- Chapitre 7 -


- Bonjour tout le monde ! J'espère que vous avez bien dormi ! Haha !

L'odieuse voix de l'homme me réveilla en sursaut. Quelques tâches noirâtres apparurent sur mon champ de vision puis disparurent aussitôt.

- Aujourd'hui, il va encore y avoir des épreuves ! C'est cool non ?

- Non, répondit Antony.

- C'est bien dommage pour toi mon petit ! Je vous prierais de vous rendre dans la salle à droite !

Un pan de mur coulissa alors, dévoilant un petit couloir. Pas encore totalement réveillée, lorsque je me relevai, mes jambes se dérobèrent. Énervée par les évènements et la pression qui me submergeaient, ainsi que la discussion que j'avais eue avec Quantin la nuit dernière, je frappai de mon poing le sol bétonné.

- ASSEZ !!! J'EN AI ASSEZ DE TOUT ÇA !!!

Je levai les yeux vers les autres adolescents. Katarina et Diana fixaient d'un air débile le sol, Martin avait esquissé un mouvement en arrière, une expression de peur plaquée sur son visage, Antony me regardait d'un air las et blasé, et Quantin...

Il y avait de la tristesse dans ses yeux. Ses yeux verts, habituellement pétillants étaient ternes. Ses épaules étaient affaissées. Il avait l'air... Déçu ?

Je n'en avais rien à faire...

Un silence aussi lourd que des milliers de tonne de plomb s'était violemment abattu sur nous. Malgré la grandeur de la salle, à cause de tout ce béton brut, je me sentais mal à l'aise, oppressée, étouffée, prise au piège, sans aucune issue à ma disposition. J'avais l'impression que le plafond allait me tomber dessus et m'écraser sans que je ne puisse agir.

Les yeux exorbités, les ongles raclant le sol, le dos dressé à la manière d'un chat, suffocante et le souffle court, je m'exclamai :

- ALLEZ TOUS VOUS FAIRE FOUTRE !!!! VOUS ÊTES TOUS AUSSI IDIOTS LES UNS QUE LES AUTRES !!!!

Je respirai vite, je sentais le sang affluer sur mes tempes à une vitesse vertigineuse, j'avais chaud.

Je ressemblai à un animal sauvage.

Personne ne disait un mot.

De fragiles larmes de rage quittèrent mes yeux et allèrent s'écraser pitoyablement sur le puissant sol de béton.

J'étais fatiguée. J'en avais marre de réfléchir. J'en avais marre d'être à cet endroit. J'en avais marre d'être affublée de toutes ces émotions.

J'en avais marre de vivre.

S'il y avait eu un quelconque moyen de mourir facilement dans cette prison de ciment, j'aurais sauté sur l'occasion sans aucune hésitation.

Malheureusement, il n'y avait rien.

J'étais condamnée à me tourmenter, bloquée dans ce bloc bétonné.

Je n'avais pas envie de participer à ces épreuves sans aucun sens. Et je n'avais rien à faire du sort de Quantin.

- Voyons Elliko... semblait m'encourager monsieur Frangie avec un ton compatissant, ce qui m'énerva encore plus. Tu n'as pas besoin de te mettre dans cet état, tu sais... Tout le monde-

- TAISEZ-VOUS SALE FOU !!!! le coupais-je brutalement en me levant.

- Fou ? Tu penses que je suis le seul fou ici ? Non, affirma-t-il d'une voix douce. Toi aussi, tu es folle.

- Elliko n'est pas folle. Elle est juste perdue. Elle a juste besoin d'affection.

Mon regard s'agrandit et se posa sur celui qui venait de prendre la parole.

Quantin.

A la seconde même où il prononça ces mots, il fut la personne que je détestai le plus dans ce pitoyable monde.

- POURQUOI TU PRENDS MA DÉFENSE ???!!!

J'étais devenue une bête féroce. Je ne me contrôlais plus. J'avais bondit sur lui, poussant un cri bestial, et mon poing partit rencontrer sa joue sans que je le lui demande.

