Chapitre 5 : Obsèques (première partie)


Mardi 16 février 2016.

Cette nuit, j'ai encore fait ce cauchemar, toujours le même. Il n'avait plus été aussi fort que depuis la fois où Joshua m'avait réveillé.

Pourtant cette nuit, il était si violent que je me suis redressée dans mon lit trempée de sueur et cherchant désespérément le corps chaud mon compagnon.

Désorientée, j'ai mis plusieurs minutes à m'extirper du cauchemar et à me souvenir que je ne suis pas à New-York, mais en Angleterre.

J'ai regardé l'heure, il était presque cinq heures du matin. Ne pouvant plus tenir en place, ayant besoin de sortir de cette chambre, j'ai passé un gilet par dessus mon débardeur puis mon portable à la main, je suis descendue sans un bruit dans la cuisine.

Ne souhaitant pas déranger la maisonnée, j'ai refermé derrière moi la porte et allumé le plafonnier. Tout est calme dans le manoir, il n'y a pas un bruit, cela en est même limite un peu effrayant. Je ne sais pas même pas où loge Irène, si c'est quelque part dans la bâtisse ou ailleurs. L'idée que je sois seule dans la maison, me file le bourdon.

Me tournant vers l'énorme cheminée, je frissonne, bien que la maison soit équipée du chauffage central, il fait un peu frais dans la cuisine. Je remarque qu'un panier de bois a été remplit et déposé près de l'âtre et juste à côté un autre plus petit contenant des vieux journaux chiffonnés pour allumer le feu.

Agenouillée devant le foyer, je remue avec les cendres avec le tisonnier que j'ai trouvé, à la recherche de quelques braises qui pourrait m'aider à faire repartir le feu. Manque de pot, pas une braise rien, j'ai donc dû retirer toute la cendre du foyer, avant de pouvoir y placer du papier et du petit bois pour faire partir le feu.

Dix minutes plus tard, le feu a pris et je dispose quelques bûches pour que la température de la pièce augmente. Pendant que le feu prenait, j'ai préparé une bouilloire pour faire du thé, ainsi qu'une cruche de café qui serait mise en marche plus tard.

Mon téléphone à la main et ma tasse de thé fumant posée sur le sol, je m'installe dans l'un des énormes fauteuils à dossier droit qui sont devant la cheminée. Je regarde l'écran de mon smartphone et hésite. Dois-je faire part de mon cauchemar à Joshua? Je lui ai promis de l'appeler si cela se produisait, hors j'hésite, je ne veux pas le déranger avec mes problèmes, si bien que je reporte la décision de l'en informer à plus tard.

Regarder les flammes dans l'âtre de cheminée et sentir la chaleur de ses dernières sur ma peau a un effet apaisant sur moi. Maintenant plus calme, je me lève de mon fauteuil et passe la cuisine en revue. Je ne sais pas si Irène prend son petit déjeuner ici, ni à quelle heure elle entame son service, mais je décide de prendre le risque de préparer le petit déjeuner qui sera servi sûrement plus tard.

Fouillant dans les placards, je sors des tasses et des bols ainsi que des couverts que je dispose au centre de la table.

Trouvant un presse agrumes au fond d'un placard, je prends le temps de presser des oranges qui se trouve dans un panier à fruits posé sur un buffet et en presse de quoi remplir toute une carafe que je dépose sur la table à côté de différents pots de confiture.

Ensuite je remplis de nouveau la bouilloire que je laisse sur la cuisinière, il suffira juste d'allumer le feu dessous et de sortir du pain, pour pouvoir prendre le petit déjeuner.

Étouffant un bâillement, je me rends compte que cela fait une heure que je suis descendue. Juste avant de ressortir de la cuisine, je jette quelques bûches dans la cheminée afin que le feu ne s'éteigne pas, puis je remonte une à une les marches menant à ma chambre.

Assise sur le lit, je me saisis de la broche que Joshua m'a offert et la serre un instant contre mon coeur, avant de la regarder et de la garder dans ma main, pendant que je relis les mots que mon compagnon m'a écrit.

Ses mots, ainsi que la broche, m'apaisent, je sais que maintenant le cauchemar de la nuit s'est dissipé. Dehors le jour commence à se lever, il doit être aux alentours de sept heures et quart lorsque j'envoie un message à Josh pour l'informer que j'ai encore fait un cauchemar, toujours le même.

Je lui dis que j'espère qu'il a put dormir, que s'il ne me répond pas je ne lui en voudrait pas, car ce sera la preuve qu'au moins l'un de nous aura put s'abandonner dans les bras de Morphée, puis je finis par m'endormir.

C'est le bruit de portes qui claquent, qui me tire de mon sommeil, j'ai dormi environ une heure, mais je me sens reposée, dans ma main gauche je tiens toujours la broche de Joshua, délicatement je la repose sur la table de nuit et m'assure que je ne l'ai pas abîmée en la tenant ainsi, puis je regarde mon portable et constate que je n'ai pas de réponse de lui.

