Gaëlle

Depuis que ma mère et ma sœur m'ont vue dans la voiture de Nathan, elles ne cessent de me chambrer et s'en amusent beaucoup. De mon côté, je ne prends même plus la peine de leur répéter que nous ne sommes qu'amis, ça ne sert à rien.

Elles devraient être heureuses pour moi que j'aie réussi à me faire des amis. Lui et ses deux meilleurs amis, Sami et Romain, ainsi que Malia, Flory et Alice. Je n'ai jamais eu vraiment de mal à me faire des amis, mais je les agace souvent. Très souvent. Avec eux, ce n'est pas encore arrivé. Ils se moquent de moi quelques fois mais je m'en fiche. Moi même j'en ris beaucoup. Tous les sept, nous formons un petit groupe et ce, depuis que les binômes de chimie ont été faits le mois dernier. J'ignorais que j'allais si bien m'intégrer dans ce nouveau lycée, mais j'en suis très heureuse.

En ce moment, je soupçonne que quelque chose se passe entre Romain et Alice. Cette dernière le nie totalement et ça nous fait vraiment rire, les filles et moi. Ça me faisait rire du moins, avant qu'elles ne se retournent toutes vers moi en me demandant ce qu'il se passait entre Nathan et moi. Dans ces moments-là, je donne la même réponse qu'Alice. Et c'est la vérité, il ne fait que me déposer chez moi et nous discutons beaucoup tous les deux durant ces courts trajets. C'est vrai que je l'apprécie plus que les deux autres garçons, mais il ne se passe rien d'autre qu'un début d'amitié.

- Ca vous dirait qu'on passe une journée ensemble ce week-end ? annonce Flory pendant le déjeuner en me donnant un coup de coude complice dans le bras.

Les deux filles en face de nous approuvent immédiatement en proposant d'aller à la plage. Malia ajoute que nous ne pourrions certainement pas nous baigner alors ça pourrait être amusant. J'acquiesce à mon tour.

- On propose aux garçons ? demande ma voisine de table en faisant un clin d'oeil à la blonde en face d'elle.

Malia éclate de rire face à ce sous-entendu et surenchérit :

- Évidemment qu'on leur demande. Comme ça, les deux menteuses à cette table pourront passer un peu de temps avec deux personnes que je ne nommerai pas.

- Vous avez fini, oui ? s'exclame Alice, un peu brutalement.

- On plaisante seulement, soupire la brune à côté de moi.

- Oui eh bien ça commence à être lourd, proteste-t-elle.

Ce léger froid impose le silence mais je le brise aussitôt :

- J'en parlerai à Nathan ce soir et il faut que je vois avec ma mère aussi. On prévoit ça pour samedi ?

Trois hochements de tête me répondent et nous nous levons en même temps pour débarrasser nos plateaux. Les gars ont préféré manger dehors aujourd'hui alors je verrai ça avec Nathan après les cours, pendant que Flory en parlera aux deux autres puisqu'ils prennent le même bus tous les trois.

Je me jette à l'eau lorsque nous entrons dans la voiture et aborde le sujet avec mon ami, lui proposant cette sortie à la plage.

- C'est quand ? demande-t-il en faisant marche arrière pour sortir de sa place de parking.

- Samedi. On s'est dit qu'on pourrait se retrouver en fin de matinée à la plage pour manger ensemble et passer le reste de la journée là-bas. Avec Sami et Romain, bien sûr.

- Je ne pourrai pas, répond Nathan spontanément.

- Peut-être dimanche, alors ? Si les autres n'ont rien de prévu, on peut décaler.

- Je ne suis pas là du week-end, désolé.

Je mentirais en affirmant que ça ne me faisait rien. Je suis un peu déçue mais ne le montre pas.

- Une prochaine fois, alors, lui souris-je.

Il tourne la tête vers moi et m'offre un très bref sourire avant de reporter son attention sur la route. Je remarque qu'il soupire imperceptiblement et que ses mains se resserrent sur le volant. Il demeure ensuite silencieux le reste du trajet et je me sens mal à l'aise lorsque je lui demande si tout va bien. Il me répond vaguement que oui et arrête la voiture devant chez moi.

- Tu es sûr que tu ne peux pas te libérer ? insisté-je en grimaçant.

- Certain, me sourit-il, plus détendu que tout à l'heure. Mais tu ne seras pas seule, ne t'inquiète pas. Il y aura les filles et je suis sûr que Romain sera là si Alice vient. Et comme Sami et lui sont inséparables, il viendra aussi.

