- Chapitre 6 -

Nous restâmes interdits un moment. Puis Katarina éclata en sanglot soudainement et Diana s'approcha d'elle doucement. Elle caressa ses longs cheveux blonds.

Pathétique.

- Qu... Qu'est-ce qu'on fait là ?

- Je ne sais pas... soupira Diana.

Je ne savais pas vraiment quoi faire alors je m'assis par terre, bientôt imitée par les trois garçons. Diana et Katarina nous rejoignirent l'instant d'après. Je n'avais aucune idée ni de l'heure ni du jour qu'il était, mais j'étais très fatiguée, dormant peu la nuit. Je me recroquevillais par terre et fermai les yeux.

Je fis le bilan de la journée.

Je suis sortie ce matin de mon cours de science. Mon professeur étrange désire me parler. Je l'envoie se faire voir, je me retourne pour partir mais là, il me donne un coup sur la tête et je perds connaissance. Je me réveille ensuite avec un type que je ne connais même pas et j'apprends qu'on doit faire des épreuves si on veut sauver son duo.

Rien de bien positif.

Malgré ma fatigue, j'étais dans l'incapacité de dormir. Je réfléchissais. En dépit du désordre de mon cerveau, j'essayai de tout remettre en place et donner une logique aux pensées qui me submergeaient.

Avais-je fait les bons choix ? Bien sûr. J'étais persuadée que je serais déjà morte si je n'avais pas commencé à détester tout le monde et à me délecter de la peur que je causais. Je ne regrettai absolument rien. Je ne regrettai pas avoir rendu des gens tristes. J'aimai bien. Cela me donnait un sentiment de supériorité qui me conférait du pouvoir. J'avais été tellement rabaissée, humiliée durant mon jeune âge que je devais prendre ma revanche et prouver au monde de quoi j'étais capable. Je ne voulais en aucun cas revivre mon enfance. Je ne voulais pas être entourée d'idiots hypocrites et égocentriques qui pollueraient mon espace vital. Je n'avais besoin de personne. Je n'aimais personne. J'étais tellement mieux seule.

Mais pourtant, quelque chose me dépassait et m'inquiétait beaucoup.

Ce quelque chose, c'était Quantin.

Le fait qu'il se soucie de mon existence me réchauffait le cœur. Et cela m'effrayait.

J'avais peur. J'avais peur de perdre mon mépris pour les gens. J'avais peur de me ramollir. J'avais peur de redevenir faible. J'avais peur de reperdre mon assurance et d'atteindre le bout du couloir de la folie.

J'avais peur d'avoir peur.

Je me trouvais débile, idiote, pathétique. J'avais pitié de moi-même.

J'aurais cent fois mieux préféré ne plus rien ressentir du tout. Les émotions me faisaient souffrir.

Je ne savais pas s'il fallait que j'apprécie Quantin, ou s'il fallait que je le déteste.

Je ne savais plus rien.

Soudain, je sentis un souffle à mes côtés.

- Elliko, commença le garçon dans un soupir, je profite du fait que tu dormes pour te dire quelque chose...

Je m'apprêtais à lui donner une réponse cinglante, mais je m'abstins et fit semblant de dormir.

Il pourrait me révéler des choses intéressantes... avais-je pensé.

- Je n'ose pas te le dire en face, car je sais que tu ne m'écouteras pas et tu me diras que tu t'en fiches... Mais j'ai envie de t'aider, tu comprends ?

Silence.

Qu'essayait-il de faire ?

Je ne voulais pas qu'il m'aide. Je n'avais besoin de l'aide de personne.

- Tu sais... Je vais te raconter une histoire. J'étais pas très grand, je devais avoir huit ou neuf ans. Ma mère avait trompé mon père et elle m'avait dit qu'elle avait fait une bêtise et qu'elle s'en voulait beaucoup. Je n'étais encore qu'un gosse alors j'avais pas trop compris. Mais mon père l'a découvert un jour. Il était fou de rage... Il ne pouvait se détacher de sa colère... Il s'est mis à la frapper, tous les soirs. J'entendais ses cris de douleur et de détresse, mais je n'étais qu'un gamin, je ne pouvais rien faire... C'était horrible, tu ne peux pas savoir à quel point. Un jour, ma mère m'a dit les larmes aux yeux qu'elle allait faire une énorme connerie, et moi, petit enfant ignorant, j'ai pas capté que... que... qu'en fait elle voulait tuer mon père. Pendant qu'il dormait, elle... lui a assené plusieurs coups de couteau dans le ventre. Il est mort à l'hôpital. Ma mère a été jugée, elle a eu 10 ans de prison ferme. Moi, je comprenais pas tout, tout ce que je voulais, c'était rester avec ma maman. Mais j'avais pas le droit. J'ai été placé en famille d'accueil. Je n'étais pas heureux. On ne me donnait pas l'affection dont un enfant avait besoin. Un jour, j'ai eu le droit d'aller lui rendre visite. Mais la personne en face de moi n'était pas ma mère. La personne en face de moi était une femme très maigre, le visage fatigué, des poches sous les yeux... Le souvenir que j'avais de ma mère n'était pas celui-là. Le souvenir que j'avais était une femme belle, radieuse... J'avais peiné à la reconnaitre. Elle me faisait peur. Je me suis mis à pleurer et je suis parti, sous les yeux impuissants et tristes de cette femme. Quelques mois plus tard, on m'a appris qu'elle s'était suicidée, et je m'en suis terriblement voulu car je me suis dis que j'aurais dû être là pour elle, j'aurais dû aller la voir toutes les semaines, lui envoyer des lettres... J'ai agi en lâche, la laissant toute seule dans sa tristesse et son désarroi. J'étais tout ce qu'il lui restait tu sais. J'étais la personne qui l'aidait à tenir en prison. Et je l'ai abandonnée. C'est de ma faute si elle est morte.

