Chapitre 16
Chapitre XVI
Erwan
Quand je me suis levé le lendemain matin, M. et Mme Bonham étaient déjà partis au travail, sans nous réveiller. Venant de la part de Selena Bonham, j'avais été surpris. Cassiopée m'avait ensuite assuré que ce n'était pas inhabituel. Son père quittait la maison une heure après sa mère ; c'était lui qui la réveillait. S'il ne nous avait pas dérangés, c'était sans doute qu'il avait préféré que sa fille se repose.
Brave homme.
Quand Cassiopée a ouvert les yeux, j'étais déjà réveillé. Un peu honteusement, je la regardais dormir. Je n'avais pas bien dormi du tout, comme prévu. Un sentiment de malaise m'avait tenu éveillé une bonne moitié de la nuit, jusqu'à ce que je tombe dans un sommeil de plomb trois ou quatre heures. Je n'avais pas pu m'empêcher de vérifier qu'elle était toujours contre moi plusieurs fois au cours de la nuit –même si mon corps avait une conscience aiguë de sa chaleur. J'écoutais deux ou trois respirations, histoire de me rassurer, comme un gamin, et je me rendormais.
Mes vêtements de la veille autour de moi n'avaient pas aidé dans ma nuit.
- Tu ronfles, a été la première chose que Cassiopée a dit au réveil.
Ses yeux violets étaient encore plus lumineux sans maquillage, et leur intensité m'a fait cligner des yeux.
- J'ai dormi sur le dos, d'accord ?
- Tout de même.
- Laisse-moi tranquille.
- Tu veux manger quelque chose ?
- Volontiers.
Je me sentais sale, froissé et fatigué, et en plus, je devais avoir l'air d'un ragondin à côté de son aura chatoyante. De manière générale, j'étais de mauvaise humeur avant d'avoir pris une douche.
Elle a eu un sourire un peu timide, comme pour s'excuser, et elle s'est redressée en position assise. Si le bandage autour de son poignet n'avait été là pour me rappeler la journée de la veille, j'aurai presque pu oublier à quel point elle avait été désespérée moins de vingt-quatre heures auparavant.
- Je ne sais pas très bien cuisiner, mais j'aime bien les crêpes, a-t-elle poursuivi.
- Va pour les crêpes.
- Tu peux utiliser ma salle de bain, si tu veux. Ne fais pas attention au maquillage et aux... trucs qui traînent.
- Merci.
Elle s'est levée, et s'est dirigée vers un sac près de l'échelle qu'elle a éventré au sol. Elle a déplié ma chemise propre et le pantalon de jogging que je lui avais donnés la dernière fois, quand elle avait atterri chez moi.
- Je les ai lavés.
J'ai souri et je les ai pris dans mes mains, songeant déjà à enlever ce T-shirt puant. Nous nous sommes séparés ; je me suis dirigé d'un pas traînant vers la salle de bain. J'ai jeté mes vêtements pèle-mêle sur le sol, et j'ai foncé dans la cabine de douche à la vitre parfaitement transparente. J'ai laissé mes muscles se détendre sous l'eau chaude.
J'avais du mal à croire que je venais de passer une nuit avec Cassiopée, et que je me douchais actuellement dans sa salle de bain au lieu d'être au lycée. D'ailleurs, il faudrait que j'appelle l'administration pour prévenir mon absence. Prendre la voix de mon père était devenu une habitude. En fait, il était si peu souvent à la maison que j'avais donné mon propre numéro en début d'année. Le lycée allait donc bientôt appeler sur mon portable pour me prévenir du jeune Erwan qui n'était pas en cours. Pourtant, je me posais une question plus importante.
Qu'allait-il advenir, maintenant ?
Mon comportement venait de sceller un nouveau cap. Cassiopée avait compris qu'elle pouvait compter sur moi. Je venais de m'engager à être là pour elle. Et j'étais prêt. Peut-être.
J'ai cherché machinalement un savon avec une pensée un peu plus noire.
Je savais que je ne pourrai pas faire que la regarder, toute la nuit, tous les jours, pendant des semaines, des mois. J'avais besoin d'elle. Besoin qu'elle me parle. J'avais besoin de son sourire d'hier. Je voulais la faire rire. J'avais tellement envie de l'emmener ailleurs, quelques heures, sans ses parents, sans ses problèmes.
