Daëri

On descend des motos et les orbes verts que sont les yeux d'Atmos, se posent sur moi. Il a un air triste attendrissant son regard. Il me redemande doucement:
-Tu veux vraiment faire ça?

Je hoche ma tête. Il l'entoure doucement de ses mains, avant de se baisser pour m'embrasser longuement. Il inspire fort puis prend ma main qu'il embrasse. Il met l'ascenseur en marche avec un code et ses empreintes, parmi d'autres choses que j'avais vu Ena faire.
Quand on atteint enfin la cité, c'est comme je m'y attendais. Au milieu de l'herbe verte, on est accueilli par un bon nombre de gens armés. Moya qui crie à ma surprise:
-Cette pétasse est bien de retour!

Elle pointe son arme sur moi suivie par Exxio. Je me baisse juste à temps pour éviter les balles fumantes. Atmos crie:
-Exxio! Moya! Arrêtez!

Cette dernière le regarde confuse tandis qu'Havo arrive au milieu de la foule. Je vais crever. Atmos me pousse violemment et j'évite un autre tir, que je n'étais pas assez alerte pour avoir vu. Je me relève avec son aide, tandis qu'il s'est mis devant moi pour me protéger. J'entends Havo crier par-dessus Moya qui appelait Atmos:
-Arrêtez! Tous!

Je bouge un peu, pour voir un autre membre du conseil en train de s'approcher aussi. Gifer, la femme âgée aux cheveux avant violets, et maintenant bleus. Elle lance à Atmos:
-Qu'est-ce que tu fais Atmos? C'est une vie pour une vie, tu le sais!

Ce dernier réplique:
-Vous êtes censés faire un procès! Et vous aviez bien épargné l'autre gars!

Gifer crie:
-C'était une exception qui aurait dû nous servir à comprendre, que l'on n'aurait pas dû en faire d'autres. En laissant marcher parmi nous, une femme ayant tué certains d'entre nous, sur le champ de bataille. Et pire encore, qui a été élevé par Nyx!

Atmos proteste:
-Elle n'est pas comme ça et vous le savez! Et puis je m'en fous! Vous la tuez, vous me tuez! J'en ai rien à foutre, je suis prêt!

Tout comme eux, je le regarde choquée. Ça m'a frappé fort. Je lui dis un peu désorientée:
-Atmos...

Je sursaute en entendant la voix d'Aelia crier:
-Non, tu le feras pas! T'as pas intérêt! J'ai pas ton putain de pouvoir, mais je vois ce qu'il se passe! Pousse toi ou j...

Atmos prend son pistolet et se tourne pour le pointer sur Aelia. Elle s'arrête d'avancer, armée elle aussi. Je le regarde toujours abasourdie quand Aelia lui crie:
-Je le savais! Qu'est-ce que tu fous putain?!

Dans la foule, j'entends la voix de Yoa crier:
-Atmos, t'as pété les plombs ou quoi?!

Aelia hurle:
-Pour une chatte hein?!

Il y a des rires qui s'échappent de la foule, pendant que j'ai juste envie de disparaître de ce chaos. Je ne sais même pas pourquoi j'ai le temps d'être honteuse.
Riye, le seul membre du conseil que je trouvais beau, tente de rappeler à Atmos la laideur de mon âme, en lui criant:
-Elle a tué Blade et elle est liée à Nyx, celui qui a fait toutes ces horreurs! C'est sa putain de fille!

Son arme toujours pointée sur Aelia, Atmos garde le silence un moment. Je me demande ce qu'il pense. Il hésite? Il va me jeter en pâture? Il finit par crier:
-Elle est pas comme ça! Vous comprenez pas, vous ne la comprenez pas!

Je dois arrêter ces conneries. Je m'enfuis de derrière lui et m'arrête avant de crier à ces gens confus par mon geste:
-All...

Subitement, je me fais plaquer violemment au sol par Atmos sous le bruit des balles. Mes larmes coulent, mais ce n'est pas parce qu'Atmos m'écrase.
La voix de Gifer s'élève à nouveau:
-Arrêtez pour de bon! Si vous reprenez, vous allez faire quoi? Tirer sur Atmos?!

