5 : S'assumer

(13.11) /!\ Avancer projet final !!!!

MERCI POUR TOUT CE QUE TU FAIS POUR MOI, J'TAIME CHOUPETTE (-Clare)

...

-C'est de la merde ce 'contrôle de routine', se plaignit Elo en faisait des guillemets avec ses doigts pour les derniers mots. On perd du temps, et le temps c'est de l'argent. Fin, pour moi, c'est surtout du dodo en plus.

-Perso j'espère surtout qu'elle va pas nous faire de piqûre, dit Léo d'un air apeuré. Sinon j'te jure que je me mets à pleurer.

Elo roula des yeux, retrouvant le sourire.

Ces derniers jours avaient été nettement mieux que les précédents, car la jeune femme avait décidé de se reprendre en main. Depuis que ses conseils avaient tout réglé entre Clare et Justin -apparemment ils l'auraient refait peu après, pris dans la 'magie' de l'instant réconciliation, ouuuh-, Elo avait compris qu'il suffisait de communiquer pour régler les problèmes. Et étant donné qu'entre elle et Léo il n'y avait même pas réellement de souci, leur léger froid s'était dissipé aussi vite qu'il avait apparu, au plus grand bonheur de la jeune femme mais aussi à son plus grand étonnement. Elle se s'était pas rendue compte qu'en si peu de temps, Léo était devenu l'une des personnes qu'elle avait le plus hâte de retrouver en se levant le matin.

-Mademoiselle Palacio ? demanda l'infirmière en débarquant, les yeux sur sa liste.

-Bonne chance si y'a un vaccin, lui souffla Léo quand elle se leva.

Elo lui pressa gentiment la main puis suivit l'infirmière dans la petite pièce qui tenait lieu d'infirmerie à l'école de stylisme qu'elle fréquentait depuis déjà trois mois.

C'était la première fois qu'elle y entrait, étant donné qu'elle avait un système immunitaire en béton et qu'elle ne tombait malade qu'une fois tous les sept ans. Elle n'avait donc jamais eu l'occasion d'entrer ici, ni de rencontrer l'infirmière.

Celle-ci, de par son air rassurant, avait l'air d'avoir été conçue rien que pour exercer ce métier. Ses cheveux blonds et bouclés étaient relevés en une queue de cheval qui lui donnait un air accessible, mais également grâce au t-shirt Nirvana et le jean qu'elle portait visiblement en-dessous sa blouse.

-Éloane, c'est bien ça ? demanda-elle avec un sourire qui respirait la gentillesse.

-Juste Elo, répondit brune sans réfléchir.

-D'accord, dans ce cas moi c'est Seb.

-Seb ? répéta Elo en fronçant les sourcils.

-J'ai secrètement toujours voulu m'appeler Sébastien, dit l'infirmière avec un air blagueur.

La brune détourna le regard, surprise que cette femme se sente assez à l'aise avec elle pour plaisanter.

-Alors Elo, cette petite visite c'est juste un contrôle psychologique de routine. Je suis censée vérifier si tu n'as pas de tendances suicidaires liées au stress de la fac, par exemple. Aurais-tu quelque chose à me signaler ?

C'était une approche si directe que cela décontenança Elo. C'était visiblement le but recherché car l'infirmière esquissa un petit sourire tout en faisant légèrement tourner son stylo entre ses doigts.

-Non, répondit simplement Elo.

-Ok. Dans ce cas, tu peux y aller.

Elo resta vissée sur sa chaise, perdue.

-Vous plaisantez ? demanda-elle, sous le choc.

-Pas vraiment, dit 'Seb' en haussant les épaules. Par contre, si tu veux un conseil médical ou une question à poser, c'est le moment.

-Ça ira, merci. Je... Vais y aller, répliqua Elo en reculant sa chaise.

-C'est sûr ? Même pas une petite interrogation sur la contraception, le sexe, rien ? insista l'infirmière.

Elo enfila son sac à dos en répondant :

-Non merci, ça ira !

