10 : Arrêter de fumer
(20.03) réviser pour exams (dans 1mois !!!!!!!!)
PSSSSST : T'ES LA PLUS BONNE BONNE BONNE DE MES COPINES (-Clare)
...
-Tu m'en passes une ?
Elo releva la tête et dévisagea Clare, relevée sur ses coudes.
-T'es tarée ou quoi ? Tu fumes pas, toi.
Elo, une cigarette éteinte coincée entre les lèvres, observa Clare faire la moue avec amusement.
-Pourquoi toi t'aurais le droit et pas moi ? Je veux fumer, moi aussi. Juste pour voir ce que ça fait, promis ! jura la blonde.
Elo ne put s'empêcher d'imaginer Clare et elle au même instant, il y a des années. Elles avaient à peine treize ans, elles étaient allongées dans le parc et grignotaient des nuggets froides en regardant les nuages, tradition qu'elles avaient perpétué jusqu'à la fin du lycée. 'Je veux me faire un deuxième trou aux oreilles, moi aussi. Juste pour voir ce que ça fait, promis !' avait-elle dit. Alors Elo avait souri, puis lui avait lancé une touffe d'herbe en lui disant que dans le fond, elle savait qu'elle n'en avait pas vraiment envie. Alors Clare avait abdiqué, puis avait dit 'mais je veux être comme toi, moi.' Et Elo ne l'avait jamais oublié.
-Tu vois tous ces imbéciles qui disent qu'il ne faut pas commencer parce que sinon on ne peut plus arrêter ? Hé bah ils ont raison, lâcha Elo en haussant une épaule.
Clare se mit à rire, les mains posées sur son ventre qui se soulevait rapidement à chaque respiration. Elle était particulièrement jolie, aujourd'hui. Peut-être était-ce son débardeur jaune, sa jupe en jean ou ses nouvelles Doc Martens. Mais en réalité c'était juste le brouhaha parisien, ce grand parc ensoleillé et la présence d'Elo qui la rendait aussi jolie. Elle était jolie parce qu'elle était heureuse, en fin de compte.
-Dans ce cas on se la joue Augustus Waters, dit finalement Clare en relevant légèrement la tête. Files-en une.
Elo, les sourcils froncés, capitula et lui tendit une cigarette. Clare la prit d'une main maladroite et imita sa meilleure amie en copiant sa position. Puis, un grand sourire aux lèvres, elle déclara d'une fausse voix grave :
-'Tu glisses le truc qui tue entre tes lèvres, mais tu ne lui donnes pas le pouvoir de te tuer.'
-Archi stylé, dit Elo en rigolant.
Clare se mit à sourire tellement fort que la cigarette en tomba de ses lèvres, ce qui fit exploser de rire Elo.
Les deux filles étaient là, allongées sur le ventre au soleil, leurs lunettes de soleil de divas tout fraîchement achetées sur la tête et des sourires comme scotchés au visage. Elles étaient toutes les deux, encore et toujours. Toutes les deux contre le reste du monde s'il le fallait.
-Oh, au fait ! s'exclama soudain Clare en donnant une tape sur le bras d'Elo. Justin m'a proposé de partir avec lui en vacances, cet été.
-Il m'en a glissé un mot, ça va être cool, répondit Elo.
En effet, Justin avait pensé que ça serait un cadeau d'anniversaire parfait pour Clare. Une semaine de vacances dans un camping avec vue sur mer sur la Côte d'Azur pour passer du temps à deux avant de commencer une nouvelle année. Semaine qui allait lui coûter des nuits entières passées à surveiller des parking la nuit -son nouveau job d'été-, alors il y avait intérêt à ce que ça lui plaise.
-Tu sais, je suis super contente qu'il fasse des projets aussi... lointains. Je veux dire, il pourrait se demander si on sera encore ensemble en août ; et il le fait pas. Ça me touche beaucoup.
-J'en étais sûre, dit Elo en lui donnant un coup de poing amical dans l'épaule. Vous me saoulez vous deux, trop couple goals.
-Tu peux parler, madame-je-me-décolle-plus-de-Léo ! s'écria Clare, indignée.
