Chapitre 3 : Un accueil des plus chaleureux.
Une demie heure après avoir pris mes quartiers dans ce qui était auparavant la chambre de ma mère, je prends la direction de la cuisine, non sans jeter un oeil vers toutes ses pièces fermées à mon étage et me demande ce qu'il peut bien se cacher derrières toutes celles qui sont fermées.
Le manoir est grand mais agencé de telle façon qu'il est facile de s'y repérer.
Comme l'avait annoncé le chauffeur qui m'a emmené ici, la pluie s'est de nouveau abattue sur nous.
Pénétrant dans la cuisine, j'aperçois un amoncellement de caisses et constate que Stuart et Alistair sont toujours en train de décharger le camion, Irène quant à elle est affairée derrière sa cuinsinière à préparer le repas.
N'ayant pas envie de rester là les bras ballants, je me décide à sortir pour aider les deux hommes à finir de décharger le camion. M'approchant du véhicule, je surprends le regard de Stuart sur moi, lorsque j'apparais à la portière. J'attends que ce dernier me donne une cagette, mais il m'ignore obstensiblement, attendant qu'Alistair revienne de la cuisine les mains vides et de lui donner un autre chargement.
- Regarde qui voilà, dit Alistair à son ami, la lady qui vient s'assurer que le travail est bien fait!
- Elle vient s'assurer que nous ne lui ôtons pas le pain de la bouche, lui répond Stuart.
- Tu m'étonnes mec ! Hop la vieille est partie, on vient revendiquer son héritage! Je suis même étonné qu'elle ne soit pas à compter l'argenterie!
Je sens la moutarde me monter au nez, si j'avais des doutes quant à l'impression d'hostilité que j'ai eu lorsque je les ai rencontré maintenant ils n'existent plus. Ils ne s'en cachent même pas.
Rouge de colère, je prends le parti de ne pas répliquer et tend les bras vers une pile de trois ou quatres caisses et en soulève trois. Dieu! Qu'elles sont lourdes, titubant sous leur poids, je me dirige vers la cuisine et les pose au sol à côté de toutes celles qui s'entassent déjà dans un coin puis ressors.
Après deux allers et retour, je ne fais même plus attention aux railleries des deux hommes qui continuent à déverser leur fiel sur la personne de peu d'âme que je suis qui ai laissé mourir seule une vieille femme.
Je n'ai pas de compte à leur rendre, ils ne me connaissent pas et n'ai pas envie de les laisser m'atteindre.
Irène qui ignore tout de ce que les garçons ont put dire, nous invite à passer à table et me sers la première, avant de servir les garçons et de s'asseoir à son tour. Nous mangeons en silence, la tourte aux champignons que la gouvernante nous a servi en entrée est tout bonnement délicieuse.
- A quelle heure mon père vous a t-il dit qu'il vous enverrait Marthe et Caitlin pour vous aider? Demande Stuart à Irène, rompant le silence qui s'est installé.
- Vers quatorze heures, Stuart. Puis se tournant vers moi, Marthe et Caitlin sont deux employées du domaine des Barstow, la famille de Stuart élève des moutons, tous les champs autour du manoir et ceux des environs sont dédiés à l'élevage d'ovins, me dit - elle.
- Elles viendront vous aider à finir de tout préparer pour demain, surenchérit Stuart.
Me tournant vers les caisses qui sont nombreuses, je commence à me demander à quoi vont ressembler les obsèques de ma tante. La quantité de denrée est astronomique, j'ignore ce qui se fait par ici lors des enterrements, mais cela me paraît énorme.
Tout en poursuivant sa conversation avec Stuart, je remarque qu'Irène se frotte régulièrement le genou. Au moment où je la vois faire mine de se lever pour passer à la suite du repas, je me lève et me saisis du plat sous le regard étonné des deux hommes. Tiens, j'arrive à les surprendre!
- Laissez Irène, je vais faire le service, dîtes moi juste ce que je dois prendre, dis-je à la gouvernante en me dirigeant vers la cuisinière.
Cette dernière me désigne une énorme cocotte que je soulève pour venir déposer sur la table et un plat de pomme de terre maintenu au chaud dans le four.
Pendant ce temps le silence est revenu autour de la table, juste entre-coupé par le bruit des couverts dans les assiettes.
