Chapitre 7 Partie 2
An 2882. Nelmas. Quelques jours après l'attaque de Letariv.
Reid resta finalement toute la matinée avec Kal qui décida de veiller sur lui. Le jeune homme n'était pas capable de déterminer lui-même si son état de santé était alarmant ou non. Il disait que ce qu'il sentait évoluait par vagues ; des fois il croyait aller bien, et à d'autres moments, il se sentait extrêmement faible. Il pensait que la cause de son malêtre venait des événements s'étant produits récemment. Kal était dubitatif ; Reid avait vraiment l'air malade. Physiquement malade.
-Tu es sûr que tu ne veux pas que je cherche un médecin ? Lui demanda-t-il finalement.
Reid leva un sourcil, étonné.
-À quoi est-ce que tu veux que ça serve ? Fit-il depuis la couchette ou il avait été déplacé.
Kal avait insisté pour qu'il ne s'allonge, arguant qu'il n'avait pas encore envie de ''le ramasser par terre''. Reid frustré, avait répliqué qu'il n'allait pas si mal que ça.
-Eh bien pour voir ce que tu as. S'il y a des raisons de s'inquiéter ou non, répondit Kal.
-Et même si tu ne veux pas voir de médecin, il faudrait au moins que quelqu'un prévienne ton père, reprit Kal.
-Quoi ? Mais pourquoi ?
Le commandant fut sur le point de répondre alors que de rapides et trop violents coups furent portés à la porte de son logement.
-Mais qu'est-ce que vous avez tous aujourd'hui ! rouspéta-t-il agacé, avant de sortir de la petite chambre pour se diriger vers l'entrée de la cabane.
À peine avait-il ouvert la porte qu'une furie blonde se précipita à l'intérieur.
-Reid ? Appela Sylvia ignorant complètement le propriétaire des lieux.
-Je t'en prie, fais comme chez toi, marmonna ce dernier.
La jeune fille rompit son élan au milieu de la pièce, et se tourna vers Kal, légèrement gênée.
-Désolée de venir comme ça, mais Reid est parti avant, et il n'avait pas l'air très bien. J'ai du mal à ne pas m'inquiéter, expliqua-t-elle.
Le commandant soupira.
-Il est dans la pièce à coté, l'informa-t-il. Mais comment tu savais qu'il était chez moi ?
-Parce que je l'ai déjà cherché dans tout le village, et qu'il n'y était pas. Il ne restait plus beaucoup de possibilités.
Kal acquiesça.
-Il est juste là, dit-il en désignant la petite ouverture vers la chambre.
Alors que le jeune fermier perçu les pas de son amie approcher, il se força à se redresser ; il ne tenait pas à ce qu'une autre personne ne le voit dans un état de faiblesse pareil. Mais elle se tenait déjà au bord du lit, au moment où il agrippait le matelas de chaque côté pour se mettre en position assise. Il avait le vertige et un mal de crâne atroce ; jamais il ne s'était sentit aussi faible de toute sa vie. En levant le visage pour la regarder, son mal de crâne s'accentua, et sa vision s'assombrit ; comme s'il ne pouvait voir qu'à travers un tunnel très fin.
-Eh ben ! Souffla-t-elle. T'as l'air d'aller encore plus mal qu'avant. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
-Aucune idée, répondit-il sincèrement.
Il remarqua qu'il avait également du mal à contrôler le volume de sa voix ; il parlait plus doucement qu'il ne le voulait. Sa faiblesse ne faisait que s'accentuer, et si jamais il pensait aller mieux, c'était pour s'apercevoir un peu plus tard, qu'il n'était même pas en état de se déplacer, ne serait-ce que d'un pas.
Il se portait bien, pourtant, le matin même. Alors qu'est-ce qui n'allait pas maintenant ? Il n'était pas certain de savoir ce qui avait provoqué cet état ; ce cauchemar qui revenait régulièrement le hanter, la situation dans laquelle se retrouvaient les habitants de la région, les tensions qui s'accentuaient entre Karianis et Merildis, ou l'apparition inattendue d'un Tung, vingt ans après leur apparente disparition ? Peut-être tout ça à la fois ?
-Peut-être, commença Sylvia, qu'il vaudrait mieux voir ça avec un médecin.
Reid poussa un profond soupir de frustration ; elle n'allait tout de même pas s'y mettre elle aussi !
-C'est ce que je n'arrêtais pas de lui répéter ! s'exclama Kal, affichant un air presque victorieux.
Un « Tu vois, j'avais raison » brillait à travers ses yeux.
-Qu'est-ce que vous voulez qu'un médecin fasse ? Vous savez s'il existe quelqu'un qui s'y connait en ''maladies elysiennes'' ? répliqua ironiquement Reid.
-Oui, enfin, bredouilla Sylvia, dans tous les cas, on ne peut pas te laisser comme ça.
-Ça va aller, essaya-t-il de les rassurer. Peut-être que je n'ai besoin que d'un peu de repos. Je vais rentrer chez moi ; les choses iront probablement mieux d'ici demain.
