Chapitre 8.

Gaëlle

Après cette excellente journée, Nathan me ramène chez moi dans la soirée. Il a été vraiment génial en m'emmenant à cet aquarium géant et tout simplement sublime. Moi qui, d'ordinaire, déteste les poissons, j'étais ravie de les voir aujourd'hui. C'était un peu terrifiant mais totalement dément.

Le film que nous avons regardé ensuite m'a mise dans toutes mes états mais je l'ai adoré aussi. Nathan s'est gentiment moqué de moi d'avoir tant pleuré mais je n'en ai eu que faire ; son sourire m'a fait craquer. C'est ce sourire aussi qui m'a fait baisser ma garde au moment de payer l'addition. Il s'en ai emparé bien trop rapidement après le dessert.

Lorsque je rentre chez moi, ma mère m'attend dans le salon, allongée sur le canapé, devant une émission d'enquêtes policières ou je ne sais quoi. Elle se redresse pour s'asseoir, m'invitant implicitement à m'installer.

- Tu rentres tard, me dit-elle avant de bailler.

Je regarde l'heure sur l'horloge murale et ouvre de grands yeux horrifiée. Il est déjà onze heure et demi ? Je ne m'en étais même pas rendue compte.

- Je suis désolée, Maman. Je n'avais pas fait attention à l'heure. J'aurais dû t'envoyer un message, pardon.

Elle pose sa main sur ma joue et caresse ma pommette de son pouce.

- C'est pas grave. Mais fais-le la prochaine fois, d'accord ?

- Ok. Promis.

- Ça s'est bien passé ?

Mon sourire s'agrandit largement et j'acquiesce à nouveau. Ma mère hausse les sourcils amusée et me demande de lui raconter ma journée entière. Je m'exécute avec enthousiasme et parle sans m'arrêter.

- Tu l'aimes bien, pas vrai ? conclut-elle.

- Oui, confirmé-je en souriant. Je l'aime bien.

- C'est quelqu'un de bien, j'espère ?

- Je crois que oui. J'espère, en tout cas.

Je pose ma tête sur son épaule et elle vient me serrer dans ses bras.

- Tu ne m'as pas dit ce qu'il s'était passé après qu'il t'ait déposée devant la maison, dit-elle à voix basse.

- Je suis rentrée, réponds-je hésitante.

- C'est tout ?

Je me redresse et hoche la tête en fronçant les sourcils.

- Même pas un baiser ?

- Non ! m'exclamé-je en riant. Je t'ai dit qu'il n'y avait rien entre nous. On est seulement amis.

- Pour l'instant, ajoute-t-elle pour ne taquiner.

Je ne confirme pas ses dires, ni ne la contredit. Je plante un baiser sur sa joue et lui souhaite une bonne nuit en m'excusant une dernière fois. Nous avançons toutes les deux dans le couloir, et je me tourne vers elle lorsque j'arrive devant ma chambre.

- Je pourrai le revoir demain ?

- Seulement si tu m'envoies un message pour me prévenir que tu vas bien.

- Merci, ris-je. Je le ferai. Il vient me chercher à onze heure.

- D'accord. Bonne nuit Gaëlle.

***

Le lendemain, je me dis que ça ne peut pas être mieux que la journée que nous avons passé tous les deux, mais Nathan me prouve le contraire. Il vient me chercher à onze heure exactement et nous emmène dans un parc, à quelques kilomètres d'ici. Il sort un sac de son coffre et lorsque je lui demande ce qu'il contient, il ne me répond pas. Je le découvre au moment où nous nous installons sur l'herbe après avoir déplié une grande nappe bleue.

Il sort alors plusieurs boites en plastique avec des sandwichs et des cookies, puis il pose une bouteille d'eau et une autre de jus d'orange, des gobelets en plastique, un gros paquet de chips et un de bonbons.

- Tu aurais dû me le dire, j'aurais apporté des trucs aussi !

- Ça n'a rien de grandiose, j'ai pris ce qu'il restait dans le réfrigérateur.

- J'aurais pu faire pareil, ajouté-je en grimaçant. Ça me gêne.

- Je te préviendrai la prochaine fois alors, me sourit-il en me jetant le paquet de chips.

Je l'ouvre, en prends une petite poignée et lui donne le sachet, puis je m'empare de la boite de cookies.

- C'est toi qui les a fait ? demandé-je en humant la délicieuse odeur qui émane de la boite ouverte.

- Ouais, rétorque-t-il avec hésitation. Mais je ne te garantis rien. Les gâteaux que je fais sont rarement mangeables.

- On va voir ça !

