Chapitre 6

Chapitre VI

Cassiopée



On ne se rend pas suffisamment compte de la beauté de ce qui nous entoure. On passe notre temps à nous tuer et à nous ruiner pour aller voir les monts et les merveilles de la planète Terre, et même au-delà pour quelques chanceux. On passe notre temps dans la constante recherche de la culture, de la nouveauté, de la beauté, et on oublie. On oublie que le plus beau spectacle possible, c'est celui juste au-dessus de nous.

Ce soir-là, je me suis allongée sur mon balcon. Il était une heure du matin. J'avais les yeux humides et piquants, et j'avais froid. Musique à fond dans les oreilles. La pierre me glaçait le dos et le froid me cinglait la peau. Et pourtant j'étais là, les yeux rivés sur le ballet des étoiles et de la voie lactée. J'ai essayé de trouver la constellation dont je portais le nom. J'ai abandonné. Le ciel était trop grand. L'infini était quelque chose que je ne me risquerai jamais à quantifier. Je faisais partie de ces gens qui regardent avec distance, bienveillance et émerveillement la beauté du monde. Je n'ai jamais douté ni du soleil rosé du matin, ni du ciel prune du soir. J'ai toujours observé la nonchalance cotonneuse des nuages et la froideur nacrée et doucereuse des étoiles. Et qu'est-ce que c'était beau.

Ce soir-là, la nuit était claire. Je tremblais de froid. J'avais les cheveux encore mouillés par la douche, et j'avais conscience que je risquais de choper quelque maladie passagère. Mais je préférais me demander ce qui se passait à l'autre bout du monde, là où le soleil se levait.

Parce que même si la pluie et les fleurs qui éclosent sont un spectacle magnifique, un jour, je partirai. Je quitterai cette ville pourrie et ses habitants blasés. Je partirai voir toutes les beautés que la terre nous offre. J'irai fouler Tokyo, voir les premières lueurs de Pékin. Saluer le Grand Canyon comme on salue la Lune, grimper jusqu'en haut de la Tour Eiffel et voir les siècles défiler sous mes yeux. J'irai voir les Pyramides et le carnaval de Rio, les steppes glacées de Russie et les hivers gelés du Canada, Dakar, Oslo, Beyrouth, Sydney, Stockholm. Tout voir, tout vivre, tout comprendre.

Je commencerai par la Chine. Pour frôler l'univers.

Et, un jour, je verrai mon aurore boréale. En Norvège, en Suède, tout là-haut, où le soleil ne perce pas. Et un jour peut-être, je reviendrai ici. La tête pleine de nouvelles cultures, de nouvelles langues, de nouvelles couleurs, de nouvelles choses que je n'aurai jamais soupçonnées. Je reviendrai. Et je leur montrerai à tous. Je leur montrerai qu'on a le droit de rêver. Je leur montrerai qu'une personne abîmée peut-être réparée, que des cicatrices se referment, que des larmes se sèchent, que n'importe qui peut avoir droit au bonheur.

Je me suis levée, j'ai regardé la Lune. Je suis restée immobile plusieurs minutes, sans vouloir rentrer. J'étais bien, là. A ne penser à rien, l'esprit calmé. Un moment hors du temps, de ceux qui sont trop rares pour être justement appréciés. Un tête à tête unique avec le ciel d'encre et de feu argent.

J'ai pensé à lui. Erwan. Qu'avait-il pensé de mes lignes ? Avait-il jugé que c'était une explication correcte pour vendredi ? Avait-il seulement lu ?

Oui.

Sans doute n'en pensait-il pas grand chose. Il ne me portait pas dans son cœur. Une feuille de plus ou de moins ne changera rien à son regard noir de colère. Il a l'air agité. Comme une mer houleuse qui attend la tempête.

Mais ce n'était pas le moment.

Ce n'était le moment de rien.

Je ne devais nouer aucun lien maintenant.

Mais je ne pouvais me défaire de cette pensée.

Peut-être que si quelqu'un arrivait à m'aimer vraiment, une fois dans ma vie, alors peut-être que moi aussi j'arriverai à m'aimer.



Je suis rentrée dans ma chambre en essuyant les dernières gouttes de sang qui glissaient sur mes doigts.



« Et même si je ne l'aurai jamais admis. Même si ça faisait mal.

Il me manquait. » – Cassiopée

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