14 : Survivre pour de vrai
(2.08) nothing.
À CET INSTANT J'ESPÈRE ÊTRE EN TRAIN DE BRONZER SI FORT QU'IL VA TE FALLOIR 700 ANS POUR ME RATTRAPER KRKRKRKR (-Clare)
...
Tout était rentré dans l'ordre. Enfin, presque.
Après sa réconciliation avec Léo, elle avait décidé de lui laisser le temps de s'en remettre. Étant donné qu'ils avaient été en vacances particulièrement tôt -début juin-, ils n'avaient pas réellement eu le temps de rediscuter de tout ça. Ils s'étaient envoyés un ou deux textos nuls pendant le mois de juin, mais rien de plus. Elo commençait à désespérer.
Le mois de juillet avait filé à toute vitesse, avec les trois semaines en Ardèche chez ses grands-parents à faire des tartes aux pommes et à aider sa grand-mère à tailler les rosiers pendant que Justin réparait les voitures de collection de son grand-père dans le garage. Même si Elo n'était pas emballée à l'idée de se retrouver coincée trois semaines dans un bled paumé avec pour seule présence vivante Justin, ses grands-parents, leurs sept voisins et demi -l'un deux n'a même pas deux ans, donc il ne compte pas pour un entier ; et déjà quelle idée d'élever un gamin dans un endroit où l'eau courante peine déjà à exister ?- et leur chien Sirius -un vestige de la passion inconditionnelle d'Elo pour Harry Potter, elle avait vraiment aimé ces vingt-deux jours loin de la réalité. L'Ardèche, ça avait été une vraie parenthèse de bonheur. Et puis, contrairement à ce qu'elle avait imaginé, elle avait été si occupée qu'elle n'avait même pas eu le temps d'attendre indéfiniment un message de Léo, message qui n'arrivait toujours pas.
Elle avait passé la dernière semaine de son deuxième mois de vacances à dormir le jour et à regarder Netflix la nuit, rythme effréné qu'elle avait du quitter le dernier vendredi de juillet, quand Clare l'avait rejointe chez elle vers dix-sept heures et qu'elle n'était même pas encore réveillée.
-Tu te fiches de moi ? C'est ça tes vacances ? avait jugé la blonde en arquant un sourcil.
Elo avait eu envie de se défendre, mais était bien trop fatiguée pour le faire. Après tout, elle n'avait dormi que douze heures cette nuit.
Clare avait tout fait pour la bouger, mais Elo n'avait pas la force de faire quoi que ce soit. Léo lui manquait, et elle ne repartirait pas en vacances avant la rentrée : elle n'avait plus aucune raison de faire un effort. Clare, découragée, était partie vers dix-neuf heures, un peu énervée. Mais surprise : elle était revenue le lendemain en annonçant à Elo que celle-ci était, je cite, "totalement, absolument, complètement et rigoureusement obligée de venir "avec Justin et Clare dans le camping qu'ils avaient réservé. Elo avait catégoriquement refusé sans une hésitation. Passer deux semaines avec un couple à tenir la chandelle, non merci ! Et puis, c'était censé être leurs premières vacances en amoureux, elle ne voulait pas s'incruster et devenir la sœur/meilleure amie reloue. Non, non, Elo allait rester bien tranquillement dans son lit à vivre ses journées en décalé, c'était très bien comme ça.
Mais devinez quoi ? Elo est faible.
Mais bon, à cet instant, Elo est calée avec un coussin sur la terrasse d'un mobile-home en train de boire un Ice Tea alors, pour une fois, elle ne regrette pas d'avoir été faible.
-Toujours en train de lire vous deux, pesta soudainement Justin. Vous pouvez arrêter d'être ennuyantes s'il vous plaît ?
-On est intelligentes, nuance, le corrigea Elo, les yeux encore sur son livre.
Justin poussa un soupir, agacé. C'est vrai, elles étaient venues jusque sur la Côte d'Azur pour lire ? Avoir su, il aurait aussi emmené un Scrabble.
