Chapitre 20 (2ème partie)

Le journal de Julie (suite)


16h45

Une incapable, un boulet, un monstre, voilà ce que je suis.

Le néant. J'ai presque l'impression de souffrir autant que Lucie à cet instant précis. J'ai juste envie d'en finir et pourtant je ne peux pas, je suis condamnée à attendre de la voir mourir à petit feu.

La mort.

Une délivrance,

Un soulagement,

Le bonheur ultime,

L'accomplissement d'une vie.

Je ne l'ai jamais autant attendue. Quand je pense que j'en ai eu peur. Elle est bien ma seule amie, même si elle me nargue.

J'ai les mains toutes tremblantes. Lorsque je regarde autour de moi, j'ai l'impression de voir un autre monde. Celui que je connaissais était gai, lumineux, mais là pour moi tout est gris, triste et synonyme de mort. J'ai l'impression d'être dans un état second. Je ne vois pas ce que je fais ici. Rien n'est fait pour moi dans ce monde, je n'ai plus ma place, je ne la mérite pas.

Lorsque ces bonshommes en blancs m'ont annoncé cette nouvelle, j'ai cru que jamais je n'allais cesser de hurler à pleins poumons. Comme si crier me soulageait et occupait ce trou béant qui déchirait ma poitrine. Hurler m'apaisait et m'empêchait de penser. Je me sentais mieux. Mais j'ai dû arrêter, car les infirmiers qui me tenaient dans tous les sens, menaçaient de me piquer et de m'enfermer. Il faut que je reste consciente jusqu'à son dernier souffle. Alors encore maintenant, je lutte pour ne pas hurler. Cela me fait souffrir de rester ainsi à attendre que quelque chose se passe, mais je le mérite amplement.

« Porteuse du gène », en plus d'être une incapable, je suis bête, je suis étudiante en médecine, et même pas capable de le savoir. « Vous être trop à risque pour figurer sur une liste de donneurs. » Et cet infirmier me disait presque ça avec un sourire. Pourquoi ne m'en suis-je pas doutée ? Moi qui me promettais de la sauver, j'étais loin du compte. Même morte, je ne pouvais pas donner mes poumons.

Lorsqu'il m'a dit ça, j'ai eu une telle rage que je ne me suis pas reconnue. Un monstre, je ne suis rien d'autre qu'un monstre. Juste capable de blesser et de hurler.

Je la regarde mourir du haut de mon fauteuil et suis capable de ne rien faire. Si, passer des coups de fils, mais lâches comme ils sont tous, personne n'est venu la soutenir. Ils me dégoûtent tous autant qu'ils sont. Toute l'humanité me répugne. Mais moi, je suis encore pire qu'eux. Bien pire. Je ne mérite même pas de respirer. Lucie n'en a plus la chance. Elle n'a jamais pu inspirer à sa guise. J'aurais dû cesser de respirer toutes ces années, au lieu de la narguer avec mes poumons en pleine santé, au moins pour la soutenir. Je n'ai même plus la force de bouger de ce fauteuil, et encore moins de manger. Bête. Je suis vraiment bête. Toute ma vie m'est retombée dessus lorsqu'il a ouvert la bouche. Plus rien n'avait de sens, tout se mélangeait dans ma tête, le passé, le présent, le futur. Le temps n'avait plus d'importance et toutes les époques se bousculaient dans ma tête.

« Trop à risque pour figurer sur la liste de donneurs », quand je pense que je peux vivre et respirer autant que je le voudrais et que je ne peux même pas lui en faire profiter. Pourquoi est-ce elle ? Pourquoi a-t-elle eu cette maladie et pas moi ? Peut-être était-ce volontaire de la part de nos parents ? Peut-être sont-ils si vicieux qu'ils ont réussi à lui transmettre la maladie et pas à moi. Ce sont eux les fautifs. C'est de leur faute si elle souffre maintenant. Le sort s'acharne sur nous d'une manière incompréhensible. Je ne mérite pas de vivre ! C'est un fait ! Mais pourquoi doit-elle mourir, elle ? Pourquoi doit-elle finir seule ? Si seulement la vie pouvait s'arrêter. Plus personne ne souffrirait !

Je commence à lutter pour respirer à cause de ces sanglots qui me bloquent la poitrine. Je n'ai qu'une envie : cesser de vivre. Je dois mourir. Je mérite de mourir. Mais je ne vais pas mourir. Elle a encore tellement de choses à vivre, elle ! Je sens mes paupières qui se ferment lorsque j'écris. Peut-être la mort est-elle enfin venue me chercher avec sa fourche ? Je devrais lutter pour survivre, mais je n'en ai plus la force. Je n'ai plus de force pour rien faire.


20h

Finalement, à mon plus grand désespoir, je me suis réveillée. L'état de Lucie est de plus en plus critique et je la vois pâlir à vue d'œil. Plus les minutes passent et plus c'est un bout de vie qu'on lui prend. J'ai donc pris mon courage à deux mains en la regardant ainsi et me suis levée de mon fauteuil où je m'étais égoïstement endormie, le carnet et le stylo à la main, puis suis allée voir le médecin responsable de Lucie. 

Encore une volonté inutile.

 Je lui ai posé cette question, qui me brisait le cœur, en résistant de toutes mes forces pour ne pas hurler. Pourtant, j'aurais mieux fait. « Que va-t-il se passer pour elle », lui ai-je demandé en réprimant mes larmes et mes cris. Il m'a observée, comme pour examiner mon état mental, fort heureusement pour moi, je joue bien la comédie, puis m'a dit solennellement : « A part si un donneur se manifeste d'ici 24 à 48 heures, elle n'en a plus pour longtemps. ».

Alors je n'ai pu m'empêcher de hurler de toutes mes forces. Il ne me restait plus que ça à faire de toute façon. Hurler. Hurler jusqu'à la mort. Comment la situation pourrait-elle changer d'ici 1 à 2 jours ?

Elle ne s'est pas réveillée et la porte s'est ouverte. J'ai finalement repris mes esprits et ai constaté que ce n'était pas la faucheuse qui pénétrait dans la chambre. Je commence à rentrer dans la folie, je crois. Lorsque j'ai vu cette personne que j'ai prise pour la faucheuse, je n'ai pu m'empêcher de rire comme une idiote. Une sorte de rire qui mêlait folie et sadisme. J'ai vu son visage me sourire d'un air inquiet, et me serrer amicalement dans ses bras pour me soutenir, puis et se ruer auprès de Lucie en l'implorant comme je l'ai fait quelques minutes auparavant. 

Ma petite Lucie. Elle n'allait donc pas mourir seule. Nous étions deux à présent à la soutenir, et même si ce n'est pas la personne que j'apprécie le plus sur cette terre, cela me suffit amplement. Cette même personne que j'ai tant détestée est à présent la seule personne qui a mon estime à présent. Enfin quelqu'un avec du cœur.


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J'ai voulu retranscrire la folie dans ce passage mais je ne sais pas si c'est réussi. N'hésitez pas à me le dire.

 Alors qui est la personne mystérieuse que Julie voit à la fin ?

C'est qu'on arrive bientôt à la fin dites-moi ! Et pourtant, même si j'ai envie que vous lisiez cette fin, je n'ai pas envie d'en finir avec ce petit monde auquel je me suis beaucoup attachée !

N'oubliez pas de me dire comme toujours si vous le pouvez votre avis mais surtout de voter pour que cela témoigne de votre lecture ! ;)

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