Chapitre 18

Daëri

J'émerge de mon obscurité, me lève et me souviens instantanément de ce qu'il s'est passé hier. J'ai tellement honte, ce qui me fait retomber dans mon lit. Heureusement que je ne bosse pas à cause de leur maintenance aujourd'hui. Ils s'arrêtent jamais. Je ne comprends même pas comment j'ai réussi à me laisser toucher par lui. C'est un homme. Leur toucher me dégoute tellement. Mais là...putain!

Les cheveux emmêlés après ma douche, je finis par sortir avec ma brosse et mon attirail. J'en ai pris l'habitude à force d'en avoir marre de balayer mes cheveux. J'en avais pas l'habitude à la maison. J'ai mon plus beau peignoir des vêtements qu'ils ont daigné me donner et mon regard menaçant, pour les gens qui pourraient passer, mais ça arrive rarement.
Je devrais avoir honte de ma paresse, pourtant ce n'est pas encore arrivé. Sûrement quand ça fera des tas de cheveux qu'on remarquera dans l'herbe. Mais ils ne se cassent pas encore assez pour ça, loin de là. Papa en a vraiment pris soin. Maintenant je fume de l'intérieur en pensant au fait qu'il ne pourra pas me refaire mes tresses. Je vais passer une éternité à m'y coller. Je vais aussi devoir prier pour que ça ressemble à quelque chose, à côté des formes nettes et régulières de d'habitude. Au moins, il m'a appris à le faire. Je soupire et ouvre la porte.
Sous le ciel gris et le silence temporaire, je me brosse en fixant l'herbe verte au loin. Elle est ternie par la couleur du ciel. Soudain, je sens une présence derrière moi avec des bruits de pas. Je me retourne rapidement pour trouver Atmos s'approchant. Il sourit et dis amusé:
-Bon réflexe.

Il demande maintenant concerné:
-Tu vas mieux?

J'expire longuement et même si je suis toujours assise, en le menaçant de la brosse je lui dis:
-Tu dis à personne ce qu'il s'est passé hier soir. Et quand t'as essayé de m'étouffer dans tes bras avant la glace non plus. Et tu me touches plus.

Il sourit et réplique:
-Tu parles comme si on avait couché ensemble.

Je suis tellement choquée et furieuse que j'ai envie de lui écraser le crâne. Ça doit se voir sur mon visage parce qu'il me demande plus sérieusement:
-Pourquoi t'es si en colère tout le temps? Qu'est-ce qu'il s'est passé? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé?

L'envie de pleurer me fait lui lancer la brosse dessus violemment. Mais il la rattrape et dit:
-T'apprends jamais.

Je me lève puis rentre chez moi où je grogne de rage. Quand je suis enfin calmée, je décide d'aller me battre s'il le faut pour récupérer ma brosse. Mais je la trouve devant ma porte.
Plus tard en me baladant, je tombe sur Blade au milieu d'un parcours. Encore sur l'herbe mystérieuse. Il s'efforce d'entraîner ce que je pense être de simples habitants avec toutes sortes d'armes. Certains s'en sortent surprenamment bien. D'autres mourront à coup sûr en cas d'attaque. Comme l'un d'eux à qui Blade dit:
-Kin bouge plus vite ou tu te fais tirer dessus!

Je l'observe un moment et contrairement à avec moi il se montre patient avec eux. Il y a même des grains de gentillesse. Ces gens sont tellement bizarres, entre lui et Atmos. Je commence à m'en aller et m'arrête, quand j'entends la voix éclairée de Blade s'écrier:
-J'espère que t'as appris quelque chose Daëri!

Je ne lui fais pas le plaisir de me retourner et m'éloigne. Je souris en me disant que mes soldats les ont sûrement tous bouleversés, eux et leurs méthodes de défense. Toutes leurs méthodes de défense.

Je finis la matinée sur la chaise rembourrée où Moya m'a fait asseoir. Au milieu de son cabinet blanc et transparent. Il me rappellerait presque ma cellule, si le blanc des murs n'était pas cassé par des dessins d'enfants qu'elle a dû soigner et photos des gardiens. Dont une de plus du groupe des cinq et la photo d'un bébé...dans un sac à dos?
Je ne peux pas empêcher ma question de sortir et demande:
-C'est ton bébé?

Sans s'arrêter de préparer son matériel, Moya répond:
-Non, c'est Atmos.