-Les plantes sauvages ? lu Justin en attrapant le livre des mains de Clare. Miskine, sérieux.
-Va te faire foutre ! Au moins je m'intoxiquerai pas si un jour de mange des fleurs.
-Ah bah c'est sûr qu'on mange des fleurs vachement souvent, ironisa Justin en se laissant tomber sur une chaise en plastique.
Les deux filles se replongèrent en moins d'une seconde dans leur lecture, puis Justin lâcha :
-On va à la plage ?
Pas de réaction de,la part des filles.
-Oh, c'est bon, vous pourrez lire là-bas ! râla-il.
Les deux filles échangèrent un regard complice et finirent par accepter.
-Maillot sexy ou maillot vraiment vraiment vraiiiiment putain de sexy ? demanda Clare en plaçant tour à tour les deux ensembles devant son corps.
-Les deux sont fous. Après, si tu veux t'amuser avec Justin ce soir, prends le deuxième, plaisanta Elo.
Clare eut un sourire taquin, puis répliqua :
-Va pour le deuxième.
-Par contre pas dans ma chambre, please. C'est déjà assez dur comme ça de vous regarder vous manger la bouche matin midi et soir.
Clare, qui était en train de retirer sa robe, se mit à rougir.
-Je suis désolée, Elo. N'hésite pas à me le faire remarquer, quand ça t'énerve. Je m'en rends pas toujours compte.
Elo pencha la tête, attendrie. Sa remarque partait d'une blague -une blague fondée sur des bases réelles, mais tout de même-, elle ne croyait pas que Clare allait s'excuser. La blonde était définitivement la meilleure des amies de cette planète.
-Je rigolais, Clarounette. Vous êtes mignons vous deux. Mignons à vomir, ajouta-elle avec un clin d'œil.
Clare se mit à rire et lui jeta gentiment sa robe dessus avant d'enfiler son maillot. Trente minutes plus tard, après avoir préparé toutes leurs affaires et avoir entendu tous les compliments salaces de Justin envers sa meilleure amie, Elo put enfin s'allonger sur le sable et oublier tous ses soucis. Le petit couple était parti se baigner et leurs éclats de rire résonnaient d'ici, ramenant Elo aux moments passés avec Léo. Elle vérifia son portable -chose qu'elle n'avait pas fait depuis presque quatre heures, un vrai progrès-, mais toujours pas de nouvelles. Rien.
Elo rangea rapidement son portable et se retourna sur le ventre, la gorge nouée. Si rien n'avait changé d'ici la fin du mois, la rentrée allait être affreuse. Et puis, comment allait-elle faire sans Léo à la fac ? D'autant plus qu'elle n'avait toujours pas de stage.
Décidément, les vacances n'étaient pas aussi reposantes qu'on le disait.
...
-Pas mal la ptite !
Elo poussa gentiment le bras de Justin, qui venait de ruiner sa coiffure en deux temps trois mouvements.
-Je me suis lissé les cheveux, ducon ! s'exclama-elle, avec pourtant un joli sourire aux lèvres.
-Pardon, pardon, s'excusa Justin avec une voix de bourge exagérée. Tu dragues, ce soir ?
-Non, dit Elo, la gorge serrée.
-Même avec deux verres dans le pif ?
-Toujours pas.
Justin posa sa main sur son épaule et déclara d'un air solennel :
-Nickel, ça m'évitera de te surveiller toute la soirée. Les gars d'ici sont vachement chauds, je sais pas si c'est la température qui leur monte au nez mais mama ! Déjà que j'ai déjà failli tuer cinquante-six gars qui regardaient Clare avec un peu trop d'insistance, ça m'arrange de ne pas en avoir plus à violenter.
Elo lui adressa un sourire en enfilant ses sandalettes. C'est vrai, elle avait fait un effort ce soir, sans raison apparente. Elle avait juste eu envie de sortir sa jolie robe blanche et ses créoles dorées, histoire d'être jolie au moins 2% de cette semaine sur la Côte. Et puis, on était déjà jeudi et ils partaient dimanche, alors c'était le moment.