J'étais sur le point de répliquer que je n'en avais strictement rien à faire de sa vie (ce qui était totalement vrai), mais il continua :

- Depuis... J'ai commencé à détester tout le monde. Je me sentais tellement mal pour ce qui lui était arrivé que je rejetais la faute sur le reste du monde pour me sentir moins coupable. J'étais furieux envers tout le monde... Je ne comprenais pas ce que nous, Hommes, faisions sur cette planète. Je ne comprenais vraiment pas. Je ne voyais que les mauvais côtés de notre espèce et je me disais que nous servions qu'à apporter tristesse, colère, haine, misère, désespoir... Je me suis mis à détester l'Homme, à détester tout. Je n'aimais plus rien. J'étais malheureux. Je détestais les gens heureux car moi, je ne l'étais pas. On m'avait tout pris. J'avais l'impression que les autres avaient tout : une famille, un père, une mère, un frère ou une sœur, un chat, un chien... Et que moi je n'avais plus rien. Mes familles d'accueil faisait peu attention à moi... J'étais perdu... Seul, face à la foule humaine. Mais... Un jour, je marchais dans la rue et j'ai rattrapé le ballon en hélium qu'une petite fille avait accidentellement lâché. Je me souviens de son regard. J'avais sauvé son ballon. J'étais son héros. Elle me regardait comme si j'avais sauvé le monde. Et elle m'a dit : « Quand je serais plus grande, je veux être aussi gentille que toi ! ». J'ai vu dans son sourire toute la joie du monde. Et c'est là que j'ai compris. C'est là que j'ai compris que j'avais tout faux. C'est là que j'ai compris que j'avais été idiot. Tu sais, les Hommes ne sont pas des êtres horribles... Ils ont de bons côtés... C'est juste... Compliqué. Parfois on est heureux, parfois on ne l'est pas. Parfois on veut détester la Terre entière, parfois on l'aime de tout notre cœur. Parfois on veut juste que tout s'arrête, parfois on veut juste que ça continue pour toujours. Tu... Tu ne vois que les mauvais côtés des choses. Je... Je comprends tout à fait ce que tu peux ressentir, je comprends tout à fait pourquoi tu en venue à ce raisonnement. C'est juste... Comme ça. L'espèce Humaine n'est pas comme tu la vois. Tu es en train de te détruire encore plus que n'est déjà brisée. Tu ne peux pas être heureuse en étant comme ça.

- Bien sûr que si.

- ... Tu ne dormais pas ?

- Je suis heureuse d'exister.

- Tu es heureuse juste parce que tu es crainte ?

- Je suis heureuse car je sais que je vaux mieux que vous. L'Homme est un fléau, un poison. Je ne veux pas que mon environnement soit nocif. Je ne veux pas être entourée d'abrutis. Je n'ai besoin que de ma solitude et de ma haine.

- Tu as tort. Tu ne peux pas être heureuse.

- Tu racontes n'importe quoi. Laisse-moi tranquille maintenant. Je ne veux pas te parler. Ni a toi, ni à personne.

Je me tu, et il s'éloigna de moi. Ses paroles trottaient dans ma tête. Je ne le croyais pas.

Du moins, c'était ce que je me disais.

Mais étais-ce ce que je ressentais ?

Je ne le savais plus.

Je ne me rappelais plus de rien.

Qui était Quantin ? Un inconnu. Mais il était la seule personne à avoir compris mon état. A m'avoir compris. A ne m'avoir donné ne serait-ce que le minimum d'attention que j'avais tant recherché.

Et au final, c'était tout ce dont j'avais besoin.

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