-Et tu penses être capable de te déplacer jusqu'à la ferme ? Demanda Kal toujours aussi inquiet.
-Ce n'est pas comme si j'avais le choix, répondit résolument le malade, qui à nouveau tenta de se lever.
Sous ses yeux le sol se mit à tourner, son cerveau le faisait souffrir, ses entrailles se tortillèrent, le faisant se plier en deux.
Il sentit vaguement autour de lui, Kal et Sylvia, qui le maintenaient pour le remettre dans le lit. Il ne pouvait que se laisser faire ; il était trop faible ; progressivement, c'est tout son corps qui lui fit mal, même sa peau ; celle-ci le brûlait comme si on l'avait aspergé d'acide. Finalement un violent haut-le-cœur lui souleva l'estomac, qui se vida dans une jarre qu'on avait précipitamment placer sous son menton.
Puis tout devint blanc. Littéralement.
Il n'était plus dans la cabane de Kal. Il était dans ce lieu étrange, où il avait rencontré cette femme, il y a des semaines. Comme la dernière fois, elle était là, au centre de la pièce, toute de noir vêtue, l'inspectant avec un air impassible. Le jeune homme se rendit compte à cet instant qu'il allait mieux ; il n'avait plus mal et semblait avoir regagné toutes ses forces. Ce qui ne l'empêchait pas d'être totalement déboussolé. Cette pièce le mettait mal à l'aise.
-Mais qu'est-ce qu'il se passe ? S'exclama-t-il.
-Ta question concerne-t-elle la raison pour laquelle je t'ai fait venir ici, ou ton état ? Questionna la femme.
Reid lui jeta un regard perdu, presque suppliant.
-Ne t'inquiète pas, tu te trouves encore, physiquement, dans cette miteuse cabane. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle tu as l'impression d'aller mieux ; seul ton esprit est en contact avec moi, ici.
-Mais qui êtes-vous ?
-Et c'est bien ton état qui m'a conduite à entrer en contact avec toi, dit-elle en ignorant la question qui avait été posée.
-Vous n'allez pas me répondre, n'est-ce pas ?
-Je sais ce qui te rend malade.
Reid était sur le point d'insister, mais cette dernière phrase le coupa.
-D'où ... D'où est-ce que vous sortez ? Balbutia-t-il.
-Tu n'étais pas très loquace la dernière fois, remarqua-t-elle. Maintenant, tu n'arrêtes plus de poser des questions.
-Vous voulez m'aider, alors ? Pourquoi ?
-Encore des questions !
La femme lui jeta un regard désapprobateur en soupirant, avant de lui répondre.
-Je peux au moins t'expliquer pourquoi tu es dans cet état, mais il n'y que toi qui puisse réellement y remédier.
-Pourquoi vous voulez m'aider ? Et où est-ce qu'on est exactement ?
Il était hors de question pour Reid d'écouter quoi que ce soit qu'elle ait à lui dire, tant qu'elle ne lui donnait pas de réponse. On lui avait toujours apprit à se méfier des étrangers ; c'est exactement ce qu'il faisait là.
-Je te l'ai déjà dit, s'impatienta la femme, tu te trouves toujours dans la cabane de ce soldat. Quand à l'aide que je t'apporte ; ce n'est pas gratuit.
Le jeune homme la regarda abasourdi ; il n'avait aucune intention de payer cette femme ; il n'en avait surtout aucun moyen. Comment d'abord voulait-elle qu'il la paie, si elle refusait de lui dire où elle était.
-Ce n'est pas de l'argent que je te demande en retour, lui dit-elle, comme si elle lisait dans ses pensées. Tout ce que je prends en échange, ce sont des informations.
-Quelles informations ?
-Penses-tu que le moment est bien choisi ? Tu ne t'en pas compte, pour l'instant, mais l'état de ton corps est encore en train de s'aggraver. Écoute d'abord ce que j'ai à te dire ; tu me poseras ces questions plus tard.
-Très bien, abandonna Reid. Je vous écoute.
-Ce qui est en train de t'arriver est un état particulier dans lequel peuvent se retrouver certains elysiens au cours de leur vie. Et ce n'est pas sans danger. Si le problème persiste, cela peut même mettre la vie de l'individu en péril.
-Mais pourtant, ce matin, je n'avait rien ; c'est arrivé si vite.
À nouveau la femme lui lança un regard plein de sévérité. Il la connaissait à peine, mais elle avait assez d'autorité pour faire taire même Todrin. Reid sourit en imaginant ce qu'une rencontre entre ces deux-là donnerait.
-Ce matin, ton flux d'onde pouvait encore contenir toute la tension que tu accumulais dernièrement.
-Mon quoi ?
Cette fois, elle était clairement exaspérée.
-Personne ne t'a donc jamais rien apprit. J'ai l'impression de parler à un ignorant !
Elle prit une grande inspiration, puis se lança dans des explications.
