Chapitre 1 Partie 2
An 2883 (Années obérianes), dans le royaume de Karianis.
Six mois après le début de la guerre civile.
C'est ce jour-là, alors qu'elle était intervenue, que les choses changèrent véritablement.
Cela faisait des mois que la résistance tenait face à l'armée merilidie. Ils avaient moins de moyens que leurs ennemis, et une grande majorité de leur effectif n'avait pas connu de carrière militaire. Alors que le royaume de Merildis possédait une véritable armée constituée d'hommes et de femmes entraînés, et formés à tuer. Du côté des karianis, beaucoup comme Reid ou Sylvia n'avaient commencé un entraînement que très tard ; plus pour apprendre à se défendre que pour participer à des batailles. Karianis ne possédait qu'une toute petite armée, dont la principale vocation avait toujours été de protéger les terres des bandits et des pilleurs. Ce n'était même pas une véritable armée ; plutôt des gardes habitués à faire des rondes dans tout le royaume. Les habitants de Karianis n'étaient pas prêts. Mais ils avaient tout de même quelques atouts. Ils connaissaient bien le terrain et étaient plus habitués au climat de leur pays, ils étaient aussi un peuple de vrais bricoleurs. Ils n'y connaissaient sans doute rien en formations de troupes et en techniques de combats, par contre, ils étaient imaginatifs et malins.
C'est Reid qui fut le premier à proposer de prendre, par surprise, une garnison de l'armée merildie, postée dans la région de Nelmas. Pour une fois, ils n'allaient pas se laisser attaquer pour repousser avec beaucoup trop de difficultés des troupes, qui réduisaient bien trop souvent leur petite défense en charpie.
En étant discret, quelques karianis pouvaient s'introduire dans les camps de l'armée merildie, et par exemple, empoisonner leur eau, brûler les tentes, et voler leurs véhicules magnétiques. Les plus furtifs, se glissaient jusqu'au centre des camps où se situaient souvent les abris des commandants, et les assassinaient.
Après ces incursions, les karianis commençaient enfin à prendre l'avantage. Les merildis, eux, étaient devenus moins sûrs d'eux et plus méfiants. Elderion avait ensuite envoyé un de ses meilleurs sorciers, avec pour mission de faire disparaître les leaders de la résistance, et avec eux tout espoir de retrouver la paix et la liberté dont ils jouissaient avant la venue de cette armée d'invasion.
Lorsque Reid s'était retrouvé face à ce sorcier, Lirokin Rash, au départ, il n'avait pas eu peur. Comme les autres résistants, il était galvanisé par leurs récentes victoires. Il se sentait plus fort, et dans son esprit, il n'y avait rien que leurs leaders ne pourraient leur faire surmonter. Durant cette bataille, le sorcier s'était présenté à la tête d'une petite troupe, persuadé que cela suffirait à mettre un terme à la résistance karianie. Comme d'habitude les merildis les sous-estimaient. Todrin, un des rares soldats expérimentés s'était rapidement retrouvé face à Lirokin ; qui l'avait expédié dans les airs d'un simple mouvement du poignet. C'était la première fois que Reid voyait Todrin se faire battre aussi rapidement et facilement. Mais cela n'avait pas découragé le jeune homme, au contraire. Il avait compris que cet elysien allait véritablement leur poser des problèmes. Reid s'était frayé un chemin à travers les corps, les boucliers, et les armes à coups d'épées rapides et puissants. Il atteignit Todrin et aida le vieux mais robuste guerrier à se relever.
-On ne peut pas l'arrêter avec nos armes, lui avait-il dit.
Reid n'avait pas su lui répondre.
-On a besoin d'un tireur d'élite, avait reprit Todrin.
-Sylvia ! S'exclama Reid.
Il devait la trouver. Elle ou un autre bon tireur. Il avait laissé Todrin là où il l'avait trouvé ; ce dernier, une fois sur pied s'engagea à nouveau rapidement dans la bataille. Sylvia s'était révélée être une excellente tireuse ; elle pouvait atteindre à peu prêt n'importe quelle cible. Avant la guerre, elle se servait de ce don pour la chasse, et personne ne voyait à quel point ses tirs étaient précis. Mais une fois qu'elle eut rejoint la résistance, elle se fit vite remarquer. C'est aussi un peu à cause d'elle que Reid avait lui aussi rejoint les rangs armés.
Alors qu'il cherchait autour de lui, Reid s'était à nouveau perdu au cœur de la mêlée. Jusqu'à en être prisonnier ; il n'avait pas d'autre choix que de taillader, taillader. Lever son épée, parer, trancher, puis la lever à nouveau, éviter un coup de feu en se réfugiant derrière un autre corps, trancher, avancer, puis trancher à nouveau, et ainsi de suite ; à l'infini. Son épée avait coupé plus de chair que la lame d'un boucher.
