A

Aujourd'hui, c'était dimanche. Bizarrement, j'avais envie d'aller me baigner dans la Manche. Idée pourrie ou idée de génie, j'aurais pu y laisser ma vie. Finalement, je suis restée couchée. En attendant que ma mère me demande de me lever. Aujourd'hui tout allait bien, j'avais envie de rester aux côtés des miens. Nous étions heureux, même si c'était sinueux. La vie nous souriait, le temps d'une journée. Nous en avons profité, comme on le pouvait.

Je les regarde rire ensemble. Ils semblent heureux. Ils le sont certainement à ce moment-là. Ma mère. Mon frère. Ils s'extasient sur des anecdotes d'enfance. Moi, je suis là. Dans un coin de la pièce, souriant à leur vue. Je ne sais pas s'ils ont conscience que je suis ici, ils ne me parlent pas. Une bulle les entoure. Elle est fermée et je ne peux pas y entrer. La télévision est allumée mais personne ne la regarde. Elle est comme moi. Elle est là mais personne ne la voit. Elle décore la maison comme un pot de fleurs le ferait dans un jardin. Elle semble joyeuse, les images diffusées sont colorées. Non. Elle est terne, blafarde. Elle est comme moi, il n'y a personne qui la regarde.

Je lance le dé et fait quatre avancées. Mon frère ronronne, ma mère lui sourit malicieusement. Elle lance le dé à son tour et me devance de six cases. Je soupire alors que c'est au tour d'Adriel. Lui passe par la case prison, ce qui le fait grogner d'une plus haute amplitude. Quel râleur. Je quitte finalement la table, n'ayant pas spécialement envie de continuer à jouer. A quoi bon jouer lorsqu'on sait qu'on a déjà perdu ?

Je cours tant que je le peux. J'échappe. A quoi ? Je ne le sais pas. Je finis par m'asseoir sur l'herbe fraîche du parc dans lequel je suis. Je m'allonge, plus précisément. Les yeux rivés vers le ciel, le Soleil m'éblouit. Je me sens bien. Les bras et les jambes positionnés tels une étoile, je souris à ceux qui peuvent le voir. J'ai l'impression que mon corps flotte. Comme un bateau sur l'eau. J'ai l'impression d'être invincible. De pouvoir gagner tous les combats entamés. De pouvoir vaincre les flammes du désespoir.

   Mon père est présent, ce soir. Il s'attable avec nous alors que des rires résonnent dans la pièce. Il ne parle pas. Il hoche seulement la tête lorsqu'une question lui est posée. Il a les yeux rivés vers son assiette. Il se lève puis finit par s'en aller. Ma mère tente de nous réconforter en nous lançant des petits regards attendrissants, à mon frère et à moi. Mais de quoi doit-elle nous réconforter ? De notre famille brisée ? A quoi bon, rien ne pourrait rétablir une sérénité. Je m'en veux de l'avoir faite éclatée. Si j'avais su, un bout de scotch, sur mes lèvres, se serait posé.

   Maman, papa. Je vous aime. J'aimerais à nouveau vous voir ensemble. Heureux. Souriant. Vous embrassant. Quel ne serait pas le vœu le plus cher d'une jeune fille ? De voir sa famille s'éclaircir. Je ne veux pas partir avant que ça ne soit le cas. Je veux pouvoir partir tranquillement, l'esprit reposé. Je veux pouvoir sourire d'en haut. Je veux que vos rires atteignent le ciel lorsque j'y serai, juste pour que je les entende encore.

   Je me couche en souriant. J'ai souri toute la journée, aujourd'hui. Et j'en suis fière. J'aimerais pouvoir le faire tous les jours. Pourquoi n'ai-je pas cette chance ? Comme toutes ces personnes que je croise, chaque jour. Elles, elles sourient. Tout le temps. Elles ne se forcent pas. Alors pourquoi, moi, je n'en ai pas le droit ?

   Je ne l'ai sûrement pas mérité. Avec tout ce que j'ai fait. Tout le mal que j'ai causé. Je ne l'ai pas mérité. Ma vie doit s'arrêter.

- Maya

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