Chapitre 30.

Gaëlle

Lorsque j'ouvre la porte d'entrée, une petite tête brune passe en coup de vent sous mon bras. J'entends ses pieds marteler rapidement le sol et une porte claquer. J'écarquille les yeux, surprise.

- Désolé, elle a envie d'aller aux toilettes depuis une demie heure, s'excuse Nathan en haussant les épaules.

Je ricane doucement et le laisse entrer chez moi. Il embrasse mes lèvres puis me suit jusqu'au salon où ma sœur regarde la télévision. Zoé se lève pour lui faire la bise et jette un œil autour de lui.

- Elya n'est pas là ?

- J'avais trop envie de faire pipi ! s'exclame l'intéressée, nous faisant éclater de rire tous les trois.

Elle vient près de moi pour déposer un baiser sonore sur ma joue et fait de même avec ma sœur.

- Elle est pas là ta maman ?

Je lui annonce qu'elle est dans la cuisine, en train de préparer le dîner alors Elya court la rejoindre.

Elle connait la maison par cœur à force d'y passer certaines de ses journées et je crois qu'elle aime être ici, tout comme elle aime ma famille. Je pense même qu'elle a un petit faible pour ma sœur. Elle la suit comme son ombre ; peut-être voit-elle en Zoé une grande sœur, je ne sais pas.

Lorsqu'Elya ressort de la cuisine, c'est avec un morceau de pain qu'elle vient nous narguer.

- Tu sais que c'est bientôt l'heure de manger ? la réprimande gentiment Nathan.

- Je mangerai toute mon assiette, promis ! s'exclame-t-elle fièrement.

Ma sœur murmure quelque chose à son oreille et la petite éclate de rire.

- Tu t'es bien amusée chez ton oncle ? lui demandé-je sincèrement intéressée.

- Oui ! C'était trop bien ! Mais il s'est disputé avec Emma une fois alors il était un peu triste mais après elle est revenue et ils sont plus fâchés maintenant. Ils se sont même fait plein de bisous baveux, grimace-t-elle. C'était dégoûtant alors je suis partie dans ma chambre.

Elle tire la langue et retrousse son nez de façon adorable pour nous signifier à quel point cet acte l'avait répugnée. Nous éclatons tous de rire au moment où ma mère nous annonce que le dîner est prêt. Elya est la première installée à table, ses couverts déjà entre ses mains : elle est visiblement très affamée. Nous la rejoignons et ma mère commence le service. Nathan s'empare immédiatement de l'assiette de sa fille dans le but de lui couper son morceau de viande mais la fillette s'insurge.

- Je veux essayer, Papa ! Tonton me laisse faire chez lui parce que je suis grande maintenant.

- Ok, très bien ! s'exclame ce dernier en lui rendant son assiette. Mais fait attention avec ton couteau.

Elya entreprend donc de faire de la bouillie avec son filet de dinde mais parvient difficilement à ses fins et commence à manger longtemps après nous.

Elle nous parle ensuite de ces quelques jours passés chez son oncle, nous racontant de long en large toutes ses aventures.

Comme à chaque vacances, Elya reste une semaine chez Max et en revient toujours aussi joyeuse, avec toujours autant de choses à nous expliquer. La plupart du temps, ce sont des choses inutiles et totalement futiles mais cela nous fait beaucoup rire. Elle parvient à transformer de simples détails en éléments primordiales de l'histoire ; elle est trop forte !

- On peut dormir ici ? demande Elya sans la moindre gêne à la fin du repas.

- Je ne t'ai pas déjà dit que c'était malpoli de poser cette question ? lui rappelle Nathan en se levant pour aider à débarrasser la table.

- Pardon... marmonne la fillette en gonflant les joues, déçue.

Un ricanement venant de ma mère nous interpelle.

- Vous pouvez rester si vous voulez, ça ne me dérange pas du tout.

- Cool ! s'écrit Elya, son visage montrant désormais un énorme sourire empli de malice. Je peux dormir avec Zoé ?

La spontanéité de ce petit ange démoniaque me plait énormément et m'amuse beaucoup.

- Oui, si tu veux, répond ma sœur en lui prenant la main pour l'entrainer jusqu'à sa chambre.

Mon petit-ami se retrouve donc planté en plein milieu de la pièce, près de la grande table, une pile d'assiettes sales entre ses mains.

- C'est à quel moment qu'elle me demande l'autorisation ?

