Chapitre 9.
Nathan
- Tu ne devais pas sortir aujourd'hui ? me rappelle ma mère en me voyant affalé sur le canapé devant la chaine de dessins animés préférée de ma fille.
- Si, mais ils ont annulé.
- Menteur.
Je lève les yeux aux ciel et ma mère s'installe près de moi.
- Elya revient demain, tu devrais en profiter.
- J'en ai assez profité, c'est bon, marmonné-je.
- Ça s'est mal passé hier ?
Je soupire de lassitude. Non, je ne dirais pas que ça s'est mal passé. Au contraire ! C'était génial. J'ai sincèrement adoré cette soirée. Ça m'a fait un bien fou de sortir et de participer à une vraie soirée de lycéens, mais je ne suis pas rester bien longtemps après le baiser. Je me suis littéralement échappé de cette soirée, comme un gamin apeuré. Oui j'ai fui. Et c'est certain que je n'assume absolument pas ce que j'ai fait ! La preuve en est que je me cache chez moi pour éviter tout le monde aujourd'hui.
Pathétique.
- Nathan ?
- J'ai fait une connerie, admets-je dans un faible murmure.
- Quoi ? Quelle genre de connerie ? s'exclame-t-elle effrayée.
- Rien de très grave, réponds-je en la voyant terrifiée. Je te le promets.
- Alors qu'est-ce que tu as fait ?
Je garde les yeux rivés sur la télévision. Les dessins animés sont passionnants, mais ma mère éteint l'écran et me repose la question. J'ai baissé ma garde et je me suis laissé aller, voilà ce que j'ai fait.
- J'ai embrassé Gaëlle.
Le silence le plus complet plane entre nous deux pendant au moins deux minutes avant qu'elle n'ouvre enfin la bouche, interloquée.
- Et c'est ça que tu appelles une connerie ?
- Oui ! Je n'aurais jamais dû faire ça, je ne sais même pas pourquoi je l'ai fait. C'est elle qui m'a embrassé en premier d'ailleurs. Et tu sais quoi ? Je ne l'ai même pas repoussée. Je l'ai embrassée moi-même juste après.
- Mais tu l'aimes bien, non ?
- Oui. Oui je l'apprécie, admets-je. Mais je n'avais pas à faire ça !
- Alors pourquoi tu as passé la semaine avec elle si tu n'avais pas l'intention d'approfondir cette relation avec elle ?
Un rire jaune sort du fond de ma gorge.
- Approfondir ma relation ? Maman, c'est seulement une amie !
- Une amie que tu as eu envie d'embrasser.
Je soupire résigné et rallume la télévision avant de décréter à haute voix que ça ne se reproduira plus. C'était la seule et unique fois. Il n'empêche que j'ai adoré ce baiser et que je l'ai savouré. La dernière fois que j'ai embrassé une fille, c'était l'année dernière et j'ignore pourquoi, mais ça n'avait rien à voir avec hier soir. C'était avec Maélis. Je l'aimais bien. Nous étions amis et un jour, je me suis lancé et je lui ai demandé de sortir avec moi. Elle en a eu assez au bout de trois semaines puisqu'on ne se voyait que pendant les heures de cours. J'ai toujours refusé de sortir de chez moi pour être avec elle au lieu d'Elya. Et, bien entendu, elle ne savait et ne sait toujours rien à propos de ma fille.
Gaëlle a abordé le sujet de mes secrets hier. Ça m'a agacé mais maintenant, je comprends pourquoi elle me pose autant de questions sur mes « activités suspectes ». Les gars avaient raison ; je lui plais. Je le vois maintenant. Et ça va être d'autant plus difficile parce que je ne veux pas lui briser le cœur. Je vais donc devoir arrêter de la voir autant et m'expliquer avec elle sur le fait qu'on ne sera jamais plus que des amis.
- Tu es tellement têtu !
- De qui je tiens ça à ton avis ? soupiré-je.
Elle passe la main dans mes cheveux et je sais qu'elle sourit tristement.
- De ton père.
Eh oui. De lui.
- Il est venu chez Max hier, déclaré-je.
- Je sais, ton frère m'a appelé.
- Il a refusé de voir Elya.
Je laisse tomber ma tête sur son épaule et souffle de désespoir.
- Quand on l'écoute parler, j'ai l'impression que ma fille est le diable incarné. Elle n'a rien fait de mal, elle est seulement venue au monde. Sa mère ne veut pas d'elle, son grand-père non plus... Heureusement qu'elle ne l'a pas vu. Elle aurait été dévastée.
- Ton père est un imbécile. Il ne sait pas ce qu'il rate en ignorant ce petit ange.
- Elle me manque.