Tout en sachant pertinemment qu'elle ne me laisserait jamais faire.
J'ai achevé de me laver les cheveux avec l'un des nombreux shampoings de Cassiopée, espérant ne pas trop sentir la fleur à l'arrivée, et je suis sorti de la douche.
J'ai ouvert le placard sous l'un des deux lavabos pour trouver une serviette. J'avais un peu peur, pour être honnête. J'essayais de me dire qu'il n'y avait aucune chance que je tombe sur une lame pleine de sang ou des sachets de drogue. Mais ne s'y trouvaient que de paisibles rangées de serviettes qui sentaient le propre.
Tout en frottant énergiquement mes cheveux, je me suis demandé si Luke avait un jour été là, à ma place. Pour que les parents de Cassiopée m'aient confondu avec lui, il y avait de grandes chances pour qu'il ait été un homme plus important que prévu dans sa vie.
J'avais toujours voulu en savoir plus à son sujet, mais je n'avais jamais trouvé l'énergie de demander à Cassiopée de replonger dans ses souvenirs. Il était déjà rare qu'elle s'ouvre à moi ; ce sujet la fermerait sans doute comme une huître. Mais elle se livrerait peut-être, petit à petit.
J'essayais de m'en convaincre.
Quand j'ai passé les jambes dans mon jogging, mon portable, encore au sol dans mon jean, a vibré de toutes ses forces. Le lycée ?
Non, Gabriel.
J'ai décroché et un brouhaha a aussitôt envahi mon oreille.
- T'es où ?! Tu m'as laissé tout seul en chimie ! En TP, Erwan ! J'ai dû pomper les réponses sur Marcia Hopert pour éviter une nouvelle merde sur mon bulletin !
- Je ne vois pas le problème. Elle est folle de toi depuis la cinquième.
- Justement, Stark, justement, bon Dieu ! Elle est au bout du couloir avec ses deux amies horribles qui ont plus d'acné sur le visage que j'ai de chances de rater le contrôle de maths si tu n'es pas là pour me soutenir ! Je crois qu'elles approchent, Erwan ! Je fais quoi ? Est-ce que je t'appelle bébé, et tu fais le rôle de la copine ?
- Euh...
- Oh, Leila, a soudain déclaré la voix de Gabriel d'un ton rauque et séducteur.Tu me manques terriblement.
J'ai éclaté de rire.
Et qu'est-ce que ça faisait du bien.
La tension accumulée ces deux derniers jours s'est relâchée alors que je pleurais presque de rire. Gabriel, à l'autre bout du fil, ne tarissait pas d'éloges pour la petite amie qu'il venait de s'inventer. Il faisait preuve d'une imagination maladive avec les surnoms. Chaton, cœur, ange et autre « tendre oisillon » m'ont fait repartir de plus belle.
Gabriel a fini par toussoter pour reprendre sa voix habituelle.
- Bien. Oublions cet épisode. On en était où ?
- Je crois que j'étais la plus belle chose jamais arrivée dans ta vie.
- Erwan, je te jure que si tu ne te ramènes pas immédiatement, je te tue ! Le proviseur te cherche, la moitié des cours de la journée sont des contrôles, et Cameron s'assoit à côté de Melissa parce qu'aujourd'hui ça fait cinq mois ! Bon sang, le célibat mérite un culte, je ne comprends pas pourquoi les gens s'embêtent à trouver une âme sœur à seize piges !
Je remettais la salle de bain en ordre pendant que Gabriel déversait sa haine au téléphone sur le monde, les couples, le lycée, l'humanité, et les tendres oisillons.
- Vas-tu me dire où tu es et quand tu penses arriver ?!
- J'ai dormi avec Cassiopée, ai-je dit en arrangeant mes cheveux dans le miroir.
- JE TE DEMANDE PARDON ?
J'ai ri à nouveau,j'en avais mal aux joues.
- STARK !
- Gab, respire, je...
- Elle... elle va bien ?
Il y a soudain eu un pesant silence. J'avais presque oublié que Gabriel m'avait repêché la veille. Qu'il était au courant de tout.
- Euh... elle va mieux.
- OK, a-t-il fait avant de marquer une pause. Prends soin d'elle.
D'où lui venait ce soudain intérêt ? Mon reflet a froncé les sourcils dans le miroir alors que je me rappelais de sa grande conversation avec elle la veille, celle qui l'avait tant marqué.
