Chapitre 5
Nathan
- Tu as réussi à te libérer finalement ! s'exclame Gaëlle, un immense sourire aux lèvres.
- On dirait, lui souris-je à mon tour.
Contre ma volonté, mes yeux se baissent sur son corps, mais juste une seconde, pas plus. C'est un simple réflexe et ce coup d'œil n'a pas dépassé une seconde. Deux maximum. Mais j'ai le temps de voir que son maillot de bain pourpre deux pièces lui va parfaitement bien et contraste étonnement avec sa peau pâle. Elle est mince mais pas maigre, une petite poitrine et un ventre plat. En somme : elle est vraiment très belle.
- Toi qui ne sort jamais ! raille Romain en me tapant sur l'épaule.
- Tu as pu te libérer facilement alors, ajoute Sami avec ce sourire sarcastique qui m'agace.
- Oui, et alors ? Vous voulez que je rentre ? demandé-je ironiquement.
Ils éclatent de rire puis attrapent Gaëlle sans crier gare, l'un par les bras, l'autre par les jambes. Elle hurle à pleins poumons en se débattant mais les gars sont trop forts pour elle alors ils l'a conduisent jusqu'à la mer, où ils l'a jettent sans ménagement lorsque l'eau devient assez profonde. Je m'assieds sur la serviette près des filles et ris doucement. Elle n'avait pas l'air d'accord, visiblement.
- Je serais vous, je ferais très attention. Vous allez y passer aussi, les préviens-je avant de regarder Flory qui vient s'affaler près de nous : sauf toi.
- Si j'avais assez de force, je les aurais déjà noyés, grogne-t-elle.
- Et de deux ! annonce fièrement Sami. A qui le tour ?
Alice et Malia protestent fortement alors mes deux potes capitulent et s'installent. Je sais toutefois qu'ils n'en ont pas fini et qu'ils repoussent seulement cet instant fatidique à tout à l'heure. Romain prend place à côté de sa future petite-amie alors que Gaëlle est toujours près de l'eau. Dos à nous, je la vois détacher ses cheveux et les essorer, puis elle reste à fixer la mer sans bouger pendant de longues minutes. Lorsqu'elle revient, je remarque que son sourire a disparu et que son air joyeux n'est plus là. Elle semble très contrariée lorsqu'elle s'assied entre Sami et Flory, face à moi.
Quand elle relève la tête vers moi, elle m'offre un sourire timide et reporte son attention vers les autres qui discutent joyeusement, tout en piochant dans une boite de bonbons. Elle qui était souriante lorsque je suis arrivée, elle est maintenant étrange et je pourrais presque parier que son sourire était faux. Je me demande ce qui lui arrive.
Les discussions autour de moi vont de bon train mais je ne m'intègre pas vraiment à la conversation et mes pensées dérivent vers ma fille. Toute la matinée ma mère m'a poussé à sortir en affirmant qu'elle s'occupera d'Elya. Je sais qu'elle prend toujours soin d'elle, mais sacrifier une journée que je pourrais passer avec elle est très difficile pour moi. Je ne le fais jamais. Les seuls moments où je sors avec mes amis sont lorsque Max, mon frère, prend sa nièce chez lui pendant quelques jours.
Pour me pousser à déguerpir de la maison, ma mère est partie à la piscine avec Elya, en lui demandant de me dire qu'elle souhaitait avoir une journée avec sa mamie. Elles sont donc parties toutes les deux et j'ai longuement hésité à rester à la maison.
Et me voilà ici, à culpabiliser de ne pas les avoir suivies. Elya adore la piscine. Elle doit probablement être en train de sauter dans l'eau pour éclabousser ma mère ou de lui demander de chronométrer le temps qu'elle reste sous l'eau.
- Tu viens Nathan ? me demande Sami en me montrant les autres qui avancent vers l'eau.
- Non non. Je n'ai pas pris de serviette. Allez-y, je garde les affaires.
- Gaëlle ?
- J'aimerais sécher mes cheveux s'il te plait ! s'exclame-t-elle ironiquement.
- Bon alors je viens, déclare Flory qui vient visiblement de changer d'avis.
Je devine qu'elle a fait ça pour nous laisser tous les deux. La bande essaie de nous mettre ensemble tous les deux. J'en profite donc pour parler avec elle.
- Tu vas bien ?
