Chapitre 38.

Gaëlle

Je crois n'avoir jamais vu Nathan si déboussolé. Il m'a tout raconté de son entrevue avec son père et j'ai eu mal pour mon petit-ami. Il a souhaité comprendre le pourquoi du comment mais j'ai l'impression que c'est pire qu'avant désormais.

L'arrivée d'Elya a compromis les projets d'avenir de John et cela l'a mis en colère au point de tout quitter au détriment de sa vie de famille. Comment peut-il agir de la sorte ? Il n'est plus un enfant tout de même ! S'il aimait son ex-compagne au point de vouloir l'épouser, pourquoi être parti ? Pourquoi avoir tout abandonné ? Si Myriam l'aimait aussi fort que lui l'aimait, elle aurait accepté de l'épouser. Certes, cela aurait été fait un peu plus tard à cause de la présence d'Elya, mais ils se seraient mariés !

Je ne comprends pas.

- Je n'arrive pas à comprendre... soupire Nathan en s'allongeant près de moi. J'y réfléchis depuis que je suis parti de chez lui, j'essaie de lui trouver une excuse, mais c'est impossible. Il n'a agit que par pur égoïsme, alors qu'il me l'a lui même reproché. C'est insensé.

Je m'approche de lui et pose ma tête sur son torse. Ses doigts viennent immédiatement se mêler à mes cheveux. Il me masse le crâne tout en continuant de parler à voix basse.

- Je n'en reviens pas qu'il ait voulu se marier avec ma mère. Il avait même prévu un vrai voyage de noces ! Pourquoi tout lâcher comme ça ? C'est incompréhensible.

- Je pense qu'il était jaloux de ta fille. Elle a accaparé l'attention de ta mère alors peut-être est-ce pour ça qu'il t'en veut. Je ne sais pas.

- C'est complètement con, conclut-il.

- Je n'ai jamais dit le contraire, rétorqué-je en me redressant pour croiser son regard. Tu as été courageux d'être allé le voir.

- Je l'ai seulement fait pour elle.

Je dépose un baiser sur ses lèvres et reprends ma place sur son torse.

- Je sais. C'est peut-être mieux qu'il ne la voit jamais. Il risque certainement d'être méchant avec elle.

- C'est ce que je me dis aussi. Je préfère qu'Elya n'ait jamais affaire à lui plutôt qu'elle se rende compte de son caractère de merde.

- Ouais...

Il me fait basculer sur le lit et se place au dessus de moi. Mes doigts se verrouillent sur sa nuque et je l'approche de moi.

- Tu sais que je t'aime ? chuchote-t-il contre ma bouche.

- Tu me l'as déjà dit une ou deux fois, en effet.

- Si peu ? s'offusque-t-il avant de dévorer mes lèvres avec voracité.

Lorsque sa main s'aventure sous mon tee-shirt, je la retire dans la seconde.

- J'ai envie de toi, murmure-t-il contre mon cou.

- Moi aussi, gémis-je avant de le repousser doucement. Mais ce sera pour une prochaine fois.

Il soupire de désespoir puis s'allonge près de moi, résigné. Nous sommes chez son frère qui ne possède qu'une seule chambre d'amis. Par conséquent, Elya dort sur un matelas, à côté de notre lit.

***

Le lendemain après-midi, je descends avec Elya afin de l'emmener à la petite aire de jeux au bas de l'immeuble où vit Max, pendant que les deux frères discutent de leur paternel. Ils avaient besoin d'un moment tous les deux, sans la petite curieuse dans les parages pour écouter aux portes. Ça ne me dérange pas ; j'adore être avec elle.

- Tu peux venir me pousser, s'il te plaît ? me demande-t-elle en grimpant sur la balançoire.

- J'arrive.

Je la rejoins et la pousse chaque fois plus haut, l'entendant rire aux éclats.

- Tu crois que je peux toucher le ciel ?

- Essaie. Mais ne t'envole pas, hein !

- Promis ! s'esclaffe-t-elle.