-Dis-moi Elo, est-ce que tu es vierge ?

Elo, qui avait déjà une main sur la porte, s'immobilisa aussitôt. Avait-elle bien entendu ?

-Pardon ?! lâcha la jeune femme en se retournant.

-Tu n'es en aucun cas obligée de répondre. Mais sache que je suis tenue au secret médical, et que je suis capable de parler de n'importe quoi. Même les fétichismes, les questions du style 'est-ce que c'est normal de mater du porno' et ce genre de choses.

Elo écarquilla les yeux et recula automatiquement d'un pas, se heurtant à la porte.

-Je vais me débrouiller avec mes problèmes de... 'Fétichisme', merci, répondit-elle.

-Je ne répéterai ces informations à personne, c'est promis. C'est un endroit sûr, ici. Tu ne seras pas jugée, ni parce que tu as eu un millions de partenaires ou parce que tu n'en as jamais eu. Par contre, si tu as des verrues plantaires, adresse-toi direct à un podologue. C'est vraiment le seul truc que je peux pas entendre.

Elo esquissa un sourire malgré elle en baissant la tête, parce que cette femme savait mettre à l'aise. Les doigts enroulés autour des bretelles de son sac à dos, Elo commençait presque à se demander si elle n'allait pas lui parler de Garance. Pas de tout, bien sûr, mais elle pourrait peut-être... Non, se ravisa-elle. C'est ton secret, ton boulet qui te fais couler vers le fond de l'océan. Pas question de le faire porter à quelqu'un d'autre en écoutant tes malheurs.

-Je réitère donc ma question : es-tu vierge ? répéta gentiment l'infirmière.

Tout se mélangeait dans la tête d'Elo. C'était trop difficile d'en parler à ses parents, à son frère et même à Clare, alors pourquoi le dirait-elle à une inconnue étrange qui lui demandait de l'appeler 'Seb' ?

Mais une voix, une petite voix, lui soufflait que c'était le moment. Elle n'aurait peut-être plus jamais l'occasion d'avoir des réponses à ses questions, de savoir.

-Dois-je prendre ton silence pour un oui ? demanda l'infirmière d'une voix douce.

-C'est plus compliqué que ça.

-Dans ce cas, je te propose de t'asseoir.

Les pieds d'Elo ne lui avaient jamais semblés aussi lourds. Elle se força à les soulever jusqu'à la chaise, où elle se laissa tomber. Elle se mit alors à pianoter sur sa cuisse, tendue.

-Pourquoi est-ce que c'est 'compliqué' ? demanda l'infirmière.

Les lèvres d'Elo semblaient peser une tonne, comme si tout son corps voulait l'empêcher de parler. Mais au fond d'elle, son cœur lui soufflait que c'était le moment qu'elle avait attendu. C'était maintenant ou jamais.

-Je... Je suis pas allée jusque là, bégaya Elo.

Des flashs douloureux apparaissaient sans prévenir derrière ses paupières, et Elo faisait tout son possible pour affronter le regard de l'infirmière et ne pas fermer les yeux. Tout ça lui faisait mal, très mal, trop mal.

-Tu as fait des préliminaires, c'est bien ça ? demanda gentiment la blonde, ses mains jointes posées sur son bureau en bois foncé.

-Je crois. Fin... Non. Je... J'en sais rien, en fait.

L'infirmière esquissa un sourire, et Elo se demanda une seconde si elle n'était pas en train de se foutre de sa gueule. Puis, 'Seb' écrivit quelque chose sur son papier avant de dire :

-Je pense que je sais où est le couac. Je viens de l'écrire sur mon papier, donc ce que je te propose c'est d'y jeter un œil. Tu regardes, et tu me dis. Ou tu pars, comme tu le sens. Je te l'ai dit : pas de pression, pas de jugement.