- Oui mais je voulais que tu viennes aussi, déclaré-je.

Il hausse les sourcils et retient un sourire moqueur. Je rougis instantanément et tente de me rattraper :

- Oui enfin... Pour que le groupe soit au complet, tu vois ? On est tout le temps ensemble alors... Pas toi et moi ! corrigé-je. Avec les autres. Tous ensemble, tu comprends ? Donc c'est pour ça que je me disais que ça aurait été cool si tu venais aussi, mais si tu ne peux pas on verra ça un autre jour. D'accord ?

Je retiens mon souffle, les joues écarlates et attends sa réponse. Qui ne vient pas puisqu'il explose de rire.

- Je dois rentrer, annoncé-je. A demain.

J'ouvre la portière mais Nathan me retient par le poignet.

- Excuse-moi Gaëlle, je ne voulais pas te blesser.

Il dit cela sans se départir de son sourire moqueur, ce qui me fait rire doucement.

- Ne t'inquiète pas, tu ne m'as pas blessée, réponds-je sincèrement.

Je me suis ridiculisée moi-même, c'est tout. Il n'est pas responsable.

- J'aurais aimé passer cette journée avec toi, mais je ne peux pas me libérer, dit-il sérieusement. Je suis rarement disponible le week-end.

- Monsieur a un emploi du temps de ministre ?

Il ricane en retirant sa main de la mienne.

- On dirait.

- Tu es toujours très secret, déclaré-je à voix basse. Chaque fois que je te pose des questions sur toi, tu esquives.

- Ce n'est pas vrai. J'ai seulement des trucs à faire tous les week-ends, dit-il en restant toujours vague.

Je hoche lentement la tête en souriant faiblement. Il vient à nouveau d'éluder mes propos.

- D'accord. Bonne soirée Nathan.

- A demain.

Je descends de la voiture et la regarde s'éloigner au bout de la rue. Je me suis retenue de lui demander ce qu'étaient ces « trucs à faire tous les week-ends », je ne suis pas en position d'exiger des réponses. Nous ne sommes amis que depuis quelques semaines alors s'il ne veut pas que je connaisse certains détails de sa vie, c'est son choix.

Et puis je retiens surtout qu'il a affirmé vouloir passer la journée avec moi. Pas avec nous tous, avec moi. Peut-être était-ce seulement pour se rattraper de m'avoir blessée, comme il l'a si bien dit, mais ça m'a fait plaisir d'entendre ces mots. Je ne connais pas très bien Nathan, mais j'en sais suffisamment sur lui pour pouvoir dire que je l'apprécie beaucoup. Est-ce qu'il me plait ? Je ne saurais le dire pour le moment.

Il est vrai que je suis déçue qu'il ne vienne pas se joindre à nous ce week-end et que ma curiosité aimerait être rassasiée et connaitre ses petits secrets dont il parle souvent avec les garçons, mais j'ignore si tout cela signifie que Nathan me plait. Peut-être que si je passais un moment seule avec lui pour apprendre à le connaitre, sans être entourés des autres, je saurais ce que je ressens aujourd'hui.

Toujours est-il que j'espère qu'il passera le prochain week-end avec nous malgré tout ce qu'il a à faire.

- Je peux aller à la plage avec les filles samedi ? demandé-je à ma mère après l'avoir embrassée sur la joue.

- On devait aller faire du shopping avec ta sœur, me rappelle-t-elle.

- Ah oui ! J'avais oublié, grimacé-je.

Elle pose les mains sur ses hanches menues en soupirant. Puis elle sourit et m'autorise finalement à y aller.

- C'est vrai que tu n'es jamais sortie avec tes amies depuis qu'on est arrivé, admet-elle.

- Merci Maman ! m'exclamé-je en la serrant dans mes bras.

- Mais ça va aller pour toi ? insiste-t-elle en fronçant les sourcils.

- Oui, pas de problème. Il fera sûrement un peu trop froid pour se baigner de toute façon.

Zoé arrive dans le salon et nous demande ce qui se passe. Lorsque je lui explique, elle ricane :

- Et Nathan ? Il vient aussi ?

- Non.

- Mon œil ! me taquine-t-elle.

- C'est la vérité, il ne vient pas.

- Alors c'est seulement une journée entre filles ? me questionne ma sœur en perdant son sourire, déçue.

- Il y aura aussi Sami et Romain.

Ma mère fronce les sourcils.

- C'est pas toi qui m'avait dit qu'ils étaient toujours tous les trois ?