C'est toujours le cas lorsqu'elle passe quelques jours chez mon frère. Je crois que j'ai beaucoup plus besoin d'elle, qu'elle de moi. Alors que c'est supposé être l'inverse, non ?
Au moment où je prononce ces mots, mon téléphone sonne sur la table basse. Je me précipite pour l'attraper en pensant voir le nom de mon frère, mais c'est Gaëlle qui m'appelle. Je laisse la sonnerie retentir jusqu'à ce que l'appel soit redirigé sur ma boite vocale.
J'ai prévenu les gars que je ne viendrais pas aujourd'hui. Ils sont probablement avec les filles en ce moment et les ont donc prévenues. C'est pourquoi, Gaëlle veut me joindre.
- Répond lui, ordonne gentiment ma mère.
- Non. Je lui parlerai plus tard.
Je reçois un message quelques secondes après.
Gaëlle : Coucou ! C'est peut-être prétentieux de ma part de penser ça mais ce n'est pas à cause d'hier soir que tu n'es pas là aujourd'hui, hein ?
Je décide de lui répondre malgré l'appel que j'ai refusé de prendre.
Moi : Affaires d'agent secret, désolé. Je ne peux pas te téléphoner pour le moment, mais ne t'inquiète pas. Tout va bien. On se parle plus tard ?
Sa réponse est immédiate.
Gaëlle : Ça marche ! Bon courage pour ton travail et n'oublie pas ma proposition, d'accord ?
Moi : J'essaierai. Amuse-toi bien.
- C'est quoi cette histoire d'agent secret ? m'interroge ma mère.
- Hé ! Ne lis pas mes messages ! protesté-je en verrouillant mon téléphone.
- Tu feras pareil avec Elya dans dix ans. Et c'est quoi cette proposition ?
- Ça ne te regarde pas.
- Elya te dira la même chose dans dix ans et tu lui diras ce que je vais te dire : tout ce que tu fais me regarde.
L'entendre parler d'Elya dans une décennie provoque des frissons désagréables dans tout mon corps. Elle est vraiment obligée de grandir ? Ne peut-elle pas rester enfant toute sa vie ? Si seulement c'était possible...
- Alors, quelles sont tes affaires secrètes ?
- Gaëlle dit tout le temps que je suis un espion, avoué-je en souriant. A cause des raisons pour lesquelles je ne sors jamais et des secrets qui font que je ne la verrai pas de la semaine.
- Tu ne lui as rien dit alors ?
- Bien sûr que non.
Elle soupire et comme d'habitude, me donne son avis.
- Tu sais, je me suis toujours demandée pourquoi tu cachais Elya à tes amis. Tu n'as pas que Sami et Romain, il y a d'autres personnes, et tu leur dissimules le fait que tu as une fille. En quoi c'est un secret ?
- Elle n'est pas un secret. Je la protège, c'est tout. Le monde extérieur est tellement pourri.
- Mais elle finira par y entrer dans ce monde extérieur.
- Le plus tard sera le mieux, décrété-je.
J'appelle ensuite mon frère pour parler à ma fille, même si elle rentre demain. Je l'ai au téléphone au moins deux fois par jour, si ce n'est plus. Max en a plus qu'assez mais je ne peux pas faire autrement. J'en ai besoin lorsqu'elle est loin de moi.
L'appel dure vingt-deux minutes. Il faut à peine une minute pour que mon frère me dise que tout va bien et passe l'appareil à Elya, et le reste du temps elle m'explique ce qu'elle va faire cet après-midi de long en large. Ah, et elle me demande comment va son chat. Je n'ai ouvert la bouche que pendant une minute trente environ, mais j'ai beaucoup ri. Son oncle et elle sont en train de faire une tente avec des draps dans la maison pour pouvoir regarder Mulan - qu'elle a vu au moins un vingtaine de fois - et tout à l'heure, ils vont aller promener le chien de la copine de mon frère. Ça commence à être plutôt sérieux entre eux, selon Max, alors je suis très content pour lui. En plus, Elya aime bien cette fille.
J'ai droit à une explication complète de la vie de son chien avant qu'elle ne raccroche en disant qu'elle doit aider son oncle. Je passe donc le reste de la journée devant les dessins animés.
Le lendemain, j'attends impatiemment qu'ils arrivent. Lorsque ça sonne en début d'après-midi, j'ouvre la porte.
- Papa ! hurle mon petit ange en entourant mes jambes de ses bras.
Je me baisse immédiatement pour la porter et elle vient nicher son visage contre mon cou. Ça fait un bien fou de l'avoir enfin contre moi. Je respire longuement son odeur et me sens tout de suite mieux.
Tout en la gardant contre moi, je laisse passer mon frère et la femme qui les accompagne.