Le repas s'est achevé dans un silence étrange, je suis maintenant dos à la table où les deux hommes devisent ensemble à voix basse, pendant que j'aide Irène à la vaisselle.
Un raclement de chaise se fait entendre, puis un autre, les deux hommes viennent embrasser Irène sur la joue, puis je sens le souffle d'Alistair près de mon oreille qui me dit avant de s'en aller :
- Qui l'aurait cru la lady sait faire la vaisselle!
Je boue intérieurement, ce repas a été un calvaire du début à la fin. Soucieuse d'épargner des efforts inutiles à Irène qui s'est mise à boîter, je décide de l'aider à ranger les victuailles et à commencer à préparer ce qu'il faut pour demain. Il n'est que treize heures et les deux femmes devant venir aider Mme Sims ne seront pas là avant une bonne heure.
Je passe l'après midi entourée d'Irène, Marthe et Caitlin à préparer, petits fours salés et sucrés et d'énorme cakes pour la réception du lendemain. Si les trois femmes ont l'air surprises que je les aide, elles n'en disent rien et finissent par se détendre à mon contact.
Sans entrer dans les détails je réponds à leurs questions et en pose d'autres notamment sur Stuart et Alistair, ainsi que sur les familles des environs et de l'importance qu' avait ma tante sur la petite communauté de Bridge.
J'apprends ainsi qu'Alistair est comme je l'avais supposé le petit fils d'Irène, que ce dernier comme son ami Stuart a trente ans. J'apprends aussi que la famille d'Irène a longtemps servi la famille de ma mère et que la famille Barstow si elle n'est pas aussi ancienne que celle de ma tante et de ma mère, est tout de même installée depuis plusieurs générations dans le comté faisant l'élevage d'ovin autant pour l'exploitation de la laine avec des moutons de race, que exploitation de la viande.
Le soir venu, je suis épuisée, après un souper léger, je souhaite une bonne nuit à Irène qui m'informe que Me Hollinger devrait arriver vers dix heures le lendemain. Je n'ai pas revu du restant de la journée Alistair et Stuart et je ne m'en porte pas plus mal, cela aurait été la cerise sur le gâteau si j'avais dus avoir à supporter leur présence.
Montant les escaliers, je regarde sur le mur à ma droite des portraits de mes ancêtres, mon regard se porte sur le dernier en haut des marches, la femme du portrait a un air si triste, mais ce qui me choque le plus c'est que j'ai l'impression de la reconnaître, cette femme c'est tout mon portrait.
La ressemblance est si frappante! Contrairement aux autres tableaux, celui là est plus récent, la jeune femme dessus est en tenue d'équitation, est- ce un portrait de ma mère plus jeune? Je pense que je poserai la question à Irène quand l'occasion se présentera. Je suis de retour dans la chambre de ma mère, quand j'ouvre la porte, mon téléphone que j'avais laissé sur la coiffeuse sonne. Je me précipite dessus espérant qu'il s'agisse de Joshua et décroche.
- Elyana?
- Joshua!
- Bonsoir, mon coeur!
- Bonsoir, soufflai-je en m'installant sur le lit à côté de la valise.
- Tu vas bien, tu as l'air essoufflée!
- Je viens de remonter dans ma chambre, je ne voulais pas rater ton appel.
- Tu es bien installée? Tu dois être crevée...
- Un peu, ça a été long.
- La journée a été longue sans toi.
- Tu es encore au bureau?
- Non, je suis monté, je voulais t'appeler avant que tu ne te couches, t'entendre....
- Je suis contente de t'entendre, j'en ai besoin, lui dis-je en caressant la broche qu'il m'a offerte.
- Elyana, tout va bien? Il s'est passé quelque chose?
- Ça va, c'est juste que c'est étrange d'être ici, je ne sais pas comment te l'expliquer...
- Essaie chérie, ça me changera des données et des chiffres que j'ai dû ingurgiter aujourd'hui.
- Pardon, Josh, j'aurais dû te demander, ce qu'il en est de la situation à Portland! Je suis déso...
- Ce n'est pas grave, nous avons chacun nos soucis à gérer..
- Dis moi alors, qu'en est il, as-tu put avoir le rapport de l'accident? Quelles retombées penses tu qu'il va y avoir?