- C'est le cas, mais il ne peut pas venir ce week-end, soupiré-je.

- C'est triste, marmonne Zoé.

- Pourquoi ?

- Tu ne seras pas avec ton amoureux.

Je quitte le salon en grognant, agacée, pendant que ma mère et ma petite sœur sont mortes de rire. J'ai parfois l'impression qu'elle ont le même âge toutes les deux. Elles n'arrêtent pas de me taquiner avec Nathan depuis qu'il me ramène à la maison chaque soir.

Une fois dans ma chambre, je m'allonge sur mon lit pour envoyer un message à Flory afin de la prévenir que Nathan ne sera pas là samedi, contrairement à ses deux amis qui ont confirmé leur présence.

Le vendredi passe rapidement et nous nous retrouvons tous les six à la plage le lendemain. Comme il fait plutôt bon, il y a un peu de monde autour de nous mais ce n'est pas dérangeant. C'est même très agréable. A Brest, il faisait déjà très froid en octobre alors ça fait beaucoup de bien de pouvoir sortir avec une simple petite robe sur le dos.

Installés sur une grande nappe sur le sable, nous mangeons des sandwichs, des chips et plein d'autres cochonneries, tout en discutant.

- Tu regrettes la Bretagne ? se moque Malia lorsqu'elle me voit regarder partout autour de moi.

- Quelques fois, oui. C'est vrai qu'il pleut souvent et qu'il fait vraiment froid parfois alors ça, ça ne me manque pas vraiment. Même si la pluie ne me dérangeait pas plus que ça, en fin de compte. J'adore l'odeur de la pluie. Et puis vous savez, les paysages là-bas sont vraiment magnifiques. Les plage et les falaises, tout est superbe. Ici aussi, j'adore. C'est juste différent, mais j'ai eu du mal à m'habituer à la chaleur au début.

Je soupire le dernier mot en me rendant compte que j'ai encore raconté ma vie. Je grimace en m'excusant pendant qu'ils explosent de rire.

- Ce qui est bien avec toi, c'est qu'on connait le moindre détail de ta vie, se moque Alice.

- Je ne le fais pas exprès, bougonné-je.

- Je sais et on s'en fiche totalement. C'est juste hilarant ! rit la blonde près de moi.

Au même moment, Sami s'esclaffe doucement en regardant l'écran de son téléphone. Il le montre ensuite à Romain qui lui murmure quelque chose que je n'entends pas. Alice demande à son presque petit-copain ce qui se passe, mais il lui répond que c'est une histoire de mecs. Ces deux-là aussi sont secrets. Avec Nathan, ils forment un joli trio de comploteurs.

- On va se baigner ? proposent les garçons pour changer de sujet.

Ils sont déjà en short de bain et Malia ne porte que son short en jean. Je retire ma robe en même temps que Flory et nous avançons tous les quatre jusqu'à la mer, les deux autres filles préférant rester au sec. Je relève mes cheveux sur le haut de ma tête pour ne pas les mouiller et avance lentement dans l'eau froide. Je ne compte certainement pas me baigner, je vais simplement avancer un peu dans l'eau. Jusqu'aux genoux, maximum. Je ne pourrai pas faire plus.

Les gars ne perdent pas de temps et prennent mon amie en otage pour la mettre à l'eau. Sur le moment, j'éclate de rire, mais je me rends compte que je devrais plutôt m'enfuir. Prévoyant que je vais moi aussi finir à l'eau, je me recule de plusieurs mètres au moment où ils se retournent tous les deux vers moi, sous les insultes de Flory. Ses cheveux bruns bouclés retombent affreusement sur son visage et je ne peux m'empêcher de rire, tout en appréhendant fortement mon futur très proche. Finalement, je crois que je vais retourner sur ma serviette.

- Ne te moque pas d'elle parce que c'est ton tour ! s'écrit Sami.

Je secoue frénétiquement la tête tout en continuant de reculer. Je suis sur le qui-vive au cas où l'un d'eux se mettrait à courir, mais ce n'est pas le cas. Romain attrape son ami par le bras et lui montre un point derrière moi, puis tous deux sourient. J'hésite à me retourner. Si je le fais, est-ce qu'ils en profiteront pour me courir après et me jeter à l'eau ?

Je recule encore un peu pour m'éloigner d'avantage et me retourne juste une seconde. Je me rends alors compte que ce n'était pas une sorte de stratagème bizarre ou je ne sais quoi d'autre puisque je vois Nathan qui vient d'arriver vers les filles. Je m'avance immédiatement vers lui.