- Je te présente Emma, ma copine. Et voilà mon frère, annonce-t-il en me désignant de la main. Et ma mère, ajoute Max en pointant celle qui vient d'arriver.
- Salut, lui souris-je.
Elle me sourit en retour et ils avancent tout deux dans le salon.
- Tu m'as beaucoup manqué Papa, avoue Elya.
- Toi aussi mon cœur.
Elle me fait face et je perds immédiatement mon sourire.
- C'est quoi ça ? m'exclamé-je en voyant une ignoble bosse violette tout près de sa tempe gauche.
Je n'ai pas eu le temps de voir son visage en ouvrant la porte et je me demande comment j'ai fait pour rater ça. Il faut dire qu'elle m'ait rentrée dedans de plein fouet.
- Je suis tombée, grimace-t-elle. Tonton m'a emmenée faire de la balançoire et je suis tombée sur les fesses, mais la balançoire m'a tapé la tête.
- C'était quand ?
- Je sais plus.
- Pourquoi tu ne me l'as pas dit hier ?
- Tonton m'a dit de me taire.
Je soupire en avançant dans le salon. Elya agite les jambes pour que je la repose au sol et elle court pour aller dans les bras de ma mère.
- Je te la laisse une semaine et tu n'es même pas fichu de me la rendre en un seul morceau ? Et en plus, tu lui dis de mentir ? m'écrié-je en me postant devant lui.
Comme je m'y attendais, il se met à rire.
- Ce n'est qu'une bosse, ça arrive à tous les enfants. Et elle ne t'a pas menti, elle t'a seulement dissimulé la vérité parce que je lui ai demandé. Tu aurais fait un scandale si je te l'avais dit jeudi !
- Jeudi ? C'est une blague ! m'insurgé-je.
Je suis prêt à péter un plomb quand une petite voix m'interpelle :
- Papa ?
Je baisse les yeux vers elle, qui a déjà son chat dans les bras.
- C'est pas la faute à tonton. Il m'avait dit de l'attendre pour aller faire de la balançoire et je ne l'ai pas écouté. C'est de ma faute si je suis tombée. Et puis, je n'ai pas mal.
Je hausse un sourcil, dubitatif.
- Un petit peu seulement.
Je me laisse tomber sur le canapé en soupirant et lui tends les bras pour la faire venir sur mes genoux. Elle vient s'y blottir avec Polly et j'embrasse le sommet de sa tête, avant de froler du bout du doigt cette bosse immonde.
- Tu as beaucoup pleuré ?
- Oui. Mais je suis une dure à cuire, sourit-elle joyeusement.
- Je parie que c'est tonton qui t'a dit ça ?
- Oui ! s'exclame-t-elle fièrement.
- Tu obéiras la prochaine fois ?
- Promis.
Elle dépose un baiser sonore sur ma joue et me sourit de toutes ses dents avant de me demander si elle peut aller jouer avec son chat. J'ai envie de la garder contre moi encore un peu mais je la laisse tout de même descendre. Je me retrouve donc avec ma mère, mon frère et sa copine.
- C'est bon, je suis pardonné ? demande Max.
- Non. Et je ne te la laisserai plus jamais, annoncé-je.
- Mais bien sûr, rit-il. Comme si elle ne s'était jamais blessée avec toi.
- Nathan, intervient ma mère. Calme toi un peu. Ce n'est rien, regarde la, elle s'amuse.
Je tourne la tête vers Elya qui, en effet, rit et joue avec Polly. Elle est allongée sur le ventre, au sol, et gratouille le ventre du chaton. Je sais que j'en fais des tonnes mais je ne supporte pas d'imaginer ma fille en larmes. Comme l'a si bien dit Max, c'est vrai qu'elle s'est déjà blessée avec moi. Et pas qu'une fois ! Et je sais aussi qu'aux prochaines vacances, je la laisserai passer quelques jours chez son oncle. Il s'occupe très bien d'elle malgré cette bosse.
- Je lui ai acheté le DVD de Mulan 2. Elle voudra probablement le regarder ce soir, annonce mon frère.
- Que de bonnes nouvelles ! ironisé-je.
- Je l'ai déjà vu deux fois, tu peux bien faire ça, rit-il.
Génial ! Un nouveau dessin animé Disney. Il ne lui en manque plus beaucoup pour avoir la collection complète et j'en connais une qui va insister pour le regarder. Ça ne me dérange pas tant que ça ; j'ai appris à apprécier ces films depuis le temps.
Elya s'est vraiment bien amusée chez son oncle et j'en suis heureux. Elle m'a beaucoup manquée ces derniers jours et je compte bien profiter d'elle cette semaine, tout en restant loin d'une jolie blonde qui envahi mes pensées depuis deux jours.
Ou peut-être un peu plus que deux jours.
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