Je veux juste en finir. Atmos se relève un peu et de sa voix grave me dit:
-Je suis obligé de t'écraser. Parce que t'es qu'une idiote, qui essaie de se faire cribler de balle...arrête de pleurer steuplé.

-Tu me fais pas trop mal, je suis juste fatiguée.

Il m'aide à me tourner, puis s'approche pour déposer ses lèvres sur les miennes, malgré tout ce chaos. Ce moment était trop court. Je tourne ensuite la tête pour regarder autour de moi. Je dois savoir pourquoi tout est devenu silencieux. Havo et les autres membres du conseil se sont rassemblés sur le côté. Au bout d'un moment, j'ai à peine le temps de voir Havo s'approcher, qu'Atmos se referme sur moi. Je me demande si ce n'est pas lui qui va me tuer, en me suffoquant. Je fais de mon mieux pour respirer, quand j'entends Havo dire doucement:
-Atmos lève toi. On ne la tuera pas. Je te le jure.

Mon protecteur ne bouge pas donc Havo lui demande:
-Je t'ai déjà menti?

Au bout d'un moment je sens Atmos bouger, mais il s'arrête. Je lui dis alors:
-Atmos, écoute-le.

Il y a encore un moment d'hésitation et Atmos me fait un baiser sur le front, puis me dit doucement:
-Si ça tourne mal...je me battrais, je me vengerai.

Je secoue la tête le cœur lourd. Il se lève avant de m'aider à me lever. Havo fait un signe de tête. Les deux gardiens qui l'avaient discrètement rejoint, ou qui ont peut-être toujours été là, attrapent Atmos. Mon cœur se détache pendant que la main d'Atmos lâche la mienne. Ils le trainent plus loin, malgré le fait qu'il se débatte farouchement en criant:
-Lâchez-moi putain! Lâchez-moi!

J'essaie de courir vers lui, mais Havo m'attrape et me jette violemment au sol. Il sort un couteau. Blade...c'est fini. Atmos se met à s'époumoner:
-Non! Non! Havo fait pas ça! Je t'en supplie putain! Havo!

Mon cœur bat tellement vite que j'ai l'impression que je vais m'évanouir. C'est ironique. Ça me rappelle la fois où Atmos m'a presque tuée. Sous les cris de celui-ci, Havo se baisse. Je le fixe terrifiée, au lieu de ramper plus loin. À nouveau son regard bleu est aussi froid, que ses cheveux me rappellent le feu. Je ferme les yeux et bizarrement je m'efforce d'écouter Atmos crier. Je veux juste sa voix pour m'aider à partir, même comme ça. D'un coup, Havo taillade mon épaule nue. C'est plus un choc qu'une douleur au début. Mais ça commence à s'insinuer profondément et à battre dans ma chair, comme un tambour. Sauf qu'on frapperait sur mes nerfs. Je n'ai pas le temps de me remettre à respirer, qu'il coupe mon bras du côté opposé, m'arrachant cette fois un:
-Ah! Putain!

Pendant que la douleur se répand, Havo me dit:
-Ça, c'est à peine pour Blade.

Je rouvre les yeux et plante mon regard durci par la douleur sur lui, avant de lui crier:
-Vous allez me saigner à mort?!

-On devrait finir par te tuer selon nos lois, mais pas comme ça. On n'est pas des barbares et on n'est pas comme toi.

C'est comme s'il m'avait aussi frappé dans le ventre. Il continue:
-La raison pour laquelle t'es encore en vie c'est Nyx. Tu vas le tuer.

J'écarquille les yeux et réponds:
-Quoi?!

Havo réplique:
-C'est toi ou lui.

Je garde le silence comme une traître, donc il se relève et crie:
-Elle va rester en vie!

Il y a des bruits de protestation, mais il continue:
-Parce qu'elle va tuer Nyx ou se faire tuer! On ne peut pas laisser Blade mourir pour rien. On peut sûrement faire quelque chose avec elle! On va l'utiliser! Pour Blade!

Après un moment de réflexion, ils se mettent à crier:
-Pour Blade!