- Euh... t'inquiète.
Il s'est raclé la gorge. La conversation devenait gênante et un tantinet mélodramatique.
- Je crois que ça sonne. Tu viens cet après-midi ?
- Aucune idée. Bonne chance pour tes contrôles. Ah, et selon Lily Loivin, la compo d'histoire sera sur Berlin, pas sur Cuba.
- Merde ! Quand est-ce que ce foutu mur tombe, déjà ?
- 1989. Bonne chance.
- Je vais me louper. Adieu.
Et il a raccroché. J'ai eu une pensée pour lui qui allait passer deux heures à griffonner sur sa feuille alors que j'étais tranquillement en train de m'apprêter à rejoindre Cassiopée dans sa cuisine.
Cet appel avec Gabriel m'avait mis d'une bonne humeur extrême. J'ai quitté la salle de bain en jetant mon jean et mon T-shirt en boule sur mes affaires. J'ai regretté l'absence de déodorant dans mon sac de cours et j'ai descendu les escaliers en le jetant sur mes épaules.
J'ai regardé une dernière fois mon téléphone, et j'ai remarqué la bulle de conversation entamée avec Cassiopée la veille, avant que je ne fonce chez elle comme un fou furieux. Elle avait répondu, à peine dix minutes auparavant.
« Ça va... merci »
- Qu'est-ce qui te met d'aussi bonne humeur ? a demandé Cassiopée en me voyant débarquer dans la cuisine.
- Gabriel qui a appelé.
Elle a eu un début de sourire en retournant sa crêpe. Il régnait dans la pièce une atmosphère mille fois plus chaleureuse que la veille. Évidemment, l'odeur de crêpes et la présence revigorée de Cassiopée n'y étaient pas pour rien.
Elle s'était habillée, douchée aussi au vu de ses cheveux humides qui formaient de douces ondulations dans son dos. Elle portait une très longue robe brune avec une large ceinture en cuir, et de nombreux bijoux. Cassiopée était la seule fille qui pouvait ramener l'été en novembre par sa seule bonne humeur.
- Assieds-toi et sers-toi. L'assiette est juste à côté de moi. Il me reste de la pâte pour en faire trois ou quatre, et ensuite je te rejoins.
J'ai préféré m'asseoir au bar que sur la table de la salle à manger où de plutôt mauvais souvenirs avaient été tissés.
- Si tu veux boire quelque chose regarde dans le frigo, il y a plein de jus. Tu préfères du lait ou du chocolat chaud ? Une bière ? a-t-elle lâché avec ironie devant mon absence de réaction.
J'ai repensé au jus de pommes, remède miracle de la veille, et je me suis levé pour me diriger vers le frigo. Je continuais de sourire tout seul comme un idiot niais, à la perspective d'appeler Gabriel « tendre oisillon » pour les trois prochains mois.
- Tu sais, a négligemment annoncé Cassiopée en me détaillant le temps que sa crêpe cuise, tu es bien plus beau quand tu souris.
Je me suis figé en plein milieu de la cuisine, la bouteille de jus de pommes à la main. Alors celle-là, je ne m'y attendais pas. Et à voir son sourire amusé, elle était parfaitement consciente de m'avoir pris au dépourvu.
- Hein ? ai-je intelligemment répondu en m'asseyant à nouveau.
Et là, elle a éclaté de rire devant mon expression éberluée, comme si elle venait de me proposer d'aller faire de la luge (je détestais la luge). Elle s'est mordue la lèvre pour arrêter de rire, sans cesser de me fixer avec des yeux pétillants. Je n'arrivais pas à y croire. Elle riait sincèrement. Ses yeux souriaient. Elle était si splendide que mon cœur s'est soulevé, ce fourbe.
- Et toi, alors, ai-je laissé échapper entre mes dents.
Elle a arrêté de rire en rosissant. Bien. Le malaise était parfaitement installé. Je la soupçonnais à présent de prendre beaucoup trop de temps pour une ou deux crêpes. J'avais déjà eu le temps de m'en enfiler trois quand elle est venue s'asseoir.
- Elles sont super bonnes, ai-je dit en levant le pouce avec délices, mâchant le premier tiers de ma quatrième crêpe.
Elle a souri encore. Chacun de ses sourires était comme un électrochoc. Pourquoi souriait-elle ainsi aujourd'hui ?