Et pendant ce temps, Lirokin, d'une simple pensée, faisait s'envoler des karianis en dehors du champ de bataille. La plupart ne se relevait pas. Les autres avaient de la chance s'ils n'avaient rien de cassé. Heureusement que ce sorcier ne pouvait s'occuper que d'une seule personne à la fois ; leur résistance aurait vite prit fin sinon.
Soudainement, Reid sentit une conscience frôler la sienne, avant d'être propulsé lui aussi dans les airs. Néanmoins, il se rattrapa sans soucis sur ses deux jambes. Il n'était même pas tombé, il avait préparé sa chute, ou plutôt son atterrissage. Cette fois-ci, c'est lui qui retint l'attention de Lirokin. Le jeune homme savait qu'il ne pouvait pas rester où il était ; la prochaine attaque du sorcier pouvait être plus puissante et fatale. Il était presque à découvert, et l'elysien, faisant claquer au vent les pans de son long manteau, traversait le champ de bataille, en avançant facilement droit devant lui ; les hommes engagés dans les combats s'écartaient inconsciemment de lui. Lirokin fixait Reid. C'était la première fois qu'il ne parvenait pas à immobiliser un opposant. Ce sera aussi la dernière.
Le jeune homme ne voyait pas ce qu'il pouvait faire ; il ne trouvait pas d'issue ; le sorcier avait jeté son dévolu sur lui, et il ne l'abandonnerait pas. Alors Reid releva son épée, et se campa solidement sur ses deux jambes. Bien vite, plus rien ne sépara le sorcier de l'ancien fermier. Lirokin leva à nouveau une main, avant de l'abattre vigoureusement vers le sol en sabrant l'air. Reid sentit une poussé d'air le faire se retourner à la verticale, et cette fois, il s'écrasa face contre terre. Il se releva le plus vite possible. Le sorcier s'était encore rapproché de lui. Il tendit une main crispée vers son adversaire, Reid fut à nouveau soulevé dans les airs, sauf que cette fois, une force invisible lui enserrait le cou, l'empêchant de respirer.
La même conscience qui avait frôlé la sienne il y avait quelques minutes, força un passage vers son esprit, comme une aiguille enfoncée brutalement dans le crâne. Reid serra les dents, tout en essayant d'attraper des mains qui n'existaient pas autour de son cou. Il suffoquait, il était en train d'étouffer, et la douleur dans son crâne le rendait presque aveugle, ses oreilles sifflaient, sa poitrine lui faisait horriblement mal, sa tête brûlait, et tous ses autres membres étaient engourdis. Au bord de sa conscience, il entendit une voix qui hurlait son nom.
-REID !
Enfin toute la pression qui l'emprisonnait se relâcha, et il s'écroula dans le sol boueux. Le sorcier lui tournait le dos, aux prises avec un autre homme aux courts cheveux châtains. Kal. Ce dernier, comme les autres fut repoussé sans trop de problème par Lirokin. Mais alors que son corps était encore dans les airs, le sorcier tendit une main et immobilisa sa chute avant de le ramener vers lui.
Reid se releva avec une seule pensée : « Non ! Pas Kal ! ». Il courut vers le sorcier épée levée, prêt à frapper. Toutefois, ce dernier se retourna, et avec son autre main, fit un rapide mouvement du poignet ; Reid se retrouva paralysé, son dernier mouvement inscrit dans ses membres ; il ne pouvait plus bouger. Il vit Kal retomber quelques mètres derrière le sorcier, avant que celui-ci ne se retourne, à nouveau, complètement vers Reid.
-Tu me causes bien du soucis, toi, fit-il agacé.
Reid rassembla toute sa volonté pour contrer le sort qui l'empêchait de faire le moindre mouvement. Au bout de quelques secondes, il parvint à remuer les lèvres.
-Ouais, répondit-il. Et j'ai pas l'intention d'arrêter.
Reid se concentrait de toutes ses forces pour obliger ses membres à répondre ; il n'arrivait qu'à se sentir de plus en plus crispé. Il n'avait pourtant pas le choix ; il devait sortir de l'emprise qu'avait Lirokin sur son corps.
Un coup de feu résonna soudainement derrière lui. Et il fut libéré. La balle tirée restait suspendue dans les airs entre le jeune homme et le sorcier. Ce dernier avait utilisé de la télékinésie elysienne pour l'arrêter. D'autres coups de feu fusèrent vers le sorcier. Reid se retourna, et vit Sylvia avancer, fusil en main, et bâton de combat accroché dans le dos vers le sorcier. Elle tirait répétitivement, mais ses balles furent toutes arrêtées. Lorsqu'elle arriva au niveau de Reid, celui-ci plongea en avant vers Lirokin, sa position était parfaite pour frapper, il abattit son épée, malheureusement, elle fut arrêtée à seulement quelques centimètres de la cible. Lirokin avait bloqué l'attaque de Reid, par contre, il n'avait pas vu Kal qui s'était discrètement glissé derrière lui. Le jeune commandant était sur le point de porter le coup fatal, mais Lirokin l'avait senti venir ; il se retourna à nouveau et bloqua également l'attaque en immobilisant Kal et en le privant de son arme, l'envoyant d'un bref mouvement de son index et majeur, se planter quelques mètres plus loin.