J'étais en colère. Je me sentais piégée. Je sentais mon faible cœur se compresser dans ma poitrine. Je sentais les larmes rouler sur mes joues en feu. J'avais l'impression que l'on me broyait le crâne. Je pensais qu'à tout instant mes yeux allaient sortir de leurs orbites, tellement ils étaient écarquillés. Je n'arrivais plus à respirer. Je posai mes mains dont les doigts étaient tordus par l'excès de violence autant intérieure qu'extérieure, sur mon visage.

C'est à ce moment là que je réalisai que ma santé mentale avait fini sa dégringolade effréné. J'avais atteint les profonds abysses de la folie.

Le garçon aux yeux verts me regardait, peut-être surpris par mon geste, peut-être dégoûté, peut-être compréhensif. J'étais dans l'incapacité de le définir.

Il frotta sa joue, quelque peu mécontent, puis posa ses mains sur mes épaules, que je chassais instantanément et rageusement. Il plongea son intense regard dans le mien.

- Ne l'écoute pas.

L'affreuse envie de le frapper m'envahissait, cependant je décidai de reprendre mon calme. Je fermai les yeux, puis essayai de contrôler malgré la difficulté ma respiration irrégulière. Mon corps cessa peu à peu de trembler et se détendit.

Redevenant peu à peu humaine, je rouvris les yeux et lui envoya un lourd regard chargé de toute la haine que j'éprouvais.

- Je n'ai pas besoin de ta misérable aide. Compris ? articulais-je durement.

Je me redressai, posai mes mains sur mes hanches et contemplai la scène. Les deux filles se tenaient l'une contre l'autre, aussi terrifiées qu'une faible proie face à un dangereux prédateur. Martin transpirait à grosses gouttes, sa poitrine se soulevait à une vitesse incroyable. Antony, pour la première fois, semblait réellement mal à l'aise. Il avait compris qu'il ne pouvait rien faire face à moi et sa fierté en avait pris un coup. Quantin, avait baissé les yeux. Il semblait... Épuisé. Tous, étaient figés, immobiles. Le silence était maître en ces lieux, mais contrairement à celui qui s'était posé plus tôt, il n'était pas pesant. Il était... Parfait. J'avais l'impression d'être un peintre, observant dans la plus grande fierté son œuvre. C'était moi qui avais créé cet effroi, cette terreur, cette épouvante. Et cela me rendait fière au-delà du possible. Un effroyable sourire de satisfaction naquit sur mon visage.

- Bien...

Je décidai de casser la perfection de cette scène, même si j'aurais voulu la contempler jusqu'à la fin des temps, et me dirigeai vers le couloir qui s'était dévoilé quelques instants plus tôt.

- Vous devriez suivre Elliko, si vous ne voulez pas crever de faim dans cette salle... lança de façon sarcastique monsieur Frangie aux idiots.

Ce fut Antony qui se décida en premier à agir. Il marcha d'un pas rapide, me dépassa sans un regard comme s'il était nerveux, et entra dans la pièce suivante. Je le rejoignis en un instant, lui adressai un sourire tout sauf amical ce qui le fit s'éloigner le plus possible de moi. Martin arriva par la suite. Sa démarche était hésitante et irrégulière, et sa respiration saccadée. Les deux filles pénétrèrent à leur tour dans la pièce, toujours collées l'une à l'autre. Quantin arriva enfin, en dernier. Il me lança un regard empli de désespoir et de pitié, que j'ignorai complètement avec dédain.

La pièce était plutôt semblable à la précédente. Sauf qu'il y avait trois chaises étranges et, en face de chacune, trois interrupteurs semblables à ceux que l'on trouve dans les jeux télévisés.

- Je ne participerais pas à cette stupide épreuve, telle qu'elle soit, déclarais-je en croisant les bras.

- Quoi ?! s'exclama mon binôme. Tu veux que...

