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Je ne me presse toujours pas pour atteindre les grilles du lycée, il y a encore pas mal de retardataires. Les escaliers centraux sont presque vides, j'en profite pour les utiliser. Ils sont justes en face des grilles.
Quelques pas après ma sortie du lycée, je me dirige vers d'autres escaliers qui mènent vers le meilleur point de repérage.
Je poireaute en haut cinq minutes. Ma mère est presque à l'heure.
Elle n'aime pas venir au lycée. C'est d'ailleurs la première fois de mon année de Seconde qu'elle vient me chercher.
Ça lui rappelle Baptiste.
Il allait avoir 18 ans et était en Terminale, il y a maintenant deux ans.
Je rejoins la voiture, ouvre la portière et m'installe, mon sac à mes pieds. Ma mère s'éclaircit la gorge.
- Tu as passée une bonne journée ? demande-t-elle après avoir mis le contact.
- Oui, et toi ? je demande automatiquement. Je ne suis plus Mathilde, je suis un automate avec des réponses auto programmées. Même si ma journée avait été vraiment pourrie, je n'aurais pas le cœur de le lui dire.
Je ne veux pas lui causer plus de soucis qu'elle n'en a et je n'ai pas envie de rentrer dans les détails. Elle non plus d'ailleurs.
Le reste du trajet se passe en silence. Au début, je n'aimais pas ce silence. Ce n'est pas le même que celui que je partage avec les autres à la cantine.
Non. Celui-ci n'est pas simple, mais rempli de tension. De choses qu'on aurait pu dire, mais que la barrière invisible du silence nous empêche de prononcer. Comme si parler aurait été quelque chose de mal.
Je me sentais mal, et pour le meubler, j'allumais la radio et montais le volume.
Je me sentais toujours mal après, mais la musique me détendait, et je descendais généralement ma vitre à fond, mettais ma main à l'extérieur et laissais le vent jouer avec. La dominer, la refroidir, ralentir ses mouvements.
Ma mère prend le chemin du restaurant espagnol où l'on se rend la veille de chacun de mes départs pour la semaine de garde paternelle.
C'est un resto en centre-ville, la cuisine est vraiment bonne et la vue à l'étage est sublime. On y voit la mer. Les immeubles du centre-ville, le terrain d'athlétisme sur la droite et la nationale 1 en générale déjà embouteillée à cette heure.
Il était déjà 17 h 30, encore trop tôt pour manger. Ma mère se gare dans le parking du restaurant, détache sa ceinture de sécurité, elle ne sors pourtant pas de la voiture et reste les mains sur le volant, regardant droit devant elle. Les yeux perdus dans le vide.
- Maman ? Ça va ? demandai-je soudainement inquiète.
Je ne comprenais pas sa soudaine perturbation. Elle sembla reprendre vie en entendant ma voix. Elle tourna sa tête vers moi et me dévisagea en souriant, émue.
Je n'aimais pas ça. Je sentais moi aussi des larmes insoupçonnées jusqu'ici, menaçant désormais de se répandre sur mes joues.
- Je... je..., bégaya ma mère avant d'expirer et d'inspirer lentement et de reprendre, je suis désolée pour ce que je t'ai infligée Maty.
Elle utilisait mon surnom de quand j'étais petite. Elle ne m'avait pas appelé comme ça depuis une éternité.
- Je n'ai pas vraiment été une bonne mère depuis... depuis, elle s'interrompt une nouvelle fois, et ses yeux se remplissent de larmes qu'elle refoule en riant nerveusement et en passant sa main sur ses yeux.
Décidément, je n'arriverais pas à en parler. Depuis la mort de Baptiste, je suis partie, dans un autre monde. Je n'étais plus vraiment là. Avec toi et ton père, m'avoua-t-elle en me compressant une main.
Mais, j'ai bien réfléchis, je veux essayer de me rattraper, je... j'ai perdu suffisamment de temps à ressasser le passée, alors que c'est fini tout ça maintenant. Baptiste ne... ne reviendra plus maintenant. Je vais essayer de m'améliorer, je te le promets. Je vais le faire pour toi et aussi pour moi... termina-t-elle ses yeux brillants droits dans les miens.
Je ne m'attendais pas vraiment à ça. Ma gorge était douloureuse, et aucun son ne pouvait en sortir, ça faisait trop mal.
Mes yeux avaient mis à exécution leur menace. Mes joues étaient trempées et je regardais ma mère dans les yeux.
Elle détourna son regard en premier, pour fixer le restaurant. J'essuyais rapidement mes larmes et faisait de même.
Sa main quitta la mienne et elle me dit :
- Viens, on va déjà s'installer, avant qu'il y ai foule.
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