Chapitre 5 Partie 2
An 2883.
Camp militaire de Ramsat, Karianis.
Six mois après le début de la guerre civile d'Obériande
Reid était tendu. Pour la première fois de sa vie, on lui avait demandé de partir, seul, à la rencontre d'un des leader de la résistance dirigeant une patrouille située à une centaine de kilomètres de Nelmas. En réalité, il n'était pas tout à fait seul. Par contre, il se sentait bien délaissé. Ce n'était pas une habitude pour lui d'ouvrir des discussions de plans de batailles ou d'organisation armée avec des inconnus. Ce genre de choses étaient beaucoup plus du domaine de Kal.
Malheureusement Kal était débordé de travail ; entre le renforcement des infrastructures défensives du village, l'entraînement de nouvelles recrues et la supervision de la résistance de Nelmas, qui ne constituaient que la partie la plus visible de ses obligations ; quitter le village lui était impossible. Jill, étant la principale responsable des habitants et de leur sécurité, ne pouvait pas plus se permettre de partir. Quand à Sylvia qui était une experte diplomatique, elle n'était actuellement pas à Nelmas ; mais avec d'autres habitants, elle préparait la construction d'abris cachés dans les montagnes à l'est du pays. Il ne restait plus que Reid, accompagné de Todrin.
Ce voyage n'était pas sans risque. Ils pouvaient à tout moment se retrouver nez à nez avec une troupe de Merildis. Mais c'est aussi pour cette raison qu'ils ne voyageaient qu'à deux ; ils étaient plus rapides, plus discrets et s'ils le devaient, pouvaient se dissimuler plus facilement.
La dernière difficulté venait du moyen de locomotion. C'était la première fois que Reid partait à cheval. Kal lui avait bien appris à monter quelques temps auparavant, mais il ne s'attendait pas à ce que ce soit aussi inconfortable. Les kalewons étaient de bien meilleures montures, cependant ces derniers étaient bien trop lents et plus encombrants.
-Tu verras, tu finiras même par t'y attacher, lui avait assuré le commandant.
Ils s'étaient quittés très tôt, alors que la nuit régnait encore sur le territoire. Ils n'avaient jamais été aussi éloignés l'un de l'autre depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Et pourtant, ce n'était que pour une seule journée ; ils se reverront dès le lendemain matin.
Seulement, en tenant compte des circonstances et de la présence d'une armée ennemie sur une bonne partie de la région ; il pouvait se passer bien des choses en une seule journée. C'est avec inquiétude et après un tendre baisé que Kal avait laissé partir Reid.
Heureusement, Reid et Todrin furent en vu du camp Ramsat peu de temps après le levé du soleil. Le trajet à travers les collines d'herbes jaunâtres fut moins long que ce à quoi s'était attendu le jeune homme. Lui et son compagnon de route s'étaient contentés de n'échanger de paroles que si cela concernait la direction à prendre. Reid laissait majoritairement Todrin les guider ; ce dernier était bien plus expérimenté que le fermier qui avait rarement quitté le territoire de Nelmas et des villages voisins.
Aux premiers abords, le camp Ramsat pouvait ressembler à n'importe quel camp militaire, avec ces baraques grisâtres aux allures des plus rudimentaires, toutes uniformément alignées dans des allées parallèles et perpendiculaires les unes aux autres, ceintes par une épaisse muraille de pierre. Ce dernier élément constituait apparemment, la structure la plus élaborée de ce lieu. Toutes les personnes croisées dans les rues de ce qui ressemblait bien à un fort, révélaient une attitude aussi austère que l'endroit en lui-même.