- Ely, je ne t'ai pas appelé pour que l'on parle boulot! Me gronde t' il gentiment.
- Je sais, mais si cela te touche, cela me touche, j'ai besoin de savoir.
- Si tu tiens vraiment à le savoir, le rapport d'enquête n'a pas encore été rendu...
- Envoie le moi dès que tu l'as s'il te plait, ce n'est pas parce que je ne suis pas là que je ne peux pas t'aider et effectuer une partie de mon travail.
- Elyana, dit-il en poussant un gros soupir, puis en changeant de sujet, ton message de ce matin m'a fait du bien mon ange.
- Tu as put dormir?
- Deux ou trois heures pas plus? Et toi dans l'avion?
- A peine plus.
- Tu dois faire attention, prendre plus soin de toi! Souviens toi que tu es encore fragilisée de ta pneumonie!
- Joshua, dis-je exaspérée, arrête! Je vais parfaitement bien!
- Je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter, tu comptes tellement pour moi.
- Toi aussi, tu comptes beaucoup pour moi, mon coeur.
- Alors l'Angleterre?
- Comme dans mon souvenir, tentai-je de plaisanter.
- Ça te manque?
- Je ne sais pas, peut être un peu, une partie de moi est ici et une autre à New-York, c'est difficile à dire.
- Je comprends.
- Dans tous les cas, je suis coincée ici pour quelques jours ici. J'ai appris aujourd'hui, que ma mère a vécu au manoir, l'on m'a attribué sa chambre et il y a même toutes ses affaires ici de quand elle était plus jeune.
- C'est super chérie, je sais à quel point cela te tiens à coeur. Tu as put en apprendre un peu plus sur le déroulement des obsèques?
- Le peu que j'ai appris, c'est la gouvernante qui me l'a dit. J'en saurais peut être plus demain matin, cela va être une grosse journée, il semblerait que ma tante avait une certaine influence dans le comté.
- Gros enterrement?
- Oui, apparemment elle a voulu tout faire dans les règles, cérémonie, ouverture du caveau familial, réception etc..
- Tu devrais dormir dans ce cas Ely, ta journée va être longue.
- Je sais, dis-je sur un ton triste.
- Mais Ely?
- J'ai peur.
- De quoi Elyana?
- De dormir! J'ai peur de faire encore des cauchemars.
- Je croyais que ça allait mieux?
- Ça va mieux, mais j'ai peur d'en faire, peur que si tu n'es pas là, ils reviennent, c'est toi, tes bras, qui les ont chassés.
- Oh, ma chérie, ne dis pas ça, écoute -moi mon coeur, tout va bien aller ok, il ne peut plus te faire de mal, nous sommes ensemble, tu m'entends?
Je t'aime Elyana, je ne laisserai personne te faire du mal, ne le laisse pas gagner. Appelle-moi quand tu sens que ça ne va pas, même un texto, je répondrais.
- Merci, Josh!
- Aller il est tard, ma douce, tu devrais dormir!
- Il est encore tôt pour toi !
- Et c'est justement pour ça que je vais en profiter pour aller courir sur le tapis de course et soulever quelques poids, histoire de me défouler un peu, parce que t'imaginer étendue seule dans ton lit, me fait venir quelques images plutôt osées.
- Oh, dis-je me sentant rougir.
- oh! répète-il en riant. Même quand tu n'es pas avec moi, j'ai envie de toi! Rien que d'en parler je bande mon cur.
- Josh!
- Je sais mon amour. Je vais te laisser dormir. Bonne nuit mon Ely, je t'aime.
- Je..
- Oui?
- Non rien, bonne nuit Josh.
Sur ces derniers mots nous raccrochons, je suis triste et épuisée, si fatiguée que je me contente juste de poser ma valise au sol et de retirer mes chaussures, avant de m'allonger sur le lit sans défaire les couvertures. J'ai toutefois la présence d'esprit de régler l'alarme de mon téléphone pour que je me lèves tôt demain matin.
Avant de sombrer dans le sommeil, je repense à la fin de notre conversation, j'ai failli dire à Joshua une fois encore que je l'aime puis me suis ravisée. En même temps, lui dire au téléphone, ça ne le fait pas non plus. Non il faut que j'attende le bon moment, quand je serais vraiment prête, je le lui dirai, bientôt, j'espère.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top