-Le flux d'onde est ce qui permet aux elysiens de contrôler leurs capacités. C'est une énergie qui provient de la Source – ne me demande pas ce qu'est la Source ; nous n'avons pas le temps. Bref, pour faire simple, le flux d'onde circule dans ton corps à l'instar du sang qui coule dans tes veines. Souvent les elysiens apprennent à le contrôler instinctivement.
-D'accord, mais moi, je suis capable de contrôler mes capacités, lança Reid.
L'elysienne lui jeta un regard suspicieux.
-Ah oui ? En es-tu certain ?
-Oui, marmonna Reid.
-Tu es capable de contrôler certaines capacités. Les autres que tu pourrais posséder, restent enfouies, et l'énergie accumulée, et non libérée du flux d'onde dégrade petit à petit chaque parcelle de ton corps. Tu te désintègres de l'intérieur. Au départ, tu ne te rendras compte de rien, mais il faut des mois pour que les résultats n'apparaissent. Tu te crois en pleine santé, jusqu'à la rupture, et que le flux d'onde ne soit plus capable de réparer ce qu'il est lui-même en train de causer.
La femme en noir se tut un instant, probablement pour laisser à Reid le temps de bien prendre conscience de se qui se passait au même moment dans son propre corps.
-Oui. J'ai peut-être, finalement, vraiment besoin d'aide, alors.
-Ce genre de phénomène est en générale repérable assez tôt. Si notre entourage proche est constitué lui aussi d'elysiens. Comme apparemment, tu es seul, personne n'a pu te mettre en garde. D'un autre côté, ce phénomène n'est pas très courant. On ne le constate que chez un type précis d'elysiens.
-Attendez. Parce qu'il y a des''types'' d'elysiens ?
Reid pu presque percevoir un grognement de mécontentement.
-Oui, Reid, il y a bien plusieurs types d'elysiens. Ils sont en réalité, organisés en classes, et l'une de ces classes est elle-même organisée en niveaux. Par exemple, toi, tu appartiens à la classe des ''elysiens innés de niveau trois''.
Il ne savait absolument pas ce que cela voulait dire, par contre, cette fois, il se retint de poser la question ; il y avait apparemment plus urgent.
-Donc, comment est-ce qu'on va régler mon problème ?
-C'est simple, il faut que tu t'exerces à libérer de l'énergie ; de manière à ce que la tension exercée sur ton flux d'onde se relâche.
À nouveau, il ne comprenait pas grand chose.
-Et comment je fais ça ?
L'elsysienne l'observa un instant. Il s'attendait de nouveau à la voir perdre un peu de son sang-froid, mais elle se contenta de lui donner un exemple.
-Tu te souviens de cette attaque ? Celle qui était survenue près de ton village, il y a quelques semaines, celle où plusieurs elysiens sont morts. Probablement de peur.
Reid acquiesça.
-Si tu ne trouves pas le moyen de libérer ton flux d'onde, c'est à peu de choses près, ce qui risque de t'arriver. Ce sera différent bien sûr ; ces elysiens étaient d'un niveau plus faible que toi, mais en principe, c'est ce qui puisse arriver de pire. Sinon, au mieux, tu mourras, en restant en un seul morceau, mais je pense que tu préférerais éviter d'en arriver là.
-Euh oui, je préfère ne même pas penser à cette éventualité.
-Très bien, je vais te laisser alors, tu vas te réveiller, et faire le nécessaire.
L'elysienne tourna les talons, semblant s'enfoncer dans la surface lisse et blanche du mur de la pièce.
-Attendez, l'arrêta Reid, tendant une main de sa direction.
La femme lui jeta un regard interrogateur.
-Vous ne m'avez pas dit comment faire ! S'alarma Reid.
-Penses à un instant où tu as vécu une émotion forte. À de la peur, de la colère. Pense ... à ton cauchemar.
Elle était au courant de ça aussi.
La vision de Reid s'assombrit ; l'instant suivant, il ouvrit ses yeux. Le plafond de bois de la cabane de Kal se révéla à lui. Il était toujours allongé dans ce lit. Et effectivement, il était encore très faible, voir même encore plus qu'avant. Il devait absolument trouver comment libérer ce fameux flux d'onde.
Au même moment, un garde entra précipitamment dans la cabane. Kal à nouveau attablé devant une pile de documents soupira d'agacement.
-Commandant ! Il faut immédiatement que vous venez voir ça.
-Qu'est-ce qu'il se passe encore ?
-C'est la dépouille du tung. Nous voulions la brûler, mais elle a disparu !
Kal daigna enfin lever le nez et abandonner sa pile de paperasse.
-Comment ça, elle a disparu ? Interrogea-t-il sévèrement.
-Eh bien, elle n'est plus là. Il n'y a plus que la trace dans le sol du lieu où elle était couchée.
Kal se leva précipitamment.
-Faites immédiatement poster des gardes à tous les accès vers le village. Et informez Todrin ! Je vous rejoins dans un instant.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top