- Oui, me sourit-elle. Et toi ?
Je remarque qu'elle va mieux que tout à l'heure.
- Très bien.
- Je suis contente que tu sois venu.
Elle est sincère, je le vois. Le rosissement de ses joues en atteste et me fait sourire au moment où elle détourne le regard.
- Pourquoi tu ne vas pas te baigner ?
- Tu veux que je m'en aille ? demande-t-elle en haussant les sourcils.
- Pas du tout ! Je me demandais seulement pourquoi, c'est tout.
Elle ramène ses genoux contre sa poitrine et entoure ses jambes de ses deux bras. Gaëlle parait soudain embarrassée à en juger par le pincement de ses lèvres. Elle hésite un instant et avoue dans un faible murmure :
- J'ai peur de l'eau.
Ma mâchoire se décroche et j'écarquille les yeux.
- Et je ne sais pas nager, ajoute-t-elle en fixant la mer face à nous tandis que je la regarde attentivement. Je n'ai jamais pu apprendre à nager parce que j'avais peur d'avoir la tête sous l'eau. Du moment que j'ai pied et que l'eau arrive au maximum au niveau de ma poitrine, ça va à peu près mais je ne supporte pas d'être immergée sous l'eau. En fait, plus je me trouve loin de l'eau, mieux c'est.
- Depuis quand tu as peur ?
- Des années, sourit-elle.
Elle tourne la tête vers moi et pose sa joue sur son genou avant de continuer :
- Quand j'avais six ans, j'ai failli me noyer. Mon père m'avait emmenée chez mon oncle qui avait une piscine creusée. Ils étaient tous les deux à l'intérieur de la maison et je voulais me baigner mais mon père me l'a interdit puisqu'il n'était pas avec moi. Alors je me suis assise sur le rebord et je m'amusais à toucher l'eau du bout des doigts. Mais j'ai glissé. Ils ne s'en sont pas rendus compte immédiatement puisqu'ils étaient dans le salon. J'ai perdu connaissance mais mon oncle m'a... réanimée, en quelques sortes. Depuis, j'ai une peur bleue de l'eau.
Ses yeux gris n'ont pas quitté les miens durant toute sa tirade et je sens l'émotion dans sa voix en se rappelant ces évènements qui l'ont visiblement traumatisée, au point de craindre une simple piscine.
Sans avoir pris la peine de réfléchir à ce que j'allais faire, je lève ma main et ramène une de ses mèches blondes humide derrière son oreille.
- Pourquoi tu ne leur as pas dit ? Ils ne t'auraient pas jetée à l'eau si tu l'avais fait.
- Je sais, rit-elle nerveusement. Je n'ai pas eu le temps.
- Tu devrais leur dire sinon ils vont recommencer.
- Tu as raison !
- Évidemment que j'ai raison, dis-je en haussant les épaules.
Elle éclate de rire et me bouscule l'épaule. Ses aveux ne semblent pas la déranger.
En face de nous, à une trentaine de mètres, Alice et Romain ont disparu. Mon ami est certainement en train de déclarer sa flamme à sa bien-aimée. Selon Gaëlle, Alice n'est pas indifférente aux propos du rouquin même si elle le nie totalement. Peut-être qu'un couple est en train de naitre.
- Et toi ? Pourquoi tu ne vas pas te baigner ? Et ne me sort pas l'excuse de la serviette.
Je ricane et lui affirme que c'est la vraie raison, mais elle ne me croit pas. Je lui donne alors la raison pour laquelle je n'ai pas voulu prendre mes affaires.
- Parce que je ne reste pas longtemps.
Elle sourit gentiment avant de me poser une question pour tenter de combler sa curiosité.
- C'est quoi toutes ces activités secrètes ? quémande-t-elle.
- J'ai seulement des devoirs en retard, plaisanté-je.
- Je te crois pas. Mais je vais te laisser le bénéfice du doute ! déclare-t-elle au moment où je reçois un message.
C'est ma mère qui m'envoie une photo d'Elya en train de me tirer la langue, trempée, dans son petit maillot de bain violet. Elle est tellement mignonne. En légende, il y a écrit « Amuse-toi bien Papa ! ». J'hésite entre sourire ou soupirer et je lui envoie que je l'aime avant de ranger mon téléphone.
- C'est très gentil de ta part ! ironisé-je.