Sylvia, avait elle, rangé son fusil et dégainé son bâton ; d'autres ennemis avançaient dans leur direction, et une arme à feu n'était pas pratique pour les combats rapprochés.
Reid profita du bref moment d'inattention du sorcier pour se glisser près de celui-ci ; il devait absolument en finir avec lui. Lirokin se retourna à nouveau vers le jeune homme, mais cette fois n'utilisa pas ses pouvoirs, il devait sans doute être à bout de force, au lieu de cela, il dégaina l'épée qu'il portait dans son dos. Une seconde plus tard le métal des deux armes résonna sur le champs de bataille, se mêlant au son de tous les entrechoquements d'armes sur la plaine.
Reid comprit vite qu'un elysien entraîné, à bout de force, valait largement un guerrier expérimenté. Lirokin était aussi un excellent bretteur. Le jeune homme n'avait que peu de pratique au combat, et il faisait à peine le poids face à un tel adversaire. Heureusement, Kal prit Lirokin par surprise en chargeant une attaque factice par l'arrière ; pendant ce temps, Reid en profita pour porter un coup de son côté. Mais leur adversaire dévia la première attaque de son arme et bloqua l'autre avec ce qu'il lui restait d'énergie elysienne. Reid, en essayant de contrecarrer ce pouvoir, perdit l'équilibre quand Lirokin fit un simple pas en avant tout en parant les attaques de Kal.
Ce combat pouvait durer toute l'éternité. Les forces merilidies avaient drastiquement été réduites durant cette bataille ; ils étaient maintenant moins nombreux que les karianis, mais ce sont les soldats les plus redoutables de l'armée qu'il restait. Les choses ne s'arrangeaient pas du tout.
Il fallait absolument défaire ce sorcier. Une fois débarrassé de lui, ils pourraient se concentrer sur le reste de l'armée avec plus d'attention, et peut être gagner la bataille.
Sauf que pour l'instant ; Lirokin tenait tête, sans trop de difficultés, à deux résistants en même temps. Ils n'allaient pas pouvoir le vaincre au combat à l'épée ; en fait aucune arme n'était efficace contre lui. Il n'y avait qu'un autre elysien qui aurait pu le vaincre. Et pas n'importe lequel. Il fallait qu'il soit au moins aussi puissant que Lirokin. Les résistants n'avait personne de cette sorte dans leurs rangs. Les elysiens étaient extrêmement rares. Une grande majorité d'entre-eux ne se faisaient remarquer que par leurs extraordinaires réflexes ; et comme la population les craignait, ils se faisaient rejetés voir tués.
Karianis n'était peut être pas une nation intolérante, mais cela n'empêchait pas les elysiens de se méfier et de rester cachés pour la plupart. Souvent, on repérait alors ces elysiens quand ils ne parvenaient plus à réprimer leurs pouvoirs. Beaucoup tombaient alors malades à force de gaspiller leur énergie à se contenir ; cela les épuisait. Quant aux elysiens qui n'avaient pas peur de se révéler, ils étaient rarement aussi puissants qu'un sorcier merildi. Loin de là.
Il y avait probablement quelques elysiens karianis, mais aucun d'entre-eux n'étaient assez forts pour se faire remarquer. D'autant plus, que Lirokin se serait sans-doute d'abord attaqué à eux, pour se débarrasser d'un potentiel danger.
Reid, en tout cas, ne connaissait personnellement qu'une elysienne. Et elle n'était pas parmi eux. Elle n'était même pas de leur côté. Cette guerre ne la touchait pas. Elle ne venait pas d'Obériande. Et Reid était la seule personne sur cette planète à l'avoir rencontrée. Il devait éviter de penser à elle. Elle était si puissante, qu'elle le sentirait et qu'elle déciderait à nouveau d'introduire son esprit dans le sien pour servir ses sombres projets.
Au fil des derniers mois, Reid s'était beaucoup entraîné à fermer son esprit à d'éventuelles intrusions. Lirokin n'était pas le premier sorcier elysien auquel il avait affaire. Le jeune homme avait déjà réussi à échapper à l'un d'entre-eux, en quelque sorte. Depuis, il s'efforçait à se concentrer pour ne plus perdre le contrôle. Il n'était absolument pas certain que son entraînement ne fonctionne, puisqu'il n'y avait qu'une elysienne sur qui il pouvait s'exercer ; et il n'avait aucune envie de la croiser.
Lirokin en tout cas, avait réussi quelques instants auparavant, à se forcer un passage à travers la barrière qu'il essayait d'ériger. Reid avait eu trop mal à ce moment là, pour réussir à se dire qu'il devait au moins s'efforcer de protéger les informations qui pouvaient être compromettantes. Le sorcier avait sans-doute deviné à partir de ce moment-là, que tout comme lui, Reid n'était pas un humain ordinaire.
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