J'en attrape un et Nathan me demande de ne pas faire ça, mais je l'ignore et croque un morceau du gâteau. Déjà, j'ai beaucoup de mal à le casser avec mes dents sans m'en détruire une au passage et je ne sais pas comment il a fait, mais c'est infecte. Pourtant, ce n'est pas bien compliqué. Enfin, je crois. Je ne fais jamais de gâteaux parce que je sais qu'ils risquent d'être aussi répugnants.

- Alors ? grimace-t-il.

- C'est... hésité-je en mastiquant laborieusement.

- Dégoutant, comprend-il aisément.

- Non ! m'exclamé-je.

Il plisse les yeux, me soupçonnant de mentir. Je le corrige :

- Ce n'est pas dégoutant.

- Menteuse.

- Non, c'est vrai ! Je dirais plutôt : infecte et immangeable.

Pendant un moment, je doute qu'il le prenne mal mais il éclate d'un rire franc, me rassurant instantanément.

- Je te remercie. Du coup, je n'ai pas besoin de gouter ça.

- Si ! Tu vas gouter ! Tu as essayé de me tuer, tu ferais bien ça pour moi, lui ordonné-je en lui tendant un cookie.

- C'est hors de question ! Tu as failli vomir.

Je n'irais pas jusque là mais c'est vrai que c'était d'un gout affreusement horrible. Mais si j'ai dû subir ça, lui aussi. Lorsque je lui tends, il refuse d'un signe de tête le sourire aux lèvres, mais je ne suis pas d'accord avec lui.

- Tu dois au moins gouter ce que tu as fait, Nathan.

Je me redresse sur mes genoux et l'approche de son visage mais il s'empare du biscuit pour le jeter plus loin. Je me bats alors pendant dix bonnes minutes pour enfin lui faire avaler un morceau de ce bloc de béton et il capitule enfin.

- Contente ?

- Ouais ! souris-je avec hypocrisie.

- La prochaine fois, c'est toi qui t'occupera du dessert, décrète-t-il.

La prochaine fois. J'ai déjà hâte !

Cette seconde journée avec Nathan se déroule aussi bien qu'hier. Nous passons l'après-midi au parc tous les deux à discuter de beaucoup de choses. J'apprends que son père a mis les voiles il y a quatre ans, sans une explication, mais il me dit aussi que c'est mieux comme ça. Je n'en sais pas plus et lui non plus à mon propos lorsqu'il me demande pourquoi mes parents se sont séparés. Je n'ai pas envie de parler de mon père aujourd'hui et il le comprend parfaitement puisque lui non plus ne souhaite pas approfondir le sujet de son côté.

Au milieu de l'après-midi, Nathan reçoit un appel et comme la veille, il s'éloigne de plusieurs dizaines de mètres pour le prendre. Je ne l'entends pas parler, et ne vois pas non plus son visage, mais lorsqu'il revient, il fait comme s'il n'avait pas disparu pendant une quinzaine de minutes.

- Tu es un agent secret ? lui demandé-je quand il s'empare d'un ours en guimauve pour mordre dedans.

- Quoi ? Pourquoi tu demandes ça ?

- Je ne sais pas, dis-je hésitante et le sourire aux lèvres. Tu as des secrets, tu es rarement disponible, et tu passes des coups de téléphone mystérieux. Tu es donc un espion.

Nathan éclate de rire avant de me répondre.

- C'était seulement mon frère. Je dois le voir la semaine prochaine.

- Il habite loin ?

- A Montpellier.

- Et tu le vois souvent ?

Il m'explique qu'il a très souvent des nouvelles de Max, son frère et qu'il le voit pratiquement à chaque vacances. Il a sept ans de plus que lui mais les garçons restent tout de même très proches. Il est parti de la maison un an après leur père et lui, a gardé contact avec lui, contrairement à Nathan. Je me retiens de lui poser plus de questions et la conversation dérive sur les cours pendant de longues minutes, puis d'autres sujets tous plus banals les uns que les autres.

Nous restons au parc jusqu'à ce que la nuit tombe, nous avalons des gaufres en guise de diner et comme la veille, il me ramène tard, le soir. Mais cette fois-ci, j'ai prévenu ma mère alors elle n'est pas en colère du tout. Tout comme hier, elle me demande de tout lui raconter, donc je m'exécute avec joie.

Je revois Nathan le lendemain, mais avec tous les autres cette fois, et c'est ainsi pratiquement toute la semaine. Il vient me chercher, nous rejoignons les autres, nous passons la journée tous ensemble, et il me dépose.

Le samedi soir, nous finissons tous la soirée chez Sami avec beaucoup plus de monde. Je reconnais de nombreuses personnes du lycée mais je ne connais pas les autres. Nous ne sommes qu'une quarantaine d'adolescents dans cette grande maison, mais j'ai l'impression qu'il y en a trois fois plus.

