Le Graal
49e siècle standard, Terre
L'Oracle était seule dans une salle austère.
L'atmosphère était douce et fraîche, contrastant avec celle du désert.
Le silence était agréable, jurant avec l'agitation qui régnait sur le monde.
Elle récitait un chant qu'elle était seule à connaître.
L'ORACLE
Ami, viens, je t'invite
En un lieu singulier.
Tu le reconnaîtras
Sans jamais l'avoir vu.
C'est par-delà le vide
Et le vertige de l'existence,
Un rivage éthéré
Où tous nos rêves sont venus s'échouer.
Viens, mais ne tente pas de suivre
Mes pas, car il n'y a pas de route.
Pour traverser l'océan il faut
Apprendre à nager.
Ne croient pas ceux qui te promettent
Que leur bateau pourra t'emmener.
Il a déjà coulé il y a des années,
Emporté par la fureur des tempêtes.
Si tu trouves une bouteille
Échouée sur la plage,
Ouvre et lis ces crayonnages.
Peut-être t'aideront-ils.
Tu as raison, ami.
Le fond de l'océan est lointain,
Et son eau est sombre.
Mais crois-moi, aucun monstre ne t'y guette.
Ces profondeurs sont vides, comme l'enfer
Depuis que les démons ont été sauvés.
N'aie confiance qu'en toi,
D'ailleurs toi seulement
Saura écouter le vent,
Et danser sur les vagues.
Ne t'empresse pas, ami.
Pars quand tu seras prêt.
J'ai hâte que tu me rejoignes.
Nous serons alors semblables aux étoiles.
Des pas puissants résonnèrent,
Et un homme entra dans la fureur des flambeaux.
ARTHUR
Est-ce bien toi l'Oracle idôlatrée par eux ?
L'ORACLE
Je suis l'Oracle, mais nous adorons des dieux.
Que me veux-tu, humain ?
ARTHUR
Je suis le roi Arthur.
J'ai combattu le Mal, et écrasé l'impur.
J'ai proclamé partout mon royaume en la Terre.
Et six siècles plus tard, voilà quelle matière
Est devenu ce monde, en lequel j'étais roi.
Cette vision d'horreur m'emplit de désarroi.
Explique-moi, Oracle.
L'ORACLE
Et que veux-tu savoir ?
ARTHUR
Ma civilisation, où sont tous ces espoirs
De grandeur éthérée qu'elle avait inspirés ?
Dans quel gouffre sordide est-elle fourvoyée ?
L'ORACLE
Bien étrange parole, Arthur, fier empereur.
Depuis alors le monde a connu des malheurs
Dont aucun dieu, ni roi, ne pouvaient le sauver.
Esclave et maître étant égaux face au courroux
De l'univers qui mit cette Terre a genoux,
Dans notre nouveau monde, ils n'étaient l'un ni l'autre.
ARTHUR
Et de ce nouvel ordre, ils t'ont nommée l'apôtre ?
Leurs ridicules dieux s'expriment par ta bouche ?
L'ORACLE
Pourquoi, seigneur Arthur, prendre cet air farouche ?
Notre paix relative insulte votre orgueil ?
ARTHUR
Je ne m'attendais pas à voir de tels écueils.
Prends garde, Oracle.
L'ORACLE
Quoi ?
ARTHUR
Je règne sur la Terre.
L'ORACLE
Arthur, ce n'est pas vrai. Ce fut exact hier.
Mais depuis notre monde en est remis aux dieux.
ARTHUR
Ainsi, bafoueriez-vous mon ordre et vos aïeux ?
De quels dieux parles-tu ?
L'ORACLE
L'un se nomme Univers.
L'autre Vide, Chaos, Temps, Vie, Ordre, Matière.
ARTHUR
Incapables sont-ils à protéger leurs serfs.
L'ORACLE
Tout aussi impuissants qu'un roi qui ne les sert.
Mais ils ne sont pas vains, ils ne sont pas futiles.
ARTHUR
L'homme est seul, et ses dieux sont des soutiens puérils.
L'ORACLE
Ils ne soutiennent pas, ils règnent sur les choses.
N'agitent pas nos vies, mais nos métamorphoses.
ARTHUR
Je recherche le Graal. Non pas objet des dieux,
Mais de tout l'univers, pouvoir le plus glorieux.
Peux-tu m'aider, devin ? Quels que soient tes pouvoirs.
L'ORACLE
Je n'en avais qu'un seul. Il se nomme : savoir.
Et il vous manque, Arthur.
ARTHUR
Prends garde, impertinente.
Ou tu sauras l'ampleur de ma force latente.
L'ORACLE
Je ne crains nulle force, hormis celle du monde.
L'homme s'est libéré du fléau des secondes.
Ni le temps ni la mort ne font notre malheur.
De la paix, du savoir, nous cueillerons les fleurs
Sur ce lointain rivage où se trouvent les rêves.
Notre vie en ce monde, a beau demeurer brève,
Nous en avons assez pour nous sauver du Mal.
Je suis humaine, et vous n'êtes qu'un animal.
ARTHUR
Garde tes prophéties et tes réminiscences !
Néanmoins, je pressens qu'une sombre puissance
Manipule vos fois comme un maître d'orchestre.
L'ORACLE
C'est l'univers.
ARTHUR
Lointain, puissant, supra-terrestre.
Viens avec moi, Oracle. On requiert tes services.
L'ORACLE
Vous feriez de moi l'outil de tous vos vices ?
ARTHUR
Seulement de ma gloire. Et tu n'as pas le choix.
Je suis redevenu de ce monde le roi.
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