-Merde, j'ai l'impression qu'on est tombé dans la capitale des coincés du cul, marmonna Todrin, alors qu'ils longeaient ce qui semblait être l'allée principale. Un des gardes de la muraille les accompagnait pour les guider jusqu'à ce qu'il appelait le ''Centre de Commandement''. Les occupants du fort n'étaient pas tous des soldats, la moitié était des réfugiés ayant dû fuir leurs terres maintenant occupées par Merildis. Depuis leur entrée dans le camp, Reid percevait en continu le bruit de travaux de constructions proches. Les nouveaux venus devaient être logés, il devait en arriver très fréquemment. Ils rencontraient un problème similaire à Nelmas ; de nombreux habitants étaient obligés de fuir leur lieu de vie, et rejoignaient le village devenu un des principaux lieu de la résistance.
En quelques minutes à peine, ils atteignirent le bout de l'allée devant laquelle se tenait un bâtiment d'où dégageait une aura aussi froide que l'ensemble fortifié. Il était simplement légèrement plus haut et plus large que les autres abris. C'est par une lourde double-porte en bois qu'on y entrait ; il s'agissait de la seule réelle originalité de cette bâtisse.
Avant d'entrer, le garde héla un jeune garçon, d'environ dix ans, affairé non loin de là. Il était si concentré dans sa tâche qu'il n'entendit pas de suite le militaire et continua à remplir sa brouette de vieux morceaux de bois. Une partie du toit du bâtiment constituait un préau pour abriter l'immense stock qui se trouvait là.
-Rwan ! Appela le garde en élevant un peu la voix.
Le garçon leva alors les yeux, puis posa le morceau de bois qu'il avait en main au dessus des autres qu'il avait déjà récupéré.
-Tu veux bien t'occuper de ces chevaux ? demanda l'adulte en désignant les montures des deux voyageurs. Rwan se redressa puis se dirigea vers eux.
-Bien sûr, dit-il avant de s'emparer des rennes des deux bêtes et de les guider un peu plus loin comme s'il s'agissait de la chose la plus simple au monde. Alors que le garçon s'éloignait, Reid l'entendit commencer à murmurer aux animaux, leur parlant à la même manière qu'on le ferait avec de vieux amis.
Le garde finit enfin par leur ouvrir pour les laisser passer, puis retourna à son poste. Reid et Todrin se retrouvèrent seuls dans un sombre et spacieux hall carrelé de dalles sales et usées ; ils attendirent en fixant les portes se trouvant sur les côtés et devant eux. Il y en avait cinq en tout ; deux sur chaque côté et une plus grande devant eux, juste en face de l'entrée principale.
-Tu penses qu'il faut qu'on toque quelque part ? Demanda Todrin.
-Aucune idée. On a qu'à attendre un petit moment, et sinon, on verra.
Quelques minutes plus tard, Reid entendit son compagnon commencer à siffloter le refrain d'un air populaire. Le jeune homme lui jeta un coup d'oeil.
-Ben quoi ? Lui rendit le soldat. C'est chiant ici.
-Je pensais les membres de la garde plus disciplinés que ça.
-Jouer un petit air ne m'empêche pas de rester concentrer, ne t'inquiètes pas. D'ailleurs ça finira peut-être par faire arriver quelqu'un ; ça commence à faire un peu long maintenant, dit-il en parlant volontairement de plus en plus fort.
C'est à ce moment là que la porte la plus large s'ouvrit.
-Je suis désolé de vous avoir fait attendre Messieurs, s'excusa un homme d'une quarantaine d'années, sa main encore posée sur la poignée de la porte. Nous avions quelques soucis qui requéraient mon attention.
Il s'agissait de Hal Vapan ; la personne que les deux résistants de Nelmas étaient venus voir justement. Cet homme était lui aussi un membre de la garde de Karianis à en juger par sa tenue ; Reid les connaissait bien maintenant. Il ne doutait pas qu'une multitude d'armes étaient dissimulées dans les nombreux recoins du vêtement conçu dans ce but.
-Je n'ai pas terminé ! Entendirent-ils soudainement depuis la pièce d'où venait Hal.