-Héééé, mais ma meuf n'est pas mal non plus ! s'exclama Justin en attirant Clare vers lui quand elle pénétra dans la chambre.
-Pas mal ? Je t'emmerde, ça fait une heure que je me maquille ! Je mérite mieux qu'un "pas mal" !
-J'avoue, j'avoue. C'est joli, ton truc noir sur les yeux.
-De l'eye-liner, Justin, dit Elo en roulant des yeux. Ça s'appelle de l'eye-liner.
-Et il est chocolat, pas noir, rétorqua Clare.
Justin se laissa tomber sur le lit en ouvrant grand les bras tel Jésus sur sa croix, et s'exclama :
-Il faut que cette semaine se finisse vite.
Moins de vingt minutes plus tard, ils avaient réussi à rejoindre la fête au port sans trop de soucis. Pour l'occasion, certains locaux avaient ouvert leur bateau et proposaient d'y passer la soirée, moyennant une dizaine d'euros par personne. Ils se baladèrent pendant une petite heure pour choisir le bateau qui leur plaisaient le plus, et Justin réussit à embrouiller le gars qui les fit passer pour moins de cinq euros chacun. Un champion.
Pourtant, une fois sur le bateau, Elo n'arrivait pas à s'amuser. Malgré la musique plutôt sympa et les compliments de deux garçons, elle avait l'impression de s'ennuyer et d'être invisible. Elle se sentait invisible parce que les seuls compliments qui lui importaient ne pouvaient pas lui être offerts, là maintenant. Et voilà, ça y'est, elle était encore en train de penser à Léo. Une vraie malédiction, ce garçon.
Sans réfléchir, elle attrapa une coupe de champagne sur le plateau de l'un des serveurs -elle était à moitié vide, signe que quelqu'un avait déjà bu dedans mais quelle importance ?- et s'adossa à la rambarde, le vent dans ses cheveux.
C'était les vacances, elle avait dix-huit ans et elle était en pleine santé, mais elle n'arrivait pas à se lâcher alors que le contexte était parfait. Un regard derrière elle lui apprit que Justin était en train de faire tournoyer Clare sur la piste de danse et qu'ils avaient l'air de bien s'amuser, eux. Alors pourquoi est-ce qu'Elo n'arrivait pas à lâcher prise ?
-Jolie robe, commenta soudain une voix derrière elle.
Persuadée d'entendre le même mec que tout à l'heure, Elo répondit sans même se retourner :
-Merci, bonne soirée.
-Pas très polie la gamine, commenta alors la voix.
Elo, les sourcils froncés, se retourna brusquement, prête à lancer une pique bien sentie à son interlocuteur. Quelle ne fut pas sa surprise de reconnaître Léo, son Léo, juste sous ses yeux.
Il était tellement beau, en plus. Avec sa chemise blanche et ses cheveux plus courts, il semblait plus mature. Il avait lui aussi une coupe de champagne à la main -elle était pleine à ras bord, signe qu'il venait d'arriver- et la regardait, un petit sourire en coin.
-Sa grande tante, murmura-elle.
Voilà qu'elle se mettait à voler les insultes de Clare, maintenant ! L'heure était décidément très grave.
-Que... Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-elle en s'avançant d'un pas.
-On m'a dit que t'avais mis une putain de robe, je suis venu vérifier.
Alors, leurs lèvres s'incurvèrent en même temps et Elo se blottit contre lui. Ils se serrèrent dans les bras quelques instants, puis ils se regardèrent dans les yeux un instant et Elo approcha doucement ses lèvres de celles du garçon. Après quelques secondes, elle n'était plus qu'à quelques centimètres de sa bouche qu'il se détourna. Et merde.
-Hé oh, tu m'as pris pour un mec facile ?! s'indigna-il d'une voix haut perchée. Va falloir ramer pour me récupérer, ma poule.