Elo sentit son cœur battre encore plus vite qu'avant alors qu'elle ne croyait pas cela possible. Et, quand l'infirmière déposa son papier devant la jeune femme, la tension atteint son paroxysme pour la brune. Elle sentait qu'elle suait de toutes parts, comme un tonneau rempli d'alcool qui fuirait bêtement. À cet instant, Elo se demanda si ce n'était pas son cœur qui fuyait, finalement.

Elle ferma les yeux, pressa ses paupières puis les rouvrit et se pencha vers le papier. Quand son regard heurta les mots qui y étaient inscrits, elle se sentit comme foudroyée sur place.

Ce que tu as vécu c'était avec une fille

Elo était sans voix, et n'arriva pas à articuler de réponse. Elle se contenta d'un minuscule hochement de tête, sous le choc.

-Je devrai jouer au tiercé plus souvent, sourit l'infirmière. Dis moi Elo, est-ce que tu es attirée uniquement par les filles ?

La brune hésita un instant. Elle n'avait jamais embrassé personne avant Garance, mais elle avait déjà eu de nombreux crush -accessibles ou non, d'ailleurs. Comme la plupart des filles, elle s'était imaginée prendre la place de Claire Danes pour jouer aux côtés du beau Leonardo DiCaprio dans Roméo + Juliette. Mais est-ce que tout cela comptait ? Est-ce que réellement, elle aimait les garçons ? Tout cela était si étrange, si mélangé et si flou dans sa tête qu'elle eut l'impression pendant une seconde que d'être confiée avant rendu la situation encore plus complexe qu'avant.

-Je pense que non, répondit Elo en avalant difficilement sa salive.

-Très bien. Mais si tu as accepté que tu pouvais aimer les deux sexes, où est le problème ?

Les mots se bousculèrent dans le cerveau de la jeune femme, mais aucun ne semblait convenir. Dans le fond, elle savait pourquoi. Si Clare avait toujours voulu être différente, Elo voulait rentrer dans le moule. Ses parents lui avaient appris qu'il fallait travailler dur, faire de grandes études, se marier jeune et avoir des enfants pour réussir sa vie. Or, Elo avait la prétention de rêver d'autre chose. Et ça, ça la terrifiait.

-J'ai peur de ne pas avoir ma place. Mes parents... commença-elle, la gorge douloureusement nouée. Mon père, corrigea Elo, n'accepte pas ma sexualité. Et... J'ai peur de jamais avoir d'endroit où me caser. De pas avoir de place.

-C'est à dire ?

Elo n'en revenait pas d'arriver à se confier de cette façon. C'est comme si les blagues de cette infirmière mêlées à son statut -qui lui impliquait de garder tout cela secret- avaient fait éclater toutes les serrures qu'Elo avait soigneusement imposées à tout ceux qui voulaient s'approcher de trop près à son cœur.

-Je ne trouverai jamais ma place. Ni parmi la communauté lesbienne, ni parmi les hétérosexuels. Je suis au milieu, toute seule. Et personne ne voudra plus de moi, ni les filles ni les garçons.

L'infirmière se mit alors à sourire, comme si tout ce qu'Elo lui disait était amusant, ou plutôt comme si cela l'attendrissait. La brune, quant à elle, était plutôt en train de se retenir de pleurer.

-La vie c'est pas tout blanc ou tout noir : ce n'est pas parce qu'une personne aime le tennis qu'elle déteste le basket, de la même façon qu'une personne n'est pas obligée d'être homosexuelle ou hétérosexuelle. Il y a des nuances de gris au milieu, Elo. Être bisexuelle, c'est une nuance de gris. Une très jolie nuance. Peut-être la plus belle.

-Je ne vois pas en quoi être bisexuel peut être beau, rétorqua Elo.

Une larme roula sur sa joue, emplie de regrets. Le regret de ne pas avoir dit à son père ce soir-là que oui, elle était bisexuelle, qu'elle pouvait aimer les filles et les garçons, et surtout que c'était normal. Elle aurait dû lui dire tout ça, au lieu de nier ses sentiments et de s'enfermer dans un personnage qui lui avait bouffé la vie pendant des mois entiers.