Ce dernier ferma les yeux en soupirant. Une femme du même âge en sortit précipitamment, elle était clairement en colère.
-Nous avons encore des choses à régler, commandant, rouspéta-t-elle, accentuant le dernier mot et en pointant le doigt dans sa direction.
-Plus tard, Gemma ; d'autres affaires urgentes m'attendent, tenta-t-il avec une pointe de lassitude.
-Oh oui ! Tu es un homme très occupé, ironisa-t-elle.
La femme dénommée Gemma avait de longs cheveux bruns tressés ainsi que de nombreuses mèches rebelles qui partaient un peu dans tous les sens, elle était en habits civiles qui avaient terriblement besoin de quelques retouches. Ils étaient sales et déchirés en de nombreux endroits.
-Tu sais quoi, Hal ? Reprit-elle, tu es peut-être doué pour diriger une troupe de soldats, mais pour gérer les habitants d'une communauté ; c'est nul !Tempêta-t-elle.
Elle se tourna ensuite vers Reid et Todrin.
-Il est à vous ! Tonna-t-elle.
À ces mots, elle traversa le hall de grandes enjambés, ouvrit la lourde porte, qu'elle claqua bruyamment en sortant.
-Je suis vraiment désolé pour ce qui vient de se passer, leur dit Hal en se pinçant l'arrête du nez. Nous sommes un peu sous tension, ces temps-ci.
-Ne vous en faites pas, lui dit Todrin. Je peux comprendre ; on est tous sous tension par les temps qui courent.
« Eh bien, voilà ! De quoi je m'inquiétais ?» se dit Reid. « Todrin est doué pour la parlotte : tout va bien».
-Oui, bien sûr, répondit Hal toujours un peu nerveux. Mais je ne vous ferai pas attendre plus longtemps ; la route a dû être longue depuis Nelmas. Si vous voulez bien me suivre dans mon bureau, je vous prie.
Contrairement à ce à quoi s'était attendu Reid, la pièce dans laquelle ils se trouvèrent était plutôt étroite. Les murs étaient tous cachés par de hautes étagères croulant sous le poids de nombreux gros volumes, un bureau de fortune, fait de vielles planches trônait au centre, autour duquel avait été installées quelques chaise de bois sombre.
Toutefois, aucunes des personnes présentes n'étaient assises. En dehors de Reid, Todrin et le commandant Vapan, se trouvait encore une femme d'environ quarante ans et un autre jeune homme. Ce dernier avait probablement le même âge que Reid. Il avait de courts cheveux bruns dont quelques mèches lui tombaient dans ses yeux bleus, il était assez grand, mais pas autant que Reid, et semblait plus mince également. C'est la femme qui attira immédiatement le regard du jeune elysien. Il tenta de garder une expression neutre, se contrôlant pour ne pas laisser échapper sa surprise. En réalité, il était choqué. Jamais il n'aurait pensé, ou imaginé la trouver ici. Elle était différente et portait des vêtements militaires semblables à ceux de la garde de Karianis. Mais ce visage était bien le sien ; un teint halé, de longs cheveux bruns foncés, cette fois-ci simplement attachés en arrière, des yeux bruns, prenant souvent la lueur dorée des iris elysiens.
-Bien, Monsieur Reid Tergan et Lieutenant-commandant Todrin Darha, commença Hal, je vous présente Han Jinlo et la Générale de la garde, Niila Kahn.
Pour couronner le tout, le nom de famille de ce Han sonnait comme un nom merildi. Le cœur de Reid se mit à battre plus fort. Il avait un mauvais pressentiment. Puis sa voix résonna dans sa tête.
« Je sais ce que tu penses, Reid ». Il était surpris. Et soulagé. Parce que cette voix n'était pas la sienne. Ce n'était pas la voix de la femme en noire, même si elle et cette Niila Kahn se ressemblaient comme deux gouttes d'eau.
« Mais ce n'est pas ce que tu crois » finit-elle.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top