Prologue

« Mais il savait que les rencontres sont rarissimes, celles qui émeuvent, transforment et tracent une frontière sur le temps pour qu'il y ait un avant et un après. » Yves Simon

« Et puis, il y a ceux que l'on croise, que l'on connaît à peine, qui vous disent un mot, une phrase, vous accordent une minute, une demi heure et changent le cours de votre vie. » Victor Hugo

Quand elle rentre dans la pièce, elle ne voit que lui.
Elle ne remarque pas qu'il n'est pas seul avec ses amis. Elle n'entend pas qu'il parle en anglais plutôt qu'en français. Elle ne voit pas ces gens qui la dévisagent comme une extraterrestre.
Il n'y a que lui. Elle voit peut-être aussi son meilleur ami, là-bas, sur la droite de son champ de vision.
Il comprend tout de suite qu'elle ne va pas bien, que quelque chose la perturbe. Elle est comme ça. Il s'y est fait depuis le temps. Il l'a toujours aimée ainsi.

- Matth...

Sa voix se brise à l'instant où elle se met à pleurer.
Elle se réfugie dans ses bras. Comme d'habitude, il pense qu'il n'a jamais vu une fille qui pleure autant. Il lui a dit une fois, il y a longtemps. Elle avait souri quand elle avait compris que ce n'était pas une critique.

Elle se perd dans ses bras. Et les autres les regardent.
Leurs amis comprennent. Ils savent. Ils savent ce qui les unit. Ils l'ont vu à maintes reprises. Les autres non. Ils le découvrent. Ce qui se passe sous leurs yeux les étonne un moment. Juste un moment.
Ils ne leur faut pas longtemps pour saisir les contours, analyser les gestes. Ils ont une histoire eux aussi. Ils savent ce que c'est d'avoir mal. Certains plus que d'autres.
Instinctivement, ceux-là se renferment sur eux-mêmes. Ils se protègent. C'est difficile de prendre la douleur de l'autre de plein fouet sans y être préparé.

Elle essaie de se calmer, de reprendre son souffle. Elle essaie de lui parler. Cela prend du temps. Entre deux sanglots, les mots sortent enfin.

- Je... Je n'ai pas pu l'aider...
- Qui Lucie Lu ?
- Cette fille... Elle était toute seule et je ne sais pas, j'ai... J'ai su que ça n'allait pas dès que nos regards se sont croisés. Je... Je me suis approchée d'elle, je voulais m'assurer que tout allait bien, que je me trompais mais... Mais elle est partie. Elle pleurait, Matth... Elle pleurait.
- Je suis désolé.

Il ne devrait pas. Il n'y est pour rien. Il sait au fond de lui qu'elle a raison. Elle a toujours raison sur les gens. Mais ils ne peuvent rien faire. Enfin si, il y a quelque chose. Peut-être redonner le sourire à cette inconnue le temps d'un concert. Ils savent faire ça. C'est pour cela qu'ils sont ici.
Elle se calme enfin. Et comme il y a longtemps auparavant, presque dans une autre vie, elle s'aperçoit qu'ils ne sont pas seuls. Elle rougit. Elle ne sait plus où se mettre. Elle danse d'un pied sur l'autre pendant que Matth lui présente les autres.
Ici, les Haunted, là, les Plug On You.
Ils retrouvent petit à petit leurs places initiales. Les conversations reprennent là où elles s'étaient arrêtées.
Lucie les regarde. Elle aime ça, observer les autres. Elle l'a toujours fait. Elle inventait mille vies aux gens qu'elle croisait.
Matth parle avec Jared. Celui-ci se tient à distance. Comme s'il n'aimait pas être trop près des autres.
Geoffrey discute avec la grande armoire à glace nommée Emmett. De batterie évidemment. Leur conversation est tellement animée que Geoffrey effleure Jared. Elle voit aussitôt son mouvement de recul. Il n'aime pas qu'on le touche. Elle aimerait savoir pourquoi. Déformation professionnelle. C'est son métier de savoir ce que pense les gens.
Elle s'attarde sur les autres. Florian et Raph sont avec Lorenzo et Jim. Ça parle musique et filles. Elle hésite à aller les voir et leur glisser que leurs moitiés seraient ravies d'entendre cette très intéressante conversation. Mais elle ne le fait pas. Elle n'a pas le cœur à ça.
Enfin, il y a Neil et Hunter. Ils ont l'air d'être là, sans vraiment l'être tout à fait. Comme s'il leur manquait quelque chose ou quelqu'un. Encore une fois, elle a raison. Elle le comprend quand elle les entend parler de leurs femmes. Ils parlent d'elles avec tellement d'admiration qu'ils en sont touchants. Ce sont des mecs bien. Comme ses amis. Comme Matth.

Pendant un instant, elle regrette que ses amies ne soient pas là. Elle aurait aimé que Pauline remette Raph à sa place, elle aurait aimé voir Geoffrey regarder Anna comme s'il ne pouvait pas encore croire qu'elle l'aimait après presque trois ans ensemble.
Elle se souvient qu'elle avait pensé que tous les deux c'était une évidence, dès la première fois où elle avait vu Anna. Elle avait bien vu comme ils se comportaient l'un envers l'autre. Ce mélange de retenue et d'attirance impossible à combattre.
Ils se tenaient suffisamment loin pour ne pas laisser penser aux autres qu'ils s'attiraient mais trop proches pour qu'elle, Lucie, ne le remarque pas.
Elle avait fait ça, avec Matth. Elle se revoit dans les rues de Bordeaux avec lui quand il était venu pour sa thèse.
Elle se dit qu'elle aurait voulu connaître les petites amies des autres. Peut-être une autre fois.

Ils bougent autour d'elle, ils se regroupent, parlent maintenant tous ensemble du concert à venir.
Elle reste immobile. Elle est à sa place dans les bras tatoués de Matth. Une fois encore, elle se dit qu'elle aime la façon dont ils l'entourent. Le gauche, avec sa forêt lugubre et ses huit oiseaux qui s'envolent vers le ciel, qui lui enserre les épaules. Et le droit, avec leur chanson et le « L » presque caché, dont la main repose sur son ventre en un geste protecteur.

Ses pensées partent une nouvelle fois vers cette fille qu'elle a croisée.
Elle était belle. Elle était différente.
Elle aurait voulu connaître son nom. Peut-être qu'un autre jour, elle aurait pu l'apprendre. Peut-être qu'en d'autres temps, en d'autres circonstances, elles auraient pu être amies. Lucie aurait su qu'elle s'appelait Asa. Avec un seul « s » alors que sa mère en aurait voulu deux.
Le fonctionnaire de l'état civil de l'ambassade de France au Liban avait fait une faute en le notant sur les papiers. Et le nouveau papa, trop fatigué et déboussolé par l'arrivée de sa fille, n'avait même pas vu l'erreur. Il était ensuite trop tard pour changer.
La jeune maman irlandaise avait pesté un moment puis s'était résolue quand elle avait appris que « Asa » voulait dire « aube » en japonais. Elle y vit un signe du destin vu que sa fille était née un matin d'été aux aurores.

***

Voici le prologue de ma toute nouvelle histoire.
J'espère qu'il vous plaira.
Il est parti d'un délire avec deux copines, Valerie27Quenon et linesfullofliies.
Nous voulions réunir nos trois groupes.
Si vous ne connaissez pas leurs histoires, je vous invite à les lire!
Evidemment les poulettes, je vous dédie ce chapitre.

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