Je suis confuse et demande:
-T'es pas sa mère? Je croyais que...

Moya range des choses et répond distraitement:
-Je ne pense pas être si affectueuse avec lui au point de croire ça. Plutôt le contraire. Il a vraiment une tête à être mon fils?

Je me retiens de rire et lui dis:
-Franchement, je m'étais juste dit peut-être à cause des cheveux noirs. Pas très malin...j'ai l'impression que mon cerveau souffre ici.

Elle réplique:
-Si ça peut te rassurer de mettre ça sur nous.

Je souffle et ajoute:
-Et puis non j'ai peut-être raison et tu fais semblant. Il y a l'adoption, l'insémination artificielle et tout ça. Peut-être qu'il ressemble à son père le plus ou qu'il est juste issu d'un ovule donné.

Moya hoche la tête avec un léger sourire et répond:
-Tu vois t'es pas juste enragée. Tu sais réfléchir, ton cerveau s'en sort. C'est bon à savoir.

-Je travaille depuis des semaines sans erreur c'en était déjà une preuve.

Moya sourit et je lui demande:
-Donc c'est pas ton fils?

-Encore une fois, non. On l'a trouvé bébé. Aelia aussi on nous l'a confié bébé. Beaucoup de gens ici sont comme ça, comme Blade et Ena aussi. Maintenant tends le bras.

Ils ont tous eu cette absence, au moins ils se sont trouvés à cause de ça.
Pendant que Moya examine mon bras, je me demande comment c'était pour Atmos. Est-ce qu'il a déjà vraiment ressenti un manque? Même s'il avait tous ces gens? J'aurais préféré que moi aussi on m'abandonne bébé. Mais heureusement, Papa m'a trouvé. Je regarde à nouveau Moya qui ne nettoie plus ma peau à l'alcool, mais approche un instrument familier de mon bras. Je le tire pour lui échapper, mais elle l'attrape violemment.

Comment j'ai pu me laisser distraire au point de ne pas deviner? Je crie presque de rage en regardant la machine qu'on appelle "la sangsue". On l'appelle comme ça à cause de toutes ses petites aiguilles qui font qu'on ne sent rien. Mais ils rendent son utilisation espacée, à cause du nombre de veines touchées pour obtenir cette grande quantité de sang rapidement. C'est surtout pour les mauviettes et les enfants, quand ils doivent faire beaucoup de tests. Je suis ni l'une ni l'autre, mais je ne vais pas la laisser dégainer une seringue à la place, pour me piquer non plus. Je ne veux juste pas qu'elle me fasse quoi que ce soit, douleur ou non. Je lui dis:
-Je pensais que t'allais faire un scan de mon bras, parce que vous êtes parano avec vos implants. Mais je savais que c'était pas net, je suis trop bête.

Je tire à nouveau mon bras, mais elle ne me lâche pas en disant calmement:
-On a besoin de cette analyse sanguine.

Je réplique:
-Pourquoi?! J'ai tous mes vaccins!

Elle se retient de rire puis finit par le faire en regardant ailleurs. Elle a tout de même toujours une poigne ferme sur moi. Est-ce qu'ils sont tous très fort ou je suis faible? Je pourrais facilement lui foutre la sangsue au visage, mais je ne sais pas pourquoi je ne le fais pas. Moya me dit plus sérieusement:
-Peut-être que tu es une mutante. Voilà pourquoi.

Je la regarde comme ce qu'elle est, une folle. Elle a perdu la tête. Je lui fais remarquer:
-J'ai pas de marque.

-Il aurait pu la cacher.

-Si j'en étais une, je serais morte. Ma mère n'aurait pas hésité à me dénoncer pour cette foutue compensation. Elle m'aurait sûrement balancé dans le feu, elle-même s'il le fallait.

Moya me fixe choquée et je cède:
-Aller c'est, bon fais-le.

En étalant à nouveau l'alcool sur mon bras, Moya dit amusée:
-Si Nyx avait un mutant tout ce temps, ce serait un truc de fou.

Je fais rouler mes yeux au ciel, pendant que la sensation d'inconfort de l'appareil se nourrissant dans mes veines s'estompe. Elle ajoute:
-Il attendait peut-être un certain âge pour ses expériences, avant de te détruire. Tout comme vous faites avec ces enfants. Il a essayé d'effrayer la population avec la menace des mutants, pour finir par en créer. Des monstres dont on ne connaît même pas l'utilité.

