L'oracle
Le robot assistant se traîna au lointain,
Vaine et affreuse chose de métal.
Il revint aussitôt escorté de l'Oracle.
Elle était, pour Arthur, un signe, et un miracle.
Des années auparavant, ils l'avaient enlevée
À son monde ; la Terre
Elle était l'élément essentiel du projet.
La stase, apparemment, l'avait bien préservée ;
Il enviait sa fraîcheur, sa jeunesse éblouissante.
Lorsque s'achèverait son enquête épuisante,
Arthur se promettait de transférer, encore,
Ce qui lui tenait lieu d'âme en ce nouveau corps.
Je suis Arthur, et si ma gloire est immortelle,
Que je le sois de même est juste rétribution.
Toutefois... Gurnemanz sera la pièce centrale,
L'interface du transfert,
Tant que le vaisseau tout entier dépend de lui.
Nous verrons.
GURNEMANZ
Messire, la voici.
Elle a bien survécu.
ARTHUR
Nous sommes arrivés, Oracle, tu l'as vu.
Maintenant dis-nous sur quelle planète il se trouve.
Le silence monta ; l'androïde chuintait.
GURNEMANZ
Réponds, prophétesse, le seigneur a parlé.
L'oracle leur jeta un regard de biais ;
Un œil sombre ou pulsait l'âme d'une obstinée :
L'ORACLE
S'il vous plaît de parler, je préfère me taire.
GURNEMANZ
Assez, parle, perfide.
Ou nous consumerons ton corps dans les plus atroces douleurs.
Sache qu'Arthur est le plus puissant des rois,
Tes dieux eux-mêmes ont fui devant son courroux.
L'ORACLE
Tu t'égares, instrument, car je suis déjà morte,
Et mon monde est loin.
De tes agressions aucune ne m'importe.
ARTHUR
Nul besoin, Gurnemanz. Ne gaspillons pas cet être.
Il se voyait déjà dans ce corps de prophète,
Parachevant son règne, et consacrant son nom.
ARTHUR
Petite impertinente, écoute ta raison.
À l'instant nous pouvons vaporiser un monde.
Mon pouvoir est immense, et ma folie féconde.
Nous sommes arrivés jusqu'ici par tes soins.
Abrège, maintenant, nous en avons besoin.
Vois ! Aucune, parmi tes croyances obscures,
Aucun parmi tes dieux ne peut défier Arthur.
Une veine battait sur sa tempe châtain ;
Il était souverain,
Elle serait forcée de le reconnaître.
Ce serait un de ses accomplissements ;
La raison qui le guidait irait jusqu'à la plus bornée
Parmi tous, et l'Oracle reconnaîtrait enfin son tort.
Les dieux ont été inventés par des lâches,
Pour priver les hommes des plus grandes gloires.
L'ORACLE
Vous êtes arrivés sur ma Terre natale.
Et à l'ordre bâti, donné un coup fatal.
ARTHUR
Je ne suis qu'un parmi les plus grands conquérants.
L'ORACLE
Vous avez tué nos dieux et bafoué les croyants,
Abattu leurs statues, remplacé leurs idoles.
ARTHUR
Et ta vindicte fière encore me désole.
Oui j'ai assassiné votre culte grégaire,
Rendu ton peuple heureux, et libéré la Terre !
Quoi ! Oracle, veux-tu m'intenter un procès ?
Pour avoir défriché le chemin du progrès ?
Comme ils l'étaient alors, tous ces espoirs sont vides,
Tu vis pour me noyer sous ta verve perfide.
J'ai attendu, patient, ton jugement céleste.
Tes dieux enfin sont morts, vaincus de ma main leste.
Je ne veux pas pour l'homme un enfer religieux,
Quand science et raison le portent vers les cieux.
L'ORACLE
Mais d'aucune des deux, vous ne connaissez rien.
Mon peuple avait ses dieux, son monde, et vivait bien.
Vous avez bu son sang, vous lui avez tout pris.
Et maintenant, Arthur, au soir de votre vie,
La Mort frappant trois fois à la porte cochère,
Le sommeil vous manquant, vous cherchez la lumière.
Vous êtes lâche, Arthur, d'une lâcheté rance.
GURNEMANZ
Assez, impertinente !
ARTHUR
Arrête, Gurnemanz.
Combien de planètes ?
GURNEMANZ
Cinq planètes rocheuses, dont l'éponyme Brocélia.
Une gravité terrestre. De la vie en surface.
Des objets en orbite.
ARTHUR
C'est ici, n'est-ce pas ?
L'ORACLE
Oui, c'est ici, vieux fou.
GURNEMANZ
Quelques autres détails que j'ai gardé pour vous.
Une station des Arcs en orbite lointaine,
Enfin derrière nous une flottille humaine.
Les rayonnements gamma suggèrent
Que des vaisseaux nous ont pris en chasse.
ARTHUR
S'ils font le moindre signe, et s'ils semblent agressifs,
Écrase-les de tout l'arsenal répressif.
GURNEMANZ
Ce sera fait, seigneur.
ARTHUR
Raccompagne l'Oracle.
Rends-moi compte sitôt de tout nouvel obstacle.
Nous irons sur ce sol, nous trouverons le Graal.
L'ORACLE
La mort vous chantera une ode sépulcrale.
Et si elle ne souhaitait pas être convaincue,
Il serait bientôt temps d'écraser son esprit récalcitrant
Sous la force du sien,
Et de laisser l'Oracle à l'oubli de l'Histoire.
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