Chapitre 2 : Le manoir de Bridge.
Après presque deux heures de route, mon chauffeur quitte la route sur laquelle nous nous trouvons, pour emprunter un chemin de grève. Je sais que nous venons de traverser le village de Bridge, pour avoir vu les panneaux, je pensais que le trajet s'arrêterait là mais visiblement il en va autrement et l'homme derrière le volant, n'est pas plus causant que moi je ne le suis.
Le chemin que nous empruntons à l'air d'être long, j'ai beau essayé de regarder loin devant moi, je n' aperçois aucune maison. La voiture tangue et zigzague entre les nids de poules depuis dix bonnes minutes quand j'aperçois les formes d'une habitation. Je sais que ma tante vivait dans un manoir, je ne me doutais pas qu'il était si imposant.
Serrant mon téléphone dans ma main pour ne pas le faire tomber, je tente de rester le plus immobile possible, mais les secousses me font régulièrement perdre l'équilibre, si bien que je suis obligée de me cramponner à la portière. Les yeux rivés sur le chemin et sur le bâtiment qui se profile à l'horizon, je sens qu'une sourde angoisse monte en moi progressivement.
Où est-ce que je viens d'atterrir? Quel accueil va-t'on me réserver? Pleins de questions me viennent à l'esprit, me faisant oublier un court instant que je n'ai toujours pas eu de nouvelles de Joshua depuis le dernier message que je lui ai envoyé. Le chauffeur fini par arrêter le véhicule dans une grande cour au bout de laquelle se trouve le manoir de ma tante. La bâtisse est imposante et austère, elle me fait penser à ces manoirs que l'on voit dans les films d'épouvante, ce qui me tire un sourire en me remémorant une soirée que nous avons passé avec Josh devant un de ses films, soirée qui avait fini par une étreinte d'une douceur infinie.
Chassant ce souvenir de mes pensées, je sors de la voiture et passe à côté du chauffeur qui m'a ouvert la porte, ce dernier sans attendre se dirige déjà vers l'arrière de la voiture et sort du coffre ma valise qu'il dépose aux pieds des marches menant à l'entrée du manoir.
Je remercie le chauffeur et surprise je le vois s'apprêter à remonter dans son véhicule, aussitôt je l'interpelle, ne sachant pas comment interpréter ce départ soudain.
- Attendez s'il vous plait! Vous ne restez pas?
- Non mademoiselle, j'ai été embauché pour vous conduire ici, c'est chose faite.
- Mais...mais, on ne vous a pas transmis de message pour moi? Me Hollinger ne vous a pas donné d'autres consignes?
- Non rien Melle, si vous voulez bien m'excuser, je dois m'en aller avant la prochaine averse, me répond il en me désignant le ciel qui s'obscurcit à nouveau.
Je remercie le chauffeur pour m'avoir conduite ici puis je me tourne face au manoir, qui m'a l'air désertique. Je ne comprends plus rien, décidément rien ne va ce matin, mon arrivée à Londres, puis ce voyage étrange jusqu'ici, l'abandon du chauffeur, l'absence de réponse de Joshua.
Inspirant un grand coup, je me dirige vers ma valise en saisi la poignée, puis gravis les quatre marches me menant à la porte de l'imposante demeure. Je regarde à droite et à gauche à la recherche d'un carillon et ne repère rien d'autre qu'un heurtoir en forme de tête de lion. Le soulevant je donne deux coups après la porte et attends que l'on vienne m'ouvrir.
Cinq minutes passent sans qu'aucune âme qui vive ne se manifeste, je frappe à nouveau à la porte puis me recule et cherche du regard un signe qui me dirait qu'il y a quelqu'un, ou une allée qui pourrait me conduire à une entrée secondaire.
Au moment où mon téléphone se met à sonner, j'entends un grincement sinistre qui me donne froid dans le dos, puis la porte qui me fait face s'ouvre lentement sur une vieille femme, vêtue de noir qui me dévisage d'un air sévère. Mon téléphone toujours à la main en train de sonner, me ramène à la réalité de l'instant présent.
Regardant rapidement qui tente de me joindre , je me détourne un instant de la vieille femme, puis soupire en me rendant compte qu'il s'agit de mon compagnon.