Choquée, je lui demande:
-Comment vous savez?

-Ce n'est pas ton problème, comment toi le tu sais? Tu les as vus?

Je ne réponds pas et elle soupire. Moya brise le silence accompagné par la machine scannant mon sang, quand elle dit:
-J'avais un fils.

Je la regarde à nouveau et répète:
-Avais?

-Il aurait été à peine plus vieux que toi. Si t'es bien l'un d'eux, t'es censée être morte comme lui. Si t'es vraiment une mutante, t'en es une putain de chanceuse.

J'inspire, je ne peux pas me remettre à pleurer dans les bras d'Atmos. Pour me calmer, au lieu de ressasser, je lui pose alors une question qui m'avait déjà traversé l'esprit:
-Tu n'as pas eu un autre enfant avec Exxio?

Moya a l'air surprise donc je lui révèle:
-Je vous ai vus vous embrasser, c'est un secret?

Elle rit doucement et me dit:
-Non, mais on n'est pas du genre à étaler ça partout. Et je n'ai pas besoin d'un autre enfant. Les gens ne se remplacent pas comme ton père fera avec toi. On le sait toutes les deux.

Je ne sais pas pourquoi je ne réponds pas et fixe le mur. Après un silence, il y a un bruit électronique. Avant que je puisse regarder aussi Moya me dit:
-T'es une humaine lambda. Tu peux y aller.

À l'extérieur de la clinique, j'expire longuement soulagée, parce que Papa ne m'a pas sauvée pour des expériences. Pourtant une petite partie de moi était curieuse de savoir comment ce serait, d'avoir des pouvoirs. Mais justement, je n'en ai jamais eu donc le résultat du test semble logique. À moins que les mutants aient leurs pouvoirs en grandissant, vieillissant? Non ce sera vraiment trop tard comme âge si c'est mon cas.

Je vois Atmos pas loin en train de discuter avec un brun un peu plus petit que lui. Le brun se met à me fixer avec son regard de félin semblable au mien. En moins méchant, je suppose. Je lui fais une grimace pour qu'il me lâche du regard. Au lieu de ça il m'approche sous le regard d'Atmos. Je le jauge, mais il a toujours son regard un peu en amande sympathique. Je découvre des fossettes à ses joues quand il me sourit. D'une voix grave ayant pourtant un éclat de clarté, il me dit:
-Alors c'est vrai, t'es vraiment jolie comme démon.

Je réplique:
-Tu veux que je te frappe?

Il me dit toujours en souriant:
-Je te déconseille d'essayer.

Me souvenant de ma cuisse, je rétorque:
-Ou quoi? Tu vas me frapper aussi?

Il rit et répond:
-Non, mais on va finir par terre.

Une de ses fossettes apparaît à nouveau et je lève le sourcil pas impressionné. Sentant ce qu'il pourrait être capable de faire par excès de confiance, je recule par précaution. Il me demande:
-Je pue?

Je ne peux pas m'empêcher de grimacer pour cacher mon sourire et lui dis:
-Je ne veux pas qu'on me touche.

Il rit et me répond:
-Je suis pas cinglé à toucher les gens comme ça.

Je hoche la tête et il se mord brièvement la lèvre avant de me dire:
-Bon, je dois aller nettoyer les fusils avant de me faire tuer moi-même. Au fait moi c'est Simon, bye Daëri.

Anormalement, je réponds:
-Bye!

Atmos m'approche à son tour et je l'incendie du regard. Mais avec ses pommettes adoucies par son expression, il demande:
-Moi, j'ai droit à ça?

Je hausse les épaules et il soupire en plissant les yeux, avant de dire:
-J'espère au moins que t'apprendras à être gentille avec lui.

Je réplique énervée:
-Tu me vois parler avec quelqu'un, et tu sors déjà les alliances et les colombes?!

Il éclate de rire, un mélange de grave et de lumière. Il me fait remarquer:
-Non, j'ai juste remarqué que tu l'as pas envoyé bouler en quelques secondes.

-C'est la même chose là. Pour je ne sais quelle raison je t'écoute déballer tes conneries, et pourtant je veux pas que tu m'approches.

Il ricane puis se contente de sourire en disant doucement:
-Plus. Plus que je t'approche.

Je bous de l'intérieur tandis qu'il demande plus sérieusement:
-Pourquoi t'es venue ici?

-Pourquoi, toi, t'es ici?

