Elle avait des yeux cernés de bleus et rougis par les larmes. Elle n'était pas particulièrement belle, ni particulièrement attirante. Ses cheveux étaient emmêlés et ses lèvres gercées. Ses habits étaient trop grands, mal ajustés, ses chaussures un peu abimées. Et pourtant, il avait l'impression d'avoir embrassé un ange. Il savait que sa vie n'était pas simple, qu'à habiter ici elle crevait à petit feu, et il avait envie de la sauver, ou du moins de lui apporter la petite part de soleil qui lui manquait. Il voulait la voir sourire à nouveau.

-Ici, on gèle et on étouffe, murmura-elle.

Il savait. Il savait sa condition, il savait ce qu'elle endurait. Ici, c'était un quartier sans air, où les habitants pourrissaient avant de pouvoir s'en sortir. Elle en avait, de la volonté, mais elle était comme les autres, elle pouvait pas y arriver, c'était impossible. Elle avait été condamnée dès sa naissance. Et lui, l'entendre se résigner comme ça, ça lui tiraillait le coeur. Il voulait qu'elle oublie, l'espace d'un instant, qu'il n'y avait plus d'espoir. Il voulait qu'avec lui elle voie que le monde, ça pouvait être beau.

Il l'embrassa. Avec tout son amour. Il l'embrassa, et dans ce baiser, il y avait tout, il y avait les cieux d'été et leurs feux d'artifices aux milles couleurs, il y avait la mer et son écume mouvante, il y avait le soleil qui brillait et les déserts arides, il y avait le sourire d'un bébé et celui d'un vieillard, il y avait la passion, le rouge sanglant des tragédies grecques, le bleu apaisant des poèmes d'amour, il y avait la fougue d'un cheval au galop et la tendresse d'une mère face à ses enfants.

Quand ils se détachèrent, elle sourit.

-Si tu cessais de m'embrasser, je crois que je mourrais étouffée.

Il était content. Il avait réussi. Il l'avait sauvée.