Je m'attelle à la tâche qui m'a été donnée mais Elya se lasse rapidement de la balançoire alors elle souhaite faire du toboggan. Je m'installe donc sur le banc le plus proche et la regarde jouer. Quelques minutes plus tard, une maman et ses deux enfants arrivent sur l'aire de jeu. Elle, s'assied près de moi et ses deux filles font immédiatement d'Elya leur nouvelle amie. Elle me fait coucou de temps en temps, mais ne se soucie pratiquement pas de moi. Ça montre qu'elle s'amuse bien.

Néanmoins, au bout d'une demie heure, je remarque un homme près de la grille située entre la route et l'aire de jeu. Je le vois fixer les enfants, alors je ne le lâche pas des yeux. Qu'a-t-il à les regarder de la sorte ? Et pendant plus de dix minutes, qui plus est. Il ne bouge pas et se contente de scruter les fillettes.

- Excusez-moi de vous déranger, commencé-je en m'adressant à la femme près de moi.

Elle relève les yeux de son téléphone portable et me sourit.

- Est-ce que vous connaissez l'homme près de la grille ?

Elle fronce les sourcils, jette un œil vers l'homme en question puis secoue la tête.

- Non. Je ne viens pas souvent ici, mais je ne l'ai jamais vu. Pourquoi ?

- Il regarde les filles depuis plusieurs minutes et ça commence un peu à m'inquiéter, grimacé-je.

Elle le regarde à nouveau puis je sens la crainte l'envahir elle aussi. Je me lève alors et me dirige vers cette grille. Mon arrivée provoque un sursaut chez l'inconnu et il fait mine de partir mais je l'arrête.

- Attendez !

Ses grands yeux bleus se plongent dans les miens et j'ai comme une impression de déjà vu. Je ne me laisse toutefois pas impressionner par sa carrure étonnante ainsi que sa posture rigide et froide.

- Que faites-vous ici ?

- Je vais m'en aller, bafouille-t-il. Excusez-moi de vous avoir fait peur, ce n'était pas mon intention.

- Pourtant c'est le cas, rétorqué-je durement. Alors dites-moi ce que vous faites ici, à regarder des fillettes jouer, ou j'appelle la police.

Il ouvre la bouche pour répondre, mais Elya lui coupe la parole.

- Maman ? On peut rentrer s'il te plaît ? Mes copines sont parties et je m'ennuie.

Je jette un œil derrière moi et constate que la femme et ses deux filles ont disparu. Je comprends que ça puisse l'inquiéter, mais de là à me laisser seule alors que je prends la défense de ses filles autant que d'Elya !

- Maman ? répète l'inconnu, surpris.

- Bah oui c'est ma maman, répond Elya, insouciante.

- Va jouer, ma puce, la coupé-je.

- Mais je m'ennuie...

- Juste deux minutes, j'arrive.

Elle soupire discrètement mais exécute tout de même mon ordre.

- Vous la connaissez ? le questionné-je intriguée.

- Je connais son oncle, dit-il si bas que j'ai du mal à entendre.

- Max ?

- Oui.

- Ah d'accord. Je suis désolée de vous avoir accusé alors, souris-je nerveusement.

- Ce n'est rien. Je comprends. Je n'aurais pas dû venir.

Il regarde par dessus mon épaule et me questionne en ancrant à nouveau ses yeux dans les miens. Quelque chose en lui me déstabilise mais j'ignore ce que c'est.

- Vous êtes sa mère ?

- Oui... Enfin, c'est compliqué. Je suis la petite-amie de son père, en réalité.

- Mais elle vous considère comme sa mère, comprend-il.

J'acquiesce lentement. Son intérêt particulier pour Elya me dérange sans trop savoir pourquoi et cette conversation à travers une grille ne me m'aide pas à me décontracter.

- Et donc, vous êtes un ami de Max ? lancé-je en forçant un sourire.

Le silence s'en suit mais sa réponse me fait perdre mon sourire.

- Je suis son père.