-Tu ne t'en rends pas encore compte, mais ça l'est. Tu tombes amoureuse d'une âme et pas d'un sexe. Je trouve ça très pur, expliqua l'infirmière.

-Vous êtes bisexuelle, vous aussi ? demanda alors Elo.

Après tout ce qu'elle lui avait révélé, elle avait bien le droit de poser une question indiscrète. Et, dans le feu de l'action, Elo trouvait cela presque légitime que l'infirmière lui réponde.

-Hé non, répondit la femme sans aucune gêne. Je suis pas très douée pour l'amour, moi, avoua-elle en grimaçant. Ça fait un an que j'ai divorcé, et je m'en remets toujours pas. Je pique son courrier pour vérifier qu'il n'a pas encore refait sa vie, et j'ai crevé les pneus de sa voiture quand je l'ai vu... Fin bref.

La blonde marqua une pause, prise dans le filet de ses pensées, puis se reconnecta à la réalité en s'exclamant :

-Mais on parlera de ça une autre fois si tu veux bien, parce que ça risque de prendre des jours à raconter ! Reprenons à propos de toi, s'il te plaît.

Elo se sentait déjà beaucoup mieux qu'avant. Elle s'était comme libérée d'un poids, d'un fardeau même. C'est comme si elle venait de déposer le sac de pierres qu'elle tirait à sa cheville et qui l'empêchait de se déplacer normalement depuis des mois.

-Quant à tes hésitations au niveau privé, sache qu'il ne suffit pas d'une pénétration pour pouvoir le qualifier 'd'acte sexuel'. Il faut juste de l'amour, expliqua l'infirmière.

Et de l'amour, Elo en avait senti. Quand elle avait embrassé Garance la première fois, elle s'était excusée en disant qu'elle ne savait pas ce qui lui avait pris. Puis la blonde l'avait embrassée à son tour, et c'était arrivé plusieurs fois. Beaucoup de fois, en réalité. Peut être trop de fois. Puis, un soir, alors qu'elles regardaient ensemble le coucher de soleil par la fenêtre de la grande chambre blanche de Garance, c'était venu. Comme ça, sans réfléchir. Elles avaient retiré leurs hauts, puis leurs bas et leurs sous-vêtements. Elles s'étaient touchées, aimées, regardées. Puis, quand Garance s'était levée pour aller chercher son téléphone à l'autre bout de la pièce, entièrement nue, Elo s'était dit qu'elle était heureuse. Vraiment, vraiment heureuse.

Et elle voulait l'être toute sa vie.

Alors, Elo se leva. Elle se sentait libre, libre comme elle ne l'avait jamais été. Désormais, elle avait compris qui elle était. Et normalement, tout allait s'arranger. Du moins, elle allait tout faire pour.

-À bientôt, dit l'infirmière en la raccompagnant à la porte.

-Merci pour tout. Et... Bonne chance pour votre mari, dit gentiment Elo.

-Ex-mari, corrigea l'infirmière.

-Ah bah oui. Ça pue un peu, les ex.

L'infirmière baissa la tête en souriant, puis répliqua :

-Appelle le prochain au passage, s'il te plaît.

Elo quitta alors la petite infirmerie, plus légère qu'elle ne l'avait jamais été. Dans le couloir, Léo n'avait pas bougé de sa chaise en plastique. Les coudes appuyés sur les genoux, il se mordillait les ongles, sûrement angoissé de ce qui allait lui arriver.

-Viens on se taille, répliqua-elle en attrapant la main du garçon.

-Quoi, y'avait un vaccin ? s'exclama-il, les yeux écarquillés.

-Mieux que ça, dit la brune en souriant. Allez vite, on y va !

-Mais où ? dit le brun alors qu'il se faisait entraîner dans le couloir sans avoir le temps d'opposer la moindre résistance.

Elo s'immobilisa alors, un immense sourire aux lèvres.

-On va jouer à cache-cache.

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