Chapitre 35.

Gaëlle

- Réveille-toi Gaëlle, ordonne une petite voix près de mon oreille.

Je rabat la couverture sur ma tête et grogne quelque chose de totalement incompréhensible, ce qui ne rebute pas la fillette qui me secoue d'avantage, mais tout en étant délicate.

- Aller Gaëlle ! Il est onze heure ! Réveille-toi.

- Après... Laisse moi dormir.

- Non, maintenant. S'il te plait.

Je ne réponds pas et garde les yeux fermés. Je sens la couverture se soulever légèrement puis se rabaisser. Je sais qu'Elya a passé sa tête sous la couette et je sais que son visage est à seulement quelques centimètres du mien. Je le sens.

- J'ai une surprise pour toi, murmure-t-elle.

J'ouvre à moitié les yeux et croise le regard de la fillette qui me sourit de toutes ses dents. Je ne peux même pas me mettre en colère face à ce petit ange.

- J'ai une surprise pour toi, répète-t-elle, les yeux pétillant de joie.

- Donc je suis obligée de me réveiller ?

- Oui ! S'il te plait.

Elle est trop adorable pour que je refuse, alors je retire la couverture de ma tête et croise le regard de mon petit-ami, debout près du lit, qui tient un plateau entre les mains.

- C'est un petit-déjeuner au lit ! s'écrit fièrement Elya, me brisant les tympans. J'ai presque tout fait toute seule !

- C'est adorable, merci beaucoup.

J'embrasse sa joue et la serre brièvement contre moi, avant de m'étirer de tout mon long et de me redresser pour m'asseoir. Nathan pose le plateau sur le matelas et s'installe avec nous, après avoir déposé un baiser sur mes lèvres.

Je découvre alors trois tartines de confitures deux tasses à café, un yaourt à boire et une marguerite.

- J'ai préparé les tartines toute seule ! J'ai coupé le pain en faisant attention à pas me couper les doigts et j'ai étalé la confiture et après papa m'a montré comment faire des cafés alors je l'ai fait aussi. Et comme moi je bois pas de café, j'ai pris un yaourt à boire, t'en voulais un ? Papa ! J'ai oublié le yaourt à boire pour Gaëlle ! s'écrit Elya en commençant à descendre du lit mais je la retiens juste à temps pour lui dire que ce n'est pas la peine alors elle reprend tout aussi rapidement qu'au début : D'accord. Mais si t'en veux un, je vais le chercher, ok ? Et puis, avec Papa, on est allé voir la dame qui vend des fleurs et je lui ai dit que je voulais une fleur qui voulait dire « je t'aime et t'es la plus belle des mamans » alors elle m'a donné une marguerite que j'ai payé avec mon argent que tonton m'avait donné la dernière fois. Je voulais acheter le gros bouquet de fleurs trop beau mais j'avais pas assez de pièces. Mais j'ai un cadeau pour toi en plus.

Ma mâchoire s'est décrochée sous le choc et je me retrouve avec un paquet cadeau entre les mains avant même d'avoir enregistré le moindre mot de la seconde partie de son monologue. Je viens de me réveiller, je suis encore à moitié dans le coma alors je ne comprend rien à ce qu'il se passe ce matin. Tout ce que je saisis, c'est qu'Elya est excitée comme une puce.

- Ouvre ! m'ordonne Elya impatiente.

Comme un automate, je déchire le papier rouge et me retrouve face à mon propre reflet. Je ne vois que mes yeux ahuris qui dérivent et regardent le cadre entourant le miroir. Quand mon cerveau enregistre et parvient à assembler les lettres qui forment des mots, les larmes affluent dans mes yeux et coulent sur mes joues. Il n'y a que quatre mots ; un mot par côté du rectangle que forme le miroir, mais c'est suffisant pour m'achever.

A gauche, « BONNE ».

En haut, « FÊTE ».

A droite, « MAMAN ».

En bas, « GAËLLE ».

Des centaines de petits coeurs de toutes les couleurs décorent le cadre bleu et viennent parfaire le tout. J'en reste bouche bée.

- C'est la fête des mères, murmuré-je comme pour me le rappeler à moi-même.

- Oui, prononce la petite voix d'Elya. Mais tu sais, c'est pas grave si tu veux pas être ma maman. On a fait le cadeau à l'école et comme t'es gentille et que je t'aime beaucoup, je voulais te le donner. Mais si t'aime pas c'est pas grave.

