Chapitre 28
Daëri
Je vis presque dans ma chambre parce que je suis mal, je ne peux pas supporter les regards. Ils ne sont même pas tous ou majoritairement haineux. Ils sont juste confus. Comme s'ils se demandaient si c'est possible. Si moi, j'avais pu le faire. Ils pensaient vraiment que j'avais changé. Zy a réussi à créer en eux ce doute ou même cette conviction me condamnant. Rien que depuis sa cellule. Je pourrais très bien améliorer mon jeu d'innocente, pour causer le doute, avant qu'il sorte. Mais c'est fini. Je ne veux pas faire face à tout ça. Je suis fatiguée de faire semblant.
Je l'ai fait. J'ai détruit tout le bon qu'ils ont essayé d'insuffler en moi pour me changer. Maintenant qu'ils l'ont libéré par manque de preuves, Zy essaie logiquement de me faire enfermer. C'est tout ce dont j'entends parler durant mes rares sorties cachées. Officiellement, les enquêteurs m'ont laissé tranquille. Comme la plupart des gens qui étaient des suspects de base nécessaires. Mais je suis sûre qu'ils enquêtent toujours sur moi.
Je ne pense pas qu'il me frappera ou me tuera, même si ça doit le démanger, mais Zy continuera certainement de faire mon procès auprès des gens. Il doit encore être en train de tenter de convaincre Ena et Aelia. Cette dernière m'a dit qu'elle me croyait, mais Ena m'a presque chuchoté qu'elle ne savait pas. Ensuite elle a disparu sous le regard confus d'Aelia. Après ce que j'ai dû faire pour partir c'est logique. Au moins elle n'a rien dit. Malgré tout c'est inévitable. Ils vont bientôt tous me détester, et Atmos...oh mon Dieu Atmos. Je n'arrive pas à lui parler depuis.
J'ai dû apprendre à cultiver la culpabilité et la honte en grand nombre depuis. Je suis même parano des fois. Je les vois arriver et m'enfermer, à chaque moment où j'ai le temps de trop penser. Pourquoi Papa ne m'a pas appris à gérer la culpabilité? Ne m'a pas appris à ne pas tuer au lieu de...non. Je veux juste que ça parte. La culpabilité c'est pour eux, pas moi. Papa n'a rien fait, c'est moi.
Aelia m'a dit qu'Atmos me croyait. Qu'il ne pensait pas que ce soit moi ou Zy, comme tout le monde le pense. C'est une trêve amère pour mes sentiments en feu. Atmos a dit qu'il trouvera qui a fait ça lui-même s'il le faut. Il croit aussi que je me cache parce que je fais mon deuil, vu que moi et Blade, on était si proches. C'est peut-être un peu vrai. Je suis tellement impatiente de m'en aller.
***
Aujourd'hui, c'est le dernier jour de mon compte à rebours personnel. C'est aussi l'anniversaire d'Atmos. Apparemment, il n'aime pas trop ce jour-là.
Malheureusement pour moi il me retrouve enfin après tout ce temps. J'avais pris le risque de manger dehors à cause du coucher du soleil. Il rend le ciel rosâtre. Le décor pour notre dernière rencontre. J'inspire longuement. Je regarde Atmos et ses yeux verts qui se plissent quand ses lèvres s'étirent. Il me dit:
-Hello mami, comment ça va? T'es devenue invisible.
Je me retiens de lever les yeux au ciel à son "Hello mami", et reste silencieuse malgré tout. J'ai encore la gorge serrée. Malgré tout, il me sourit à nouveau avant de me dire doucement:
-Ça va aller, Daëri.
Je me retiens d'éclater en sanglots et tout avouer. Quand je me suis calmée, avec la voix instable, je demande:
-C'est bizarre. Tu ne crois pas ce que tout le monde croit? Que j'ai tué Blade? Pourtant tu vis avec Zy en plus.
Il grimace avant de me dire:
-Bien sûr que non. Zy est...enragé, mais c'est pas parce que je vis avec lui qu'on partage un cerveau. Heureusement.
J'arrive à esquisser un sourire et son visage s'illumine, il ajoute:
-T'as absolument pas de raison d'avoir fait ça. C'est quelque chose de vraiment...et puis je sais que tu l'aimais, beaucoup.
J'inspire profondément et lui réponds:
-Oui, mais pas...pas comme tu le crois. Mais oui j'avais réussi à l'aimer.
J'arrive pas à croire que je viens de dire ça sur un humain, et un homme en plus. Je serre la mâchoire pour me retenir de pleurer pour toute cette tragédie. Je m'efforce de sourire, avant de dire à Atmos en me levant:
-Je suis fatiguée, bonne nuit.
Pendant que je m'éloigne, il me crie:
-Daëri!
Je me retourne et il dit:
-Essaie de penser à de bonnes choses, pour ne pas trop pleurer.
Je hoche la tête et essuie mes larmes de coupable. Je n'imagine pas celles qu'il a dû verser. Je fais entrer beaucoup plus d'air dans mes poumons et lui lance:
-Oh et bon anniversaire!
Contrairement à ce que je pensais, il se met à sourire avant de dire:
-Merci Daëri.
Le soir, Ena nous a fait passer par l'ascenseur des crevasses, qu'ils utilisent pour leurs missions. Cette saloperie était verrouillée par je sais pas combien de protocoles. Quand il se met à monter, je pointe ma nouvelle dague dans le dos d'Ena. Elle se tourne pour me regarder paniquée. J'étire mes lèvres brièvement avant de lui dire:
-Juste au cas où.
On a genre dix minutes, avant que le conseil ne se rende compte qu'on a utilisé l'ascenseur, et envoie des gens. Dès qu'on est à la surface désertique je dis donc impatiente:
-La moto?
Ena me répond:
-Comment tu sais utiliser ça?
-Mon père m'a pas juste appris à faire du vélo, maintenant dépêche.
Elle m'indique des buissons aux feuilles sèches. On s'approche et je lui dis:
-Allume, je veux voir si c'est chargé.
C'est le cas. Je lui fais une entaille là où il faut à la jambe. En conséquence, elle tombe plus à cause de la douleur aiguë qu'un dommage. Sa confusion et la tristesse sont accentués par ses paupières basses. Je réponds à son expression par:
-C'est pour que tu m'attendes juste au cas où c'est trafiqué. Crois-moi j'aurais le temps de revenir pour toi. Il doit rester 7 minutes et avec là où j'ai coupé, t'auras même du mal à ramper. Tu pourras dire à Havo que j'ai bien progressé.
Ena dit en chialant:
-Je t'aimais bien en plus. Vraiment...je t'aurais aidé sans tout ça . Dire qu'Aelia t'ai...
Elle s'arrête et secoue la tête. Aelia? Je fronce les sourcils, puis me rappelle de certains regards et sourires. Putain elle m'aimait bien? Non, on s'en fout.
Je réponds à Ena:
-C'est dommage tout ça. Bon je dois y aller. Désolée...pour tout.
Sous les lumières de la moto, Ena a une expression choquée avant de dire:
-Tu l'as fait, t'as vraiment tué mon frère?
Je tourne la tête, monte sur la moto et disparais. Je suis vraiment la fille de mon père après tout.
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