C'est quoi, ces conneries?! Je regarde autour de moi. Je croise le regard haineux d'Aelia, qui les imite plus bas, d'après le mouvement de ses lèvres. Malgré la haine se déversant de ces gens, je ne peux pas m'empêcher de me sentir soulagée. Tout comme Atmos qui s'est calmé et me fixe. Je lui souris et il m'imite. Mon moment est soudainement coupé par Aelia, que j'avais lâché du regard. Elle me donne un coup de pied à la poitrine, me faisant tomber de ma position assise pour de bon. Elle s'apprête à faire pire pendant que je tousse ma douleur, mais Havo la maîtrise, pendant qu'Atmos lui crie:
-Putain Aelia!

Havo dit fermement à Aelia, qui se débat agressivement:
-Maintenant, t'arrêtes. Elle mérite pas ta colère.

Il la lâche et j'ai tellement honte, même si je ne comprends pas vraiment pourquoi il l'a arrêté. C'est peut-être parce qu'elle, elle m'aurait tué. Ou du moins essayé.
Havo s'écarte et fait un signe. Les gardiens lâchent Atmos. Il court vers moi et m'aide à m'asseoir. Il me couvre de ses yeux pailletés de vert, puis demande concerné:
-Ça va?! Oh putain non ça va pas, je suis trop con. J'aurais jamais dû te laisser revenir.

Je secoue la tête et malgré les larmes me montant, je lui dis en souriant:
-T'aurais pas pu m'arrêter, te surestimes pas.

Il rit et je souris. Il se met ensuite à scanner mes blessures du regard, en disant:
-Putain pourquoi il a fait ça?

Je sursaute en entendant justement la voix d'Ena crier:
-J'espère que tu sens bien les coupures dans ta chair! C'est rien par rapport à ce que tu nous as fait!

Je me remets à pleurer, malgré Atmos qui me dit:
-L'écoute pas.

-Elle a raison.

Ena continue de sa voix ayant perdu toute sa douceur:
-J'espère que la culpabilité va te bouffer, et semer le chaos dans ta tête! Jusqu'à ce que tu crèves!

Mon cœur fait un bond, Ena m'a dit ça? Ena? J'ai jamais vu ce côté d'elle, jamais. Je ne pensais pas qu'elle puisse être comme ça, mais ce que j'ai fait enragerait n'importe qui. Malgré tout, ça me secoue.
Plus tard mes bras pulsent encore de douleur, malgré les bandages d'Atmos. Ma souffrance est un peu atténuée par la distraction autour de moi.

Je regarde encore incrédule, mes quartiers intacts. Ils les ont gardés parce qu'ils ne savaient pas quoi faire au début. Certains croyaient encore à mon innocence et s'attendaient à ce que je revienne. Jusqu'à un moment qui est venu rapidement. Après qu'ils aient réussi à débloquer le drone, qui déconnait à cause des protocoles que j'avais contournés grossièrement.

Havo m'a expliqué tout ça parmi d'autres choses, avant de me dégager hors de la salle immaculée du conseil. J'avais justement l'impression de la tacher avec la noirceur en moi. Je m'assieds quand soudain Ena passe la porte. Je me lève et cherche encore quoi lui dire, quand elle me donne un coup à la bouche. Il est suivi d'autres, que je la laisse m'asséner même passé la surprise. Quand elle vise mes coupures, je supporte la douleur sans faire trop de bruit. Ceci malgré sa violence me choquant toujours. Elle me jette au sol. De sa voix ayant été corrompue par la haine, elle me crie:
-Aller défends toi sale merde!

Je fais de mon mieux pour dire:
-Non, je le mérite.

Elle me donne un coup de pied au ventre. Je reprends ma respiration pendant qu'elle s'en va. Ça me laisse enfin l'occasion d'émettre un râle, plus fort que ce que j'avais retenu jusqu'à maintenant. Je l'ai mérité, mais je ne voulais pas lui faire ce plaisir-là. Je m'assieds doucement. Comment Ena a pu devenir comme ça? Est-ce que c'est ma faute? Est-ce qu'elle est tout le temps comme ça maintenant? Elle ne sourit plus?

