauver. Aelia m'attrape et je la suis en courant. En regardant au loin, je lui dis:
-Y'en a d'autres qui arrivent, faut se mettre à couvert!

Elle tourne et me dit en indiquant une maison:
-Là!

À nouveau, on n'est pas censés se soucier du fait qu'il y ait des gens derrière la porte. On doit juste la faire sauter si on doit le faire. Je suppose que les gens ici s'en doutaient, vu que c'est justement entrouvert. Dès qu'on entre, des enfants fuient la salle à manger, pour disparaître dans un couloir. La femme qui les avait fait partir, nous fixe en silence au lieu de les suivre. On ne s'attarde pas dessus, et Aelia s'occupe de la fenêtre, avant de me dire:
-Continue tes rêveries à la con et tu vas crever bêtement!

Je réplique:
-Vu que je fais que des conneries, j'aurai dû te laisser te débrouiller avec ton drone. Je sais ce que je fais!

-Dis ça à Zy!

Je tire sur un drone et réponds:
-J'aurais fini par savoir que le drone était derrière!

-Avant ou après qu'il t'ait buté?!

J'en abats un autre et lui dis:
-J'ai un bouclier tu te souviens?!

-Jusqu'à ce qu'il saute!

Je finis par tourner la tête, vers ce qui me dérange du coin de l'œil, depuis tout à l'heure: l'autre imbécile s'étant mise sous la table derrière nous, pour je ne sais quelle raison. Je lui crie:
-Partez putain! Rampez!

Mais elle ne bouge pas, et continue de sangloter, en disant quelque chose d'inaudible. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je la rejoins en me baissant. Je me mets devant elle en bouclier, puis la pousse pour qu'elle se mette par terre. Même si les drones tirent rarement à travers les murs, d'après ce qu'on m'a dit, on ne sait jamais.

On se met à ramper vers le couloir, quand Aelia crie entre deux tirs:
-Daëri sort de là putain!

C'est un peu un sale coup, de la laisser les descendre seule, mais je me suis déjà jetée dedans. C'est trop tard. Je dois ramener la braillarde en lieu sûr. On y est presque. Putain! Une des balles est passée à travers le mur, pour toucher mon générateur de bouclier. Je m'arrête de crier, malgré la peur provoquée par la chaleur du générateur dans mon dos. Je dois me calmer. Putain! Maintenant mouillée de sang de partout, je me remets à crier. Je me dépêche d'essuyer mon visage, en crachant le sang étranger tentant de s'insinuer dans ma bouche. Je n'ai pas le temps de m'attarder sur les restes de l'idiote, qui a dû se redresser, pour avoir pu se faire toucher par les balles. Je tourne la tête et crie:
-Putain Aelia t'étais censée nous couvrir!

Elle répond:
-Tu m'as distr...

J'ai pas le choix et me lève à découvert, pour abattre le drone menaçant Aelia. Pendant qu'il s'écrase, elle crie:
-Oh m...

Je l'attrape et la tire vers la sortie. Mais je m'arrête, pour me débarrasser du générateur de bouclier en surchauffe. Il me fait cuire de façon menaçante depuis tout à l'heure. Dehors, malgré les changements, je reconnais cet endroit. Mon quartier. Je suis coupée dans mon moment de choc, par le bruit d'une bombe électrostatique plus loin. Aelia me tire. On monte pour se cacher parmi les plantes, entre les toits collés des maisons. Je m'efforce d'ignorer mes visions passées, de parties de jeux ici. Depuis notre poste, on continue à abattre des drones. Cours, cache-toi et tire, puis recommence. Jusque-là, on a dû en avoir onze. Je commence à fatiguer. Mais je ne pourrais pas me reposer, tant qu'Havo ne nous aura pas donné le feu vert pour partir. Il y a un point de rendez-vous, mais on ne sait pas quand il sera disponible, pour évacuer. Je dis à Aelia:
-J'en peux plus.

-Ferme-la Daëri! On est tous fatigués, donc continues!

J'inspire et la suis en courant. On descend des toits, et de loin je vois un autre binôme faisant tomber des drones. Je souris, ça m'a un peu remonté au niveau des forces. Soudain dans mon oreillette j'entends Havo dire:
-Les enfants!

Les mots qui signifient qu'on va enfin rentrer. Mais on ne peut pas se rendre à notre point en ligne droite, sinon on est morts. Justement, Aelia dit:
-On passe par le nord pour commencer.

Je réponds:
-Et on y va en zigzag irréguliers.

