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Je ne m'attendais tellement plus à ce qu'elle me parle comme elle venait de le faire. Et j'en suis heureuse. J'ai eu l'impression qu'un poids énorme me quittait. 

Un poids insoupçonné, parce qu'au moment où elle me parlait, ma poitrine s'est comme compressée puis elle est devenu toute légère. Normale peut-être...

Nous avons passé une soirée assez exceptionnelle du coup. Si au début nous étions gênées, on s'est vite rapprochée, ça m'a fait du bien. Depuis le temps qu'on avait été éloignées toutes les deux. 

Aujourd'hui, je me suis réveillée à 6 h pour préparer mes affaires. Les vacances se passent chez mon père. J'en ai pour deux semaines. 

Je ne suis pas spécialement pressée, j'aime bien mon père, même s'il est redescendu dans mon estime avec le divorce et le fait qu'il se remette si vite avec quelqu'un d'autre.

Je suis presque sûre qu'il devait tromper ma mère, parce qu'il s'est mis en couple seulement six mois après l'annonce officielle du divorce. Ma mère s'en est fichue royalement. Je me suis même demandée si elle n'avait pas été très affectée mais qu'elle n'avait pas voulu me le montrer.

Mais moi, je n'étais pas contente. Je lui en voulais tellement. J'avais peur de le lui montrer au début, mais quand j'ai vu comment il regardait Laure, sa nouvelle compagne, mon sang n'a fait qu'un tour, j'avais envie de pleurer.

Comment pouvait-il faire ça. Oublier sa famille. Son passé. Comme si son fils unique n'était pas mort, comme s'il n'avait pas vécu ses vingt dernières années, avec la rencontre de ma mère, nos moments passés ensemble à s'amuser.

Il avait foutu en l'air tout ça pour les beaux yeux d'une inconnue.

J'avais accepté avec le temps. Comme d'habitude. Comme tout.

Je sors de mes pensées tristes pour me concentrer sur le présent. Je suis sur la terrasse, à regarder le jardin et à m'enfouir dans l'univers incroyable de mes pensées.

Je regarde ma montre : 8 h 56. Il doit arriver à 9 h. Il ne devrait pas tarder. Mon père est souvent ponctuel. Il vit toujours dans la même ville que nous, mais il est plus proche de la mer.

Il gagne pas mal sa vie, il est kinésithérapeute dans le cabinet le plus fréquenté de la ville. Ma mère était quant à elle prof d'histoire au lycée de secteur. Elle a pris congé après la mort de Baptiste. Elle compte reprendre à la rentrée scolaire, et a fait une demande de mutation pour un autre lycée de la ville.

Je suis interrompue dans mes pensés par le bruit du klaxon de la voiture paternelle. Il ne veut pas rentrer dans la maison. Mes parents ne se voient plus, ils préfèrent éviter.

Je me lève, prends ma valise et vais voir ma mère.

- C'est lui. Donc j'y vais, je préviens ma mère dans la salle de bain.

Elle prend une douche.

- OK, vas-y, bonnes vacances Maty, me dit-elle en ouvrant la porte de la salle de bain.

Elle enveloppe une serviette autour de son corps dénudé et colle sa joue trempée contre la mienne pour m'embrasser. 

Je lui rends son bisous et la serre dans mes bras  pour la dernière fois avant deux semaines.

Le bruit du klaxon nous ramène à la réalité. Nous nous séparons puis je me dirige vers la porte d'entrée. Je traîne ma valise derrière moi jusqu'au portail. 

- Ah Mathilde ! Que c'est bon de te revoir ! s'exclame mon père en baissant la vitre, pour qu'il puisse mieux me voir.

Je m'installe à côté du siège conducteur. Mon père me sourit et met le contact. 

- Alors, pressée d'aller dans la piscine ? me fait-il tout fier de sa maison.

Il ne fait pas moins de 30°C à l'ombre, alors, oui j'ai hâte.

- C'est vrai qu'il fait chaud et après on dit qu'il n'y a pas de dérèglement climatique !

Je vous épargne la demi-heure de trajet qui s'est écoulée en devinette de chansons et potins. 

On arrive enfin dans la petite allée où se trouve sa nouvelle vie.

On est arrivé devant le portail de sa maison. Le portail s'ouvre tout seul, ils l'ont automatisés depuis la dernière fois ? 

Je m'apprêtais à poser la question à mon père, quand la tête rousse de Laure dépassa du portail. Elle était toute souriante, me faisant même un petit signe de la main.

Décidément voir sa tête est toujours autant un choc pour moi. Certes, Laure est belle, intelligente et patati et patata, mais ce n'est pas ma mère.

Et elle restera l'inconnue avec qui mon père trompait ma mère.

Je sors de la voiture, une lanière de mon sac sur mon épaule. Je m'approche de Laure.

- Ah enfin, tu nous manquais déjà tu sais ! me dit-elle en me prenant dans ses bras. Tu n'as pas oublié ton maillot de bain j'espère, parce-qu'on va devoir en profiter.

- Emma, dépêche-toi s'il-te-plaît ! tonne Laure la seconde d'après.

Ah oui, j'avais oublié de vous en parler. Laure est aussi divorcée, et elle avait déjà un enfant. Enfin si on peut qualifier d'enfant la masse de cheveu roux qui débarque devant moi.

Non, je ne l'aime pas. Non je n'ai rien contre les roux. Oui, elle me fait chier.

Pardonnez moi, mais franchement, quand la compagne de votre père divorcé s'avère ne pas être seule, mais accompagnée d'un Kinder surprise cauchemardesque qui s'appelle Emma, se révèle avoir votre âge et est votre parfait opposé...

C'est... comment dire ?

Insupportable. Oui, je pense que c'est un des termes qui convient.

- Ah tiens Morgue-Anne, j'avais oublié que c'était aujourd'hui que tu venais. réplique-t-elle depuis la terrasse.

Ses cheveux habituellement blonds étaient plus foncés et plus lisses. Elle venait de sortir de la douche.

- Emma ! la réprimanda sa mère, en se passant une main sur le visage, exaspérée par l'attitude de celle qu'elle devait appeler sa fille, je te préviens que c'est la dernière fois que tu te comportes comme ça avec Morgane, elle se tourna vers moi désolée. Excuse-la Morgane, elle est en pleine adolescence.

Je rêve en l'espace de quelque secondes de répliquer : "Il faut pas lui en vouloir, la connerie est une maladie qu'on attrape jeune et injustement, elle, c'est de naissance, alors ! Il ne faut s'attendre à des miracles."

Mais mon père et Laure seraient aussi exaspérés de mon comportement. Je préfère réserver les regards de "pardonne-la" à Emma, elle fera plus pitié comme ça.

- Sinon, plus besoin de faire le tour de la maison, tu sais où est ta chambre, je te laisse aller déposer tes affaires, et peut-être que tu voudrais aller à la piscine après, proposa Laure essayant de dissiper la tension qui s'était tranquillement installée dans l'atmosphère.

- OK, j'y vais, je vous laisse, fais-je en prenant la direction de la maison.

Je passe la porte d'entrée, et entre dans la maison. 




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