Les yeux d'Elo s'illuminèrent.
Bon sang ce qu'il m'a manqué, pensa-t-elle.
Maintenant que Léo était là, la soirée paraissait beaucoup plus agréable à Elo. Ils étaient allés saluer Clare et Justin -Clare avait failli pleurer de joie en voyant le sourire d'Elo, quel cœur de guimauve- puis s'étaient mis à danser comme des fous sur la piste. Les gens les regardaient un peu de travers, mais ils n'en avaient rien à faire. Ils étaient deux à être ridicules, et la chose était soudainement beaucoup moins grave.
Quand ils étaient deux, plus rien n'avait d'importance.
Puis, tout en chantant Colonel Reyel -ils avaient toujours eu les mêmes références- ils étaient partis explorer le bateau. Ils avaient réussi à trouver la cabine de pilotage, qui n'était par miracle pas fermée à clé. Ils avaient claqué la porte derrière eux en rigolant comme des gamins, puis ils s'étaient installés chacun sur un siège.
-Plus à bâbord, commandant ! blagua-elle en tournant le volant dans tous les sens.
-Heureusement que le bateau est attaché parce que je te jure que là, on se serait payés la digue. Ou on serait morts noyés, au choix.
-Dans les deux cas c'est pas glorieux, dit Elo en souriant.
Le silence les enveloppa doucement. C'était la première fois depuis leurs retrouvailles en début de soirée qu'ils se retrouvaient de nouveau seuls, et qu'ils n'étaient pas en train de faire les idiots. D'ici, la musique résonnait derrière la porte et ils entendaient même le bruit des vagues.
-J'ai pas arrêté de penser à toi depuis le début des vacances, dit alors Léo sérieusement.
Ça lui arrivait si peu souvent d'être sérieux qu'Elo mit bien une minute à s'accoutumer à la situation.
-Moi aussi.
Ils se regardaient, encore et encore.
-J'ai bien fait de venir, alors ? demanda-il, un sourire irrésistible aux lèvres.
-Oh que oui.
Elo se mit debout et enjamba son accoudoir pour rejoindre Léo sur son siège. À califourchon sur lui, sa robe n'était plus sur ses jambes et il ne restait que sa culotte et le jean de Léo entre leurs peaux.
-Tu m'as manqué, dit alors doucement Elo.
-Je t'ai manqué comment ? dit-il avec un sourire taquin.
-Fort.
-Fort comment ?
Elo déposa ses lèvres sur celles de Léo, et ils entrouvrirent les lèvres au même moments. Leurs langues se trouvèrent aussitôt sans s'entrechoquer, une habitude agréable qu'ils n'avaient pas perdue. Elo retira sa robe d'elle-même, sans lui demander son avis. Et vu son regard quand il aperçut son soutien-gorge, il ne sembla pas s'en plaindre.
Ils étaient tous les deux en sous-vêtements quand Léo interrompit leur étreinte en murmurant :
-Bouge pas.
Elo, surprise, fronça les sourcils en le regardant passer sur l'autre siège. Il sortit son téléphone de sa poche, puis dit :
-Allez, souris.
La brune n'eut pas trop de mal à s'exécuter. De toute manière, son sourire n'avait pas quitté ses lèvres depuis qu'elle avait retrouvé Léo.
-Je l'ai envoyé à Garance, dit-il alors avec un grand sourire en rejoignant de nouveau Elo sur son siège.
-T'es vraiment un ptit bâtard, murmura-elle sans pour autant arrêter de sourire alors qu'il l'embrassait dans le cou.
-Œil pour œil, dent pour dent. Et maintenant, doigts pour chatte.
-Gros porc !
Ils éclatèrent de rire en même temps, puis leurs lèvres se rencontrèrent de nouveau.
Cette nuit-là, Elo comprit que cette année elle n'avait pas fait que survivre.
Cette année, Elo avait vécu pour de vrai.
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