Comme la cellule, la torture va peut-être recommencer, sûrement en pire. Ils peuvent très bien me faire du mal et me garder en vie. Tout ça est peut-être un leurre. Peut-être qu'ils vont même me mettre dans un sale état, pour faire chanter Papa. Malheureusement, j'en sais beaucoup sur ce genre de méthode. Il faudrait déjà que Papa en ait quelque chose à foutre. Non, qu'est-ce que je raconte putain? Pourtant Ena n'a pas vraiment atteint mon cerveau. J'ai aussi de la chance d'avoir évité le cocard. Je crois.

Je sursaute en entendant quelqu'un entrer, mais souris douloureusement en voyant Atmos. Je dois avoir l'air ridicule. Cette pensée tue mon sourire, pendant qu'il se précipite vers moi. Il crie:
-Putain! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé?!

-Rien que je n'ai pas mérité.

Il secoue la tête et dit:
-Non, non.

Il demande en colère:
-Qui a fait ça?!

-Personne, arrête de crier.

Il répond plus bas sur un ton encore pire:
-Non, je vais trouver.

J'ignore ma douleur pour lui répondre:
-S'il te plait! Laisse tomber ça.

Il semble pensif et j'ajoute plus bas:
-Je suis pas à plaindre.

Il pose à nouveau son regard couleur feuille sur moi. Il dit plus doucement:
-Désolé de te faire parler avec tes lèvres. Je vais te soigner. Viens.

Il m'aide à me lever et je demande:
-Où?

-Chez moi, tu peux marcher ou je te porte?

-On n'a pas touché mes jambes. Par contre Zy, lui, va m'étrangler. Littéralement. Je devrais pas y a...

-Il y sera pas, il m'a laissé...

-À cause de moi, ça commence. Tu veux vraiment qu'ils te lapident? Pour être encore vu avec la meurtrière.

-Ils sont déjà hostiles envers moi, donc...

-C'est tout? Ils vont rien te faire hein?

Il souffle et me regarde comme s'il hésitait. En avançant toujours, je lui ordonne presque:
-Dis-moi.

-Je...je suis la garantie. Si tu pars, disparais dans la cité ou tues quelqu'un...j'ai accepté.

En m'arrachant de la douleur, je crie:
-T'as fait quoi?!

-Doucement Daëri...c'était la dernière condition pour rester. Je sais que j'aurais peut-être dû te demander après tout ça. Tu veux même plus vivre ici, putain c'est trop con tout ça. On peut toujours partir, je pense.

-Je veux pas fuir. Je veux pas qu'on me retrouve et qu'on me, qu'on nous...et malgré tout, je connais cet endroit. C'est le seul que je connaisse à part chez moi. Et je sais qu'au bout d'un moment je deviendrais folle dans une oasis. Mais au final en fait je m'en fous. J'irais où tu iras.

Il me sourit et on s'assied sur son lit. Je continue:
-Je ferais rien du tout, je le jure. Je ne les laisserai pas te faire quoi que ce soit.

Ses belles lèvres s'étirent et il me répond:
-Je sais, je sais que je peux te faire confiance.

J'inspire pour me retenir de pleurer avant de lui dire:
-Je suis tellement désolé.

Il nettoie mes blessures et je grimace, ce qui le fait répondre en grimaçant aussi:
-Pardon.

Je ris suivie par lui et il se calme avant de me dire:
-Sois pas désolé, pas pour ça.

Je hoche la tête, mais encore une fois, ça me rappelle bien ce que j'ai fait. Tout en souhaitant disparaitre, je réponds doucement:
-Putain j'ai tué ton ami d'enfance, non ton frère...et maintenant, les autres me détestent. Comme ils le devraient. Mais ils sont en colère contre toi en plus. Et t'es une espèce d'assurance pour moi. Je sais vraiment pas pourquoi tu ne me déteste pas.

Il pose un autre cotton rougis sur le petit tas et dis:
-Je sais pas pourquoi non plus. Je sais pas pourquoi c'est tellement le contraire.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire et lui avoue:
-Moi je détestais ça au début, ce que tu me faisais ressentir.

Il souris avant de carrément rire et déposer un baiser, sur mon front qu'on a épargné. Même si ça avait été sur une de mes joues endolories, ou mes lèvres, j'aurais trouvé sa douceur dans la douleur.