Chapitre LVIX

Erwan

- Erwan ?

- Oui, Cassiopée ?

Elle était allongée contre moi, dans une semi-pénombre moite et confortable, avec son bras passé autour de mon torse. Le mois de juin tortillait ses rayons du soleil à travers le volet mi-ouvert.

- Si un jour je mourais, qu'est-ce que tu ferais ?

- Je ne veux pas en parler, Cassiopée.

- Non, je suis sérieuse. Tu ne mourrais pas, hein ?

- Non.

- Non ? Promis ?

- Cassiopée, s'il te plaît. Ça va. Tu vas bien. Tu ne vas pas mourir.

- On va tous mourir, Erwan. Peut-être que ce sera l'année prochaine, peut-être dans quatre-vingts ans. Peut-être même demain. Nous pouvons nous cacher des problèmes, fermer les yeux, esquiver des larmes et des sanglots, mais personne ne pourra jamais échapper à la fatalité.

Instinctivement, je l'ai serrée un peu plus fort contre moi. Mon regard était rivé vers le plafond.

- Alors ?

- Arrête d'insister, Cassiopée.

- S'il te plaît, Erwan. J'ai besoin de savoir.

Je n'ai pas soupiré, ni roulé des yeux. Je suis resté pensif, à chercher un moyen de vivre quelque chose que je ne voulais jamais connaître.

- Je pense que j'essaierais de réaliser tes rêves. Je serai triste. Anéanti, sans doute, pendant des jours. Quand j'arriverai à me demander ce que tu aurais voulu que je fasse, peut-être que j'arriverai à me relever. Ou au moins à me mettre à genoux.

- Nan. Être à genoux, c'est ridicule. Soit tu es par terre pour reprendre des forces, soit tu te lèves, et tu te bats. L'entre-deux n'existe pas.

- L'entre-deux existe quand l'impensable se produit.

J'ai respiré le parfum fruité de ses cheveux.

- Et pour être honnête, c'est impensable de t'imaginer mourir.

- Pourtant, je te l'ai dit, hein ? Je te l'ai dit que tu ne devais pas t'en vouloir, jamais. Que je ne vais pas bien et que ce n'est pas ta faute. Que tu me rends heureuse, plus heureuse que si j'avais passé ma vie entourée des plus belles choses au monde. Tu me rends belle. Tu me rends forte. Mais...

- Mais tu peux vite lâcher prise. Je sais, Cassiopée.

Je l'ai poussée gentiment. Elle est montée sur moi. Elle m'a regardé dans les yeux.

- Je te l'ai dit, il y a plus de six mois maintenant. Je ne serai pas là éternellement, et je ne te promettrai jamais d'être là éternellement. Mais chaque seconde que je vais passer avec la chance de t'avoir à mon bras serait vécue comme la dernière seconde de mon existence. Je n'ai peur de rien, Cassiopée. Pas avec toi.

- Et si jamais je mourais, tu regretterais notre histoire ?

Elle avait les larmes aux yeux. Je me suis redressé sur les coudes. Je l'ai regardée, longuement, mais sans la faire patienter. Elle lisait la réponse dans mon regard.

- Jamais, Cassiopée. Jamais. Tu es la plus belle chose qui me soit jamais arrivée.

Elle m'avait embrassé, avec passion, avec abandon. Je m'étais dégagé, juste un peu, juste assez.

- Et je t'aime.