Chapitre 5
Une lueur blanchâtre s'infiltra dans la chambre par la petite fenêtre.
Je levais le regard, surprise, me concentrais sur la lune, qui venait de faire son apparition, fière et puissante. Elle se tenait droite dans le ciel sombre, dans le ciel obscur parsemé par diverses étoiles, toutes plus brillantes, plus claires, plus magiques les unes que les autres, dans ce ciel d'hiver qui ne connaissait pas de fin, pas de limites. Les arbres, les sapins, les pins brillaient dans la lumière argentée, brillaient tel des fantômes, tels des revenants perdus dans l'au-delà, assortis avec la neige qui scintillait mystérieusement, comme s'il s'agissait d'une poudre magique crée par des quelconques fées déchues. Le silence les accompagnait dans ce calme, cette sérénité, cette certaine forme de paix qui régnait là, dehors, dans ce monde sauvage mais tellement magnifique qui s'offrait si courageusement à mes yeux
Je retins mon souffle devant la beauté de la nature, retins mon cœur devant ce silence admirable, surprise, estomaquée, attirée, intriguée. C'était la première fois que je voyais un pareil spectacle, la première fois que j'assistais à ça, la première fois que je ressentais cette ambiance si mystérieuse, remplie de secrets, remplie d'inconnus et d'interdis que je voulais transgresser.
Un hibou hulula, un corbeau vola et des yeux brillèrent, cachés dans les ombres secrètes qu'offrait la nuit. Quelque chose bougea, au loin, un oiseau s'envola, un lapin sautilla dans la neige froide, sa fourrure brune tachant le blanc qui l'entourait.
C'était vraiment magnifique.
Et soudain, un coup survint, me faisant ainsi tressaillir.
Happy le dragonnet se cogna contre le tissus ma robe, me faisant revenir à lui, me faisant retomber du ciel, de ce monde inexistant qui me captivait tant. Il me fixa avec son regard innocent, brillant, malicieux, adorable, l'air de se demander ce que je faisais, l'air de se demander pourquoi je semblais si perdue, si absente, tout d'un coup. Il ouvrit sa petite bouche, me montra ses dents alors qu'il la tordit, alors qu'il sembla vaguement me sourire, tel un enfant, tel un bébé, avant de s'enfuir, avant de partir, de courir avec ses quatre petites pattes potelées.
Il s'arrêta en face de l'homme-bête.
-Natsu ! Natsu ! Natsu !, s'écria le petit reptile en sautillant avec cette bonne humeur si caractéristique qu'il avait et qui ne semblait pas vouloir le quitter.
Son maître baissa son regard, l'air étonné, surpris, et ne sachant pas comment réagir face à l'insistance de son petit animal, devant l'agitation de sa petite bête. Il le fixa en fronçant légèrement ses sourcils, se gratta sa joue, qui scintillait d'une douce lueur dorée, tirant vers l'argentée alors que des rayons de lune perdus l'éclairaient. Il me lança un bref petit regard, un pauvre regard embarrassé, sembla s'excuser, avant de s'accroupir, de se baisser et de caresser la tête bleue de Happy. Il sourit, prit une expression heureuse, en paix, magnifique, alors qu'il laissait tomber quelque part loin derrière lui toutes ses défenses, toutes ses peurs, toutes ses inquiétudes et qu'il ne se concentrait que sur le moment présent, que sur lui et sur ce reptile qu'il semblait affectionner autant, oubliant ainsi tout le reste.
Puis, dans un mouvement de tête mal à l'aise, perdu, gêné, il leva sa tête rose, leva son regard sombre qui tirait sur un vert argenté sous la lumière fantomatique que nous envoyait le ciel, me fixa avec ses yeux embrumés, comme s'il venait de sortir d'un rêve, d'un mirage. Comme s'il venait à peine de se rendre compte de ma présence.