Me levant, je me dirige vers la fenêtre et tire les rideaux, dehors deux véhicules sont garés dans la cour, je reconnais la camionette qui appartient au manoir et un gros tout terrain noir. Il n'y a personne près des véhicules, j'en déduis donc que ce sont les occupants des deux véhicules qui m'ont arraché à mon sommeil.

Dehors le ciel est bleu et le soleil brille sur l'herbe humide, donnant un air de fête à la campagne anglaise. Sur une impulsion, je prends avec mon téléphone plusieurs photos du paysage qui s'étale devant moi, puis me retourne dans la chambre et fait de même. Sortant des affaires de ma valise, je me dépêche d'aller prendre une douche et de me préparer à descendre.

Juste avant de descendre, je décide de partager avec l'homme qui me fait vibrer, toutes ces photos que j'ai prise et me prends aussi en photo. Une à une j'envoie les photos à Joshua en laissant un petit commentaire, jusqu'à la dernière, un selfie qui lui envoie un baiser avant de lui envoyer à nouveau un SMS et de descendre.

Arrivée dans la cuisine, j'entre sans faire un bruit, Irène, Alistair et Stuart sont là. Les deux hommes sont installés dans les fauteuils devant le feu que j'ai entretenu pendant que la gouvernante s'affaire devant la cuisinière, tous me tournant le dos.

Les deux hommes sont en train de parler à voix basse et je ne distingue que le son de leurs voix graves. Posant mon téléphone sur la table en faisant un peu de bruit, je me racle la gorge et les salue.

- Bonjour Irène, messieurs!

- Oh bonjour, Mlle, me répond Irène. Je vous en prie installez vous, le petit déjeuner va être servi, nous vous attendions.

- Ce n'était pas la peine de m'attendre Irène!

- .....

- Apparemment un bon samaritain, a préparé beaucoup de choses ce matin sur la table et a même allumer un feu dans la cheminée... Du coup Gran s'est mise en tête que c'était vous et a décidé de vous attendre pour déjeuner! dit Alistair en coupant la parole à sa grand mère.

- Alistair! Le gronde Irène, bien sûr que cela peut être que Mlle qui a fait tout ça! Tu sais aussi bien que moi qu'il n'y avait qu'elle au manoir! Je te conseille de te montrer plus aimable envers Mlle Spencer Alistair, ce n'est pas ainsi que nous t'avons élevé ton grand père et moi!

- Laissez Irène, ce n'est rien, puis me tournant vers Alistair, je ne dormais plus, du coup je suis descendue me faire un thé et puis une chose entrainant une autre, j'ai préparé tout ça, ne sachant pas à quelle heure votre grand mère prendrait son service, ni même si elle logeait sur place. La journée va être longue, j'ai pensé que cela serait ça de moins à faire aujourd'hui.

Irène ainsi que les deux hommes me regardent comme si j'étais , je ne sais pas une extra terrestre. Si Stuart jusqu'à maintenant n'a toujours rien dit, il en va autrement d'Alistair qui ne cesse de marmonner dans sa barbe.

Il est clairement évident qu'il ne m'apprécie pas et ne se cache même pas pour le faire savoir. Il faudra qu'à un moment donner, je finisse par tirer cela au clair, histoire de savoir pourquoi cet homme m'en veux autant.

Nous sommes maintenant tous attablés autour de la table de la cuisine, à prendre le petit déjeuner. En plus de ce que j'avais déjà mis sur la table Irène a placé, la théière ainsi que la cafetière sur la table, et des tranches de pain qui ont été mise à dorer au grille pain.

Le petit déjeuner est simple, loin des petits déjeuners traditionnels anglais, mais cela me convient dans la mesure où je mange peu et que le temps nous est compté ce matin. Il faut achever de tout préparer pour la réception de cet après midi et je souhaite m'isoler un peu avant l'arrivée du notaire. Il est d'ailleurs presque dix heures et ce dernier ne devrait plus tarder à arriver.

- Irène?

_ Oui, mademoiselle?

- Est-il possible d'utiliser le bureau lorsque Me Hollinger arrivera?

- Bien sûr mademoiselle, avez-vous besoin que je vous remontre où il se trouve?

- Je vous remercie, cela ira, merci pour le petit déjeuner. Dans ce cas, je vous laisser et aller m'y installer avant que le notaire arrive, dis-je en allant déposer ma tasse dans l'évier de la cuisine.

Laissant tout le monde derrière moi, je monte rapidement dans ma chambre, referme la fenêtre que j'avais ouvert puis refais mon lit.

J'attrape le sac contenant mon ordinateur, puis redescend dans le hall et me dirige vers une porte fermée, me conduisant au bureau.
La porte qui était fermée juste avant que je ne monte est ouverte, intriguée, j'entre dans la pièce et vois surprise Alistair qui range rapidement des papiers dans un dossier qu'il enferme à clé dans le secrétaire à côté de la fenêtre.