- Merde! murmuré-je à moi même, il ne pouvait pas tomber plus mal. Puis me ressaisissant je me tourne vers la femme qui me dévisage.
- Bonjour, je suis Elyana Spencer, madame, je suis...
- Je sais qui vous êtes mademoiselle, me répond un peu sèchement la femme avant de reprendre, Me Hollinger nous a averti de votre arrivée. Je suis Irène Sims la gouvernant de Mlle Stacks.
La gouvernante se recule et me fait signe de la suivre, décidément sympa l'accueil! Soulevant ma valise, je suis la vieille femme et pénètre dans un hall d'entrée sombre, seulement éclairé par deux immenses lustres dont la moitié des ampoules manquent, Mme Sims me laisse passer et referme la porte derrière moi.
Je détaille le hall dans lequel je me tiens, plafonds haut, lustres énormes, murs et sols en pierre, on se croirait tout droit sortit d'une autre époque. Face à moi le hall se poursuit et se rétrécit en un long couloir, sur ma droite se trouve un escalier lui aussi en pierre, large d'au moins deux mètres et sur ma gauche une double porte qui est close. Les murs quant à eux sont nus hormis quelque appliques par ci et par là. Le tout me semble froid, je me demande à quoi le restant peut bien ressembler.
-Veuillez me suivre mademoiselle, me dit la gouvernante. Vous pouvez laisser votre valise là, Alistair se chargera de la monter dans votre chambre.
Je me retrouve à marcher derrière la gouvernante, me demandant qui peut bien être cet Alistair dont elle vient de me parler. Nous nous avançons dans le couloir, qui s'assombrit au fur et à mesure que nous marchons, passant devant des portes toutes fermées, j'en ai dénombré quatre, quand nous arrivons au fond du couloir toutes deux face à une imposante porte en bois, que la gouvernante ouvre.
Une vive lumière nous accueille, c'est tout juste si je ne suis pas éblouie après avoir traversé ce sombre couloir. Je pénètre dans une grande pièce dont l'atmosphère est complètement différente de celle du hall d'entrée. Nous sommes dans une immense cuisine, au milieu de laquelle trône fièrement une longue table en bois patiné.
Comme dans le hall d'entrée, les murs de la cuisine sont tous en pierre apparente, tout dans la cuisine du sol au plafond est rustique, des meubles en bois, à la vieille cuisinière à bois, même la cheminée y est, dans laquelle brûle un feu. La pièce est chaleureuse agréable et doit être très lumineuse par beau temps avec ses hautes fenêtres. Seule trace de modernité dans la pièce, deux énormes radiateurs en fonte, indiquant que le manoir est équipé d'un chauffage central.
- Je vous en prie mademoiselle, installez vous, me dit la gouvernante.
- Merci, Madame Sims, lui réponds-je.
- Pas madame, juste Irène, mademoiselle.
- Dans ce cas appelez moi Elyana, s'il vous plait.
- Je...Madame n'aurait pas apprécié.
- Madame, n'est plus Irène, je vous en prie appelez moi par mon prénom.
- Comme vous voudrez! Souhaiteriez vous une tasse de thé? J'étais en train d'en faire lorsque que vous avez frappé.
- Volontiers. Dîtes -moi, vous savez comment les obsèques de ma tante doivent se dérouler? Me Hollinger m'a juste parlé d'une incinération, mais je n'en sais pas plus. Lui demandé-je entrant dans le vif du sujet.
- Bien sûr, me répond-elle en disposant deux grandes tasses et une théière au milieu de la table avant de prendre place à moi.
Me levant, je tends la main pour me saisir de la théière et faire le service. La gouvernante me regarde surprise par mon geste, mais ne dit rien avant que je ne finisse et me rassois.
- Merci, Melle, euh Elyana, me dit-elle gênée.
Nous restons ainsi quelques instants avant que la gouvernante prenne la parole. Portant sa tasse à ses lèvres d'une main tremblante, la vieille femme me regarde puis les yeux baissés sur la tasse qu'elle vient de reposer, me dit :
- Les obsèques de Madame, auront lieues ici, Madame a demandé à se faire incinérer et que ses cendres soient disposées dans le caveau familial, qui est dans le cimetière au village. C'est un peu une tradition, tous les membres de la famille se font enterrés dans le caveau. Ensuite, il y aura une réception ici au manoir pour remercier toutes les personnes présentes pendant la messe.