Elle hoche la tête et on se met à bouger entre les maisons, dans les rues orangées désertes. On descend une rue en pente, quand mon cœur se met à battre plus rapidement qu'il ne devrait, en entendant la voix et le rire d'Atmos, avec celui de Zy. Ils sont vivants. Ils passent en face de nous et je souris. Atmos se met à courir vers moi et je l'imite. Il me prend dans ses bras, puis me lâche rapidement comme s'il avait fait une erreur. Il me regarde de partout en fronçant les sourcils inquiets. Je me souviens du sang dont je suis recouverte et lui dis:
-C'est pas mon sang. Je suis pas blessée.

Il soupire puis regarde vers Aelia qui ajoute:
-Ni le mien.

Il hoche la tête, reporte son regard sur moi et sourit avant de déposer un baiser sur mes lèvres. Je réponds à son baiser le cœur battant vite et on finit par se lâcher. Je l'observe à mon tour et mon sourire meurt, car je réalise qu'il n'a plus son bouclier non plus, sans parler du sang. Atmos me dit avec tristesse:
-C'est pas le mien non plus, j'ai pas pu le sauver.

Je hoche la tête et caresse sa joue. Il me sourit et demande:
-Tu vas bien hein?

-Oui, même trop.

Aelia ajoute:
-C'est sûr, cette peureuse s'est pas fait chier.

L'audace. Je réplique:
-La peureuse t'a sauvé la vie deux fois non?

Elle lève les yeux au ciel et Atmos me dit:
-Je suis fier de toi en tout cas.

Je souris et me repose sur la douceur de ses lèvres. Aelia commente:
-C'était mignon, Jev a intérêt à survivre pour que je puisse faire pire.

Depuis qu'il a été innocenté, elle ne le lâche pas. On rit, mais Zy lui émet un:
-Eeew.

Malgré la répulsion que je suis censée avoir avec les hommes, j'ai encore un peu envie de le serrer dans mes bras, à cause de ma frayeur qu'il soit mort. Mais on est plus comme avant. Le fait que ma répulsion s'estompe, ne servira pas beaucoup. Aelia réplique au "Eeeew" de Zy par:
-C'est pas parce que t'es célib Zy-ron, que l'on doit tous l'être.

Zy répond:
-Tu l'étais aussi il y a quelques jours, jusqu'à ce que tu te remettes avec lui. Et il est aussi cinglé que toi pour l'avoir fait.

Aelia se défend:
-C'était un malentendu.

Zy dit:
-Eh ben putain.

On se met à rire et Zy continue:
-Et je suis pas célibataire par défaut, je teste. En plus Atmos c'est toi qui le seras sûrement par défaut.

Je m'arrête de sourire et Zy répond au regard confus d'Atmos en me disant:
-Qu'est-ce qui t'empêche de partir maintenant Daëri?

Atmos dit sur un ton menaçant:
-Ferme-là Zy. Me cherche pas à nouveau.

Je doute qu'ils obéiraient à l'ordre d'Havo...ou je pourrais juste tenter ma chance. Je me mets à regarder l'immeuble imposant où j'ai grandi, avec Nyx. S'ils ne m'abattent pas, je pourrais le rejoindre, ou suivre Atmos à la cité. Ce dernier me regarde sans bouger. J'ai le choix.

Plus tard après l'extraction sans fin et ma douche, je me laisse tomber sur mon lit exténuée. Atmos, qui vient de finir la vaisselle, m'imite. Après un moment à me tenir, il me demande:
-Pourquoi t'es restée? Avec nous?

-Tu veux que je parte?

-Non, jamais.

-Alors, laisse-moi tranquille, je suis fatiguée.

Je me tourne, mais il me retourne et me tire vers lui. Il me câline, ce qui me fait sourire en me moulant dans ses bras chauds. Au bout d'un moment, je brise le calme en demandant à mon tour:
-Est-ce qu'ils voient à travers les murs? Les drones?

Il me dit calmement:
-Des fois. Là, on sait pas encore totalement comment ils fonctionnent, depuis leur dernière mise à jour. Et Havo nous avait dit de ne pas jouer les héros Daëri.

-Comment...

-Aelia m'a raconté et je te connais, plus que tu ne le crois.

Je souris puis m'arrête avant de lui dire:
-L'un d'eux a tiré sur mon bouclier, puis sur la femme à côté de moi. Mais elle était vraiment tout près de moi. C'était tellement précis. Ça l'a touché elle mais pas moi, alors que mon bouclier était mort.

Atmos respire plus fort et je sens qu'il est contrarié. Il me dit tout de même sur un ton posé:
-Ok...mais peut-être que le drone savait que c'était toi.

Je ne veux pas croire ça, je déteste y croire. Il ne peut pas savoir où je me trouve, il n'a pas pu le savoir tout ce temps, sans venir me chercher. Je réponds:
-C'est n'importe quoi.

Je fixe un des grains de beauté d'Atmos et il relève ma tête avant de m'embrasser.

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