Les autres coupent court cette petite conversation puisqu'ils débarquent en riant à gorge déployée. Gaëlle leur avoue alors qu'elle a peur de l'eau et Sami s'excuse une bonne dizaine de fois mais elle le rassure immédiatement en souriant. Heureusement qu'elle avait pied et que ce n'était pas dans une piscine de deux mètres de profondeur.
Les deux amoureux arrivent quelques minutes plus tard, main dans la main et nous révèlent qu'ils sont désormais ensemble. Comme si ce n'était pas une évidence ! C'est donc inévitable, ils se font chambrer par tout le monde, mais il n'empêche que je suis content pour eux.
Je reste avec mes amis trois heures supplémentaires et décide de me lever. J'estime qu'avoir passé plus de quatre heures hors de la maison est un très bon début pour une première sortie avec mes amis.
- Est-ce que ça te dérangerait de me déposer chez moi, s'il te plait ? me demande Gaëlle en levant la tête vers moi.
- Non pas du tout.
Elle me sourit et attrape son sac après avoir mis sa robe. Nous saluons le groupe d'un signe de la main avant de quitter la plage.
- Alice ne faisait que nous affirmer qu'elle n'éprouvait rien pour Romain mais on connaissait tous la vérité ! s'exclame Gaëlle en riant lorsque nous atteignons le parking.
- Romain ne se cachait pas, par contre, m'esclaffé-je.
- J'avais remarqué, ricane-t-elle. Mais je suis heureuse pour eux.
- Moi aussi.
Je démarre la voiture et sors du parking.
- Tu t'ennuyais trop là-bas pour rester avec eux ? la taquiné-je.
- Non, mais il se trouve que j'avais l'occasion de rentrer en voiture au lieu du bus. Alors j'en ai profité.
- Alors que je ne fais que te proposer de t'emmener en cours le matin ! soupiré-je.
- Je plaisante, me sourit-elle.
- Pas moi !
Elle me sort le même argument qu'habituellement, à savoir qu'elle part plus tôt que moi et qu'elle ne veut pas me faire changer mes horaires, et qu'en plus, elle prend le bus avec sa sœur. Où est-ce qu'elle trouve ses arguments ?
Peu importe. Elle finira bien par changer d'avis. Je lui demande alors de me prévenir le jour où elle accepte ma proposition au moment où j'arrive devant chez elle. Elle m'embrasse la joue et me remercie, puis sort de la voiture en tenant son sac dans une main. Elle referme le petit portail en me faisant un signe de la main.
Spontanément, je décroche ma ceinture et ouvre la portière.
- Gaëlle ! l'appelé-je en m'arrêtant devant le portail.
Elle se retourne en relâchant la poignée de la porte.
- Oui ?
- Est-ce que... Ça te dirait de...
Oh mon Dieu. C'est encore plus compliqué que ce que je croyais ! Je dois avoir l'air d'un demeuré à bégayer autant, mais mon amie a la gentillesse de ne pas se moquer et de faire comme si je n'étais pas en train de puiser dans toutes mes forces pour pondre une simple phrase.
- Ça te dirait de passer une journée... tous les deux ?
Elle parait surprise pendant une seconde mais me sourit immédiatement tout en rougissant légèrement. Elle n'imagine pas l'effort considérable que cette question requiert.
- Oui, d'accord.
Je retiens l'immense soupir de soulagement que je retiens en moi. Depuis plusieurs jours déjà, je pense à lui faire cette proposition mais je n'ai jamais osé la lui faire. A cause d'Elya, bien évidemment.
- Ok hum... On en reparle cette semaine ?
- Ça marche, me sourit-elle timidement. A lundi, Nathan.
- A lundi.
N'importe qui, qui connait ce qu'il se passe dans ma vie depuis quatre ans, sait pourquoi je suis sorti aujourd'hui. J'apprécie de plus en plus Gaëlle même si j'ai beaucoup de mal à l'admettre. Je pense que ma mère me forcera à le dire quand elle rentra très bientôt, tout comme Sami et Romain. Ces deux-là ne vont pas me rater ! Je les entends déjà me dire que je ne suis venu que pour la voir elle, et passer du temps avec elle. Et ils ont raison !