- Tout cela aura lieu demain alors? Lui dis-je.
- C'est cela Melle, l'incinération aura lieu cet après midi et demain matin Me Hollinger viendra avec l'urne qu'il déposera à l'église et viendra ensuite ici.
- D'accord, je vous remercie pour ses informations.
- De rien Melle, je....
- Oui Irène?
- Non, rien mademoiselle. Souhaitez-vous que je vous montre le manoir avant que tout le monde n'arrive pour tout préparer pour demain?
- Je veux bien Irène, je vous remercie.
Au moment où nous nous levons Irène et moi, pour aller faire la visite du manoir, une porte que je n' avais pas remarqué au fond de la cuisine s'ouvre sur un homme qui entre en fanfare dans la pièce suivit d'un autre. Tous deux rient, puis s'arrêtent et me dévisagent.
Le premier qui entre est le premier à perdre son sourire. Il est de taille moyenne, d'allure sportive, les yeux verts et les cheveux châtains avec des reflets roux, l'autre est très grand et très mince, le teint pâle, les cheveux noirs et le regard sombre. Tous deux sont jeunes, je dirais qu'ils ont un peu moins de la trentaine.
- Bonjour, gran, dit le premier des deux hommes en allant embrasser Irène sur la joue.
Tout comme son compagnon, le second homme va saluer la gouvernante en lui déposant lui aussi un baiser sur la joue.
- Tu ne nous présente pas? lui demanda le brun.
- Alistair, Stuart, voici Melle Spencer, la...
- On sait qui elle est Gran, c'est bon, lui dit le jeune homme aux cheveux brun-roux.
- Alistair! le reprend Irène en le grondant.
- Pardon Gran, lui répond ce dernier, puis en se tournant vers moi, Melle Spencer, enchanté, je suis Alistair Sims et voici Stuart Barstow.
- Enchantée de vous rencontrer messieurs.
- Vous êtes arrivée il y a longtemps Mlle ? Me demande Stuart.
- Melle Spencer, euh Elyana est arrivée il y a environ une demie heure, et vous pourquoi vous arrivez seulement maintenant, jeunes gens? Cela fait une heure que j'attends que vous me rameniez ma commande!
- Pardon Mme Sims, Al a tenu à prendre la camionette du domaine pour aller au village et nous sommes tombés en panne.
- Désolé Gran pour le retard, lui dit Alistair.
- C'est pas grave, tu monteras la valise de melle Spencer, dans la chambre mauve s'il te plait, dès que vous aurez tout déchargé.
Le regard que me lancent les deux hommes me désarme, ils ont l'air de beaucoup apprécier Irène, pourtant quand ils me regardent, je sens comme une tension, comme si ma présence ici n'était pas la bienvenue. Je ne comprends pas leur attitude ni à l'un, ni à l'autre, je sais bien que je suis une étrangère ici, mais de là à être perçue comme une intruse.
Les deux hommes finissent par ressortir, laissant derrière eux la porte par laquelle ils sont entrés ouverte, le froid de février s'engouffrant dans la cuisine. Laissant les deux hommes derrière nous, je suis Irène dans une pièce contigüe à la cuisine, pièce qui sert en quelque sorte de lingerie et de sas pour passer de la cuisine à la salle à manger ou salle d'appârat quand on se rend compte de la superficie de la pièce.
De hautes fenêtre, une cheminée énorme, des enfilades sur lesquels se trouvent de nombreux bibelots, une grande vitrine et quelques tableaux de chasse, le tout sur des tentures bleues ciel, malgré que le ciel au dehors soit gris la pièce est clarteuse, bien qu'un peu froide.
Nous passons ensuite à une pièce un peu plus petite, mais néanmoins très grande qui sert de salon de réception, ici aussi se trouve une cheminée de taille plus modeste dans laquelle brûle un feu de bois et dans lequel la gouvernante rajoute quelques bûches.
Comme dans la pièce précédente, le salon est décoré dans les mêmes teintes, des meubles anciens sont disposés le long des murs et au milieu de la pièce se trouvent deux énormes canapés en tissu fleuris, tout comme les meubles qui les entourent, ils ont l'air anciens.