Elo ne nia pas, parce qu'elle savait que c'était vrai et cela ne lui déplaisait pas du tout. Elle avait passé tout le mois de mars aux côtés de Léo, à se taquiner en cours, à partager des cigarettes et à atterrir au kebab du coin tous les mardis. Ils étaient des amis plus plus plus, et désormais Elo ne se voyait plus sans lui. Ils étaient comme une addition ; elle était le premier chiffre, il était le deuxième et leur relation était la somme. Un ensemble qui fonctionnait particulièrement bien, et qui par-dessus tout la rendait très heureuse.
-D'ailleurs, jt'ai pas dit, commença Clare. Sofiane a essayé de m'embrasser, samedi soir.
-Nooooon, sérieux ?! s'exclama Elo, les yeux écarquillés. Il manque pas d'air, celui-là !
-Et attends, tu sais pas ce qu'il m'a dit quand je l'ai repoussé ! 'Tant pis, je vais essayer avec Naomi.'
Elo, sous le choc, ne put s'empêcher d'éclater de rire.
-Je suis morte, c'est vraiment un taré ce gars, commenta la brune en secouant la tête.
-Ouais, lâcha Clare en abaissant ses lunettes de soleil sur son nez.
Désormais assise, le visage tourné vers le soleil et les mains dans l'herbe, la jeune femme semblait encore plus zen qu'auparavant.
-Au début j'étais un peu engourdie et déçue de me dire que ce mec n'était pas vraiment mon pote, dans le fond. Mais finalement je me rends compte que je m'en fiche un peu. De toute façon, je me rends compte qu'il était assez pathétique.
Elo eut l'impression que c'était une autre personne qui parlait à la place de Clare, mais pour la première fois elle se prit à adorer cela. Et, face à l'attitude de queen de sa meilleure amie, Elo éclata de rire.
-Quoi ?! demanda Clare, un grand sourire aux lèvres. Y'a rien de drôle !
-Je sais pas, je trouve ça tellement génial, dit Elo. Y'a un an, tu m'aurais parlé de cette histoire pendant cinquante ans en analysant la situation sous toutes ses coutures, ajouta-elle.
-T'as cru quoi ? J'suis mature maintenant, dit Clare en passant ses cheveux derrière son épaule en se donnant de l'attitude.
Elo se mit à rire de plus belle, puis Clare poussa un léger soupir et se rallongea aux côtés de la brune. Leurs bras se touchaient, et elles se donnaient des petits coups de pieds en rythme avec leurs Converse assorties en regardant le ciel. Elles étaient là, ensemble, heureuses.
Alors, Elo pensa que c'était le bon moment pour tout lui dire. Lui parler de sa sexualité, de ses envies, de qui elle était. Peut-être même lui parler de son histoire avec Garance et ses doutes avec Léo. Elo avait besoin de retrouver sa meilleure amie à cent pour-cent, et pour cela elle devait être honnête jusqu'au bout.
-Je voudrais te dire quelque chose, lâcha alors Elo.
La brune avait le cœur au bord de l'implosion. C'était si dur, pourquoi était-ce si dur ? Et pourquoi est-ce que les bisexuels, les pansexuels, les homosexuels et tous ceux qui étaient différents devaient-ils avoir à faire quelque chose d'aussi difficile que d'exprimer ses sentiments de la façon la plus crue possible ?
Clare, qui semblait ne pas prendre sa meilleure amie au sérieux, lâcha un 'hum ?' peu impliqué dans la conversation.
-Je suis bisexuelle.
Il y eut un long silence, si long qu'Elo se demanda si sa meilleure amie ne s'était endormie. Les sourcils froncés, le cœur battant, la brune se tourna vers Clare et découvrit avec stupeur que celle-ci la regardait déjà avec un sourire en coin.
-Je devrais jouer au loto plus souvent, dit alors celle-ci.
-Quoi, tu le savais ?! s'exclama Elo en se relevant sur un coude.
-Évidemment, tu me prends pour qui ? dit Clare avec un air supérieur, son immense sourire pourtant toujours sur les lèvres.
Le cerveau d'Elo était en vrac. Elle avait l'impression d'avoir bu et d'être à côté de ses pompes, comme dans un monde parallèle.