On dit que le sourire est une arme ? Celui de Cassiopée, c'était un cataclysme.
- Tarah ne t'a jamais dit que tu étais beau ? a-t-elle relancé.
- Ben si, mais c'est Tarah, ai-je répondu en haussant les épaules. Elle dit que Lola Venderheint est magnifique.
- Lola est jolie.
- C'est un thon !
Cassiopée a pouffé derrière sa main. Sa présence irradiait dans la pièce comme un petit soleil.
- Eh bien, maintenant, tu as un point de vue objectif à ton égard, a tranché Cassiopée en roulant sa crêpe.
- Pas si objectif que ça.
Elle m'a fait signe de me taire d'un mouvement de la main, et j'en ai profité pour avaler deux autres crêpes. Le silence qui a suivi était plus confortable. Elle lisait machinalement l'étiquette de la bouteille de jus de pommes alors que je sifflotais.
Elle s'est levée pour débarrasser son assiette, et a lancé de dos :
- Je crois que je me répète, mais merci d'être resté.
- T'inquiète.
J'ai vidé mon verre, le temps de me demander si je pouvais décemment lui poser une question maintenant.
- Tu pourrais me parler un peu de Luke ?
Elle s'est figée, et j'ai eu la nette impression qu'elle allait m'envoyer paître, comme au début de nos échanges. Je ne voyais toujours pas son visage.
- Qu'est-ce que tu veux savoir ?
Raté. Elle allait répondre en moyennant une certaine prudence, apparemment. Je n'avais sans doute pas le droit à beaucoup d'essais. Il fallait que je sélectionne mes questions avec prudence.
- Il était comment ?
- C'est bizarre d'avoir cette conversation, Erwan.
- Ça va. Ce n'est pas comme si on sortait ensemble, j'essaye juste d'en savoir un peu plus sur tes amis.
- Luke n'est pas mon ami.
Elle a baissé la tête,et a sorti un bocal rempli de caramel d'un placard comme dans le seul but d'occuper ses mains. Elle m'en a jeté un.
- Plus maintenant, en tout cas.
- Tu es sortie avec lui ?
- Non. Il y avait sans doute une certaine forme d'ambiguïté, mais non. Non, je n'ai jamais couché avec lui, a-t-elle ajouté en soupirant, presque exaspérée, devant mon regard narquois, sourcil haussé. Mais je tenais à lui d'une manière qui n'était presque plus rationnelle.
- Tu étais amoureuse de lui ? ai-je demandé plus froidement que prévu.
- Non. Et il ne l'était clairement pas.
Elle a froncé les sourcils, et dans ses yeux sont passés de nombreux souvenirs que je n'ai pas réussi à saisir.
- Nous nous sommes embrassés deux fois. Mais il n'y a jamais rien eu de dit, ou de concret. Au fond, je me foutais ou non de sortir avec lui. Il était juste la dernière personne qui me rattachait à la vie.
Ça commençait à être une conversation trop sérieuse puisqu'elle a ajouté :
- Changeons de sujet. Je n'aime pas parler de lui.
- Et Dan ? Le type blond de la soirée de Juline ?
- Dean ?
- Est-ce qu'il y a quelque chose entre vous ?
Cette fois-ci, elle a eu le petit rire hautain que je détestais.
- Erwan Stark chercherait-il à savoir si le champ est libre ?
- Erwan Stark veut surtout s'assurer s'il n'a pas dormi avec toi alors qu'un potentiel petit ami est déjà dans le coin, ai-je menti.
J'ai soutenu son regard violet et distant.
- Je n'ai de compte à rendre à personne, a-t-elle simplement dit.
Légère bouffée de colère ; elle repartait dans ses phrases énigmatiques.
- Et plus concrètement ?
- Non, il n'y a personne, et c'est loin d'être le cas.
- Histoire de confiance ? ai-je tenté, dubitatif.
- Non. Simplement, le jour où je sauterai, je n'ai pas envie de laisser un homme amoureux derrière moi.
Ma gorge est devenue très sèche. La cuisine, plus froide. Son regard, inaccessible. C'est d'un ton glaçant que j'ai répondu :
- Tu ne sauteras pas.
- Erwan, tu essaies de contrôler une bombe à retardement.
- Je n'essaye pas de te contrôler.
- Tu essayes de m'aider. C'est pire.