Ma mère lui prend la vaisselle des mains et je m'approche de lui.

- Je crois qu'elle aime être ici et qu'elle adore ma sœur, lui souris-je avant d'embrasser sa joue.

- Je ne l'ai pas vue pendant une semaine et elle préfère être avec Zoé. Je n'ai absolument rien contre ta sœur mais...

- Mais tu es jaloux, terminé-je pour lui.

- Non ! ricane-t-il en posant ses mains sur mes hanches et s'appuyant contre la table, m'attirant à lui. Elle m'a manqué, voilà tout.

- Je sais. Mais tu es d'accord, hein ?

Il soupire et embrasse chastement mes lèvres.

- Je n'ai pas trop le choix.

- Donc c'est décidé ? intervient ma mère. Vous restez ?

- Elya a décidé pour moi, rit Nathan. Si ça ne vous dérange pas, je n'y vois pas d'inconvénients.

- Tu sais très bien qu'il n'y a aucun problème. Mais je travaille demain, donc vous vous débrouillerez.

- Pas de problème, affirmé-je.

Ma mère me demande ensuite d'apporter ses affaires à Elya et de veiller à ce qu'elle ne manque de rien à l'étage. Je m'exécute alors, laissant mon petit-ami avec ma génitrice.

Nathan

- Est-ce que tu peux me donner un coup de main, s'il te plaît ? me demande Sylvie lorsque sa fille disparait à l'étage.

- Oui, bien sûr ! affirmé-je en la suivant dans la cuisine.

Elle me tend un torchon afin que je puisse essuyer la vaisselle qu'elle lave. Je comprends alors que mon aide n'est qu'un prétexte pour me parler.

- Gaëlle m'a vaguement parlé de la mère d'Elya, commence-t-elle hésitante.

- Ce n'est plus un secret désormais, la rassuré-je. Elle a abandonné ma fille, je m'en suis occupé pour nous deux et je ne regrette absolument rien.

- Tu ne l'as jamais revue ?

- Je n'ai jamais eu aucune nouvelle d'elle, et c'est mieux comme ça, admets-je honnêtement.

Sylvie acquiesce lentement puis me surprend avec son affirmation suivante.

- Elya est de plus en plus proche de Gaëlle.

- Oui. Elle l'adore et c'est réciproque, souris-je en rangeant un verre après l'avoir essuyé.

- Je sais.

Un silence s'installe durant une poignée de secondes avant qu'elle ne se décide à me poser une question :

- Est-ce qu'elle considère ma fille comme sa mère ?

Je suspens mon geste pour aller m'emparer d'une assiette et soupire en m'adossant au plan de travail. Je réfléchis quelques secondes à cette question avant de donner une réponse honnête :

- Je pense que oui, confirmé-je sans certitude. Elya ne m'en a jamais parlé mais je le vois. Elle l'écoute, lui obéit quand Gaëlle lui demande de faire quelque chose, demande souvent à la voir et je sais qu'elle l'admire beaucoup. Quand on a rompu, elle ne voulait qu'une chose, c'était de la revoir à la maison. Elle l'aime énormément.

Sylvie sourit et hoche à nouveau la tête. Je reprends alors ma tâche en attrapant une assiette et écoute sa réponse.

- C'est ce que je pensais. Et Gaëlle en pense quoi ?

- Je ne sais pas. On ne parle pas vraiment de ça.

- Vous devriez. C'est important.

- Je ne lui ai jamais demandé de devenir une mère pour ma fille.

- Et ce n'est pas ce que tu veux ?

Je souris automatiquement.

- Vous le savez déjà que j'aime énormément Gaëlle. Depuis que nous nous sommes remis ensemble et qu'on a mit les choses au clair, je n'ai plus envie de la laisser partir. Je suis peut-être jeune mais... Aujourd'hui, je ne vois pas ma vie sans elle. Et le fait qu'elle accepte ma fille me conforte davantage dans cette idée. Alors c'est vrai que j'aimerais avoir une vie de famille avec elles deux, mais je sais aussi que devenir belle-mère à dix-sept ans n'a rien de commun alors c'est pour cette raison que je n'en ai pas encore parlé avec elle.

- Tu crains qu'elle prenne peur ?

- Je crains plutôt qu'elle accepte pour me faire plaisir, réponds-je spontanément.

Sylvie secoue négativement la tête, visiblement amusée. Elle oubre la bouche pour répliquer mais Gaëlle l'interrompt en entrant dans la cuisine.

