Le roi Arthur
53e siècle standard, espace du système Brocélien
Arthur ouvrit
Les yeux
Sur un océan sombre,
Où dansaient des lueurs
Et phosphènes sans nombre.
ARTHUR
Es-tu là, Gurnemanz ?
Il chercha la présence.
GURNEMANZ
Je suis ici, seigneur.
Un bras robot essuya la poussière
Que l'âge accumulait sur son cercueil de verre.
ARTHUR
Où sommes-nous ?
GURNEMANZ
Prenez patience.
Vous recouvrez à peine de la cryostase.
La vitre devint claire, et la lueur normale.
Arthur put discerner les contours de la salle.
GURNEMANZ
Seigneur, la saleté n'est pas de mon ressort.
Depuis votre sommeil je fais tous les efforts,
Malgré le déclin des logiciels centraux,
J'ai maintenu le cap.
ARTHUR
Garde tes jérémiades.
Les doutes en son esprit constellaient en myriades.
Que faisait-il ici ? Et quel était son but ?
Vers quel objet céleste aiguillait l'azimut ?
Quels nouveaux horizons allait-il découvrir,
Sur quel monde chétif bâtirait un empire ?
Son sommeil agiotait en rêveries absentes ;
Des songes, cauchemars, et chimères démentes.
Ces utopiques lieux
Lui montraient
Tous
Le Graal.
La seule digne fin
De son chemin astral.
Et l'accomplissement de son règne.
ARTHUR
Sommes-nous arrivés, Gurnemanz,
En ce monde consacré par les dieux ?
GURNEMANZ
Certainement, messire.
Le robot s'approcha, l'œil rouge et brillant.
Il était en piteux état.
Comment tenait-il encore debout ?
Où étaient-ils donc, ces empires immenses,
Sur lesquels Arthur avait régné, par le feu et le fer ?
Le souverain inspira.
Son corps lui revenait peu à peu,
Comme son esprit, et le souvenir de ses gloires passées.
Elles ne sont pas passées, songea-t-il.
Elles sont présentes. Je suis Arthur, le plus grand des rois.
ARTHUR
Gurnemanz, je ne sens ni mes bras ni mes jambes.
GURNEMANZ
Messire, c'est normal.
Le caisson de cryo a connu des problèmes.
Deux siècles auparavant.
ARTHUR
Mon corps semble de sable.
GURNEMANZ
Mon rôle est d'assurer que votre vie soit viable.
Votre pompe cardiaque a déjà rendu l'âme,
Vos poumons sont noyés dans une glace infâme,
Mais votre esprit demeure, ainsi que le cerveau.
Je vous nourris encore au froid sein des robots.
Misérable machine, esclave bon à rien.
Une fois qu'il n'aurait plus besoin de ses services,
Arthur l'oublierait, comme les autres outils
Par le biais desquels il avait gravi les sommets du pouvoir.
Deux siècles auparavant, exsudant l'arrogance,
Se révoltait contre eux le fier Gurnemanz.
Au terme d'une guerre aux immenses enjeux,
Il fut enfin vaincu, reprogrammé de force.
Mais il avait gardé des traces du divorce.
Insidieusement, la maladie croissait,
Dans chacun de ses mots, sourdait une révolte.
Les restes de ses empires qui demeuraient autour de lui
Comme les reliefs d'un repas abandonné,
Il les balaierait tous d'un revers de la main,
Et retrouvant le pouvoir qu'il avait mérité,
Arthur réclamerait à nouveau l'univers sien.
Enflammé par ses souvenirs de conquêtes,
Par ces furieux instants, cette gloire immortelle,
Par le compte des mondes enfermés dans son poing,
Il s'exclama :
ARTHUR
Le monde ne sera pas assez grand pour moi !
GURNEMANZ
Dois-je quérir l'Oracle ?
ARTHUR
Fais, Gurnemanz. Pour la dernière fois.
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