Merde... Dans quoi je viens de me fourrer ? Le père de Nathan est là, devant moi et il semble avoir un intérêt particulier pour sa petite-fille. Je ne sais pas si c'est bon ou mauvais mais lorsque je vois qu'il commence à s'éloigner, je réagis au quart de tour.

- Attendez ! Vous... Vous ne voulez pas la voir ?

- Je l'ai vue, marmonne-t-il.

- Lui parler ? Vous présenter à elle ? Faire connaissance ? énoncé-je rapidement.

- Je ne pense pas que mon fi... Que Nathan accepterait.

- Au contraire. C'est pour cette raison qu'il est venu vous voir hier.

Je ressens son hésitation. Son regard alterne entre Elya, et le chemin qu'il souhaite prendre pour rentrer chez lui et il ne semble pas parvenir à se décider. Je tente alors de l'aider.

- Ne le faites pas pour Nathan. Ou pour vous, faites le pour elle. Je sais que ce qu'il s'est passé a été difficile pour vous, mais pensez à cette petite fille. Elle n'a rien voulu de tout ça. Votre fils vous a donné une chance de vous rattraper, ne la gâchez pas. S'il vous plaît.

Il hésite encore de longues secondes avant qu'Elya ne revienne à la charge.

- J'ai faim, Maman...

- Oui mon cœur, réponds-je tristement. On rentre.

Tant pis, j'aurai essayé. Je ne peux pas donner plus parce que je ne trouve aucune excuses valables à cet homme. Comme Nathan, j'ai tenté de le convaincre, seulement pour faire plaisir à Elya. Ça n'a pas fonctionné.

Je prends la main de ma petite princesse et tourne le dos à cet homme qui restera un inconnu pour moi, comme pour...

- Elya ! intervient le père de mon petit-ami.

Nous nous retournons toutes les deux et je constate qu'il a fait le tour pour être à présent de l'autre côté de la grille, à une dizaine de mètres de nous.

- C'est qui ? quémande curieusement Elya.

En face de moi, l'homme m'offre un léger sourire et je comprends alors qu'il est prêt à faire son entrée. Tardivement, certes, mais il le fait. Peut-être mes quelques phrases ont-elles servis à quelque chose finalement.

Je m'accroupis près de mon petit ange et embrasse sa joue.

- C'est ton grand-père, ma chérie.

Ses yeux s'agrandissent et j'y vois de la joie ainsi que de la surprise de rencontrer le nouveau membre de sa famille, qu'elle nous réclame depuis des mois.

Je sens la présence de l'homme à mes côtés et me sens rassurée désormais. Il me faisait peur quelques minutes auparavant, mais plus maintenant. Il a saisi la main que je lui ai rendu, alors j'en suis ravie.

- Salut ma grande, dit-il gêné, en se mettant à notre hauteur.

- T'es mon Papi ? demande-t-elle curieuse.

Les traits de son visage s'illuminent de joie : elle est heureuse. Et, en grande émotive que je suis, les larmes me montent déjà aux yeux.

- Oui.

- Trop cool ! s'écrit Elya en sautant sur place, le poing en l'air en signe de victoire. Tu reviens alors ?

- Je reviens ? répète-t-il hésitant en me jetant un coup d'oeil.

- Bah oui ! Papa a dit que tu venais jamais parce que t'habitais très très loin. Donc t'es revenu maintenant ?

- Je crois, oui, répond-il hésitant.

Elya se tourne vers moi.

- T'as vu ça, Maman ? Papi est venu nous voir. C'est trop génial ! Tu viens ? demande-t-elle à son grand-père en lui prenant la main. Papa aussi est chez tonton, il va être content de te voir !

Ça, je l'ignore si Nathan sera content... Il paraissait incertain hier, malgré son envie de renouer les liens entre eux.

Je n'ai pas le temps de réfléchir que déjà elle tire le bras de l'homme désemparé qu'est son grand-père. Ce dernier me jette un regard empli de détresse qui me fait éclater de rire. Il a voulu s'en aller, il n'a plus qu'à assumer les retrouvailles.