Les tremblements dans sa voix me ramènent à la réalité et je relève la tête immédiatement. Les yeux de la fillette se remplissent de larmes alors je me reprends pour la rassurer.

- J'adore ! C'est magnifique, Elya, souris-je en essuyant mes joues. Je te promets. Ce cadeau, le petit déjeuner, la surprise... C'est parfait. Je ne pensais pas que... Que j'aurais un cadeau et que...

Je me remets à pleurer.

- T'es triste ?

- Non. Pas du tout. Au contraire, je très heureuse. Je pensais pas que ça me rendrait aussi heureuse.

- Alors t'es contente ?

- Très, très contente. Merci beaucoup, ma puce.

J'ouvre mes bras et elle s'y réfugie rapidement en riant, rassurée.

- Je t'aime fort fort, Gaëlle.

- Je t'aime, ma chérie. Et tu veux que je te dise quelque chose ?

- Quoi ? demande-t-elle en relevant des yeux curieux vers moi.

- Si Papa est d'accord, j'aimerais beaucoup devenir ta maman, lui souris-je.

Ses yeux s'agrandissent de joie et je n'ai jamais vu un tel sourire sur ses lèvres.

- C'est vrai ?

- Oui, c'est vrai !

Elle se tourne vers son père et sautille sur le lit.

- T'as entendu Papa ? Elle veut être  ma maman ! T'es d'accord Papa ? Tu dis oui, hein ? Hein Papa, tu dis oui ?

Je regarde à mon tour l'homme que j'aime qui me sourit amoureusement. J'ai l'impression qu'avec un simple regard, il m'exprime tous les remerciements et la gratitude qu'il éprouve pour moi.

- Bien sûr que je suis d'accord.

- Oui ! s'écrit-elle longuement en me faisant pleurer à nouveau.

Nathan s'approche alors de nous et nous prend toutes les deux dans ses bras.

Et je me sens bien. Tellement bien et tellement heureuse que je pourrais passer la journée ainsi, sauf que mon ventre en a décidé autrement puisqu'il se met à grogner violemment. Tout deux s'écartent de moi et me fixent en écarquillant les yeux.

- Quoi ? Vous m'apportez à manger et je n'ai pas le droit de gouter. C'est une torture pour mon estomac ! m'indigné-je, les faisant éclater de rire.

Quand je les vois attraper chacun une tartine, je comprends que c'est un petit-déjeuner pour trois. Trois tartines pour trois personnes ? Dont moi ? Je vais mourir de faim avant même d'avoir terminer !

- T'inquiète pas, annonce Elya la bouche pleine. On a fait un deuxième petit-déjeuner dans la cuisine avec Papa. Avec des céréales, des autres tartines de confiture, de beurre et de Nutella. Papa dit que tu vas tout manger mais ça fait beaucoup beaucoup quand même !

- Tu sais, je suis capable de tout, lui souris-je, en lâchant un soupir de soulagement.

- Papa dit que ton ventre a des pattes, répond la petite, légèrement septique.

L'intéressé éclate de rire et lorsque je me tourne vers lui pour avoir plus d'explication, il secoue la tête en disant qu'il n'a jamais dit ça.

- Si ! Tu as dit : « Il faut faire encore des tartines parce que Gaëlle à un ventre avec des pattes », déclare Elya en défiant son père.

- Il a certainement dit que j'étais un ventre sur pattes, corrigé-je en jetant un regard blasé à mon petit-ami.

- Quoi ? C'est vrai, non ? se défend-il minablement.

- C'est quoi un ventre sur pattes ?

- Ça veut dire que je mange beaucoup.

- Ah ça, oui ! s'écrit Elya avec entrain.

Puis elle insiste pour voir mon ventre afin d'être sûre que des pattes n'ont pas poussé près de mon nombril, avant que son père ne lui demande de nous attendre dans la cuisine.

Elle sort de la chambre en trottinant joyeusement et je me retrouve seule avec mon petit-ami.

- Le ventre sur pattes te remercie, dis-je d'emblée.

- Fais pas comme si tu étais en colère, ça ne marche pas, rit-il avant d'embrasser mes lèvres.

- Rien ne pourrait me mettre en colère le jour de la fête des mères, voyons, m'esclaffé-je avant de me reprendre : ça fait bizarre de dire ça.

- J'avais peur que tu le prennes mal, grimace-t-il.