Il se leva rapidement, Happy serré dans ses bras dans un geste protecteur et il me sourit, il s'approcha, le pas tranquille, le visage sombre mais neutre. Ainsi, contrôlant parfaitement la situation, il se planta rapidement devant moi, devant mes yeux incrédules et mon regard effaré, devant mon cœur qui commençait à s'emmêler dans les filets crées par la timidité excessive que je ressentais. Je retins mon souffle, m'empêchais de respirer, de faire le moindre mouvement, paralysée par une peur stupide, absurde et pourtant bien présente, bien installée quelque part au fond de mon esprit et qui m'empêchait de réfléchir, d'agir, de dire quoi que ce soit pour rompre le silence, rompre cette situation délirante dans laquelle je me trouvais.
Natsu me sourit et me prit brusquement la main, m'attirant vers lui dans un geste vif, perturbant, inquiétant. Laissant Happy s'envoler tranquillement, il serra ma main gantée, fixant et caressant mes doigts dans ce geste abstrait, de ce calme exaspérant qu'il avait, l'air concentré, avec ses sourcils froncés, sa tête légèrement baissée, laissant ainsi quelques mèches de cheveux roses pendre sur son front.
-Bienvenue dans ma tendre demeure, murmura-t-il en embrassant doucement ma main, en plantant son regard fixement dans le mien, me souriant vaguement.
Je me mis à trembler.
Retirant mon bras de son emprise dans un geste exaspéré, dans un geste brusque, colérique, effrayé, inquiet, hésitant, froid, je reculais, me reculais le plus loin possible, le plus loin possible de lui, de cet homme, de cet inconnu, de cet être, de cette bête. Je le regardais en fronçant les sourcils, en plissant mes lèvres pâles, en serrant mes bras contre ma poitrine, tremblante, frissonnante, effrayée et perdue aussi, je dois l'avouer. La peur me nouait toujours le ventre, une peur inconnue, qui propageait un froid immense dans tout mon corps, dans tout mon être et qui me faisait me caler le long du mur, retenant mon souffle et n'osant lâcher des yeux l'inconnu qui se tenait devant moi. Cette peur avait été engendrée par la surprise, par les gestes si brusques, si vifs de cet homme, par sa rudesse, par ces paroles sèches qu'il avait prononcé alors qu'il me souhaitait la bienvenue, par la haine, la colère qui irradiât de lui.
Il était vraiment quelqu'un d'étrange. De bizarre. Une créature toute droite sortie de contes de fées qui semblait tenir, au fin fond de son esprit, une haine rancunière. Et à présent, cette bête qu'on ne pouvait appeler un homme, qu'on ne pouvait appeler un dragon, cette bête surgie tout droit des rêves les plus fous des écrivains avares d'imagination me fixait, l'air blessée mais aussi en colère, aussi inquiète, aussi effrayée, aussi rancunière.
Natsu soupira, cacha sa rudesse, cacha sa frustration derrière son visage scintillant, derrière ses beaux yeux verts et sourit. Il avait décidé de prendre la forme d'une personne embarrassée.
-Excuse-moi, je me suis comporté comme un barbare.
Quelles paroles étranges venant de la part d'un homme-bête, songeais-je.
-Je..., continua-t-il en détournant ses yeux, en se perdant par le spectacle argenté, féerique que lui offrait sa fenêtre, en disparaissant de ce monde pendant quelques petites, malheureuses secondes. Ne t'inquiète pas, je ne te toucherais plus. Et je ne veux plus t'embêter non plus...alors je te laisse t'installer en toute tranquillité. À demain.
Et, sur ces paroles prononcées dans une voix douce, basse, caverneuse, marquées par une certaine forme d'amertume incompréhensible, par un certain ton sec et une certaine lassitude, il s'enfuit, s'envola, disparut dans les ombres du long couloir qui se tenait derrière la porte qu'il venait d'ouvrir. Un dernier petit sourire et un dernier regard me furent lancés avant qu'il ne disparaisse, qu'il ne s'évanouisse dans l'épaisse nuit, ce bel inconnu.
Je me retrouvais de nouveau seule dans ma petite chambre de servante.