- J'ai dit que je n'y participerai pas. Alors, je n'y participerai pas. C'est clair ?

- Mais je... Et tu penses aux conséquences ?? me demanda-t-il, en haussant la voix sous la domination de la peur et de l'angoisse.

Je m'approchai de lui en le toisant, le dominant de toute ma grandeur.

- Du un, tu ne me parles pas sur ce ton. Et de deux... Non. Et concrètement, je m'en fiche.

- Si Elliko refuse de participer, étant donné que vous êtes un duo, Quantin, tu es exempté de cette épreuve.

Le garçon ouvrit grand ses yeux verts, abasourdi par cette annonce.

- Moi aussi je ne veux pas faire cette épreuve ! s'indigna Antony.

Les autres commencèrent à protester, plus ou moins bruyamment. Qu'est-ce que ces microbes m'agaçaient !

- Certainement pas ! cria le professeur. Vous allez tous la faire, d'accord ?!

Il y eut un silence, puis il reprit d'une voix plus douce :

- Enfin, sauf Elliko et Quantin, son binôme. Puisqu'elle n'en a pas envie.

- Et pourquoi ce... monstre, aurait le droit de choisir, et pas nous ?! s'exclama Blondinet.

J'arquai un sourcil suite au terme qu'il avait employé pour me décrire. Pathétique.

- PARCE QUE ! C'est comme ça !

La colère s'entendait parfaitement dans la voix de monsieur Frangie.

- Alors, reprit-il toujours aussi furieux, je veux que Martin et Katarina s'assoient sur les chaises, sinon vous allez devoir subir MON  INEXORABLE COURROUX !! C'est bien assimilé dans vos petits crânes d'adolescents attardés ?!

- M-Mais elles font quoi, ces chaises, au juste ? balbutia Martin.

- Il s'agit de chaises électriques mon jeune ami.

- A-Attendez quoi ? Des chaises électriques ?! Je veux pas finir grillé comme une merguez ! s'exclama avec véhémence Martin, complètement paniqué.

- Du calme, du calme jeune effronté ! Le voltage n'est pas puissant. Vous n'allez pas « finir grillés comme des merguez » comme tu le dis si bien. Par contre ça risque de piquer un peu. Un peu beaucoup même. Héhé.

Les deux adolescents s'étaient un peu raidis face à cette annonce et s'installèrent sur les chaises, tels d'adorables petits moutons. Avec la peur, on peut faire effectuer ce que l'on veut aux gens. Des sangles vinrent alors immobiliser leurs poignets et leurs chevilles. Ils étaient tous deux très tendus. Passer un test de culture générale, ce n'est pas très douloureux. Par contre, se faire électriser, c'est tout de suite moins palpitant. Enfin, pour eux. Moi en revanche, je pensais que cela allait être un beau spectacle.

Le visage de Quantin avait tout d'un coup perdu de ses couleurs, et il s'assit, mal à l'aise et tremblant, sur le sol dur et froid. Il essayait tant bien que mal d'éviter un contact visuel avec moi. Quant à moi, je m'appuyai contre le mur en face des instruments de torture et croisai les bras, un tout petit peu déçue de ne pas avoir de pop-corn sous la main.

- Bien. Le but est de ne surtout pas appuyer sur le bouton, bouton qui coupera le courant électrique de la chaise de votre camarade. Ok ?

Dis d'une autre façon, le but était de laisser souffrir son binôme

Les chaises se mirent alors en marche.

Au bout de plusieurs minutes, le visage de Katarina se tordit de douleur. L'autre garçon essayait quant à lui de garder une expression impassible. Je vis Quantin qui, les yeux clos, avait les poings qui tremblaient, et Diana qui regardait la scène, totalement interloquée. Antony, lui, arborait un immense sourire assez narquois.

- Je veux gagner, souffla-t-il.

Et il avait raison. Le prix de sa survie dépendait de la souffrance des autres.