C'est la première fois que je vais à une vraie soirée depuis mon arrivée et je m'amuse beaucoup. Nathan est là aussi mais je ne l'ai pas vu depuis de longues minutes. Malia, me voyant seule pendant la soirée, m'entraine immédiatement au centre du salon où nous dansons joyeusement et Flory nous rejoins rapidement. Je ne sais pas danser, mais je m'en fiche éperdument. Nous avons probablement l'air de trois folles mais nous ne sommes pas les seules. Et puis, j'ai envie de m'amuser !

Alice, quant à elle, est je ne sais où, certainement collée à Romain. Ces deux-là sont devenus inséparables, et depuis peu, les filles commencent à nous comparer à eux, Nathan et moi. « Vous finirez ensemble de toute façon, alors pourquoi repousser l'inévitable ? ». Cette dernière semaine que nous avons passé tous les deux me fait penser que ça ne me dérangerait pas. Pas du tout. J'aime beaucoup Nathan, de plus en plus. J'aime être avec lui ; il me fait beaucoup rire et j'adore les journées que nous passons ensemble. Même lorsque nous ne sommes pas seuls, nous trouvons toujours le moyen de parler entre nous quelques minutes. Comme ce soir.

Après avoir dansé pendant quatre musiques successives avec les filles, je sors par la porte arrière de la maison pour respirer un peu d'air frais. Il fait une chaleur à mourir à l'intérieur ! Mais à l'extérieur, il y a une piscine... Quatre dingues sont dans l'eau et rient aux éclats pendant que d'autres adolescents trainent dans le jardin, un verre ou une bière à la main. Parmi eux, Nathan discute avec Tobias et Damien, deux mecs de notre classe. Lorsqu'il me voit, il s'éloigne d'eux en s'excusant.

- Tu prends l'air, toi aussi ? me demande-t-il ironiquement.

- Oui, je n'en pouvais plus, ris-je avant de boire une gorgée de soda.

Il commence à faire quelques pas dans le jardin alors je le suis, me plaçant à sa droite pour être le plus éloignée de la piscine en bois.

- Tu as quelques chose de prévu demain ?

- Non. Rien de particulier, réponds-je. Et toi ?

- Les gars veulent aller faire un bowling dans l'après-midi. Ça te dit ? Les filles viendront certainement.

Je suis un peu déçue qu'il me propose une sortie en groupe mais j'accepte volontiers.

Je sursaute lorsque quelqu'un saute dans la piscine et nous éclabousse légèrement et j'attrape instinctivement le bras de Nathan. Il me propose alors de nous éloigner de l'eau. J'acquiesce avec empressement et il m'entraine un peu plus à l'écart en posant sa main dans le bas de mon dos.

Le jardin faisant tout le tour de la maison, nous nous arrêtons sur le côté de la bâtisse, près du muret qui sépare la demeure de celle des voisins. Après une longue inspiration, je prends mon courage à deux mains :

- Est-ce que ça te dirait d'aller au cinéma la semaine prochaine ? lancé-je en m'adossant à la pierre. Il y a nouveau film qui sort, un peu dans le même genre que celui qu'on avait vu la dernière fois, alors comme on avait tous les deux aimé, je me suis dis qu'on pourrait y retourner ? Ce n'est pas exactement le même évidemment, mais j'ai vu la bande annonce et il a l'air pas mal. Enfin, j'espère. Tu voudrais ?

Non seulement je parle beaucoup en temps normal, mais quand je suis stressée et avec Nathan et que je lui propose de sortir, c'est encore pire parce que je parle à toute vitesse ! Et son sourire amusé me fait exploser de rire.

- Ça serait avec plaisir, rétorque-t-il en reprenant son sérieux. Mais je ne suis pas là la semaine prochaine.

- Toute la semaine ?

- Ouais. De lundi à dimanche. Désolé.

Je cache ma déception derrière un sourire et hoche la tête.

- D'accord. Plus tard alors ?

- Oui, ça marche.

- Et si tu arrives à te libérer, tiens moi au courant, lui suggéré-je en essayant de ne pas paraitre insistante.

- J'essaierai, me promet-il.

Je le remercie et pour une fois, je ne trouve rien à ajouter. Exceptée une question qui pique une fois de plus ma curiosité.

- Ce sont tes devoirs d'agent secret qui te prennent tout ton temps ? Tu étais en pause cette semaine ?

Il soupire et pince les lèvres. Son regard quitte le mien avant de s'y accrocher à nouveau.

- Je ne suis ni agent secret, ni espion.