Oui, Gaëlle me plait. Elle est très jolie et j'adore discuter avec elle. Le peu de temps que nous avons passer à parler tous les deux aujourd'hui m'a fait beaucoup de bien. Habituellement, nous ne nous voyons et ne discutons ensemble que pendant les cours et lorsque je la ramène. Ces quelques minutes avec elle étaient très plaisantes. C'est pour cela que je me suis enfin jeter à l'eau.
Mais maintenant que je suis de retour à la maison, vide de toute présence, je me pose des questions. Est-ce que j'ai bien fait ? Je ne compte pas lui parler d'Elya, c'est certain, mais me rapprocher de Gaëlle implique d'être moins souvent avec ma fille et ça, ça me déchire le cœur.
Nous passons tous nos week-ends ensemble. C'est le premier que je passe sans elle en quatre ans - si on ne compte pas les fois où elle était en vacances chez Max. Cette sensation est vraiment étrange. Je suis conscient que ma fille sait que je ne l'abandonne pas et je tente de me convaincre qu'elle passe simplement une journée avec sa grand-mère.
C'est difficile, mais ma mère a raison ; il faut que je décroche et que je me force à avoir un peu de temps pour moi. Pas trop quand même, mais je vais commencer par une journée le week-end prochain. Ou quand mon frère viendra chercher sa nièce. Ainsi, je pourrai passer la journée sans culpabiliser.
Elya est à moitié endormie lorsqu'elle passe la porte avec ma mère et vu la rougeur de ses yeux, ma fille a passé tout son temps dans la piscine. Sa grand-mère va dans la salle de bain pour lui faire couler un bain pendant que ma princesse vient sur mes genoux sur le canapé.
- J'ai sauté plein de fois dans l'eau et j'ai éclaboussé Mamie. Elle m'a même fait nager sans mes brassards mais j'ai failli couler. J'ai avalé de l'eau et c'était pas bon du tout, Papa. Et puis on a fait du toboggan six fois mais toutes les deux. Mamie voulait pas que je descende toute seule parce que tu n'étais pas là. Tu sais, comme on fait d'habitude. On monte tous les trois en haut du toboggan, tu descends en premier, après c'est moi et tu me rattrapes en bas et après c'est Mamie. Mais comme on était que toutes les deux, on a glissé ensemble et c'était quand même rigolo et...
- Ma chérie ? Tu raconteras tout ça pendant le bain, d'accord ? interrompt ma mère.
Je la porte dans mes bras et elle continue son récit. Il y a certaines choses que je ne comprends pas, mais l'entendre parler avec autant d'engouement me fait beaucoup rire. Dans le bain, elle me parle encore et encore alors je comprends qu'elle s'est vraiment bien amusée.
Je la laisse s'amuser seule dans le bain pendant quelques minutes et vais dans la cuisine où ma mère commence à préparer le repas.
- Elle s'est éclatée ! m'annonce-t-elle.
- C'est ce que j'ai compris, souris-je.
- Tu vois, me taquine-t-elle, même sans toi elle réussit à s'amuser.
J'avais remarqué aussi.
- Et toi ? Tu t'es amusé ?
- C'était pas mal, admets-je en retenant un sourire. Je suis rentré une vingtaine de minutes avant vous.
- Tu as bien profité tout l'après-midi alors !
J'acquiesce et elle me demande de lui passer le sel.
- Gaëlle était là ?
- Oui pourquoi ?
- Simple question.
Son sourire en coin m'indique le contraire. Je n'attends pas ses moqueries à venir et lui avoue ma décision.
- Je lui ai demandé de passer une journée avec moi.
Elle en lâche son couteau à viande sur le plan de travail et se tourne vers moi, visiblement très choquée.
- Tu as fait quoi ?
- Je ne sais pas encore si j'ai bien fait de faire ça. Je l'ai fait sans réfléchir et...
- Et tu as bien fait, me coupe-t-elle. Je ne connais pas cette fille mais si elle te plait au point de passer une ou deux journées avec elle, c'est que ça en vaut la peine, tu ne crois pas ? Tant que tu ne passes pas tout tes week-ends dehors, je ne vois pas où est le problème.
Je soupire, légèrement désemparé. Jamais je ne passerai tout mes week-ends loin de chez moi, c'est hors de question ! Mais de temps en temps, pourquoi pas. Je verrai.
- Tu as peut-être raison.
- Évidemment que j'ai raison ! Je suis ta mère !
Évidemment.
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