- Je ne te laisserai pas mourir !
J'avais quasiment crié. Sa voix était polaire quand elle a répondu :
- Tu devrais.
J'ai secoué la tête. J'avais du mal à repartir dans ce genre de conversation. Tout ce qu'on avait construit en une nuit s'évaporait en fumée.
- Je ne peux pas, Cassiopée. Je ne peux pas te laisser te détruire. Je ne peux pas juste passer à côté de toi dans les couloirs en sachant ce que tu caches, ce que tu comptes faire. Je ne peux pas.
Mon ton était plus faible que prévu. J'étais ridicule. Je me suis redressé sur ma chaise et je l'ai regardée. Son visage avait radicalement changé. Il s'y peignait une forme de terreur que je n'arrivais pas à comprendre.
- Je t'avais dit de ne pas t'attacher !
J'allais démentir, et j'ai abandonné. OK. J'avais raté sur ce coup-là.
- C'est trop tard. Je ne peux plus partir, maintenant.
Au fond, j'étais sûr qu'elle s'en doutait, qu'il n'y avait plus de retour à la normale possible.
- Non ! Non, Erwan ! Tu ne peux pas... tu n'as pas le droit... tu m'avais promis que tu ne chercherais pas à m'aider, que tu n'aurais jamais de sentiments, que tu...
- Il y a une différence entre aider quelqu'un et le laisser mourir.
Je me suis levé, comme si ma taille pouvait donner du poids à mon argument. Encore raté. Elle a fait trois pas pour se retrouver face à moi, avec une détermination immense dans les yeux, une résignation absolue. La chaîne de mon collier brillait encore à son cou. Elle tirait sur le pendentif. J'avais l'impression qu'il lui brûlait la peau.
Nous nous sommes regardés pendant beaucoup plus longtemps que prévu.
- Il n'y a aucune différence. Tu n'empêcheras rien, Erwan.
J'étais presque incapable de répondre.
- Que tu le veuilles ou non, un jour, ça te reviendra dans la figure. Je ne suis pas instable, je suis déterminée. Et je sais qu'à un moment ou à un autre, tu te réveilleras avec un coup de fil qui te dira qu'on m'enterre dans une semaine.
Je ne te crois pas. Mon cœur était bien plus basque le sol, mes tempes allaient exploser.
- Pardon, Erwan, mais je ne veux pas que ça t'arrive. Je ne veux pas qu'on aille au parc, au café, au cinéma. Je ne veux pas qu'on aille ensemble au lycée ou qu'on passe des nuits à trouver le courage de se dire au revoir. Je ne veux pas qu'on passe d'autres heures dans mon lit à chuchoter ou qu'on danse comme des imbéciles sous la pluie. Je ne veux pas qu'on se parle tous les soirs jusqu'à deux heures du matin pour que tu m'empêches de me suicider.
Je suis resté immobile comme une statue. Elle parlait d'elle comme si elle était déjà partie. Je crois que c'était ce qui m'atteignait le plus.
Elle a cligné des yeux plus longtemps, me privant de son regard. Chacun de ses mots était une gifle.
- Je ne veux plus qu'on se voit. Je ne veux plus que nous ayons le moindre contact.
Ma bonne humeur de la matinée venait de retomber comme les cendres d'une feuille de papier consumée par les flammes. Je l'ai regardée encore quelques secondes pour lui donner le pouvoir de renoncer.
- Je... je veux que tu quittes cette maison.
Elle ne rouvrait toujours pas les yeux. Elle serrait les dents. Elle souffrait.
- Erwan, s'il te plaît, va-t'en.
Sa voix s'est brisée. J'ai enfoncé mes mains dans les poches de mon jogging, et j'ai détourné les yeux. La dernière image que j'aurai d'elle était donc celle qui me demandait de l'abandonner, de la laisser se tuer. L'image d'une jeune femme le visage ravagé de regrets.
- Comme tu voudras.
Elle a respiré plus fort.
- Au revoir, alors,Cassiopée.
J'ai tourné les talons et je me suis dirigé vers la porte d'entrée. Mes pas étaient traînants. Au fond, j'espérais sans doute qu'elle revienne sur ses mots.
- Je... je suis désolée, Erwan.
C'est sur ces mots que j'ai laissé la porte se fermer derrière moi.
« ... » – Cassiopée
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