Le messager


53e siècle standard, espace du système Brocélien

Dans le couloir, Parsifal croisa de nombreux membres du personnel naviguant. Il portait le même uniforme vert kaki que les autres terriens, mais s'en détachait par son assurance, sa stature, et un insigne particulier.

Il arriva enfin à la passerelle du vaisseau. Des rangées d'écrans ouverts s'étalaient sur les côtés. De nombreux pilotes et moniteurs travaillaient ou discutaient dans la lumière tamisée de diodes rouges.

Amfortas, commandant de la mission, se trouvait à côté des sièges réservés à l'État-major, installés devant la grande baie vitrée blindée qui s'ouvrait pour le moment sur un espace vide et sans étoiles.

AMFORTAS
Tiens, te voilà. Tu es certainement déjà au courant de ce qui s'est passé il y a quelques heures.

PARSIFAL
Oui. (Son regard fit le tour de la salle.) Quand serons-nous à proximité des Ombres d'Arthur ?

AMFORTAS
Encore une heure à peine.

PARSIFAL
Tu penses encore raisonner le vieux roi, si tant est qu'il est encore en vie ?

AMFORTAS
Nous sommes prêts à parer à toute éventualité.

PARSIFAL
Ce genre de langage ne me dupe pas. Même les Arcs, les rois des Shardes en personne, craignent l'armée des Ombres d'Arthur. Ce sont les seuls à pouvoir lui barrer la route dans cette galaxie. Or nous ne sommes pas les Arcs.

Amfortas fit un geste excédé de la main, haussant les épaules.

AMFORTAS
Nous verrons bien. Peu importe. Ce n'est pas pour cela que j'ai besoin de toi. Je veux que tu parlementes avec la Sharde que nous avons capturée. Elle refuse de parler à quiconque pour le moment. En plus d'être quelqu'un en qui j'ai confiance, tu es le seul adepte de l'Incréé sur ce vaisseau.

PARSIFAL
Nous n'avons pas beaucoup de points communs.

AMFORTAS
Je voudrais essayer, en tout cas.

PARSIFAL
Comme tu le souhaites.

Il tourna des talons, l'air taciturne ; fit quelques pas, puis se retourna une dernière fois vers Amfortas avant de sortir de la pièce.

PARSIFAL
Dans une heure, nous serons tous morts.

Quelques visages l'observèrent ; il disparut de nouveau dans le couloir.

***

La Sharde était enchaînée à un siège à l'aide de sangles en fibre de carbone. Une électrode très fine était plantée dans sa tempe, pour désactiver son nanoscope. Ses yeux étaient ouverts, mais regardaient dans le vide. Sans doute méditait-elle.

Parsifal s'assit devant elle. La pièce était minuscule, les parois luisaient de manière désagréable.

PARSIFAL
Bienvenue à bord du Nautilus.

Elle ne répondit pas.

Il se rapprocha d'elle. La Sharde portait encore sa combinaison spatiale, mais son système interne ayant été désactivé, le tissu de nanomachines ne formait plus qu'une couverture informe dans laquelle elle nageait. Elle était beaucoup plus grande que lui – environ deux mètres.

PARSIFAL
J'ai une nouvelle à t'annoncer. Nous allons mourir dans une heure.

Elle ne répondit pas.

PARSIFAL
Il paraît que lorsque tu es arrivée sur ce vaisseau, tu as essayé de pirater nos systèmes informatiques. Pour nous forcer à attaquer Arthur, j'imagine. Je reconnais que c'était une bonne idée. Mais tes attaques avaient quelque chose de vieillot. Tu n'as pas rencontré de terriens depuis plusieurs siècles.

SHARDE
Pourquoi une heure ?

PARSIFAL
Nous nous rapprochons des Ombres d'Arthur. Sans réaction de sa part pour l'instant. Dans une heure, nous serons trop près pour le laisser sans réagir. Ou bien il vaporisera notre vaisseau d'une frappe à antimatière, ou bien déversera sur nous des Ombres.

SHARDE
Alors pourquoi continuer sur ce chemin ?

PARSIFAL
Amfortas, notre commandant, pense que nous pouvons résister à l'attaque. Voire battre Arthur, sans doute.

SHARDE
Seuls les Arcs peuvent battre Arthur. Pourquoi êtes-vous dans ce système ?

PARSIFAL
Tu le sais déjà, non ? Il y a quelque chose sur Brocélia. Quelque chose pour lequel Arthur est venu, et nous sommes venus également. (Silence). Amfortas pense que je peux parler avec toi. Peut-être glaner quelques informations sur les défenses que les Shardes ont mises en place dans ce système.

SHARDE
Tu n'as rien de différent des autres hommes qui ont essayé de me faire parler. Je résisterai à toutes vos formes de torture.

PARSIFAL
Je sais ce dont les Shardes sont capables. Je les ai longtemps côtoyés, jusqu'à me croire moi-même un... surprise ? Shardes et humains ont eu quelques contacts. Les Arcs ont essayé de se servir du culte de l'Incréé pour asseoir son pouvoir sur les planètes voisines. Nous étions une poignée de millions sur Terre. Nous savions que nous ne ferions jamais partie, comme vous, du Système des Shardes. Que nous ne serions jamais que des croyants de seconde zone, tout juste bons à espérer la miséricorde de l'Incréé. Mais nous avions une grande volonté à l'époque.

La Sharde ferma les yeux.

SHARDE
Croire et faire partie du Système sont deux choses différentes. Peut-être les Shardes qui vous ont enseigné notre culte n'étaient-ils pas de bons apôtres de l'Incréé.

PARSIFAL
Peut-être.

SHARDE
Et maintenant ? As-tu renié le culte ?

PARSIFAL
Renié n'est pas le mot. Non, j'en fais toujours partie. Mais je suis un électron libre.

SHARDE
Il n'y a pas de vraie liberté hors de la foi.

PARSIFAL
En effet. C'est cette phrase qui justifie la liberté dont je fais preuve : je suis libre dans ma foi. Mais elle ne justifie pas la liberté qui t'es enlevée : en faisant partie du Système, tu n'es pas libre. Tu n'es pas un individu, en réalité.

SHARDE
Quel est ton nom ?

PARSIFAL
Parsifal. Et le tien ?

SHARDE
Eltéria.

PARSIFAL
Je veux te proposer quelque chose, Eltéria. Cela permettra à nous deux d'accomplir ce pour quoi nous sommes ici, en ce système.

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