Seule dans le silence, seule dans la nuit, seule dans cette nouvelle vie. Je me tournais, inspectais d'un regard fatigué les alentours encore une fois, regardais l'armoire sur laquelle des riches motifs de flammes étaient marqués dans son bois pourrissant, le bureau sur lequel un pile de papier, un stylo-plume se noyant dans son encre noire m'attendait. Un livre, également, était posé à côté, sa couverture déchirée, éraflée, incroyablement usée attira mon regard.
Je m'approchais, une soudaine curiosité naissant dans mon esprit, dans mes mains qui se dépêchèrent de faire tourner les pages jaunies, fragiles, vieilles de ce livre. Grandes et remplies de mots, de belles phrases intrigantes, mystérieusement écrites avec une main et une plume magnifique, les pages défilaient sous mes yeux marqués par des grosses cernes.
Je levais le regard, cherchais une lampe, une chandelle tout en me dépêchant de l'allumer, de m'installer à côté confortablement, avant de commencer à lire, tout en retenant mon souffle.
Il était une fois un village. Un magnifique, chaleureux village qui se situait quelque part dans les montagnes, perdu dans une forêt infinie de sapins, de pins, d'arbres gigantesques, majestueux qui ne cessaient de pousser de plus en plus chaque année. Délaissé par le monde, oublié par tous, abandonné, exilé, ce village n'était néanmoins pas moins beau que les autres, n'était néanmoins pas plus pauvre, ou plus riche, ou plus grand, ou plus gigantesque, ou plus peuplé que tous les autres. En fait, ce n'était qu'un village parmi tant d'autres, simple, mais beau, accueillant, bienveillant.
Et, tout comme à l'image de leur village ordinairement magnifique, les habitants, les paysans, les villageois étaient pour la plupart du temps heureux, joyeux, d'une nature fêtarde vraiment adorable. Ils étaient tous d'une amabilité à toute épreuve, une gentillesse incomparable et n'hésitaient jamais à aider leur prochain, peu importe la fortune, le rang social, la laideur de son esprit si ce dernier venait leur demander leur aide. Oui, en effet, tous ces villageois étaient des parfaits petites créatures qu'on ne pouvait qu'aimer, et qui ne se mettaient jamais en colère contre qui que ce soit.
Seulement, ils avaient tous une règle, une règle en or que tous les passants, tous les nouveaux arrivants, toutes les personnes perdues dans leurs forêts immensément magnifiques devaient respecter à tout prix : Jamais, au grand jamais, on ne se moquait de l'apparence de qui que ce soit, aussi laide, aussi monstrueuse, aussi étrange, aussi effrayante pouvait-elle être.
Ainsi, en respectant cette unique petite règle, n'importe qui pouvait entrer, venir, partir, habiter ce village et profiter de la gentillesse de ses habitants.
Ainsi, la paix, la sérénité, le calme régnait à l'intérieur là-bas et les années défilèrent, partirent, passèrent rapidement alors que tout le monde, que le peu de monde qui arrivait à trouver les maisons perdues de ce petit village et que ces habitants étranges vivaient en parfaite harmonie.
Oui, en effet, tout était parfait dans le plus parfait des mondes.
Mais ce rêve idyllique ne pouvait durer plus longtemps; un jour, par un matin ensoleillé, par un beau dimanche d'hiver, un de ces hivers froids, hostiles mais magnifiques, où la glace s'étaient collée contre les vitres des maisons en formant des étranges motifs, où les enfants aux joues rougies par le froid jouaient tous ensemble en répandant leurs rires aigus un peu partout autour d'eux, où les mères au regard préoccupé marchaient tranquillement, allaient faire leurs corses alors que leurs maris paresseux se levaient de leurs lits moelleux, confortables pour entamer une nouvelle journée peuplée de sérénité, de calme, d'une paix aussi grande que ce ciel azur qui s'étendait sous leurs yeux reposés, un groupe de voyageurs stupides arriva à la périphérie de ce village.
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