-Mais... Comment ? Fin... Comment tu l'as su ? balbutia Elo, les joues brûlantes.
-Rohh je te connais presque comme si je t'avais faite, et ça c'est un secret pour personne.
-Sérieusement, Clare.
Le sourire de la blonde s'effaça quelque peu, et elle expliqua :
-Je le sais depuis qu'on a huit ans, et que tu m'avais dit que Rachel McAdams était la femme de ta vie.
Elo secoua la tête, amusée malgré tout.
-J'étais un bébé, se défendit-elle d'une voix douce.
-T'étais un bébé, oui, mais un bébé sérieux. C'était assez drôle parce que j'avais un gros crush sur Ryan Gosling, et toi tu ne me parlais que Rachel McAdams. 'Elle a des beaux cheveux, Rachel', 'oh moi je voudrais sortir avec Rachel !' imita Clare d'une voix fluette.
Elo lui donna un coup de coude et elles se mirent à rire en même temps.
-Quand même, je pensais avoir été plus discrète, finit par dire Elo, les yeux rivés sur les nuages.
-Pas tellement. Je te voyais de temps en temps regarder les jolies filles dans la cour, mais tu détournais vite le regard, comme si tu t'en voulais. Et j'avais peur d'appuyer sur quelque chose qui te faisais mal, alors j'ai fermé ma grande bouche.
Elo regarda alors Clare d'un air attendri et laissa tomber sa tête sur son épaule. La blonde, qui était en train de faire des nœuds à des brins d'herbe, se mit à sourire aussi.
-Je regardais qui ? demanda alors Elo, qui venait de prendre conscience qu'elle ne souvenait même pas de ce genre de détails.
-Léna Maillet, Tess Maréchal... Angélique-blonde-plus-blonde, aussi !
Elo explosa de rire à l'entente de ce surnom qu'elle n'avait plus entendu depuis bien longtemps. Un matin, alors que Clare racontait qu'elle avait croisé la fameuse Angélique au H&M du coin, Elo avait eu un bug et ne voyait soudainement plus qui était cette fille. Alors que Clare n'avait rien trouvé de mieux comme adjectif que 'blonde' pour la décrire, celle-ci était passée devant elles... Avec les cheveux teints en rouge. Depuis, elles l'avaient surnommée Angélique-blonde-pas-blonde entre elles pour ce souvenir de ce fou rire.
-Oh, et Garance aussi ! s'exclama soudainement Clare. Ah ouais, Garance tu la regardais souvent, ajouta-elle en rigolant.
Le cœur d'Elo se serra. Si sa meilleure amie avait deviné qu'elle était bisexuelle, elle ne semblait pas s'être posée de questions sur Garance. Elo, le regard dans le vague, eut envie de tout dire à Clare. C'était le moment idéal, et elle sentait que c'était une étape obligatoire pour pouvoir tourner définitivement la page, comme un péage où on doit forcément dégainer la carte bleue pour continuer la route des vacances.
-Je suis sortie avec Garance, dit alors Elo d'une toute petite voix.
Cette fois, le silence fut plus bref mais aussi plus intense. Clare se recula, les yeux écarquillés, et lâcha :
-Non ?!?
Elo fuit son regard, une boule dans la gorge. Pourquoi était-elle aussi mal d'avouer tout ça ?
-Oh mon dieu, je pensais pas que... Je me doutais que tu étais bisexuelle, mais Garance, c'est... Waouh.
Clare marqua une pause, les yeux dans le vide, comme si son cerveau tournait à plein régime. Pendant ce temps, Elo continuait de la fixer, un goût de bile dans la bouche à cause de son angoisse.
-Oh sa grande tante, lâcha alors Clare d'une voix blanche. Garance est l'ex de Léo, et Léo est ton mec, mais Garance est aussi ton... OH SA GRANDE TANTE !
Elo poussa un gémissement et cacha son visage dans ses mains.
-Avoue ça craint, dit alors Elo.