Au moment où je me réjouissais de la douleur que je lisais sur la figure des adolescents, Diana se précipita sur le seul objet pouvant aider son allié. Elle appuya sur le bouton ce qui coupa le courant de la machine et délia les sangles. Le jeune homme tomba avec lourdeur dans ses petits bras.

- Mon Dieu !! s'exclama-t-elle, paniquée. Tu vas bien ?!

Et une question s'insinua alors dans mon esprit. Aurais-je arrêté la machine pour Quantin ? Aurai-je fait preuve de clémence à son égard, comme il avait fait preuve de gentillesse envers moi ? Me restait-il encore un semblant d'humanité ? Ce genre de questions qui remettait en cause ce que j'étais et ce que je voulais prouver m'énervait. Je posai les paumes de mes mains sur mes tempes brûlantes, dans le but de les masser un peu.

« Calme-toi... Calme-toi... Être quelqu'un de naïf et gentil ne t'aidera jamais... Il faut être impitoyable et supérieur aux autres si tu veux survivre... »

- Hey ! Ça va ?! répéta la jeune fille.

Elle était idiote. Bien sûr qu'il n'allait pas bien. Qu'est-ce qu'elle voulait qu'il lui réponde ?! « Bien sûr, ça va super, je viens de me faire électriser mais tout va bien ! » Au lieu de ça, il lâcha un gémissement de douleur et perdit connaissance. Elle osa ensuite un regard vers Katarina. En plus de son regard exprimant toute la douleur du monde, celui-ci exprimait aussi de la pitié envers son binôme qui soutenait durement son regard. Elle n'en pouvait plus. Blondinet commençait cependant à se sentir un peu gêné de la laisser souffrir ainsi, mais tentait de rester de marbre.

- Ai... de ... moi, supplia-t-elle.

- Je fais ça pour nous. Il faut qu'on gagne. Il faut qu'on rentre.

Soudain, le courant arrêta de passer dans la chaise et Katarina et celle-ci, libérée de sa souffrance et de ses liens, s'écroula à terre en sanglotant.

- Bien ! Passons maintenant à l'annonce des résultats !

Antony semblait confiant, beaucoup trop même. Quantin cessa ses tremblements et rouvrit les yeux. Il regarda la scène, effaré : Martin pâle au-delà du possible, évanoui contre Diana, et Katarina, en pleurs, affalée par terre.

- Comme vous l'aurez peut-être compris, laissez souffrir son allié n'était pas la solution.

Katarina releva la tête. Le sourire d'Antony s'effaça et son corps se crispa.

- Cette épreuve était une épreuve de solidarité. Je suis navré monsieur Antony de constater que vous n'êtes pas capable de venir en aide à votre prochain. C'est vraiment fâcheux, n'est-ce pas ?

- Mais, je... Vous aviez dit que... balbutia l'intéressé. Et pourquoi Elliko...

- Il n'y a pas de « vous aviez dit que » qui tienne. Les règles sont faites pour être transgressées non ?

- Je... mais... Ce n'était pas... Je pensais qu'on allait rentrer...

- Stop ! Trêve d'excuses ! Vous avez perdu ! Vous savez ce qu'il arrive aux perdants non ?

- Mais... Je... Je n'ai ri...en fait... S'il... s'il vous plaît..., supplia Katarina d'une voix blanche et tremblante.

-Oh ! J'en serais presque ému. Ce n'est pas de ma faute. Allez donc vous plaindre auprès de votre ami, répliqua sèchement monsieur Frangie. Maintenant, rejoignez Antony.

La jeune fille se leva avec difficulté mais ses jambes pantelantes ne pouvaient la porter. Sans aucune hésitation, mon binôme accouru pour lui servir d'appui, suivi de près par Diana. Ils marchèrent à son rythme pour ne pas la brusquer, et, malgré moi, je ne pu m'empêcher de penser qu'ils l'amenaient vers sa mort.

Ce qui m'amena à me poser une seconde fois la question :"Quel est donc le but à tout cela ?"

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top