- Décidément quand vous dîtes que vous installez quelque part vous ne traînez pas! me dit-il sèchement.

- Je peux savoir ce que vous faîtes là? N'est-ce pas le bureau de ma tante?

- Non c'est le mien, mademoiselle!

- Le vôtre? Lui demandé-je les yeux écarquillés.

- Ah Alistair, te voilà! Dit Irène en nous interrompant. Tu n'as toujours pas rangé le bureau! Je t'ai demandé de le faire pourtant.

- Non Gran, je n'en ai pas eu le temps.

- Pardon Mlle Elyana, Alistair devait libérer le bureau.

- Pourquoi, occupez vous ce bureau Alistair? Lui demandé-je.

- Il ne vous a pas dit? Mon petit fils est le régisseur du domaine, il a pris la relève de mon mari quand ce dernier est décédé, répond Irène à la place d'Alistair.

- Je j'ignorais, ma tante ne s'occupait-elle pas des affaires du domaine?

- Non, mademoiselle, tant que le domaine lui rapportait de l'argent, qu'elle pouvait ensuite placer en actions, elle ne se mêlait pas des affaires du manoir. C'est moi et Me Hollinger qui gérons tous les aspects financiers et matériaux, en dehors d'un ou deux dossiers qu'il traitait avec votre tante, dit enfin Alistair.

Je réfléchis rapidement à ces informations qu'il vient de m'être donné. J'ai bien compris que je n'étais pas la bienvenue ici, du moins pour Alistair, d'une certaine manière, ma présence menace son emploi et en voulant m'installer dans le bureau, j'empiète d'une certaine manière sur son territoire.

Que faire, imposer ma présence immédiatement ou attendre d'en savoir plus sur la succession? J'opte pour la seconde option, celle qui me parait le plus sage et qui permettra d'arrondir un peu les angles.

- OK, juste pour ce matin Alistair, consentez - vous à me laisser votre bureau, que je puisse recevoir au calme Me Hollinger? Il y a t'il un accès internet que je puisse me connecter?

- Oui, c'est bon, vous pouvez vous installer là, me répond Alistair en râlant. Nous ne sommes pas des arriérés mademoiselle, le manoir a accès à internet..

- Je vous remercie.

Sur ces dernières paroles, Irène et son petit fils se retire. Je regarde autour de moi et le même constat que la veille lors de mon arrivée me vient à l'esprit, ce bureau est typiquement masculin, je comprends mieux pourquoi maintenant que je sais que tante Helen, ne s'occupait pas ou peu de ses affaires.

Ouvrant en grands les rideaux qui recouvre la fenêtre, je laisse entrer la lumière dans la pièce puis m'assois derrière le bureau, rangeant sur un coin du bureau les affaires qu'Alistair a laissé sorti.

Mon ordinateur branché et mis en marche, je lance aussitôt une recherche wifi pour trouver une connexion. Je suis étonnée de ne pas avoir besoin de mot de passe pour me connecter, je devrais en toucher un mot à Alistair, mais il y a de fortes chances que ce dernier me rembarre.

En soupirant, j'ouvre ma boite mail perso, lis les quelques mails que j'ai reçu auxquels je répondrai quand j'aurais un peu plus de temps, puis j'ouvre ma boite mail pro et des dizaines de mail apparaissent sous mes yeux. Je les parcoure rapidement notant que sur une feuille ceux auxquels je dois impérativement répondre et ceux qui peuvent attendre, quand mon téléphone se met à vibrer.

Il s'agit seulement d'une notification de mail sur ma boite perso. Ouvrant à nouveau ma boite mail perso, j'ouvre le mail que j'ai reçu sans en regarder qui me l'envoie.

Une photo avec un commentaire en dessous s'affiche, je souris à la vue de la photo que j'ai sous les yeux. Du doigt, j'en fais le contour et souris encore plus au message laissé en dessous qui dit : " Tu n'es pas la seule à savoir faire des selfies. Passe une bonne journée, je t'aime. J". Me saisissant de mon portable j'envoie un SMS à Joshua.

De Elyana :

Tu viens d'égayer ma journée. Tu me manques. Bisous. E.

Je relève la tête, un léger sourire aux lèvres quand je vois dans l'embrasure de la porte, le notaire qui me regarde avec un air sombre.

- Bonjour maître, dis-je au notaire en me levant pour le saluer, je ne vous ai pas entendu arriver, je vous en prie installez-vous, lui dis-je en désignant une chaise face au bureau.

- Melle Spencer, me répond-il en me saluant d'un simple geste de la tête.

Je sens que les choses sérieuses vont commencer, le sourire que j'avais plus tôt s'est effacé de mes lèvres. Je ne sais pas à quoi m'attendre, j'espère juste que cela ne forcera pas à rester plus longtemps que nécessaire, ici.

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