-Carrément. Mais attends, tu te rends compte des probabilités pour que Léo soit sorti avec Garance ? Fin je veux dire, elle n'arrêtait pas de mettre des stories Instagram quand elle était avec lui. Comment ça se fait que tu ne l'aies pas reconnu ?
-Il était toujours de dos ! se défendit Elo. Et puis merde, si j'avais su que son mec faisait aussi du stylisme j'aurais pu me méfier !
-J'avoue, c'est grave la merde. Mais il le sait Léo, que tu es sortie avec Garance ?
Elo ne dut pas sembler très convaincante, parce que Clare ouvrit de grands yeux et plaqua une main sur sa bouche avant d'éclater de rire.
-C'est vraiment pas marrant ! râla Elo en lui donnant une tape sur la cuisse. Je te raconte que mon ex est aussi celle de mon copain, qu'en plus il n'est pas au courant et toi tout ce que tu trouves à faire c'est rigoler !
-Mais attends Elo, depuis quand ta vie ressemble autant à un film ? C'est vraiment trop génial, expliqua Clare entre deux rires.
Elo soupira en attendant que sa meilleure amie se calme. Si la brune avait déjà constaté que la situation était compliquée, elle ne l'avait jusqu'alors jamais exprimé à haute voix. Et maintenant que c'était fait, elle se rendait compte que c'était encore plus grave que ce qu'elle avait pu imaginer.
Une fois calmée, Clare se rallongea à côté d'Elo, essoufflée à cause de son fou rire en solo.
-Tu sais ce que tu devrais faire ?
-Quoi ?
-Fermer ta gueule.
Elo fronça les sourcils.
-Très fun, remarqua la brune d'une voix emplie de sarcasme.
-Je suis sérieuse, reprit Clare d'un ton qui ne laissait pas de place au doute. Pour dire à Léo que tu es sortie avec Garance, il faudrait déjà qu'il sache que tu es bi. Et, honnêtement, est-ce qu'il est vraiment obligé de le savoir ? Je veux dire, c'est archi privé ! C'est pas parce que tu rencontres une personne qu'elle est automatiquement obligée de savoir qui tu baises, qui tu aimes et qui tu as aimé.
Elo, sous le choc, se retourna sur le côté de sorte à regarder Clare en face.
-Juste pour ce que tu viens de dire, je t'aime encore plus qu'il y a dix secondes.
La blonde lâcha un 't'es bête' en souriant, puis ajouta d'un air doux :
-'Nous sommes des produits de notre passé, mais cela ne signifie pas que nous devons en être prisonniers'.
-Pas mal. C'est de qui ?
-Instagram.
Les deux filles se mirent alors à rire, puis Clare attrapa les mains d'Elo et demanda d'une voix excitée :
-Alors raconte-moi tout : c'est comment, de faire l'amour avec une fille ? Fin, si vous l'avez fait.
Elo ne put s'empêcher de sourire. C'était exactement le genre de détails qu'une fille a envie de raconter à ses copines, histoire d'en papoter et d'en rigoler pendant des heures.
-Oui, on l'a fait. Et, franchement, c'est plutôt cool. Vraiment très cool, même.
-Donne des détails !
Voilà comment Elo se mit à raconter ses émois avec Garance, et constata au passage qu'elle s'en souvenait comme si c'était hier. Elle pensa que comme on lui avait toujours répété, on n'oubliait jamais vraiment sa première fois, qu'elle soit avec un garçon ou une fille.
Et puis, en racontant tous ces détails intimes, c'est comme si soudain sa relation avec Garance n'était plus une honte. C'était juste un couple adolescent qui s'était mal terminé, rien de plus. Ce n'était ni une histoire entre deux filles, ni une histoire pour 'tester', ni une histoire homosexuelle. Juste une histoire d'amour, et c'était beaucoup mieux comme ça.
Et, à la fin de l'après-midi, Elo se prit à penser avec plaisir qu'elle se sentait libérée, comme délestée d'un poids. Raconter sa vie à sa meilleure amie était encore plus efficace que de se confier à un psy : pas de jugement, pas de risque que cela soit répété, avec en plus la promesse de conseils uniques puisque seule cette personne la connaissait mieux que personne.
Clare était sa meilleure thérapie, et le serait toujours.
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