Irène me raconte l'histoire de ce manoir qui a été bâti dans les années 1650, par les ancêtres de ma mère. Je savais que la famille de ma mère était issue de la petite bourgeoisie, je ne me serais jamais doutée que mes ancêtres possédaient et avaient fait bâtir un tel manoir.
La visite du rez de chaussée se poursuit, par des pièces plus petites, intimes je dirais qui se distinguent par le côté simple de la décoration, on voit bien qu'il n'est plus question de pièces d'apparat mais bien d'espaces à vivre.
Nous traversons un petit salon, qui a vue sur les jardins, ainsi qu'une bibliothèque et ce que désigne Irène comme un jardin d'hiver, depuis lequel l'on peut aller se promener dans les jardins faisant le tour de la bâtisse.
Une fois la visite du rez de chaussée achevée, nous retournons dans le hall, ma valise étant toujours à sa place, je la prends avec moi et suis la gouvernante dans les escaliers, ses derniers sont longs et majestueux, la pierre par endroits y est polie, au lieu d'être légèrement granuleuse, signe que beaucoup de mains ont glissées sur ses rampes.
La visite de l'étage est rapide, Irène m'apprend que seul une partie du premier étage est utilisée, le restant du niveau, ainsi que les deux autres sont fermés depuis de très nombreuses années. De ce fait seules quatre pièces et une salle de bains au premier sont utilisables.
Irène me montre les quatre chambres qu'elle ouvre, chaque pièce a une couleur différente, celle la plus au fond était celle de ma tante Helen mle dit la gouvernante, puis nous revenons en arrière devant la porte de la chambre mauve, j'entre dans la chambre avec cette dernière et regarde tout autour de moi.
La pièce est pourvue d'un lit double en fer forgé, d'une coiffeuse, d'une grande armoire ancienne et d'un fauteuil, tout le restant me parait surréaliste.
Cette chambre m'a tout l'air d'être une chambre d'enfant, ou de jeune fille, des poupées sont posées sur le lit à la courtepointe assortie aux murs et rideaux. Je me tourne vers Irène qui me regarde d'un air étrange et m'adresse à elle.
- Pourquoi cette chambre Irène? Pourquoi pas la jaune?
- J'ai pensé que...C'était la chambre de votre mère enfant, j'ai pensé que vous auriez apprécier de vous y installer.
- La chambre de ma mère? Elle ...elle a vécu ici?
- Oui, Elyana, ici c'était la maison de votre mère, avant....La chambre est restée telle quelle depuis son départ. Je n'ai jamais put me résoudre à tout jeter...
- Vous avez connu ma mère?
- Oui, mademoiselle.
- Irène, est-ce...
- Je suis désolée Melle, je dois redescendre, j'ai du travail qui m'attend, je vous laisse vous installer, nous déjeûnerons d'ici une bonne heure.
- Mais...
Je n'ai pas le temps de la retenir, qu'elle est déjà partie, me laissant seule dans la pièce. Je dépose ma valise sur le lit et laisse glisser ma main sur l'étoffe de la courtepointe. Cette dernière est douce et froide.
Je continue de faire le tour de la chambre, laissant ma main effleurer chaque mur, chaque meuble, tentant de m'imprégner de l'atmosphère de la chambre où d'après les dire de Mme Sims, ma mère a dormi.
Une étrange émotion étreint mon coeur, une fois encore je me retrouve dans un lieu qui a abrité l'un de mes parents, y a t'elle était heureuse, qu'elle vie a t'elle mené? J'espère bien le découvrir, délaissant ma valise, je me saisis de mon téléphone que j'avais glissé dans ma poche, l'extirpe et me place face à la fenêtre et compose le numéro de Joshua. Je ressens le besoin de lui parler, d'entendre sa voix, porter sa broche ne suffit pas à apaiser le manque que j'ai de lui.
Malheureusement après quelques sonneries, je finis par tomber sur sa messagerie. Je suis déçue de ne pas réussir à le joindre, je suis un instant tentée de raccrocher, mais je me ravise et lui laisse un message, je lui dis que je suis bien arrivée au manoir, qu'il me manque et que j'ai hâte de pouvoir l'entendre, puis raccroche avant de descendre rejoindre Irène dans la cuisine, le coeur lourd.
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