- Oui je sais. Enfin... Je le devine. Mais en même temps, c'est ce que répondrait un agent secret !

- C'est vrai, admet-il en souriant.

- Alors qu'est-ce que tu vas faire la semaine prochaine ?

Son sourire quitte son visage et il vide son verre d'une gorgée.

- Écoute Gaëlle, je...

- Non arrête, le coupé-je. Je suis désolée, je n'ai pas à te poser autant de questions. On ne se connait pas tant que ça alors c'est normal que tu caches des choses et...

- Gaëlle...

- Et je n'ai pas le droit d'insister comme ça. Excuse moi, c'était indiscret. Et puis même si tu es un espion, c'est ton droit. Et ton choix. Ce serait étrange, mais c'est toi qui décide quoi faire de ta vie !

- Gaëlle...

- Mais si un jour tu veux en parler, il n'y a aucun problème ! Je serai là pour t'écouter si tu en as envie. Moi aussi je ne te dis pas tout d'ailleurs alors...

- Tu peux t'arrêter, une seconde ? s'écrit-il soudainement.

Je m'interrompt subitement, la bouche ouverte. Je la referme et baisse la tête en m'excusant. Encore. Je n'ose plus parler de peur de faire une boulette alors je serre fortement la mâchoire.

- Hé...

Il relève ma tête en plaçant deux doigts sous mon menton et je croise son regard désolé.

- Pardon d'avoir crié, mais tu ne t'arrêtais pas, rit-il tout de même un peu tendu.

- C'est souvent le cas, rétorqué-je. Et c'est encore pire quand j'ai bu. Je n'ai avalé que deux verres mais comme je ne tiens pas du tout l'alcool, c'est déjà beaucoup pour moi. Je n'aurais pas dû en prendre un deuxième, c'est d'ailleurs pour ça que je bois du soda maintenant. La prochaine fois, je ne boirai que du soda, promis.

Cette fois, il ne m'a pas coupé la parole et m'a écouté attentivement, son visage à seulement quelques centimètres du mien et ses yeux rivés aux miens. Il est proche, très proche. Et ça, ça ne peut pas arranger mon cas. C'est tellement stressant d'être comme ça, face à lui, sa main toujours sur mon visage et l'autre attrape désormais mes doigts. Où est passé son verre ? Il avait un verre dans la main, il en a fait quoi ? Il l'a lâché ? Je ne l'ai pas vu faire.

- Il y a des choses que je ne dis pas sur moi, me dit-il calmement. Et ce n'est pas contre toi, ce sont des choses que je ne dis à personne. Je t'assure que je n'ai absolument rien contre toi. Au contraire. Je t'apprécie beaucoup.

- Mais tu ne me fais pas confiance ?

Il ne me répond pas mais m'offre un sourire d'excuses.

- C'est que...

- Tu n'as pas à te justifier, le coupé-je en souriant sincèrement. Peut-être qu'un jour je la gagnerai, ta confiance.

- Peut-être, murmure-t-il en baissant les yeux sur mes lèvres durant quelques secondes.

J'ai l'impression que son visage s'est rapproché du mien depuis tout à l'heure et je devrais en être d'autant plus mal à l'aise, mais ce n'est pas le cas. Étrangement, je me sens pousser des ailes et j'ai un élan de confiance en moi tel que je me hisse sur la pointe des pieds afin de déposer mes lèvres sur les siennes. Un baiser chaste qui ne dure qu'une ou deux secondes et je m'éloigne de lui aussi rapidement que je me suis rapprochée.

Logiquement, je devrais m'excuser de cet assaut soudain, mais je n'en ressens pas le besoin. Parce que je ne suis pas désolée d'avoir fait ça. J'en mourais d'envie, même si je ne l'ai jamais avoué. Et je meurs d'envie de recommencer.

Nathan ne m'a pas repoussée, mais n'a pas bougé pour autant. Ses doigts se resserrent autour des miens et son autre main glisse sur ma joue puis, d'une faible pression sur ma nuque il me rapproche de lui et m'embrasse. Je ne suis même pas surprise, je n'en ai pas le temps si je veux savourer cet instant. Je m'abandonne dans ses bras, littéralement, et je réponds à son baiser avec fougue. Je passe ma main libre dans son dos pour le serrer plus contre moi.

Ce soir, j'ai l'impression de voler haut dans le ciel, très haut. Je côtoie momentanément les étoiles tout en étant sur la terre ferme, dans ses bras. Depuis le temps que j'attendais de toucher les étoiles, je les frôles enfin du bout des doigts et je ne peux que constater que c'est bien plus beau que ce que j'avais imaginé.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top