Il ne me lâche pas et réplique:
-On avait des check up, réponds.

Je soupire et espérant obtenir des infos, je lui dis:
-Elle m'a fait un test pour savoir si j'étais une mutante.

Il se contente de lever un sourcil amusé et me répond:
-Je suppose que non.

-Effectivement, mais j'ai vu ta photo bébé.

Il s'arrête de sourire et en fronçant ses longs sourcils noirs, il dit:
-Elle affiche toujours cette putain de photo quand je suis pas là. Je lui avais dit de l'enlever.

Surprise de voir Atmos s'énerver je me reprends et le stoppe dans sa future querelle avec Moya, pour me venger encore plus. Je l'appelle:
-Atmos attends.

Il se retourne confus et je lui demande avec un sourire:
-Tu sais comment c'est en ville? Dehors?

Il répond brièvement:
-J'en ai entendu parler.

Je me mets à répéter ce que Papa m'avait expliqué:
-Là-bas, les gens mauvais finissent bien dans les camps ou meurent de faim. Mais les bonnes personnes sont libres et mangent à leur faim. Ça a l'air un peu dur oui, mais laisser le mal se rependre rend les choses pires. C'est un mal pour un bien quoi et...

Atmos a le visage qui est devenu aussi dur que l'acier et il adopte le regard d'un prédateur. Il crie presque:
-Ferme-là, vraiment.

Passé la surprise, je me reprends et souris malgré ma crainte. Je continue quand même:
-Ce que vous essayez de faire si c'est ce que je pense, c'est pas la première révolution. La dernière a été punie par une autre catastrophe divine. Cette maladie horrible avec tous ces symptômes. Rien que de repenser aux archives...

Je grimace et à ma surprise il répond:
-Les anciens en pleurent encore quand ils en parlent ou refusent carrément d'en parler. Après ça, je comprends vraiment pas les gens qui vénèrent cette merde qui t'a élevé.

Je réplique énervée:
-Tu parles comme si c'était sa faute si Dieu était en colère contre ces rebelles. Mon père nous a encore sauvés avec le remède.

Atmos me dit:
-Tu peux pas être si bête. On connait tous les deux la vérité.

Je secoue la tête. Encore un de ceux qui cherchent à semer le chaos avec leurs mensonges. J'ai failli oublier où je me trouve. Chez l'ennemi.

Je remarque Exxio, qui nous regardait en retrait et lui dis:
-Je sais que vous le détestez tous, même toi.

Exxio répond:
-Non, surtout moi.

Exaspérée, je demande:
-Pour quoi encore?

Atmos me dit:
-Daëri.

Mais Exxio lui dit:
-Laisse.

Il m'explique ensuite:
-Ma fille est morte à cause de lui, et j'ai perdu ma femme.

Lui aussi? Peut-être que c'est pour ça qu'ils se sont rapprochés avec Moya.
Je me risque à demander:
-C'était une mutante?

Exxio secoue la tête et raconte:
-Quand il n'y a plus un certain groupe sanguin, et qu'il est trop tard pour aller en chercher plus à la surface, tu dois faire un choix. Tu peux tout perdre...c'est ce que ton putain de père a fait!

Je me remets de mon sursaut et remarque juste après qu'Atmos aussi est parti. D'après ce qu'a dit Exxio je pense qu'il a sauvé sa femme, mais elle ne lui a pas pardonné.

Des heures de lecture après, je mange sur une table dehors. C'est à cause de mon appréciation pour le ciel bleu ravivant l'herbe. Je me réfugie aussi dans les paroles de Papa. Soudainement Atmos me fait sursauter en apparaissant de derrière moi. Je lui demande à moitié irritée:
-Qu'est-ce que tu fais ici? Tu me détestes pas encore?

Il ignore ce que je viens de dire, s'assied et me demande:
-Qu'est-ce que toi tu fais?

Je réponds en souriant:
-Je pensais encore. À nouveau à comment les gens peuvent être égocentriques et égoïstes. Au début des catastrophes, vous étiez solidaires, mais ça n'a pas duré. Vous vous êtes fait les pires horreurs. Mais heureusement, on vous a réorganisés. Car au naturel l'humanité n'est pas belle à voir.

Atmos me demande:
-Et toi, tu l'es?

N'ayant pas envie d'y réfléchir, je réplique:
-Dis-le-moi?

Atmos sourit enfin à nouveau, mais s'en va.

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