Nathan

- Papa ! Papa !

La voix stridente de ma fille me fait sursauter et me force à interrompre ma conversation avec mon frère.

- Ash ! Pousse-toi ! grogne-t-elle contre le gros chien qui doit certainement être en train de lui faire la fête, comme à son habitude.

Lorsque je la vois entrer dans la cuisine où nous sommes attablés, je perds immédiatement mon sourire.

- T'as vu Papa ? Papi est revenu de sa maison très loin. C'est cool, non ?

Quand je croise le regard de mon père, mon corps entier se tend et je me redresse pour mettre debout.

- Je suis désolé, je... Elle m'a emmenée et...

- Ne la déçois pas, le préviens-je en serrant les dents.

- T'es pas content ? me questionne ma fille, perdue.

Je m'abaisse à sa hauteur et lui souris.

- Si, mon ange. Je te le dis toujours ; tant que tu es heureuse, je suis heureux aussi.

- On pourra le voir souvent maintenant ?

- On le verra quelques fois si c'est ce que tu veux. Et si lui, est d'accord.

- Trop génial ! Merci Papa ! s'écrit-elle en lâchant la main de mon père pour venir dans mes bras.

Mes yeux se lèvent sur mon paternel qui ne sait visiblement plus où se mettre. Il s'approche d'ailleurs de mon frère pour lui serrer la main par politesse tout comme il salue Emma, qui fait son entrée dans la pièce à son tour.

Dans l'entrée de la cuisine, je vois Gaëlle, les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres. Elle y est certainement pour quelque chose dans cette rencontre et je sais qu'elle me racontera tout lorsque nous serons tous les deux. J'ai hâte de connaître les raisons de son arrivée ici.

Lorsqu'Elya se dégage de mes bras, je lui demande d'aller se laver les mains et les filles l'accompagnent immédiatement, comprenant que je tiens à parler à mon père.

- Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? lancé-je sans détour.

- Julie. Et toi. Et aussi ta petite-amie, c'est vrai.

- Merci.

Je prends une longue inspiration et soupire.

- Ton passage hier chez moi, a énervé Julie. Elle non plus n'était pas au courant du pourquoi et nous ne parlions jamais de toi. Les rares fois où c'est arrivé, nous nous sommes disputés. Mais depuis maintenant trois mois, Julie vit avec moi. C'est très sérieux entre nous et je prends très à cœur ses remarques et... Elle m'a annoncé une nouvelle surprenante et ça m'a permis de me remettre en question. Tardivement, je le sais, mais tu as raison. Je sais qu'il faudra du temps pour que tu me pardonnes. Peut-être même que tu ne me pardonneras jamais, comme ton frère ou encore comme ta mère, mais tu as parfaitement raison. Cette petite n'y est pour rien.

Au fond de moi, je suis soulagé et ça fait un bien fou de l'entendre me dire tout ce que j'ai toujours voulu entendre depuis la naissance de ma fille, mais je ne montre rien et j'acquiesce.

- Je te remercie de t'en être rendu compte, admets-je. Et tu as raison sur un point : je ne sais pas si je te pardonnerai un jour.

Il hoche la tête une seule fois puis me demande la permission de rester quelques minutes pour faire la connaissance de ma fille. J'ignore si c'est à contre-cœur ou non, mais j'accepte. Je voulais qu'il la rencontre, il l'a fait. Maintenant qu'il est là, je ne vais pas refuser ce qu'il me demande.

- J'ai quelque chose à vous dire, dit-il en baissant les yeux. Deux choses en réalité.

Max et moi nous regardons, dubitatifs. Il n'a pas déjà tout dit ?

- Tout d'abord, je suis désolé. Je l'ai déjà dit, mais je suis désolé.

- Et la deuxième ? demandé-je un peu brusquement, lassé d'entendre des excuses que je refuse de lui accorder pour le moment.

Il nous regarde tour à tour, puis se lance après une profonde expiration.

- Vous allez être grands-frères.

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