Avec la discussion que nous avons eu le mois dernier, c'est normal qu'il doute et qu'il craigne ma réaction. Oui, j'ai toujours peur de devenir la maman de sa fille. Ça pourrait paraitre difficile de s'intégrer dans une famille où un des membres est manquant depuis le début, mais pas dans cette famille-ci. Celle-ci est adorable, aimante, et je suis suis totalement tombée sous le charme. D'abord du papa, puis de la fillette.

Ma décision était donc inévitable.

Je ne me vois pas quitter Nathan, ni dans les jours à venir, ni même les prochaines années. Je veux voir Elya grandir, je veux qu'elle m'appelle maman un jour, je veux avoir des enfants avec Nathan dans quelques années, je veux savoir ce que ça fait de porter un petit bébé dans mes bras, je veux ressentir ce qu'a ressenti Nathan à la naissance d'Elya.

Mais tout cela, il n'y a qu'ici, entourée d'Elya et de son père que je peux y parvenir. Sans eux, ce serait impossible.

- J'ai été surprise, voire choquée. Je ne m'y attendais vraiment pas. Tu m'as dit que c'était à ta mère qu'elle avait offert son cadeau, l'an dernier, alors je pensais qu'elle allait faire pareil. Je n'imaginais pas que ça me toucherait à ce point. Mais c'est adorable, terminé-je en lui faisant remarquer que j'ai de nouveau les larmes aux yeux.

Nathan me sourit et entrecroise mes doigts aux siens.

- Tu sais, elle mettra peut-être un peu de temps à t'appeler « Maman », m'informe-t-il en caressant la paume de ma main de son pouce.

- Je me doute. Je ne lui en veux pas, ne t'inquiète pas. Et puis, je crois que je ne m'y habituerai pas tout de suite, ris-je nerveusement. Déjà que je viens de prendre un coup de vieux, laisse-moi un peu de temps, d'accord ?

- J'aimerais te dire de prendre tout le temps que tu veux, mais je ne peux pas. C'est le petit démon qui décide.

En parlant du petit démon, nous l'entendons gravir les marches de l'escalier. Quelques secondes plus tard, elle se poste devant la chambre, dans l'encadrement de la porte, les mains sur les yeux.

- Vous faites des câlins tout nu ou pas ?

- Quoi ? m'exclamé-je sous le choc, en me tournant vers Nathan qui éclate de rire.

- Non, mon bébé. Tu peux ouvrir les yeux.

J'ai toujours les yeux rivés sur mon copain, choquée. Il n'a pas entendu ce qu'a sous-entendu Elya ? Oh mon Dieu. Je vais mourir de honte.

- Bon alors vous venez ? Moi aussi j'ai un ventre avec des pattes !

- Oui, on vient ! répond-il en se levant du lit.

Je l'imite mais le retiens par la main lorsqu'Elya court pour nous devancer.

- Des câlins tout nu ? Elle a bien dit ça ? Je n'ai pas rêvé ?

- Non, t'as pas rêvé, sourit-il amusé. J'ai oublié de t'en parler.

- En effet. Alors je t'écoute.

Il m'explique alors que sa fille lui a demandé comment on faisait les bébés la semaine dernière et il éclate de rire.

- Fais le malin ! Je suis certaine que tu n'en menais pas large ! plaisanté-je.

- Tu m'étonnes, ricane-t-il.

- Bon les amoureux ! nous interrompt Elya. Mon ventre est en train de tout manger avec ses grosses pattes.

- Ah non ! m'écrié-je en dévalant les escaliers avant de crier à la fillette : J'ai faim alors tu m'en laisses !

J'arrive dans la cuisine et m'installe à ma place.

- On attend Papa ? demande-t-elle en souriant.

- Ah ça non. J'ai trop faim.

Elya éclate de rire et attrape une tartine qu'elle enfourne dans sa bouche.

Je me verse un bol de lait afin d'y tremper mes tartines de pain, faites par Elya avec amour. Nathan arrive avec un peu de retard et lorsque je croise son regard, j'y vois une immense fièreté.

Quant à moi, je serai fière ce soir, en rentrant chez moi, de montrer mon tout premier cadeau de fête des mères à ma mère. Je serai fière de lui montrer que même si je n'ai que dix-huit ans, je suis prête. Avec l'aide de Nathan, je réussirai.

Certains diront que je suis trop jeune, que c'est trop rapide, trop précipité, mais je n'en ai que faire.

Je suis prête maintenant.

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