- Elya veut prendre un bain. Tu veux que je m'en occupe ?

- Met-la dans l'eau, j'arrive dans quelques minutes.

Elle repart comme elle est arrivée et sa mère ricane.

- Elle a vraiment l'air de se forcer à s'occuper d'elle seulement pour te faire plaisir ?

Je m'esclaffe doucement mais ne réponds pas. Elle a raison je le sais, mais j'ignore pourquoi, j'ai peur de cette conversation.

- Est-ce qu'elle l'a déjà appelée « Maman » ?

J'écarquille les yeux de surprise.

- Non. Pas à ma connaissance en tout cas. Pourquoi cette question ?

- Tout à l'heure, elle m'a demandé si j'étais sa grand-mère, déclare-t-elle.

- Quoi ?

- Elle m'a dit qu'étant donné que j'étais la mère de Gaëlle, j'étais aussi sa grand-mère. Elle est intelligente et essaie de rassembler toute cette histoire elle-même mais elle a beaucoup de mal.

- Je sais qu'elle veut une maman et qu'elle voit en Gaëlle la personne idéale, non seulement parce que je suis amoureux d'elle mais aussi parce que c'est une fille très attachante et adorable. Le problème est qu'elle ne comprend toujours pas pourquoi une inconnue accepte de s'occuper d'elle alors que sa mère l'a abandonnée.

Sylvie coupe l'eau et se tourne vers moi.

- Je comprends. C'est vrai que je n'ai aucun conseil à te donner sur l'éducation de ta fille. Tu as parfaitement su faire seul, mais j'aimerais que tu en parles avec Gaëlle. Ce serait bien qu'elle sache ce que tu en penses et inversement. C'est important.

- Je le ferai, lui assuré-je sans la moindre hésitation.

Elle me sourit et me remercie en me prenant le torchon des mains pour terminer à ma place. Je quitte donc la cuisine et monte à l'étage en suivant les éclats de rire de mes deux femmes. Elya est dans la baignoire remplie de mousse, une barbe blanche et des cheveux de mousse sur le sommet de sa tête. Gaëlle est en train d'essayer d'arranger cette œuvre d'art au moment où ma fille me voit.

- T'as vu Papa ? Je suis le Père-Noël, s'exclame-t-elle en riant.

Je souris devant ce magnifique spectacle et constate en effet, que je vois parfaitement en Gaëlle une mère pour mon ange. Une très jeune maman, mais une meilleure maman que n'importe qui. Sylvie a raison : nous devons parler.

Certes nous devons parler, mais je ne trouve pas l'occasion de le faire. Nous avons passé pratiquement toute la semaine de vacances à sortir. Une fois au zoo, une autre à l'aquarium géant et deux fois à la piscine où Gaëlle a seulement accepté de s'asseoir sur le rebord du bassin. Zoé nous a accompagné pratiquement toute la semaine et elle aussi s'entend à merveille avec ma fille. J'adore cette famille.

Aujourd'hui, Gaëlle est à la maison avec Elya et moi, comme pratiquement tous les weekends. Nous sommes en pleine partie de cartes lorsque la sonnette de la porte d'entrée retentit.

- Attendez-moi là et ne trichez pas ! La première qui regarde mon jeu aura affaire à moi, les préviens-je, les faisant rire toutes les deux.

Je me lève et, au moment où je leur tourne le dos, j'entends qu'il y a du mouvement derrière moi. C'est sans surprise que je constate qu'Elya est en train de s'emparer de mon tas de cartes.

- Hé !

Elle se réinstalle et fait comme si elle n'avait rien fait de mal.

- Oui Papa ?

- Espèce de petit démon ! m'exclamé-je en faisant demi-tour pour prendre mon jeu.

- C'est Gaëlle qui m'a dit de regarder ! accuse ma fille.

- C'était ton idée, contre ma petite-amie.

La sonnette me rappelle à l'ordre alors je les laisse se chamailler et vais ouvrir la porte. Mon sourire retombe immédiatement et mes cartes s'étalent sur les marches du peron lorsque je croise le regard brun de la femme en face de moi. Ses cheveux sont plus courts que dans mon souvenir mais leur couleur est bien trop familière pour que je l'oublie.

J'ai soudain très peur et appréhende énormément la conversation qui va suivre. Je ne suis pas prêt pour ça.

Putain mais qu'est-ce qu'elle fout là ?

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